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n° 15804Fiche technique52212 caractères52212
Temps de lecture estimé : 30 mn
15/09/13
Résumé:  Ou comment je me laisse contaminer par l'ambiance poisseuse d'une fichue auberge de jeunesse.
Critères:  h fh grp vacances hotel pastiche
Auteur : Athanagor            Envoi mini-message
La gosse d'Irish qui ne manquait pas d'Éire

Premier avertissement : toute ressemblance avec un Poulpe serait vraiment pas de bol. Faut pas déconner.


Second avertissement : cette nouvelle peut contenir des calembours moisis, des contrepets foireux et d’autres conneries peu reluisantes.


Bonne lecture à ceux qui en liront davantage.


Atha.



xXx



J’y crois pas ! Ce con vient de me fermer la porte au nez !


Il nous a fallu près de deux plombes pour trouver cette foutue auberge de jeunesse, à tourner en rond dans Galway, chargés comme des ânes sur nos vélos de rando. Tout ça pour se faire jeter ?


Ah mais, elles commencent gentiment à me plaire, ces vacances en Irlande. Parce que ça fait onze jours que ça dure, quand même, les conneries.


J’en ai ma claque des petites routes qui te massent le derche façon Grosse Bertha. Marre de pédaler sous la pluie avec tout l’attirail. Ras le cul de planter la guitoune dans des prairies à peine fauchées qu’on te fait passer pour des campings.


Je veux bien faire l’homme de la pampa, mais y a des limites. Je demande juste un vrai lit pour une fois. Seulement voilà : il faut que je tombe sur l’aubergiste qui se la joue videur. Alors quoi, mes babouches lui reviennent pas ? Je ne suis pas assez sélect pour son établissement ? On a pourtant réservé !


On a bien réservé ? Qui devait le faire ? Je me tourne vers les potes, restés au coin de la rue avec les biclous :



Chéryl dégaine son regard de killeuse, un petit calibre qui peut être fatal aux gros durs. Du haut de ses vingt-et-un ans, la benjamine du groupe a déjà dézingué plus d’un casse-pieds grâce à lui. Et c’est peu de chose, comparé au moment où elle ouvre la bouche. Là, c’est du travail d’artiste quand elle assaisonne : elle fait mouche à tous les coups.


M’est avis que le primate qui m’a planté sur le palier va déguster. Je m’écarte de la porte pour laisser passer le pistolero, et me prends quand même une bastos lâchée à la volée.


Chéryl sonne. Une deuxième fois, en laissant le grelot vrombir en continu. La lourde finit par s’ouvrir sur la même tête de nœud. Contrairement à tout à l’heure, le type affiche un sourire dégoulinant en apercevant Chéryl. L’animal ne prête même pas attention au reste du groupe.


J’ai du mal à y croire, mais je m’écrase : notre sauveuse a l’air de dénouer la situation. Bizarrement, après un coup d’œil au registre, le malpoli nous trouve quatre places. Reste qu’elles ne sont pas dans la même chambre, comme convenu au téléphone ; mais à ce stade, Chéryl relâche la pression. Au moins, on ne sera pas à la rue cette nuit.


* Crubeens : recette traditionnelle irlandaise à base de pieds de porc bouillis.



xXx



Arrivés dans le hall, je sens les filles sur la réserve. Elles sont même à deux doigts de faire la tronche. Je soupçonne immédiatement la déco, antique et en toc, d’être à l’origine du malaise. Assortie d’un ménage approximatif, on se croirait dans une coloc Erasmus.


À la réflexion, le coupable serait plutôt à chercher du côté du taulier dont l’œil vicelard s’attarde lourdement sur les décolletés des demoiselles. Ça promet… Je ne sais pas si elles vont vouloir rester ici les deux nuits prévues, avec un oiseau pareil dans les parages. Mais pour l’instant, la priorité est de poser les sacoches à côté d’un vrai plumard et de prendre une douche bien chaude !


Comme Miguel, je dormirai isolé du groupe, dans le seul paddock encore libre d’une chambrée de huit. Quant à Chéryl et Kaszia, elles vont pouvoir roupiller dans la même pièce réservée aux femmes, idéalement placée au rez-de-chaussée, les veinardes. Le seul accroc, c’est qu’elle est juste à côté de la piaule de Léonard, le petit con qui m’a claqué la porte au nez. Ah oui, parce qu’en plus d’avoir une tête à baffes, il est français.

J’entends encore sa petite voix nasillarde demander aux filles si elles sont maquées. Et son rire malsain quand il apprend que ce n’est pas le cas. Pour le coup, elles ont regretté de lui avoir dit la vérité. Moi aussi, mais pour d’autres raisons.



xXx



Ma piaule est au premier. Je la partage avec sept autres poilus dont un spécimen est déjà allongé sur ses couvertures, un Lonely Planet à la main. Plus loin, un autre belu gratte le fond de ses valoches. Après avoir baragouiné quelques politesses d’usage, je demande au plus civilisé des deux de m’indiquer mon pageot. C’est celui à côté de la porte. Logique, c’est le pire. À tous les coups, je vais me faire réveiller par les derniers fêtards et les premiers lève-tôt.


Résigné, je prends possession de la couchette. Puis, muni d’un calbute et d’un savon, je file vers la salle de bain, au même étage. Comme les autres pièces, elle est vieillotte, repeinte vite fait pour cacher la misère. Les cabines de douches s’alignent le long du mur comme les stalles d’une étable. Un petit vasistas en éclaire la faïence blanchâtre.

Question hygiène, je préfère ne pas regarder de trop près : une vague odeur de moisi me signale que je risque d’avoir des surprises.



J’ai beau ne pas être regardant sur la propreté des lieux, je ne pouvais pas louper la capote usagée, derrière le rideau en plastique, cabine treize. Ça commence à être franchement glauque ici ! Où est-ce qu’on est tombé, bordel ?



xXx



Quand je retrouve Miguel à la cuisine, je lui raconte ma découverte. Ça le fait marrer, cet abruti :



Et les filles en rajoutent une couche après nous avoir rejoints :



Kaszia, plus pragmatique, nous explique :



Miguel me fait un clin d’œil triomphal.



xXx



Une méchante pression dans la vessie me réveille. Les pintes de Buried At Sea descendues au pub dans la soirée se rappellent à moi. Cette excellente stout, distribuée localement et uniquement en pression, est aussi crémeuse que sa cousine la Guinness, mais ses notes de café et de chocolat sont plus prononcées ; de quoi détrôner, pour mon palais, la reine du genre. Je me lève, à moitié dans le coaltar, avec l’intention de vérifier que mes reins sont encore capables de filtrer le liquide goudronneux. Une fois rassuré, je ressors des toilettes en mode zombie.


J’essaye de rejoindre ma piaule discrètement quand j’entends un rire étouffé. D’autres pékins sont debout au milieu de la nuit. À travers le garde-corps de la cage d’escalier, j’aperçois de la lumière en provenance du salon. Je m’approche doucement. Un nouveau gloussement se fait entendre, du genre jouasse et avec des nichons. Ça achève de me réveiller illico. S’agit-il d’un culbutage en règle ou bien d’une soirée pyjama entre copines ? Je reste sur place, aux aguets. En tout bien tout honneur, s’entend : histoire de lever le doute, quoi.


Bref, après quelques instants où ils se taisent en bas, des gémissements, à peine contenus, confirment ma première impression : j’ai droit à du sérieux. À court de salive subitement, je tends le cou pour essayer d’apercevoir la mélomane. Entre les barreaux de la balustrade, je ne distingue que l’extrémité du canapé du salon, secoué d’à-coups suspects. Et sur le sol, une paire de sandales blanches. C’est tout. Merde. Un peu frustré, je me contente d’écouter la sérénade de plus en plus excitante. Des petits cris étouffés succèdent aux gémissements. La cantatrice donne le ton, accelerando, crescendo. Jusqu’au final orgasmique. J’en ai la chair de poule.

Quand je retourne me pager, les genoux tremblants, je suis précédé par mon calbar, furieusement tendu en avant.



xXx



Malgré ma virée nocturne, j’ai très bien dormi. Je me sens requinqué pour la première fois du séjour. Et vaguement excité aussi. Ma libido, endormie par l’effort physique des derniers jours, se réveille avec moi aujourd’hui. Pour preuve, le garde-à-vous matinal est particulièrement motivé. Je ne suis pourtant pas du genre à m’enthousiasmer des manifestations érectiles et intempestives de glands, en col roulé comme en uniforme.


À la fin de la cérémonie, j’enfile un bermuda et descends à la cuisine. Je jette un coup d’œil au canapé en traversant le salon. Je paierais bien une pinte à celui qui me dira qui faisait joujou ici cette nuit. Je retrouve Chéryl, Kaszia et Miguel devant un bol de caoua. Je suis le dernier.


Très vite, on discute du programme de la journée. Les filles veulent profiter de la ville pour faire du shopping. Après les protestations d’usage, Miguel et moi cédons rapidement : ça nous permettra peut-être de choisir le pub ce soir. Le temps que je finisse mon petit déj, Kaszia nous lit les pages du routard sur Galway. Elle est interrompue par Léonard qui surgit dans son dos.



Il conclut par un clin d’œil adressé à Chéryl, qui attend sagement qu’il soit parti pour balancer :



Ce type m’intrigue : petit caïd ou renifleur de jupons ? Les deux, peut-être bien.



xXx



Cinq minutes, c’est le temps qu’on s’est donné pour se préparer et se retrouver dans le hall avant de sortir. J’ai traîné à finir la vaisselle ; maintenant il faut que je me grouille.

Miguel attend déjà à côté de l’accueil. Les meufs mettront sûrement plus de temps, mais si j’arrive encore en dernier, à tous les coups je vais me faire appeler Arthur.

Je grimpe l’escalier quatre à quatre et percute de plein fouet une donzelle qui sort des douches.



Les pieds nus, la naïade est fringuée d’une simple chemise de nuit en coton que ses longs cheveux roux ornent d’une auréole mouillée aux épaules. Sous ses allures de païenne celte, son petit air amusé et gourmand la rend follement désirable.

La fille ne semble pas farouche. Elle serait même un chouïa intimidante avec son sourire et son regard de chatte. Elle me scrute de haut en bas. Je bafouille.

Je dois avoir l’air complètement con car elle finit par éclater de rire et tourne les talons.

Si son départ, un poil moqueur, laisse planer un doute sur l’intérêt qu’elle m’a porté, sa manière de prendre le large, en roulant du cul, l’atomise.


Attention, je ne prétends pas maîtriser parfaitement le langage corporel féminin, surtout après quinze jours à me la mettre sur l’oreille. J’ai bien peur que mon cerveau se soit fait la malle au profit de la paire de joyeuses qui me pend habituellement entre les jambes. Mais quand même ! Je ne peux pas me gourer sur le message envoyé par le pétard qui balance sous mes yeux : « Suis-moi ! ».


Et que dire du dernier coup d’œil, jeté comme une tentative d’hameçonnage, juste avant de disparaître derrière la porte de sa piaule ? Mais je reste planté dans le couloir. Trop de progestérone d’un coup. Y a overdose.

Les symptômes persistent quelques secondes, jusqu’à l’appel de Miguel :




xXx



La séance de shopping est interminable ! Je ne pense qu’au moment où je reverrai la petite rouquine, en espérant qu’elle ne se soit pas barrée. Mais il y a toujours une boutique « qu’il faut absolument voir avant de rentrer, tu comprends ? ». Je vais péter un câble.


À midi, de retour à l’auberge, je lâche direct les potes pour inspecter chacune des pièces du bâtiment. Il faut que je la retrouve. Je tombe inévitablement sur le cerbère Léonard ; tu parles d’un plaisir ! Il badine avec une nouvelle arrivante et n’a pas l’air d’apprécier mes curieuses fouilles :



Quel enfoiré ce type. Je ravale mon amour-propre et retourne en cuisine, la mine piteuse. J’aide à faire la tambouille, mais j’ai la tête ailleurs. Au dessert et avant de canner avec l’étouffe-chrétien local, je repars dans les couloirs à la recherche de mon apparition miraculeuse de la matinée… pour des clous. De quoi se choper une crise de foi. En même temps, je suis athée, alors ça me fait doucement marrer. Par contre, à propos de l’autre foie, l’éponge à picole, je pratique le culte du houblon. Et là je rigole moins : je pourrais même avoir des tendances intégristes quand on me file de la pisse d’âne en canette. Enfin, c’est pas le propos.


Je tourne en rond dans le vieux bâtiment, je ne sais plus où chercher. J’ai l’impression d’être un fauve en cage, les veines gonflées d’adrénaline. Je ne suis pas loin de débloquer grave, quand les pulsions écrasent la raison et que les hormones brouillent l’écoute. La bite pour seul gouvernail, ça craint méchamment ! Tout à l’heure, j’ai failli retenter ma chance avec Chéryl et la rejoindre pendant qu’elle essayait une robe dans l’arrière-boutique. J’ai imaginé que je la prenais en levrette derrière le rideau. Je ne m’y suis pas aventuré, heureusement. Il me restait encore un gramme de jugeote. Ou de dignité, va savoir.



xXx



Il faut que je me change les idées, que j’évacue ma frustration et que j’arrête de remuer le râteau dans la plaie, celui que Chéryl m’a planté au début du voyage.

J’ai bien pensé noyer ma peine dans des livres, mais même l’excellent Spinoza encule Hegel de JB Pouy ne m’aide pas beaucoup : je ne suis pas en état de lire.


J’échoue finalement dans l’unique sanctuaire qui me permet de m’isoler et d’en finir avec cette pression libidinale : les chiottes du premier. J’y improvise une petite séance de travaux manuels qui me vide la tête en même temps que les couilles. La méthode est grossière, mais elle a prouvé son efficacité. Je ne mets pas longtemps à retrouver mes esprits, soulagé à plus d’un titre. Je redescends sur terre aussi sûrement que mon zob reprend une taille décente entre mes doigts.

Je ne développerai pas la réflexion qui m’a traversé l’esprit, à propos des trucs de grand-mère parfois plus efficaces que la psychanalyse pour avoir les idées claires.

Associer Mamie à la branlette que je viens de m’administrer me glace le dos.



xXx



L’après-midi s’annonce plus cool que la matinée. Sous un franc soleil, j’oublie l’atmosphère poisseuse de l’auberge de jeunesse et je recolle à la bonne humeur complice des potes. De retour à la taule, un attroupement s’est formé dans le salon autour d’un duo de gratteux folk-rock. Curieux, nous infiltrons le public et l’aidons à tenir les murs de la pièce.


À ma gauche, sur le divan, je reconnais la petite rousse que j’ai bousculée en haut des escaliers. Je replonge illico : mon palpitant s’affole, une libido de bonobo revient m’asticoter l’entrejambe. Hormones et sentiments s’emmêlent pour former un cocktail dangereux, genre Molotov. La mignonne me sourit dès qu’elle m’aperçoit. Je lui réponds par un clin d’œil. Cette fois, je ne jouerai pas les puceaux. Finies les conneries, faut que j’assure.


Je bouscule trois-quatre bonzes pour me rapprocher d’elle. Le sang me bat les tempes. Un shoot d’adrénaline me vrille la cervelle. Je suis prêt à tout péter. Moi, Tarzan !

Jane me regarde approcher d’un air bizarre que je ne parviens pas à interpréter. Incrédulité ? Trouble ? Ça gratte le peu de discernement qui me reste.

Et puis une paluche vient se poser sur son épaule et je pige tout : elle est avec son mec. À moitié caché à ses côtés, je ne l’avais pas calculé. J’avance encore d’un pas, pour ne pas trop perdre la face, et me décale afin d’identifier le naze.


La main est celle de Léonard. L’ignoble porc ! J’en ai la nausée ! Tous mes espoirs s’écroulent. Dynamités, dispersés, ventilés. J’étais gonflé à bloc et me voilà aussi paumé que ce matin. Je ne trouve rien de mieux à faire que de me retourner vers les musicos ; et puis quoi ? Danser comme un ballot ?

Quel con.



xXx



J’accuse le coup. Pourtant je reste scotché sur la rousse, son sourire, son regard. Je ne peux pas lâcher l’affaire. Et je n’ai pas envie de faire de cadeau à Léonard. Je la regarde à nouveau. Elle a étendu ses guibolles sur la table basse, devant elle. Sa petite robe blanche remonte sur ses cuisses. Mais ce n’est pas ce qui retient mon attention : je reconnais la paire de sandales qu’elle porte. Celles de la mélomane noctambule ! Les gémissements de plaisir me reviennent aux oreilles et je les imagine sortir de la bouche que j’ai sous les yeux. La température monte de quelques degrés.


Je réalise qu’elle a baisé sur le canapé où elle est assise en ce moment. Le risque de se faire prendre était grand, et je ne parle pas de Kâma-Sûtra. Elle n’a pas froid aux yeux, la môme. Ni ailleurs. Et puis la coquine n’a pas hésité à me draguer alors qu’elle est maquée. Au lieu de me refroidir, la découverte m’excite. Ça sent les emmerdes à plein nez, et moi je fonce. C’est pas futé, je sais bien, mais qu’est ce que tu veux : tant que je n’ai pas touché le fond de ma connerie, j’explore, je sonde.


Le pire, c’est que maintenant je dois ressembler à un vieil Apache quand je la mate. Avec un air chelou à faire fuir les gazelles. Mais pas elle. Son sourire de minette arrogante accroché aux lèvres, elle me fixe. Déjà follement désirable, la créature se révèle sauvagement baisable. J’observe la petite chatte se transformer lentement en tigresse. Je ne suis pas insensible à la mutation féline.


Chacun de ses mouvements est pesé et calculé, je le sens. Elle me chauffe et joue avec mes nerfs. Et moi, je fais l’impasse sur le coup de griffe que je risque de me prendre si je tombe entre ses pattes. Elle est bien trop attirante. Ses yeux se plantent dans les miens. Sans ciller, elle frotte ses jambes l’une à l’autre avec une sensualité impudique qui produit son petit effet : j’ai le sang qui bout.


Elle dégage un érotisme gros comme ses nibards. Je ne réussis plus à aligner deux pensées cohérentes. Je pourrais faire n’importe quelle connerie. À commencer par continuer de la mater, aussi discret qu’un ministre en banlieue. C’est un miracle que Léonard ne voie pas mon manège. Ni celui de sa copine : le regard sans équivoque, elle exhibe le piercing rose fuchsia planté sur sa langue. La petite boule effleure ses dents, passe et repasse entre ses lèvres. Le bijou devient obscène.


Elle est fascinante, elle m’aguiche comme une Lorraine alors que la main du visqueux lui pelote l’épaule. Ça m’excite à m’en faire péter le ciboulot et les trois boutons de mon bermuda. J’ai du mal à me détourner du spectacle. Quand j’y parviens enfin, je sens sur moi le poids d’un autre regard, glacial celui-là. Restée près de l’entrée, Chéryl m’envoie des signaux assassins. Je pige que dalle, j’ai plus de nez pour les meufs.



xXx



Au fond de mon plumard, j’ai les yeux grands ouverts. Il est presque trois heures du mat et je ne roupille toujours pas. La soirée repasse en boucle dans ma tête, je suis perplexe.

Cette rousse me turlupine : elle a l’air bonne pâte et pas la dernière pour la noce ; mais à la fin du concert improvisé, elle s’est barrée en ville en me snobant. Je n’ai même pas eu droit à un dernier petit regard.


Côté Chéryl, c’est pas mieux : elle me fait carrément la gueule. Elle n’a pas décroché un mot de la soirée et refuse de répondre quand je l’interroge. Remarque, je ne suis pas pressé qu’elle vide son sac, ça risque de faire mal. Est-ce que je l’ai vexée et qu’elle tient un peu à moi ?


Pff, trop de questions et d’incompréhensions. Et ce n’est pas la rafraîchissante et parfumée Galway Hooker que je me suis enfilée ce soir – à défaut d’une autre rousse – qui m’aide à y voir clair. J’ai la cervelle embrumée et les couilles sous pression.

Une seule chose est sûre : la rouquine m’obsède toujours. Je ne veux pas faire ma fleur bleue, mais elle a mis un bordel sans nom dans mon petit train-train sentimental. Et je ne sais même pas si la demoiselle vaut le latex pour la prendre. Elle est peut-être très conne, va savoir. Mais je m’en fiche. Elle me fait triquer, c’est physique. Tout son corps me file une gaule goscinnyenne.


La façon qu’elle a de me regarder sans détourner les yeux. Son sourire certain de produire son petit effet. Ses mains de midinette. Ses mèches de feu sur sa peau laiteuse. Ses gros seins prétentieux. Ses chevilles de biche. Ses mollets, ses cuisses, son cul… Tout.


Je veux la bécoter dans le cou et me gaver de son odeur. La mordre pour la faire couiner. La dessaper en sauvage. Balader mes doigts sur sa peau, partout. Dans chacun des plis de son corps. Et puis je veux la faire muter, elle aussi, en bête obsédée par le sexe. Que mes caresses l’ouvrent au plaisir et à la jouissance. Qu’elle rougisse, qu’elle rugisse. Qu’elle bande, gonfle, fonde et mouille. Qu’elle se torde sous ma langue, qu’elle se perde et soit possédée par sa propre chair à vif. Je serais le djinn et l’exorciste : celui qui la lèche de ses flammes et qui l’apaise en la berçant.


Le claquement de la porte d’entrée met un frein à mes délires et aux mouvements de poignet sous mon duvet. Un groupe rentre à l’auberge. Est-ce le sien ? Je tends l’oreille.

Je reconnais sa voix. Son rire. Elle est de retour entre les murs.



xXx



Voilà dix minutes que je guette, du fond de mon pieu, le brouhaha du rez-de-chaussée. J’essaye d’identifier les sons qui trahissent la présence de ma rouquine.

Je ne peux pas continuer comme ça, je pars demain. Il faut que je me bouge maintenant si je veux garder d’elle un autre souvenir que l’allure de ses sandales ! Lentement, je me lève et sors dans le couloir. Ils doivent être quatre ou cinq dans le salon à tailler le bout de gras. En haut des escaliers, j’hésite encore, et puis je descends les marches.


Lorsque j’entre dans le salon en calbar et torse-poil, je ne passe pas inaperçu. Ça se fout de ma gueule ; ça me traite de « French lover », et du moins sympathique « fuckin’ Raghead ». Les deux filles présentes me sifflent. Léonard est là, qui me trucide du regard. Qu’il aille se faire foutre. Je traverse la pièce jusqu’à la cuisine. Je prends un verre près de l’évier et me sers en eau. Voilà pour l’alibi.


Lorsque je me retourne, j’aperçois la petite rousse à travers l’étroite vitre de la porte. Je ne vois qu’elle, et elle est seule à me voir. C’est l’occase rêvée de lui rendre la pareille et de lui montrer que je peux être chaud et incandescent, moi aussi. Je me lance, sans réfléchir. Yallah !

On verra bien si elle déteste les ridicules.



xXx



Le derche contre l’évier, je fixe la miss droit dans les mirettes. Elle me jette un rapide coup de cil ; mais visiblement, je l’intéresse moins que cet après-midi. Ça commence bien. Peu importe, je ne me démonte pas. Après tout, je n’ai pas grand-chose à perdre. Il faut simplement que j’attire son attention sur moi. Alors je pousse mes longs bras au-dessus de ma tête et je tente de faire saillir quelques pauvres muscles sous ma peau tannée. Autrement dit, je fais mon cake.


Le pire, c’est que ça fonctionne : de l’autre côté de la porte vitrée, le visage fauve se tourne vers moi et me reluque enfin plus d’une demi-seconde. Lorsque je lui fais mon regard de braise, je vois même un sourire s’y dessiner. C’est plutôt bon signe. Enfin, je crois. Je continue. Je me passe les paluches sur le torse, sur le ventre… Je fais mine de m’inspecter la couenne. Mais je me sens un peu con ; c’est la première fois que je fais le gogo pour une souris ! Très vite, je ne sais plus quoi faire. Je ne vais quand même pas prendre la bombe de chantilly rangée dans le frigo pour la secouer virilement, au risque d’en foutre partout. Je doute que l’allusion soit très fine.


Non, je dois rester sobre et classe. Qu’aurait fait 007 en calbute devant une James Bond Girl ? Je précise : s’il ne peut pas encore l’emballer. Il se serait fait servir une vodka-Martini mélangée au shaker, le vieux pochtron, c’est tout vu. Et ça ne m’aide pas beaucoup.


Par contre, la boisson me rappelle un spot de pub pour Coca, dans lequel un livreur, gaulé comme c’est pas permis, s’en jette un, devant un parterre de secrétaires. La voilà, l’idée géniale ! Je me ressers un grand verre au robinet et le bois de façon sensuelle.

Face à moi, je reconnais l’étincelle du vice dans l’œil qui me reluque. Je jubile et en fais des caisses, jusqu’au moment où je me foire. De la flotte me coule le long du bide et inonde mon calcif.

Bravo, champion ! C’est parfait, là.



xXx



À ma grande surprise, de l’autre côté de la porte, ma spectatrice se poile gentiment, sans malice. Je m’attendais plutôt à ce qu’elle se paie ouvertement ma tronche, dans le meilleur des cas. À croire que je suis verni. Mais je ne lâche rien pour autant et m’essuie rapidement du plat de la main. Par contre, impossible de sécher le linge : mon caleçon reste trempé et plaqué sur mon anatomie. J’ai beau tirer dessus, il finit toujours par former un nouveau bas-relief digne d’un lupanar antique.


Face à moi, une bouche en cœur m’indique que le spectacle n’est pas perdu pour tout le monde. Je reconnais la Banshee au regard envoûtant et lubrique qui m’a fait triquer cet après-midi. Sa magie séductrice m’ensorcelle à nouveau et me fait apparaître un troisième bras. Satisfaite de son pouvoir, la mauvaise fée me dévoile son goût du mâle en ouvrant son sourire malicieux sur son bijou lingual. Fasciné, j’ai à peine conscience que ma métamorphose s’aggrave.


Sans réfléchir, je glisse une main sous mon unique fringue pour accueillir le nouveau membre et l’aider à s’épanouir pleinement. Rien n’est trop beau quand il est question de grandeur. De l’autre côté de la vitre, le fauve à l’affût montre les dents et me pousse à dévoiler mon jeu (inouï !). Je commence à lentement me palucher quand la porte de la cuisine s’ouvre et laisse se répandre Léonard.



Devant l’évidence de la réponse, il hésite un quart de seconde avant de me balancer son poing. Je parviens à bloquer le coup, mais avec mon arcade sourcilière. Le sang coule presque instantanément. Je ne m’écraserai pas cette fois. Léonard devient cible : je frappe à mon tour. En plein abdomen. L’improbable génie est séché sur place. Il me regarde, ahuri, en cherchant son souffle. J’en profite pour le mettre à terre d’un coup de latte et dégage par la même occasion la sortie de la cuisine.


C’est le bon moment pour prendre la tangente. Je traverse le salon, le plus stoïque possible et le regard droit devant moi. Mais comment rester digne avec la tronche en sang et le gourdin au rez-de-chaussée ? Je monte les escaliers et m’engouffre dans la salle d’eau, cabine treize. Je tire le rideau. Faut que je me calme.



xXx



La tête entre les genoux, je regarde en gambergeant mon sang couler dans le bac de douche. J’entends des éclats de voix en bas. Ça barde sévère. Je reconnais Léonard, furax, et ma petite rousse qui se rebiffe. On dirait même qu’elle prend le dessus : c’est carrément une avoinée qu’elle sert au primate. Je me bidonne. Et d’un autre côté, ça m’arrange : je n’ai pas besoin de redescendre pour défendre ma complice, elle le fait très bien toute seule.


Une porte claque et le silence règne enfin dans le bâtiment. Peu après, j’entends des pas de Sioux dans l’escalier. Puis quelqu’un entre dans la salle de bain. Une nouvelle goutte poisseuse coule de mon visage et s’écrase sur la faïence. Pas très futé de se planquer quand on pisse le sang : on te retrouve à la trace ! Je me redresse. S’il faut qu’on se batte dans la cabine, je suis prêt ! Le rideau en plastique s’écarte doucement et la petite silhouette de la rouquine se détache dans la pénombre.



Je m’avoue vaincu, pourvu qu’elle me cède son cœur.



xXx



Ce n’est pas précisément ce que j’avais imaginé comme premier tête-à-tête avec la petite rousse, mais l’idée qu’elle joue à l’infirmière ne me déplaît pas. Par contre, je déchante vite : Kelly n’est pas ce qu’on pourrait appeler un modèle de délicatesse. Et elle se paie ouvertement ma tronche quand je grimace sous le coton imbibé d’alcool. Hé, chez moi, c’est dans une chope qu’on le sert, pas sur de la ouate ! Elle pousse la provoc jusqu’à me plaquer contre le mur, une main sur le torse et un sourire faussement sadique aux lèvres.


Son petit jeu de dominatrice me titille gentiment les joyeuses. Je fonce tête baissée dans le traquenard et remets mon costard de mâle pour jouer les gros durs. Faut que je sois rude, si je veux qu’elle cesse. En parlant de gros dur, il y en a un qui pointe le bout de son gland. Mon calbar se déforme à nouveau et s’écrase sur la cuisse de ma soignante.

J’assume moyennement ce coup bas, d’autant plus que Kelly reste concentrée sur l’entaille au-dessus de mon œil. Imperturbable, elle tapote sans faire sa coquine.


Je ne sais pas trop sur quel pied danser, alors je tente une diversion et colle dix autres doigts sur ses hanches. Dans le tas, elle ne fera peut-être pas la différence ? Bon ; évidement, Kelly ne s’en laisse pas conter et me le fait savoir en ajustant sa position. Le point de pression glisse jusqu’entre ses propres cuisses, où le tissu de sa robe s’enfonce doucement. Quitte à être démasqué, autant y aller franco. J’attire à moi mon infirmière qui ne semble attendre que ça. Mon zgeg s’incruste un peu plus entre ses cuisses serrées.


Kelly consent enfin à me regarder dans les yeux. Elle me fixe, satisfaite. Une touche de défi au coin des lèvres me décide à l’embrasser. Au contact de sa langue, je déconnecte. Je ne pense plus, je ressens. Son odeur me monte au cerveau en fines bulles. Je plane au-dessus de mes pompes. Chaque bout de ma peau qui frôle la sienne s’électrise, mes capteurs tapent dans le rouge : la moindre caresse court-circuite mes terminaisons nerveuses. Et puis je reprends le contrôle : mes grosses paluches explorent le corps incriminé. Fouillent la robe en quête de rondeurs à cajoler. Cherchent les recoins où la peau est la plus douce. En fin limier, je déniche la planque idéale : une petite culotte bien trop sage pour ne pas cacher quelque chose. Bingo ! La palpation met à jour le bouton rose. La suspecte proteste en gémissant, mais c’est trop tard ; je pourrais la prendre, là, maintenant, la main dans le sac.



xXx



Je repense à la sérénade de la nuit dernière. L’idée de la rejouer, bibi à la baguette dans le rôle du chef d’orchestre, fait doucement son chemin dans mon esprit tordu. Et puis, je sais maintenant que mon infirmière ne craint pas de baiser en-dehors du paddock. Moi non plus ; ça m’exciterait même, et pas seulement à cause de ces blagues d’interdits. Simplement, la perspective de me taper la sulfureuse rouquine quasi sous le nez du blaireau made in France me fait triper. Ça me file aussi un peu la pétoche de risquer une nouvelle baston avec lui, faut bien admettre, mais le mélange d’excitation et de trouille s’avère délicieusement piquant.


J’entraîne doucement Kelly sur le palier, jusqu’à l’endroit où je l’ai écoutée prendre son pied la nuit dernière. En bas, la lumière du salon est encore allumée. Je la pousse doucement sur la rambarde, la bécote un peu avant de la retourner et de lui coller mon calibre entre les fesses. Haut-les-mains, c’est un hold-up ! À aucun moment la belle rousse ne se débine. Au contraire, penchée en avant, elle remue religieusement son karma, comme une prière silencieuse pour que l’amour de son prochain se concrétise.

Amène ! Je me sens très pieu(x), subito. Je remonte son froc sur son dos et contemple le cul magnifique qui ondule contre mon braquemart. Il me donnerait presque envie de chanter du gospel ! Quand je tombe à genoux devant le joufflu, Kelly me dévisage, intriguée. Mais son esprit, aussi mal tourné que le mien, tilte immédiatement.


On se comprend, ma belle. Fais glisser ta culotte sur la moquette… là… doucement… pas de geste brusque et personne ne sera blessé… parfait. Le bout de tissu vole de l’autre côté du couloir. Ma captive obtempère au-delà de mes espérances. C’est le braquage parfait : elle ouvre d’elle-même ses caisses jusqu’au fond, me laissant l’accès à la camelote.


Dans un face-à-fesses émouvant, je m’approche lentement du butin en me laissant envahir par les parfums intimes. Du bout de la menteuse, je goûte le bijou écarlate. Mon nez effleure une peau frissonnante, à deux doigts de la rosette étoilée. J’ai à peine le temps d’enlever son chapeau à Napo, le p’tit nerveux, qu’un mouvement de bassin me plaque la tronche entre ses miches. Message reçu : je vais être plus direct. Je tombe les dernières barrières de courtoisie et chope fermement les hanches rebelles. Mr Hyde plonge gueule ouverte et langue tendue sur la croupe sans défense.


Je ne vois plus, ne respire plus. Je lèche sans discernement. Je branle ce qui dépasse et fouille chaque recoin, sans oublier l’entrée des artistes. Kelly se débat, mais les râles qui sortent de sa gorge ne protestent pas. Au contraire, je reconnais les feulements déjà entendus la veille. En plus outrés, parce que ça me plaît de le croire. Je m’écarte pour reprendre mon souffle et admire le cul qui frémit sous mon nez. Il est obscène, dégoulinant, souillé par mézigue. Ouvert et convulsif. Mûr comme une pêche chaude.

Il détonne avec le visage laiteux de Kelly, tourné vers moi et suppliant pour que je poursuive mes exactions. Son minois serait presque angélique dans la lumière venue d’en bas, s’il ne murmurait pas cette petite phrase :




xXx



Je me redresse silencieusement, j’hésite. J’ai beau aimer les situations pimentées, j’ai peur que celle-ci devienne trop piquante à mon goût. Les derniers soupirs manquaient d’un poil de discrétion et je n’ai pas réellement envie de voir débouler Léonard pour le second round. Kelly semble deviner ce qui me chiffonne car elle me prend par la main et m’entraîne vers sa piaule, au bout du couloir. L’appel est ferme ; je la suis sans résistance. Dans la petite pièce sombre, je distingue deux lits superposés et un simple sous la pente de toit. Des masses informes indiquent que des ronfleurs occupent certains pageots. Je les pointe du menton d’un air interrogatif. Kelly tente de me rassurer en chuchotant :



Mouais, j’ai l’impression d’avoir quitté une zone de danger pour une autre. Mon GPS interne émet son insupportable signal d’avertissement, je ne suis pas sûr que… Kelly ne me laisse pas le temps de chercher des arguments ; elle me sort les siens sous le nez. D’une main résolue, elle me plonge le visage dedans, histoire que je n’en loupe aucun. Il n’en faut pas tant pour me convaincre.



xXx



Dans la pénombre de sa chambre, mon hôtesse s’assoit sur le lit simple. Elle m’enlève mon calcif et me bécote délicatement le haut des cuisses, puis les hanches, le bide.

La demoiselle maîtrise son art, car tout en faisant mine de l’ignorer, elle entretient savamment mon tison qui irradie dans son cou. Elle l’effleure de la joue dès qu’il perd en incandescence et le délaisse aussitôt qu’il risque de se transformer en torche.


Mais déjà sévèrement attaqué par une libido virulente, je ne supporte pas très longtemps le régime imposé par Kelly. Je suis incapable de réprimer très longtemps mon besoin primaire de mâle en rut et je marque mon impatience de spasmes inconvenants. Le belle rousse ne se laisse pas intimider et change de stratagème en me saisissant l’extrémité de la tige et en la maintenant pressée entre ses doigts. La douleur qui me foudroie est implacable, et distillée avec une parfaite maîtrise. J’en ai le souffle coupé. Malgré moi, la pression retombe, alors même que ma tortionnaire continue de turbiner des lèvres. Une fois certaine que je ne la lâcherai pas précocement, Kelly reprends sa lente exploration de mon anatomie.


Du bout de sa langue, elle glisse enfin le long de ma bite avant de l’aspirer goulûment. Une de ses paumes me soupèse les valseuses, provoquant un frisson de plaisir mêlé de l’appréhension d’une nouvelle douleur. Je reverrai peut-être mes préjugés sur le sadomasochisme, finalement. L’examen prend une tournure inattendue lorsqu’une paire de doigts force le passage entre mes cuisses, à la recherche de mon côté obscur. Pris au dépourvu, pour ne pas dire dans le cul, je laisse échapper un râle immonde. Pour ma défonce, je ne m’attendais pas à ce coup de Jarnac, exécuté avec la fougue d’une fouine. Mais ce n’est finalement pas pour me déplaire. Toujours est-il que pour la discrétion, je peux me rhabiller. Une couchette s’agite sur ma droite : mon gargouillis infâme a dû en réveiller l’occupant.



xXx



Sans surprise, au bout de quelques secondes, la lumière inonde la cambuse. Un peu nauséeux sous la lampe impudique, je guette en retenant ma respiration. J’assiste, pétrifié, à l’émergence hors des couettes d’une frimousse ensommeillée. Surmontée d’une tignasse impressionnante, elle se tourne vers nous, avant de sourire.



La dénommée Ciara s’adresse ensuite à moi :



Sur le coup, je manque un peu de répartie, mais je suis un tantinet troublé par la situation. Ainsi que par la révélation. Comment sait-elle que Kelly suce divinement ? Est-ce que les deux filles ont déjà… Mes jolies pensées interlopes sont éclipsées par un nouvel assaut de la langue merveilleuse.


Bah, oui. On n’a qu’à faire comme ça, alors. Comme si Ciara ne nous matait pas en ce moment même, et comme s’il n’y avait jamais eu broutage de fion entre filles. Pas grave ; c’est pas comme si ça m’excitait à mort. Nouvelle offensive et disparition quasi-intégrale du sucre d’orge au fond de la gorge de Kelly. Incontestablement céleste, elle aussi ; je suis au paradis. Il me faut quelques secondes pour reconnecter le cerveau.

Elle a vu ça, la petite vicieuse à côté ? Elle serait capable d’en faire autant ? Mais ma parole, elle est en train de se caresser la corolle ! Elle se souille les mains, la coquine !

J’oscille entre extase physique et branlette cérébrale. La pipe est parfaite, la voyeuse excitante à souhait. Je pourrais mourir maintenant. Si la mort – la petite – veut bien se donner la peine, je suis son homme.



xXx



Depuis que Ciara a branché le lampion, la situation part doucement en vrille. Pour commencer, les derniers ronfleurs de la carrée se réveillent. Avec la lumière dans la tronche et les commentaires salés de la tignasse, c’était fatal. Deux poilus sortent des plumes sans un mot et descendent leur matelas par terre, au milieu de la pièce.

Sans doute habituée à la manœuvre, Ciara se glisse hors de son lit et les imite. La banane déjà aux lèvres, elle s’agenouille entre les types, les aide à se dessaper et s’efforce de leur donner de la prestance. Kelly m’entraîne à leurs côtés. Un peu couillon, je la suis. Mais lorsqu’elle s’agenouille face à sa copine, je la bouscule, elle et ses plans, et la prend par derrière. Je la baise avec toute la bestialité réprimée ces derniers jours. Violemment.


Laissant faire, la rouquine aime ça, je crois.


Après avoir joui en égoïste, ma mauvaise conscience finit par me rattraper. D’autant plus que Kelly, en bonne Samaritaine, se consacre à présent entièrement au plaisir de Ciara. Je donne alors un coup de main à ma rouquine préférée, et un coup de langue à la tignasse. Nous sommes bientôt assistés par les deux autres lascars, dont la cote en bourse n’a pas chuté. Les marques de tendresse deviennent plus intrusives. Les pelotages moins subtils.


La pauvre Ciara n’a aucune chance. Nous sommes quatre acharnés sur elle pour qu’elle côtoie les anges. Et tout est bon pour arriver à nos fins. Aucune zone sensible ne nous échappe. Aucun orifice ne reste inexploré. Ses cris, lorsqu’elle peut crier, n’entament en rien notre détermination. Elle est impitoyablement retournée, léchée, effeuillée, écartelée, empalée, caressée, ventousée, mordue, doigtée, suspendue, arrosée, fessée. Dans le désordre et la bonne humeur. C’est un festival de cascades. Une première pour moi. La jouissance de Ciara est magistrale. Un feu d’artifice de convulsions, soubresauts et déchirement vocaux qui me laisse sur le cul.



xXx



La pause qui suit est de courte durée. J’ai à peine le temps de faire la connaissance de Moritz et Matthias, mes inopinés co-pineurs germaniques. Les hostilités reprennent alors que j’essaie de leur préciser deux-trois points de détail, quant à mon orientation sexuelle. Avant l’entracte, je n’ai pas clairement identifié une main baladeuse. Faudrait voir à éviter les tripotages intempestifs : je leur explique gentiment. Mais Ciara abrège les palabres en m’aspirant le manche sans plus d’avertissement. Là, je ne dis rien, c’est pas pareil. J’aime bien.


Elle y met tout son cœur et je la soupçonne de vouloir surpasser sa copine dans un duel officieux à larme blanche. Mais ce serait malvenu de le faire remarquer et encore plus de départager les tyroliennes. De son côté, Kelly a jeté son dévolu sur les teutons tringleurs qui, après avoir vissé un nouveau silencieux en latex, entament avec elle des pourparlers pour le moins houleux.


Puisque ni moi, ni la tignasse, ne sommes Suisses et soumis à une neutralité hypocrite, nous ne tardons pas à prendre part au conflit. Et pas besoin d’être payé pour se serrer les coudes. Ciara prête main-forte à sa copine, solidarité féminine oblige. Quant à moi, en franc-tireur, je décide de prendre la coalition de fendues par le revers.


L’effet de surprise passé, je me retrouve nez-à-nez avec Kelly. Elle plonge ses yeux dans les miens et le temps suspend son vol. Son regard infernal et divin verse confusément le bienfait et le crime. Je suis arraché des limbes baudelairiens par la propre main de la beauté qui m’hypnotise. Elle me saisit la pine, et je réalise enfin où elle veut en venir : une double péné. Ben tiens, rien que ça…


Je me laisse guider, mais c’est bien pour faire plaisir. Je ne pratique pas ce genre de sport, et c’est plus par curiosité que par goût que je m’installe, côté face. En fait, passés les désagréments de la surcopulation, j’y trouve rapidement mon compte. Sur le visage de Kelly, l’expression de ses sensations me captive. Elle continue de me regarder sans plus me voir. Son extase est à la fois fascinante et terrifiante. Je m’absorbe dans la contemplation de ses pupilles absentes et de ses iris absinthe. Et un peu aussi de ses nibards qui rebondissent en rythme.


La rouquine va jusqu’au bout de son plaisir. J’en suis presque sûr, cette fois. Ses gémissements se transforment en grondements gutturaux venus d’outre-tombe. Cette fille est démoniaque ! Tout au moins, elle aurait sa place comme chanteuse dans un groupe de death metal. Emporté par sa danse macabre, je suis sur le point de rendre l’âme, moi aussi. Je ferme les yeux et me concentre sur ma propre jouissance.


Les cuisses de Kelly claquent, ses hanches s’agitent dans mes pognes. Autour de moi, la tignasse se marre et l’Allemagne fait des râles. Je les zappe et rouvre les yeux sur ma rouquine. Elle est à nouveau présente, je le lis dans ses mirettes. Elle me sourit et c’est le coup de grâce. Je gémis sans pouvoir lutter. Ça vient. Ça monte. Je vais jouir.



xXx



J’en ai ma claque de la voltige, et je ne suis pas le seul : un des amis Fritz est retourné se pieuter. Le reste des brutes paillardes s’entasse sur les matelas, au centre de la pièce.


Couchées sur le flan, les filles se bécotent gentiment. Moi, je suis allongé derrière Kelly. Ma queue farfouille sans conviction dans son petit cul blanc potelé. Pourtant, son pétard reste dangereusement explosif, mais j’ai dû tirer un peu trop sur la mèche. L’amorce ne se fait plus. Et puis je suis censé me lever dans une heure ; je sens que ça va être pénible. Mieux vaut me reposer sans m’endormir, pour ne pas louper le départ.


Alors je reste là, à contempler les filles qui se font des tendresses. À les caresser doucement. À les regarder dormir.



xXx



Miguel me réveille en me poussant du bout du pied. Il a les yeux brillants en matant les meufs à poil à mes côtés.



J’ai l’étrange sensation d’être un membre de l’IRA qui s’est fait saisir en plastiquant. Les explications risquent d’être longues et douloureuses.


Pourtant, en refermant la porte de la piaule sur Kelly et Ciara, je n’éprouve aucun regret en les contemplant une dernière fois. Au contraire : quelle expérience ! Je suis certain maintenant que je n’accorderai jamais d’exclusivité dans le couple, quelle que soit la bergère.


Pauvre Chéryl, elle devra l’accepter si elle tient à moi comme je tiens à elle. Mais je suis persuadé qu’elle le fera et qu’un jour on se mettra ensemble. Et si j’ai beaucoup de chance, peut-être même qu’elle me pardonnera. Sinon, je risque de payer cher mes impairs. À coup d’indélicatesses du même acabit, j’imagine. Mais je suis prêt à l’encaisser, si c’est le prix de ma liberté.


Et après tout, je n’aurai qu’à fermer ma gueule.