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04/09/13
Résumé:  Personne n'aurait pu songer en voyant ce tranquille mobil-home qui trônait parmi des centaines d'autres dans ce banal camping vallonné, que celui-ci était l'antre de toutes les ignominies les plus abjectes...
Critères:  humour
Auteur : Patrik  (Carpe Diem Diemque)            Envoi mini-message
Maudit mobil-home

Le maudit mobil-home de l’effroi qui foudroie et la cruelle Déesse…



Par notre envoyé spécial, une exclusivité Détective Closeur.



Personne n’aurait pu songer en voyant ce tranquille mobil-home qui trônait parmi des centaines d’autres dans ce banal camping vallonné, que celui-ci était l’antre de toutes les ignominies les plus abjectes. Bien des pères de famille ne voyaient qu’un simple parallélépipède rectangle blanc comme tant d’autres ; bien des mères de famille passaient devant sans penser à mal (ou à mâle) une seule fois, sans parler des innocents enfants qui vaquaient à leurs saines occupations comme jouer à la balle ou arracher les ailes des insectes volants. Non, personne ne se doutait des ignominieuses infamies qui se perpétraient à l’abri de ses quatre murs d’aluminium glacé.


Et pourtant…


Certains voisins avaient pu constater que les propriétaires de ce maudit mobil-home blanc avaient des horaires assez étranges. D’autres yeux plus avertis avaient aussi remarqué que, mis à part une blonde plutôt grande et un homme à barbe blanche, les autres personnes variaient souvent. Mais comme ces voisins étaient peu embêtants – sauf leur manie de rouler parfois un peu vite tout en soulevant des gros nuages de poussière blanche – personne n’y trouvait à redire puisqu’ils n’embêtaient aucunement le voisinage.


Un sujet de plaisanterie consistait à dire quand on voyait un peu de poussière blanche sur les voitures au matin « Ah tiens, les voisins sont passés cette nuit ! ».


Et c’était tout. Puis chacun rentrait dans son douillet petit chez-soi, étant bien loin d’imaginer les innombrables turpitudes qui avaient pu sévir nocturnement à quelques mètres du paisible lit conjugal.


Puis un jour, il y eut le grain de sable, ce qui n’était finalement pas si inaccoutumé que ça dans cette contrée proche de la mer opaline et de ses immenses plages nordiques qui s’étalent à perte de vue sur des kilomètres. Les grains de sable ont tous une vocation cachée : se mettre dans les engrenages. N’essayez pas de comprendre ; c’est comme le soleil qui se lève le matin, le téléphone qui sonne quand on est dans son bain : un grain de sable, ça adore les roues dentées.


Et c’est ainsi que tout le camping, mis à part les brochettes carbonisées, les robinets qui fuient, la voisine topless qui rend très jalouse la légitime du voisin de la voisine, bref, tout le camping bascula dans l’horreur la plus horrifique, et tout ça à cause d’un simple ballon.


Comme souvent, les enfants jouaient au ballon, sans trop casser de vitres, même si elles sont en plexiglas ; et bien entendu, comme tous les ballons, celui-ci échappa des mains des bambins pour rouler en dessous du maudit mobil-home, celui des toutes les turpitudes.

Les charmants enfants innocents se mirent en quête de leur jouet qui avait roulé trop loin ; ils firent donc le tour de ce grand mobil-home blanc qu’ils n’avaient encore jamais osé approcher, ces histoires de poussière blanche leur donnant le frisson.


Soudain, un cri apeuré déchira le silence tranquille des apéritifs de onze heures (comme le bouillon), cri solitaire suivi immédiatement d’autres, solidaires ; les bambins, traumatisés, reculèrent devant la vision d’horreur que leurs yeux innocents venaient de découvrir, traumatisant à jamais ces pauvres petites créatures angéliques.

En effet, en se baissant pour attraper le ballon parti se nicher sous le mobil-home, un des enfants aperçut le premier un collier à pointes pour gros chiens, avec dessus encore collé par le sang quelques cheveux ; et plus loin, pire, une chaussette torve gisant lâchement abandonnée, dans un état lamentable.


Mais pourquoi ce collier et cette chaussette seule sans sa jumelle ?


Les jambes tremblantes, l’esprit hagard, les pauvres enfants, interloqués et apeurés, partirent chercher leurs parents…


Bien que fort dépités de quitter leur verre bien mérité, avec maintes tergiversations et autres claques pour faire apprendre le respect des choses sacrées, les adultes s’approchèrent et s’enhardirent à jeter un œil par l’une des fenêtres dans l’entrebâillement de rideaux mal jointifs.


Les yeux exorbités par l’incompréhension et l’horreur, ils découvrirent, dans la pénombre :


• plaquée contre un mur, une croix de Saint André ;

• une sorte de tréteau ; un chevalet, comme ils l’apprirent par la suite ;

• divers accessoires étranges qui pendouillaient du plafond ;

• et surtout, collés au mur, des clichés des victimes dans diverses positions peu descriptibles, visiblement en adoration béate…


Devant de tels avilissements, ils prirent peur et détalèrent comme des lapins dans les bois avoisinants. Il était fort heureux que la saison de la chasse ne fût pas ouverte ce jour-là… quoique, vous diront certains spécialistes, il vaut mieux être mort que de vivre avec pareille découverte.


Un enfant, visiblement plus intelligent que tous ces parents démissionnaires, alla se refugier dans la jupe légère et accueillante de la propriétaire du camping, qui comprit assez vite, en allant ramener le gamin récalcitrant à ses parents, qu’il y avait comme un problème quelque part. Elle se décida d’appeler la police locale qui, dérangée dans son apéritif rituel, quotidien et sacré, se décida, bougonneuse, à quand même venir jeter un coup d’œil : ils ne furent pas déçus du déplacement quand ils ouvrirent de force le mobil-home incriminé. La plupart d’entre eux demandèrent une mutation à l’autre bout de la France, d’autres réclamèrent et obtinrent leur mise en retraite anticipée à moins de 35 ans.


Nous sommes désolés pour nos éminents lecteurs, mais la législation en vigueur nous interdit d’en raconter plus. L’affaire étant trop grosse pour les pandores locaux, comme une patate chaude, le dossier remonta vers les plus hautes sphères qui regrettèrent amèrement ce jour-là être des privilégiés n’ayant que des avantages et très peu d’inconvénients.


Allant de découvertes surprenantes en révélations sordides, les enquêteurs diligentés apprirent que la grande femme blonde se faisait, sans vergogne, appeler purement et simplement « Déesse » par ses innocentes victimes qui s’obstinaient à la défendre envers et contre tout, même des années plus tard, alléguant même, au passage, un subtil jeu de mots (ou de maux) concernant leurs étranges jeux.


Il était indubitable que cette femme perverse était une grande manipulatrice pour être ainsi défendue par ses proies. L’enquête révélera vite que la « Déesse » possédait d’innombrables diplômes et autres maîtrises, attestant bien l’alliance d’une haute intelligence dévoyée et d’une absence totale de scrupules, ses pauvres souffre-douleur ne pouvant lutter contre ses diverses manipulations retorses. Quel talent gaspillé ! Elle aurait pu devenir, sans problème, politicienne ou avocate pour exploiter au mieux ses dons manipulateurs. Hélas, elle avait choisi une voie encore plus tordue…


Eh oui, ça existe, même si c’est presque inconcevable…


Sous couvert d’anonymat, un homme mature aux cheveux blanchis par la terreur et l’angoisse témoignera avoir été approché par cette perverse qui exigeait qu’il tombât dans ses rets. Il avait gardé trace des divers SMS que les enquêteurs purent consulter. Traumatisé à vie, l’un des inspecteurs confiera :



Le témoin en question sera d’ailleurs hospitalisé en urgence, suite à un choc post-traumatique lié à la simple évocation de ces douloureux SMS. Aux dernières nouvelles, son état s’améliorerait : après des mois de soins intensifs et patients, il pouvait enfin bredouiller quelques rares mots comme « oui » ou « non », plutôt que de pousser des grands cris de chouette. C’est vous dire combien cette « Déesse » était dangereuse !


Si la grande femme blonde, dont nous ne pouvons révéler le nom par égard pour sa proche famille – famille qui fut prise en charge dans un programme ultraconfidentiel d’anonymisation – semblait être l’âme immorale de cet infâme complot, le rôle de l’homme barbu était plus diffus. D’après certaines sources, il semblerait qu’il soit le mari légal. C’est alors que nous pouvons nous poser raisonnablement la question :


• « Comment peut-on être le mari d’une telle femme ; non, d’une pareille créature ? »

• « Oui, comment ? »

• « Ou bien celui-ci était complètement aveugle… »

• « Oui, complètement aveugle ! »

• « Ou bien celui-ci était indubitablement complice… »

• « Oui, indubitablement complice ! »

• « Mais pas les deux ! »

• « Oui, assurément pas les deux ! Quoique… »


Indubitablement complice, car nous savons à présent que le mari accompagnait sa femme lors des premiers rendez-vous que cette aragne humaine lançait à ses futures proies ! C’est aussi lui qui conduisait la voiture, une vaste Espace pour mieux transporter les victimes vers une sombre destination : le maudit mobil-home.


D’où les traces de poussière blanche au petit matin…


Lors de son interrogatoire, qui obligea trois inspecteurs à la mise en retraite anticipée et deux autres à un long congé récupérateur de quelques années, au milieu de la description insoutenable et complaisante des soirées organisées dans le mobil-home de la honte, pour seule défense, tel un matou fier d’avoir croqué des souris innocentes, le mari complice alléguera :



Comme quoi que, parfois, on est marié pour le meilleur et surtout pour le pire…


Quant à l’interrogatoire de sa femme, il restera dans les annales de la police mondiale. Usant de son étrange pouvoir, la « Déesse » réussit à soumettre la plupart des inspecteurs venus la questionner. La moitié des pauvres victimes policières rampaient à ses pieds tels des petits caniches apeurés ou s’étaient réfugiés sous la table, blottis les uns contre les autres. On dénombra, hélas, trois défenestrations – heureusement sans gravité, la salle étant au rez-de-chaussée – et aussi quatre reconversions dans des métiers moins dangereux comme scaphandrier des hauts fonds, démineur, collecteur d’impôts en Corse profonde ou guide touristique au fin fond de la Colombie.


Devant cet étrange mais terrifiant pouvoir d’envoûtement, il fut décidé que le procès serait tenu à huis-clos en n’utilisant, pour communiquer, que des claviers, sans le son ni l’image. Hélas, malgré ces précautions, on recensa une fois de plus des magistrats envoûtés, dont un qui menaça de s’immoler illico par le feu si on ne libérait pas sa « Déesse ». Celui-ci fut promptement abattu par les troupes d’élite, sa folie étant irrémédiable car, au prix du litre de carburant, le geste était purement insensé ! Sans parler du risque d’incendie qui aurait détruit plein de contraventions à recouvrer…


Au terme d’une longue procédure très acrobatique – restée elle aussi dans les annales – il fut décidé qu’il était trop dangereux d’incarcérer les deux prévenus, même les autres pires criminels n’étant pas à l’abri ; et comme la peine de mort était abolie (les magistrats songèrent néanmoins sérieusement à la rétablir), on préféra les exiler au fin fond de la Polynésie sur un petit atoll bien éloigné de toute civilisation, îlot perdu cerné par des meutes de requins affamés et des récifs impitoyables. Tout danger semblait être écarté une bonne fois pour toutes ; la vie redevint petit à petit normale en métropole, malgré d’évidentes séquelles et autres traces indélébiles, mais la grandissime civilisation française et l’exceptionnelle exception hexagonale étaient sauves, malgré ce terrifiant coup de semonce qui ébranla les institutions dans leurs fondations.


C’est depuis un mois qu’un nouveau pays auto-proclamé vient de faire son entrée à l’ONU. On chuchote dans les couloirs que sa blonde présidente (élue avec cent pour cent des voix de ses presque dix mille compatriotes totalement dévoués à sa personne) aurait d’étranges facultés…




Un grand merci à Cerise pour l’inspiration et pour sa collaboration textuelle !