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Temps de lecture estimé : 13 mn
31/08/13
Résumé:  Quatre jeunes étudiants pratiquent une séance de spiritisme.
Critères:  grosseins forêt cérébral entreseins nopéné nonéro fantastiqu sorcelleri
Auteur : Rain      Envoi mini-message

Série : Nouvelles de l'au-delà

Chapitre 01 / 05
Esprit, es-tu là ?

Esprit, es-tu là ?



Séance : 1ère partie




Mélanie, Pauline et moi n’en menons pas large. Contrairement aux filles, j’essaie tant bien que mal de masquer mon trouble. La peur se lit aisément sur leur visage et je constate que leurs doigts tremblent sur le verre retourné. Frank ne nous prête pas la moindre attention, il semble absorbé par la séance qu’il a amorcée. Depuis un peu plus d’une minute, il répète la même litanie.


Nos quatre index effleurent le verre, qui bien évidemment ne bouge pas malgré toute l’énergie que semble déployer Frank pour provoquer l’impensable.


Au bout de cinq minutes, je m’aperçois que Mélanie et Pauline paraissent plus détendues. D’ailleurs, je me sens moi-même mieux et ne peux m’empêcher de me trouver ridicule d’avoir craint quelque chose qui a autant de chance de se produire que de remporter deux fois d’affilée le jackpot à l’Euromillion. Le sérieux de Frank rend la situation cocasse et j’ai presque envie de rire lorsqu’il déclare d’une voix autoritaire :



« Je te somme… » Il n’en ferait pas trop ? Qu’est-ce qu’il ne ferait pas pour épater la galerie ? Je suis à deux doigts de lui dire que tout ceci n’est qu’une vaste fumisterie lorsque j’ai l’impression que le verre se déplace.


Un très léger mouvement. Quasi imperceptible. Probablement un tour que me joue mon imagination, à moins que ce ne soit Frank qui s’amuse.


À l’instant où je m’apprête à lui dire d’arrêter de faire le con, les filles poussent un hurlement à l’unisson.




o000o




Notre cabane



Comment en sommes-nous arrivés là ? Un peu par hasard. Mais c’est évidemment Frank qui a eu cette idée. Comme toujours, c’est lui qui a des idées tordues. C’est lui qui nous a proposé une séance de spiritisme dans notre cabane. Nous la connaissons par cœur, pour y avoir passé notre jeunesse, Frank et moi.


Nous nous fréquentons depuis la maternelle et nos parents sont rapidement devenus amis. Enfants, nous nous rendions dans ce bois afin de jouer aux cow-boys et aux Indiens ou aux apprentis Indiana Jones.


Nous avons découvert cette cabane par hasard, un jour où nous avions poussé un peu plus loin notre exploration du bois. De l’extérieur, elle ne payait pas de mine, construite avec des troncs d’arbres traversés par des planches disposées horizontalement ; elle était de guingois, avec un toit constitué de tôles récupérées. Pas de porte d’entrée à proprement parler, une simple ouverture dans un pan de la cabane. À l’intérieur, une unique pièce carrée d’environ trois mètres de côté au centre de laquelle trônait une vieille table, probablement récupérée dans un café à en juger par le plateau en marbre. Deux vieilles chaises de jardin qui avaient besoin d’un coup de pinceau encerclaient la table. Les toiles d’araignée et l’épaisse poussière qui recouvrait le rare mobilier révélaient que l’endroit n’avait pas été occupé depuis belle lurette. Au sol, un matelas moisi gisait dans un coin.


L’excitation s’était emparée de nous – nous devions avoir sept ou huit ans d’après mes souvenirs – et nous n’aurions pas été plus excités si nous avions eu accès à un tombeau égyptien et son trésor. Malheureusement, pas de trésor, si ce n’est un vieux briquet Brass en métal sur lequel figuraient les initiales PM que nous avions trouvé près du matelas. Nous avons évidemment gardé ce briquet et l’avons dissimulé dans une boîte, au fond d’un trou que nous avons creusé à l’intérieur de la cabane. C’était notre trésor et nous nous étions jurés de n’en parler à personne : croix de bois, croix de fer…


Rapidement, nous l’avons aménagée avec des affaires subtilisées chez nos parents et, année après année, cette cabane s’est transformée en véritable garçonnière où Frank et moi amenions nos conquêtes pendant notre adolescence. Puis c’est inévitablement devenu l’endroit où nous avons grillé nos premières cigarettes et picolé nos premières bières.


C’était notre secret que nous n’avons jamais partagé avec nos familles, même pas avec nos frères et sœurs. De toute façon, pour accéder à la cabane, il fallait marcher près d’une heure à travers bois, ce qui laissait peu de chances à nos parents de découvrir notre lieu secret. Nous avons tous les deux d’excellents souvenirs dans cette cabane puisque c’est là que nous avons embrassé et caressé nos premières poitrines quand les filles n’étaient pas trop farouches.


Lycéens, nous avons continué à y venir, principalement pour faire la fête avec des potes. Rien que le trajet, de nuit, à travers bois, vaut le détour. Rares sont ceux qui l’ont traversé sans ressentir une appréhension. Ceux qui affirmaient le contraire ne pouvaient être que de fieffés menteurs, car le moindre bruit émis par la nature nocturne faisait frémir la troupe. Mais avec des filles, cette balade de nuit était un bon moyen pour effectuer un rapprochement des corps, surtout si vous commenciez par leur raconter des histoires un peu flippantes.


Quand nous sommes entrés à la fac, nous nous rendions de moins en moins dans notre cabane. Frank, inscrit en médecine, n’était pratiquement jamais disponible le week-end avec tout le boulot qu’il devait abattre pour suivre convenablement ses études. Moi, en bon feignant qui se respecte, je m’étais inscrit en sociologie où j’ai eu l’impression que tous les branleurs de France et de Navarre s’étaient réunis. Par conséquent, j’ai suivi le troupeau. À part m’enivrer dans des fêtes étudiantes et essayer de draguer quelques filles, je ne foutais rien et regrettais que mon ami d’enfance ne soit pas disponible les week-ends.


Alors, vendredi dernier, quand Frank m’a téléphoné pour m’annoncer qu’il était libre samedi soir, j’ai presque sauté au plafond et lui ai proposé que chacun de nous amenions une copine. Frank m’a dit qu’il comptait venir accompagné et, au son de sa voix, j’ai compris qu’il ne s’agissait pas d’une vague copine, mais je n’ai rien dit, supposant qu’il voulait peut-être me faire la surprise en me présentant l’élue de son cœur.




o000o




Pauline



Pour réussir à dégotter une fille qui veuille bien m’accompagner à notre réunion de vieux frères, j’ai dû pas mal ramer. C’est vrai que j’aurais mieux fait de m’abstenir plutôt que de commencer par contacter les filles avec lesquelles j’avais flirté lors de soirées étudiantes. À chaque fois, bien que je n’en conserve aucun souvenir (satané alcool !), je leur avais laissé l’espoir d’un lendemain, l’espoir d’une histoire d’amour naissante, tandis que le fameux lendemain, j’avais grand peine à me souvenir de la veille ! Et je peux vous dire que lorsque vous venez d’oublier le prénom de la fille avec laquelle vous avez passé la nuit, elle tire généralement une de ces tronches qui vous fait comprendre qu’il vaut mieux décamper avant de vous enfoncer un peu plus.

Puis, Pauline et son opulente poitrine sont apparues dans mon esprit. Cette fille est assise à côté de moi en Histoire de l’art, une option que j’ai choisie par dépit et où je passe le plus clair de mon temps à somnoler, les cours ayant lieu de 18 h à 20 h, ou à mater la volumineuse poitrine de ma studieuse voisine qui ne perd pas une miette de ce que dit le prof et le consigne sur des copies doubles à une vitesse qui ferait pâlir de jalousie n’importe quel greffier.


J’admire ses connaissances, mais, pour être trivial, j’admire encore plus ses nibards, ses longues jambes ainsi que son joli cul moulé dans ses jeans. Elle porte des lunettes bleues assorties à la couleur de ses yeux, mais ne s’habille jamais de manière sexy et encore moins provocante. Elle est plutôt du style pantalon avec de gros pulls en hiver et d’amples tee-shirts quand le temps le permet. Je ne suis jamais parvenu à deviner la forme d’un téton en surimpression sur le tissu malgré mes multiples efforts. Je crois qu’elle est gênée de posséder de si gros lolos. Du coup, elle se sape en conséquence avec des espèces de maillots de basket qui ont dû appartenir à Shakile O’ Neil pour arriver à masquer ses deux obus que j’ai souvent imaginé caresser. Bon d’accord, il m’est aussi arrivé de voir ma queue coulisser entre ses seins qu’elle aurait préalablement oints d’une huile de massage. Je l’avoue, sa petite langue lapait aussi mon gland dans mes rêves les plus fous et, la plupart du temps, je finissais en éjaculant sur sa volumineuse poitrine ou sur ses lunettes de première de la classe, un fantasme qui m’obsède depuis qu’elle se trouve à mes côtés en Histoire de l’art.


Jusqu’à il y a peu, elle ne m’accordait pas la moindre attention. Puis, un jour, prenant mon courage à deux mains, je lui ai proposé d’aller prendre un verre. Et là, à ma grande surprise, elle a accepté. J’étais content, mais on a quand même dû se taper les deux heures d’Histoire de l’art ! Il était hors de question qu’elle sèche le cours !


À 20 h 15, nous étions attablés dans un rade à côté de la fac où bon nombre de nos congénères faisaient la fête en se prenant des bières, ou des Pastis au mètre pour les plus téméraires, dont j’aurais bien aimé faire partie, mais je ne voulais pas me griller dès le premier soir. Je crois bien qu’outre mon fantasme de lui tapisser les seins et les lunettes de foutre, j’aimais bien cette fille. Amoureux ? Peut-être, même si je ne voulais pas y penser, ne serait-ce que comme une simple éventualité.


Pauline s’est d’abord montrée d’une timidité agaçante, m’obligeant sans cesse à tendre l’oreille pour arriver à comprendre ce qu’elle disait dans ce tohu-bohu. Elle n’arrêtait pas de boire du thé et filait toutes les dix minutes aux toilettes. À ma quatrième bière, j’en avais assez de cette ambiance infernale qui nous empêchait de discuter. Je lui ai donc proposé d’aller dans mon appart où nous pourrions converser tranquillement. J’ai cru qu’elle allait refuser, mais elle a accepté et le sourire éclatant qui a ponctué son aval m’a pénétré le cœur.


En route dans mon minuscule appart, nous avons parlé de musique et de littérature et, contre toute attente, je me suis rendu compte que nous aimions le même genre de bouquins et écoutions le même style de musique. Qui eût cru que cette fille studieuse puisse écouter du heavy metal ? Elle avait vu en concert Iron Maiden, Metallica, Anthrax, Slayer et même Judas Priest ! De plus, elle pouvait me citer le nom de tous les membres de chaque groupe qu’elle connaissait. Elle aurait presque pu me donner le nom des roadies si je le lui avais demandé. Nous avons écouté du metal toute la nuit et elle a enrichi ma culture du hard rock avec de nombreuses anecdotes concernant les groupes. Pauline est instantanément devenue une perle rare, une fille géniale, intelligente, cultivée, si bien que j’ai oublié de tenter de la courtiser ce soir-là, sans même un regard pour ses énormes seins, et nous avons passé la nuit à parler.


Lorsque Pauline a décidé de rentrer chez elle, je lui ai proposé de la raccompagner, mais elle a décliné mon offre en me disant qu’Ozzie Osbourne la protégeait. Cela m’a fait rire et j’ai pensé à Frank et à la soirée que nous avions projetée pour ce week-end. Il fallait que je lui présente cette nana géniale. Il allait l’adorer ! Je lui ai donc demandé si elle voulait se joindre à notre fête. Sans hésiter, elle a accepté et est partie après avoir déposé un léger baiser sur ma joue.




o000o




Promenade nocturne dans le bois



Frank et une fille à la longue chevelure blonde, appuyés sur l’aile de la voiture des parents de mon ami, se lèvent lorsque je gare ma Clio. Frank et son amie s’avancent vers nous et il commence les présentations :



Puis elle me sert le classique « Frank m’a beaucoup parlé de toi. ».



Je suis ravi qu’elle n’ait pas jugé utile de préciser qu’elle n’était pas avec moi, ce que j’ai un instant craint.


Après ces brèves présentations, Frank explique aux filles que, pour rejoindre notre cabane, « notre lieu de débauche » pour le citer, il nous faudra marcher une grosse heure à travers bois. Un instant, il me semble déceler un voile d’inquiétude qui passe furtivement sur les visages de nos copines. Frank a certainement eu la même impression, car il ajoute :



Frank et moi n’avions pas oublié notre rituel. À chaque fois que nous avions amené des filles dans la cabane, nous nous étions tout le temps amusés à créer un climat propice pour les effrayer.


Je m’attends par conséquent à ce que les filles manifestent des réticences, mais cela ne se produit pas. Nous pénétrons donc dans le bois et nous éclairons avec le briquet. Si vous n’avez jamais marché la nuit dans une forêt, sachez que c’est une expérience troublante qui met le plus courageux des hommes devant ses peurs les plus primitives. Vous avez beau tenter de vous raisonner, je vous garantis que vous aurez des sensations qui, si elles peuvent être euphorisantes, peuvent aussi parfois s’avérer flippantes et même terrifiantes.


Les feuilles, les brindilles craquent sous nos pieds et, de temps à autre, la flamme du briquet dévoile des silhouettes d’arbres décharnés que mon imagination – et j’imagine celle des autres – associe à des créatures qu’on ne croise que dans d’atroces cauchemars. Plus personne ne parle. Seuls le petit clic que fait le Bic en l’actionnant et des bruissements viennent troubler la quiétude de la nature. Dans ces conditions, elle devient vite inquiétante et, à la manière dont la tête des filles s’agite à droite ou à gauche dès qu’un bruit brise le silence, je suis persuadé qu’une frousse terrible est en train de les envahir. Pour être tout à fait honnête, je me force à ne pas sursauter quand les mêmes sons parviennent à mes oreilles.


Nous progressons depuis maintenant un quart d’heure. Le rapprochement des corps dont je parlais s’est produit. Pauline ne me quitte pas d’une semelle. Elle avance à mes côtés et je sens parfois qu’elle se retient de ne pas s’accrocher à mon bras dès qu’un animal nocturne ne trouve rien d’autre de mieux à faire que pousser un vagissement tout droit sorti d’un film d’horreur. Même Frank m’a l’air bizarre, lui qui d’habitude est si volubile, il n’a pas tiré un mot depuis que nous marchons dans la forêt.


Ce n’est qu’en apercevant sa main qui s’est glissée à l’intérieur des jeans de Mélanie que je comprends mieux son silence radio depuis que nous sommes dans le bois : monsieur tripote le sommet des fesses de madame ! Je me tourne vers Pauline et murmure à son oreille :



Ce soir-là, ni Frank ni moi ne trouvons utile de raconter l’histoire (inventée de toutes pièces) de l’ermite fou qui habite dans les bois. Nos compagnes ne cessent de tressauter au moindre bruit et les deux ou trois fois où Frank s’enquiert d’une voix sérieuse si nous n’aurions pas vu quelque chose bouger dans les taillis, elles se collent à nous, et Pauline me prend même la main à plusieurs reprises.


Dès qu’elles aperçoivent la cabane, je les sens plus détendues. J’ouvre mon sac à dos pour prendre la bouteille de rhum et, en chœur, elles me traitent de salaud dès l’instant où elles aperçoivent la lampe-torche au fond du sac, ainsi que la lampe à gaz que nous utilisons pour avoir de la lumière dans la cabane.


Nous enchaînons les verres de rhum et nous marrons comme des gamins. J’apprends que Mélanie est dans la même promotion que Frank et qu’ils sont ensemble depuis deux mois. Je suis un peu déçu qu’il ne m’en ait pas parlé avant, mais je ne montre rien. Frank veut lui aussi nous tirer les vers du nez, mais je freine ses ardeurs en lui avouant que Pauline est juste une copine de fac.


Nous picolons comme seuls les étudiants en sont capables et, au moment où la conversation dévie sur la musique, je laisse Pauline montrer son érudition dans le domaine. Frank est bluffé et lors de rares apartés que nous avons à l’extérieur de la cabane, il ne cesse de complimenter Pauline sur ses goûts musicaux car, bien évidemment, il a les mêmes.


Comment la conversation a-t-elle dévié sur la sorcellerie et la magie noire ? Il me semble que c’est Frank qui, après avoir longuement discuté de Black Sabbath avec Pauline, nous a demandé si nous avions déjà vécu des expériences paranormales.


Mélanie nous a bien fait baliser en nous racontant qu’elle avait entendu la voix implorante de sa petite sœur le jour de l’anniversaire de sa mort, à l’heure exacte où Marie s’était noyée. Cette révélation a jeté un froid et Frank a cru bon d’essayer de trouver une explication psychologique à cela : le fameux traumatisme qui occasionne des hallucinations auditives et parfois visuelles.


Pauline nous a avoué avoir déjà pratiqué une séance de spiritisme qui n’avait pas été très concluante. Frank a sauté sur l’occasion et, en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire, nous avons disposé en cercle, sur des morceaux de papiers à rouler les cigarettes, toutes les lettres de l’alphabet et avons écrit oui et non sur deux autres afin que l’éventuel esprit puisse répondre à nos questions fermées.




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Séance : 2e partie



Le hurlement des filles me fait sursauter, mon cœur cogne fort dans ma poitrine. Mais pourquoi poussent-elles pareil cri ? Le verre n’a pas bougé d’un millimètre malgré l’injonction ridicule de Frank. La surprise dissipée, j’observe les filles et remarque que, d’une part, elles sont déjà debout, et, d’autre part, elles pleurent et hurlent de plus belle. Elles trépignent, s’agitent. Elles ont l’air d’avoir perdu la raison. Elles sont aussi atrocement effrayées. Mais de quoi ? Je décide de leur demander :



Pauline essaie de se contrôler et respire la bouche grande ouverte pour apaiser la frayeur qui s’est emparée d’elle. Mélanie continue à faire du sur place, les yeux exorbités qui semblent fureter dans tous les coins de la pièce.



Mélanie fond en larmes et se met à renifler bruyamment, son maquillage dégoulinant sur ses joues.


Frank s’approche de Mélanie et tente de l’enlacer, mais elle le repousse.



Avec Frank, nous nous interrogeons du regard.




À suivre