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Temps de lecture estimé : 28 mn
22/09/13
Résumé:  Une jolie parisienne découvre le charme discret des amours ancillaires dans le Paris des années 1900.
Critères:  fh frousses soubrette pénétratio fsodo fouetfesse humour
Auteur : Mia Enon      Envoi mini-message
Marguerite et le livreur




J’ai payé ses huit jours à Pierre et l’ai invité à vider les lieux immédiatement. Je ne supporte pas la familiarité chez les domestiques et il s’était tout simplement permis de me tapoter les fesses alors que je passais devant lui dans le grand salon. Je l’avais pourtant bien prévenu : être accueilli de temps à autre dans mon lit la nuit ne lui donnait aucun droit dans la journée. Et voilà, il va me falloir rechercher un nouveau chauffeur-maître d’hôtel-factotum (et le totum n’est pas moins important que le fac !) Quelle corvée. Quoiqu’en dix ans de veuvage je n’ai pas eu trop de mal à en trouver : il y a eu avant Pierre et successivement Léon, Charles premier, Victor et Charles deux. Dans tous les cas j’ai dû m’en séparer parce qu’ils finissaient par croire que le fait que certains soirs, une fois la cuisinière et les petites bonnes couchées, je laisse devant eux tomber mon mouchoir, leur donnait d’autres privilèges que ceux que je leur accordais généreusement entre deux draps pendant une heure ou deux. Victor a même cru trouver là l’occasion d’un fructueux petit chantage et a prétendu monnayer sa discrétion. Mal lui en a pris ! Le commissaire du quartier est un vieil ami, d’ailleurs totalement inoffensif pour la gent féminine. Il m’est très reconnaissant de le recevoir régulièrement quand je donne un dîner et d’inviter le même soir entre autres convives un jeune avocat qui ne le laisse pas indifférent. Il a suffi que je lui dise sans autre détail que Victor m’ennuyait et que je cherchais un moyen discret de m’en débarrasser : trois jours après, j’apprenais que mon gaillard, accusé de désordre sur la voie publique, n’avait pu faire classer l’affaire qu’en s’engageant à quitter définitivement Paris.


À ce petit risque près, rien de plus pratique, quand on est comme moi veuve et aux approches de la quarantaine, que d’avoir sous son toit un beau gars vigoureux à son service. Je ne veux en aucun cas prendre un amant dans mon milieu où tout se sait très vite, je tiens trop à ma réputation. Quant à me remarier, pas question, je tiens aussi à ma liberté, sans compter que la rente plus que généreuse que m’a laissée Gaston par testament s’interromprait en cas de nouvelles noces. Et puis je ne déteste pas être dans ma chambre traitée comme une moins que rien par un domestique au vocabulaire fleuri et aux gestes osés, dont je sais qu’il reprendra sa place une fois la porte repassée. Du coup je lui laisse prendre des privautés qui ne seraient pas de mise entre époux de mon monde. Jusqu’à et pourquoi pas de menues violences qui mettent un peu de sel dans nos ébats : si je veux demeurer la patronne partout ailleurs, il ne me déplaît pas d’être parfois dominée au lit par un rustaud qui me possède sans ménagement en me soufflant des mots crus à l’oreille.


Ce goût pour les hommes du peuple m’est venu deux ans après mon mariage. J’avais été élevée comme une oie blanche dans un couvent. On y enseignait les humanités classiques et tout ce que doit savoir une jeune fille pour devenir une bonne maîtresse de maison et une bonne épouse, sauf bien entendu comment se comporter au lit. Les chères sœurs étaient plutôt sévères et mes compagnes de classe et moi filions doux. À la moindre incartade, nous étions punies d’un devoir supplémentaire ou de dizaines de chapelets à dire à la chapelle. Et en cas d’insolence, nous étions fouettées. L’exécutrice des hautes œuvres, sœur Désirée du Saint-Prépuce, nous convoquait dans sa cellule où nous devions nous mettre à genoux sur un prie-Dieu, jupes relevées. Elle prononçait alors suivant la gravité de la faute un chiffre situé entre trois et douze. Nous devions entamer le décompte des chiffres à haute voix pendant qu’une poignée de verges s’abattait à mesure sur nos pauvres fesses et réciter à la fin « Je suis une vilaine, je l’ai bien mérité ».


Pour nous venger de sœur Désirée, nous avions inventé entre couventines un jeu que nous pratiquions le soir au dortoir où nous dormions à vingt. Nous tirions au sort une victime, aussitôt baptisée Désirée et lui faisions son procès où ressortait tout ce que nous pouvions reprocher au couvent. S’ensuivait immanquablement la condamnation à un supplice rituel : la victime était empoignée, jetée sur le ventre au travers d’un lit, sa chemise de nuit relevée. Elle devait prononcer « Je suis une horrible mégère, je l’ai bien mérité » pendant que chacune des dix-neuf autres venait à son tour lui infliger une petite claque sur chaque fesse. J’ai joué plusieurs fois ce rôle de sœur Désirée et ne peux m’empêcher d’éprouver un certain trouble à son souvenir. Trouble encore renforcé quand je repense à ma chère amie Olympe de Jouve et aux fessées pour de rire que nous nous administrions parfois clandestinement quand nous nous retrouvions seule à seule dans un recoin caché de l’internat, sous l’aimable prétexte de nous entraîner à résister aux sévices des religieuses.


À dix-sept ans mes parents me firent sortir du couvent pour me présenter au monde. J’ai passé quelques mois délicieux à découvrir Paris et ses merveilles, du bal des débutantes au jour de mes fiançailles. Mon père, Henri des Essarts, dont j’étais la fille unique et l’héritière, entendait me marier au mieux de ses intérêts. Il possédait des sucreries dans l’Oise, où une de ses relations d’affaires, Gaston Humbert, venait de se faire élire député. À quarante ans, Gaston était encore célibataire et possédait une belle fortune. Le gendre idéal. Si bien qu’un beau jour de mai 1900, l’église Saint-Philippe du Roule vit célébrer le mariage très mondain de mademoiselle Marguerite des Essarts, votre servante, âgée tout juste de dix-huit ans, avec monsieur Gaston Humbert.


La nuit de noces suivit dans un grand hôtel parisien. J’y ai enfin compris ce qu’avait tenté de m’expliquer la veille ma mère à mots tellement couverts que je m’étais imaginée les supplices les plus abominables. Je fus un peu choquée de découvrir ce qu’il en était en réalité, mais grâce au ciel Gaston était un homme d’expérience. Il sut se montrer assez délicat pour me convaincre de m’abandonner sans résistance, même s’il me fit un peu mal la première fois. La seconde me laissa tout le temps d’admirer les moulures du plafond en réprimant un bâillement qui aurait été malséant. Et le voyage de noces qui suivit, en Suisse et sur la Côte d’Azur, me fit découvrir que ces choses-là, que je subissais le plus souvent passivement en m’ennuyant un peu, pouvaient aussi s’avérer de loin en loin plutôt troublantes, mais sans plus.


Ce n’est qu’après deux ans de mariage que j’ai découvert le même jour les étreintes ancillaires et le plaisir des sens, dans les circonstances que je vais à présent vous narrer. Près de vingt ans que je me délecte de ce souvenir tout en souriant de mes naïvetés d’alors. Et que je ne cesse de me le raconter.



—ooOoo—



Tu es seule en ce beau matin de printemps 1902 dans le petit hôtel particulier du faubourg Saint-Germain, présent de noces de ton père. Gaston parcourt sa circonscription accompagné d’Albert, le maître d’hôtel qui lui sert à l’occasion de cocher, et ne reviendra que tard le soir ; Maria, la cuisinière, est partie faire des courses au marché avec Louison, la petite bonne, et y passera comme d’habitude toute la matinée à papoter avec d’autres commères ; Adèle, ta femme de chambre, a reçu l’autorisation exceptionnelle d’aller passer quelques heures en banlieue pour visiter sa mère malade. Bref tu es bien seule, ce qui ne t’arrive que rarement, et tu t’ennuies un peu, d’autant qu’il te faut attendre l’après-midi et le retour d’Adèle si tu veux partir en visite (il n’est bien entendu pas question qu’une personne de ta condition se promène dans Paris sans être accompagnée).


Comment t’occuper ? Tu cherches à te rappeler les conseils des chères sœurs du couvent. Ah oui, sœur Désirée du Saint-Prépuce disait toujours qu’une bonne maîtresse de maison ne laisse à aucun domestique le soin de contrôler l’état de l’argenterie. Voilà par exemple une chose à faire. Tu gagnes l’office et ouvres le placard où sont encore aujourd’hui rangés les lourdes boîtes de cuillers, fourchettes et couteaux reçus en cadeau de mariage, dont les manches portent étroitement mêlés ton chiffre et celui de Gaston. Tu les poses sur la large table. Tu as bien fait de vérifier : l’éclat de certains couverts, insuffisamment polis par Louison, est un peu terni. De quoi occuper ta matinée, mais pas avec cette robe élégante qui risque d’être tachée. Heureusement Louison a laissé accrochée à un clou de l’office la blouse qu’elle porte pour les travaux salissants et sa coiffe de bonne. Très bien, tu n’as qu’à les lui emprunter, personne n’en saura jamais rien.


Remontée dans ta chambre, tu retires ta robe et t’admires un instant dans le grand miroir. Tu as devant les yeux une belle fille rousse de vingt ans dont le jupon et la combinaison soulignent les formes fraîches et généreuses (heureux temps, ta fraîcheur d’alors a aujourd’hui largement cédé le pas à l’ampleur !). Tu es particulièrement fière de tes seins, dont ton amie Olympe au couvent enviait le volume et la fermeté et qu’elle s’amusait parfois à chatouiller pour te faire partir d’un rire un peu étranglé. Elle n’a pas été la seule à s’y intéresser : ils semblaient fasciner Auguste Renoir, un artiste à la mode à qui Gaston a demandé de te peindre en tenue de soirée. Il a d’ailleurs pris tout son temps pour réaliser le tableau, multipliant les séances de pause auxquelles t’accompagnait bien sûr ta femme de chambre. Tu es superbe sur cette toile dans une robe de soie verte qui met en valeur tes cheveux de feu, tes yeux bleus, tes lèvres pourpres et la blancheur de tes épaules et de tes bras, mais Renoir a rendu un peu trop hommage à la profondeur de ton décolleté au goût de ton mari. Du coup l’œuvre d’abord destinée au grand salon a été accrochée dans ton boudoir.


Tu te fais une petite révérence dans la glace avant de boutonner la blouse de Louison. Tu as toujours adoré te déguiser Et voilà que sous tes yeux la jeune élégante de Renoir se transforme en une délicieuse petite bonne qui sourit sous sa coiffe d’un air mutin. Si Gaston te voyait ! Tu en ris toute seule en dévalant l’escalier vers l’office. Au travail !


Tu en es à astiquer la troisième cuiller quand la cloche de la porte sur la rue sonne. Que faire ? C’est toujours le maître d’hôtel qui va ouvrir, ou à son défaut un autre domestique. Tu hésites, mais la cloche retentit de nouveau, agitée vigoureusement. Tu te dis en toi-même « Eh bien, puisque tu portes une tenue de bonne, Marguerite, va en jouer le rôle. ». Et rajustant ta coiffe, tu gagnes le hall et déverrouilles la porte d’entrée.


Un grand gaillard se tient devant toi. Il porte un tablier de cuir accroché au cou et serré à la taille au-dessus d’une chemise aux manches retroussées et d’un pantalon de coutil. Une casquette de toile coiffe une tête ébouriffée et mal rasée où deux yeux noirs pétillent au-dessus d’un nez busqué et d’une énorme moustache. Derrière lui, rangée devant le perron, une carriole attelée contient un amoncellement de casiers à bouteilles.



Le tutoiement te prend au dépourvu. Mais que faire d’autre que de continuer le jeu. Tu souris et réponds en cherchant à imiter l’accent berrichon de ta bonne :



Et sans plus attendre, le grand gars te saisit à pleins bras. Ébahie, tu le laisses te plaquer jovialement ses lèvres sur la pommette droite en prononçant « Un pour le père… », sur la gauche « Un pour la mère… » et pour finir picoter ta bouche de sa moustache « Et un pour la fille ! ». Tu te dégages les joues en feu, prête à remettre ce rustre à sa place mais tu t’arrêtes en te disant qu’après tout il ne doit s’agir que d’une anodine coutume populaire.



Marguerite est un peu trop distinguée pour une bonne. Tu adaptes en répondant « Margot ».



Il t’envoie un gros clin d’œil avant d’ajouter :



Il dévale les marches du perron, saisit une caisse pleine, la jette sans effort sur son épaule, remonte et t’ordonne :



Tu regagnes l’office où les clés des pièces de service sont accrochées à un gros clou. Tu t’amuses comme une folle. Il t’a bien pris pour une bonne. « Bien joué ma fille, il faut qu’il le croie jusqu’au bout. ». Sans te l’avouer, tu es aussi plutôt impressionnée par ce Dédé qui paraît fort comme un Turc et te dépasse d’une tête. Et puis, faut-il le dire, il a une sorte de beauté rustique, plébéienne, à laquelle tu n’es pas insensible. Tu le rejoins, minaudes un « Par ici » en cherchant encore à imiter la voix de Louison et descends l’escalier de service en te dandinant à sa façon.


Tu as du mal à ouvrir la serrure de la cave qui mériterait d’être un peu huilée. Avec un « Attends, j’vais t’aider. » le livreur, maintenant d’une main sa caisse sur son épaule, se colle à toi sur l’étroite dernière marche, pose sa grosse main sur la tienne et pousse. La porte s’ouvre dans un déclic. Tu en profites pour t’écarter de ce grand corps dont le contact t’a troublée et pour te mettre à la recherche du bouton électrique. Il fait noir comme dans un four et tu te heurtes de nouveau en plein au livreur qui te dit en riant « Attention aux bouteilles ! ». Tu finis heureusement par trouver le bouton et allumes.


La vaste cave au sol en terre battue est chichement éclairée par une unique ampoule électrique pendant au bout d’un fil (encore est-ce une nouveauté due à l’esprit moderne de Gaston : un an avant votre hôtel particulier était encore éclairé au gaz aux étages ; pour la cave, on devait se contenter d’une lampe à pétrole). Des casiers de rangement étiquetés courent le long des murs, remplis de bouteilles millésimées. Un large tonneau contient le vin ordinaire qu’on sert en pichet à l’office. S’y ajoutent quelques meubles bancals mis au rebut.



Il te colle d’office deux bouteilles dans les mains dont tu finis par trouver la place grâce aux étiquettes. À peine les as-tu rangées qu’il t’en tend deux autres. À faire ainsi la chaîne vous auriez pu vider le casier en un rien de temps, mais le livreur ne paraît pas pressé. Il s’interrompt à tout moment pour te raconter sa tournée et les horribles cuisinières qui d’après lui le poursuivent de leurs assiduités, ce qui lui donne l’occasion par comparaison de vanter outrageusement tes charmes. Le tout si gaiement qu’il désarme par le rire tes velléités de le faire un peu moins insister sur le sujet. Vous finissez pourtant par venir à bout du casier.



Tu n’as pas l’habitude de recevoir ainsi des ordres, mais le jeu continue. Le temps de dégoter sur une étagère deux verres un peu poussiéreux que tu essuies vaille que vaille de ton mouchoir et le nommé Dédé est déjà de retour, une caisse sur l’épaule et l’autre portée à bout de bras.



Il te tend deux bouteilles de Bordeaux blanc dont tu cherches la place. Ah oui, tout en haut du rayon. Tu n’es pas très grande et dois te mettre sur la pointe des pieds pour tenter d’y caser les bouteilles. Et tu manques les lâcher quand deux mains te saisissent à la taille pour te hausser à bonne portée. Ton cri de surprise est couvert par un « Comme ça, c’est plus facile. » suivi d’un gros rire.

Il te laisse retomber sur tes pieds mais en maintenant comme par mégarde ses mains sur tes hanches. Il sent fort, une odeur de ménagerie. Tu te dégages avec un petit rire gêné et vas chercher un tabouret sur lequel tu grimpes.



Il pose la caisse au pied du tabouret et le manège reprend. Mais le siège est un peu bancal et manque basculer à un moment où tu pousses ta charge au fond du rayon ; le livreur cherche à rétablir ton équilibre en saisissant par le devant ta blouse dont deux boutons du haut se défont pendant que tu oscilles avant de tomber dans ses bras sauveurs.



Suit une pression de sa moustache sur tes lèvres que tu évites en détournant la tête, mais son attention est déjà tournée ailleurs :



Même en ignorant le mot, tu ne peux te tromper sur le sens : la blouse bée sur le haut de ta combinaison dont l’étoffe légère cache mal tes seins (nous sommes avant l’apparition du soutien-gorge). D’autant plus mal que l’effronté croche un doigt dans l’échancrure pour élargir encore son point de vue.



Écarlate, tu repousses sa main et te rajustes. Tu es si indignée que tu t’apprêtes à quitter la cave en le plantant là. Il doit s’en rendre compte car avec un nouveau rire il t’invite à remplir les verres pendant qu’il va chercher les derniers casiers. Désarmée, tu choisis un excellent Pommard et te mets à la recherche d’un tire-bouchon.


Tu as du mal à ouvrir la bouteille et n’en viens à bout qu’au moment où Dédé re-dévale l’escalier. Quand il voit la bouteille, un sifflement lui échappe.



Tu te mets dans la peau de Louison et lui réponds malicieusement :



Ravie du succès de ta taquinerie, tu le rassures :



Il vide rapidement les derniers casiers et en ayant fini défait son tablier de cuir qu’il pose dans un coin. Il porte dessous une chemise de toile largement ouverte sur un torse velu.



Au diable les convenances ! Il te plaît de plus en plus, tu es émue et penses ne risquer rien d’autre que quelques caresses un peu lestes. Tu lui réponds donc en le fixant d’un air provocant :



Tu te hausses sur la pointe des pieds pour atteindre sa joue droite « Un pour le père. », la gauche « Un pour la mère. ». Le traître te coupe par « Et ce coup-là un pour le gars. » en te bloquant dans ses bras et en écrasant ta bouche de la sienne. Tu le laisses faire d’assez bonne grâce en prenant toutefois la précaution de retenir ses mains pour les empêcher de courir sur toi. Le baiser dure un bon moment. Il te serre contre lui et tu sens peser sur ton ventre la grosse bosse qui déforme son pantalon. Tu as les joues en feu et les jambes flageolantes quand il finit par te lâcher.



Tu n’as jamais bu du vin au goulot de ta vie. Mais puisque tu es Louison, tu y vas bravement. Tu t’étrangles en avalant une trop grosse lampée et laisses malgré toi un filet de vin couler de ton menton sur ton cou.



Ton chevalier servant sort un mouchoir un peu douteux de sa poche et tamponne ton menton et ton cou. Tu restes la tête en arrière jusqu’à ce qu’il en ait fini, un peu étonnée qu’il ne profite pas de l’occasion pour oser quelque nouvelle privauté.



Il boit une longue rasade, claque la langue :



Puis se campant devant toi les mains sur les hanches :



Et en homme sûr de lui il te saisit à la taille, t’attire vers lui, te prend le menton et plongeant ses yeux rieurs dans les tiens :



Sa main descend du menton, serre un peu ton cou ; tu as un sursaut quand elle va englober doucement un de tes seins. Tu ne réagis pas tout de suite mais quand les doigts s’affairent tu pousses un « Arrêtez » aigu. Comme il n’en tient aucun compte, tu te débats pour lui échapper. Dans ce tumulte, ta coiffe de bonne tombe à terre. Quand tu te penches pour la ramasser, tu sens une main hardie s’abattre sur tes fesses et les explorer gaillardement. Outrée de ce manque d’égards, tu te retournes et veux lancer à ton assaillant une gifle qui se perd sur une oreille pendant qu’il t’empoigne à bras le corps et cherche à nouveau ta bouche que tu lui refuse en détournant la tête. Il éclate de rire, te saisit aux hanches et te soulève une fois de plus comme une plume en te soufflant à l’oreille :



Il tourne sur lui-même deux ou trois fois sans te lâcher en chantonnant un air où il est question d’orfèvres et de Saint-Eloi pendant que tu bats désespérément des jambes sans arriver à reprendre pied. Tu dois pour ne pas tomber t’accrocher à ses épaules et écraser ton buste sur le sien. Encore un tour et il finit par t’asseoir sur le bord du tonneau sans te lâcher. Tu tentes de te reculer et de refermer les cuisses, mais il te tient bien et pousse son giron dans leur fourche ouverte, tout en fourrageant sous ta blouse que ces péripéties ont remontée.


Cette fois c’en était trop ! Tu commences un « Arrêtez, ou j’appelle Madame ! » qu’il coupe par un sifflement admiratif en découvrant les dentelles de ton jupon.



Revenant à ton rôle de soubrette, tu souris et souffles un « Surtout pas. » complice. Le gaillard en profite pour vouloir en voir plus. Il retrousse blouse et jupon au-delà des genoux jusqu’au bas du porte-jarretelles.



Tu as beau tenter de bloquer ses poignets, ses deux mains dépassent les bas pour aller caresser la partie nue de tes cuisses juste au-dessous de la culotte.



L’allusion te fait d’abord rougir horriblement même si tu ne la comprends qu’à moitié ; mais à y penser après tout ce rustre a raison : le maître de maison t’a bien mise dans son lit, même si c’est en qualité d’épouse. Cette confusion t’amuse et tu as un petit rire d’acquiescement auquel répond celui de ton assaillant. Vous échangez même un vrai regard de connivence auquel il met fin en se redressant et en laissant tomber :



Pour rabattre un peu son caquet, tu lui répliques avec ton meilleur accent berrichon :



Tu en as le souffle coupé. En deux ans de mariage, tu n’as fait qu’entrapercevoir la nudité de Gaston. Il te possède toujours dans la pénombre de votre chambre en gardant sa chemise et en troussant sous les draps la tienne jusqu’au nombril. C’est à peine si de temps à autre l’intimité conjugale t’as permis d’aiguiser plus que d’assouvir ta curiosité avec la vue fugace d’un sexe pendant ou dressé, le temps d’un peignoir passé ou d’un drap repoussé. Alors que là le gaillard arbore devant toi une barre de chair érigée, gonflée et noueuse, surmontée d’un cône violacé, dont la vue te laisse pantoise (et dont le souvenir te remplit aujourd’hui de nostalgie : la nature l’avait amplement pourvu !).



Il te saisit au poignet et tire ta main sur lui, t’arrachant un cri de souris. C’est chaud, à la fois si dur et si doux. Refermant tes doigts sur son membre, il fait monter et descendre ta paume malgré ta résistance. Seule en dépasse la grosse boule pourpre, dont tu finis par détourner les yeux.



Tu réponds par un « non » vraiment indigné. Jamais Gaston ne se permettrait ce type de privauté ! Il éclate de rire.



Tu ne comprends rien à son discours, sauf qu’il est hors de question de lui demander de le traduire ! Surtout qu’il passe maintenant une main sous chacun de tes genoux et te tire vers lui à l’extrême bord du tonneau. Ses doigts puissants remontent, font sauter les jarretelles, saisissent ta culotte qui se déchire comme si elle était en papier. Tout ce que tu réussis à opposer à cette démonstration de force c’est de battre vainement des jambes de chaque côté de ses hanches, de tenter maladroitement de repousser le grand corps qui t’étreint de plus en plus étroitement et de lui enjoindre de cesser. Il te fait taire en happant ta bouche. Va pour un baiser, tu es là en terrain connu. Le frottement de sa moustache te rappelle celle de Gaston. Mais Gaston ne force pas tes lèvres avec une langue dominatrice sentant un peu le vin qui joute avec la tienne, ajoutant encore à ton trouble ; Gaston ne t’empoigne pas à pleines fesses pour te coller encore plus à lui.



Il est entré en toi par surprise et pousse pour te pénétrer plus profond. Tu es totalement interloquée d’être ainsi prise d’assaut campée les cuisses ouvertes sur une barrique par un homme resté debout, toi qui n’as jamais imaginé que ce genre de choses puisse se dérouler autrement que couché et dans l’intimité d’un lit. Même si ta naïveté peut paraître, avec le recul, phénoménale, tu ne t’attendais à rien d’autre qu’à de nouvelles caresses un peu osées et te souciais surtout d’en défendre ta poitrine. Moitié émotion, moitié honte, tu défailles dans les bras de ton séducteur qui en profite sans vergogne pour t’investir encore plus totalement. Tu le sens tout au fond de toi, tu ne sais plus s’il faut hurler ou le laisser faire, ta gorge se serre, tes seins gonflent à t’en faire presque mal. Et voilà qu’il te pilonne en te murmurant des mots crus à l’oreille :



« Qu’est-ce qu’il en sait, te dis-tu en reprenant un peu tes esprits. Avec Gaston, ça me plaît une fois sur cinq, et encore. »



Il t’agace avec ses commentaires déplacés. Et en plus il prononce « Tu vas vouaire », ce primitif.



Pour fuir cette voix, tu te laisses glisser en arrière sur le dessus du tonneau que tu traverses ainsi de tout son dos, la nuque sur le rebord. Au-dessus de tes yeux, la voûte de la cave. Après tout si la couche est des plus inconfortables, c’est presque comme avec Gaston quand tu contemples le plafond de votre chambre. Même si avec Gaston tu ne t’es jamais sentie aussi copieusement envahie… Pendant que tu te livres à ces comparaisons conjugales, le livreur passe le dessous de tes genoux dans la saignée de ses bras et remonte haut tes jambes. Il t’a désertée un instant pour te faire prendre cette position et sans se presser se guide et te pénètre à nouveau. Le retour de cette hampe de chair rigide et chaude déclenche en toi une onde inattendue que tu ponctues d’un long soupir ému. Le grand gars rit, se retire entièrement, revient. Nouvelle onde plus intense que la précédente, nouveau gémissement.



Il réitère la manœuvre à plusieurs reprises, toujours avec plus de succès. Chaque nouvelle intromission t’arrache une plainte dont le ravissement n’est pas feint. Tu souhaiterais qu’il continue comme cela indéfiniment, d’autant plus qu’en même temps ses mains font sauter les derniers boutons qui ferment le haut de ta blouse et rompent les bretelles de ta combinaison avec autant de facilité que quand elles déchiraient tout à l’heure ta culotte. Tes seins jaillissent à l’air, leurs aréoles mauves pointées et durcies. Tu pousses un vrai cri quand une paume calleuse se met à courir de l’un à l’autre, caressant, palpant, pinçotant. Et tout à coup un spasme comme tu n’en as jamais connus te soulève si brusquement que tu désarçonnes ton cavalier et manques tomber du tonneau.

Tu te rétablis de justesse. Le livreur s’est reculé d’un pas et les mains sur les hanches rigole franchement :



Avec son pantalon aux chevilles et la formidable érection qui écarte les pans de sa chemise, tu le trouves franchement grotesque. D’un seul coup tu reviens sur terre. Qu’est-ce qui t’as pris de te laisser traiter ainsi par ce rustre, dans la demi-pénombre de cette cave mal éclairée ? Il y a bien sûr eu à l’instant cette contraction délicieuse qui te trouble encore, mais il est grand temps de mettre un terme à cette folie. De nouveau assise sur le tonneau, tu rabats la blouse, la reboutonnes, murmures d’un ton inquiet « Quand même, pourvu que Madame n’ait rien entendu. » et en retombant sur tes pieds lâches « Il vaudrait mieux que j’y aille voir. ».


Dédé te barre résolument la route.



Son sexe toujours aussi agressif se balance ridiculement devant lui. Tu détournes le regard de ce spectacle peu convenable, fais deux pas en avant mais il ne s’écarte pas pour te laisser passer. Quand tu cherches à le contourner, il te saisit par un bras et te tire vers lui en grondant :



Il essaie de te rejucher sur le tonneau mais tu te débats en répétant « Il faut que j’y aille, je vous dis ! ». Empêtré dans son pantalon, gêné par son sexe battant, il manque s’étaler de toute sa hauteur et doit te lâcher. Tu en profites pour filer vers la porte de la cave mais au moment où tu escalades la volée de marches qui mène au rez-de-chaussée tu te sens ceinturée par derrière et emportée par deux bras puissants pendant qu’une voix gronde :



Tu as beau tenter de te dégager en grouillant comme un ver, il t’emporte sous son bras comme une gamine désobéissante jusqu’à un coin de la cave où s’entassent une petite table et quelques escabeaux. Là, il te remet sur pied sans te lâcher. Tu peux constater qu’il a pris le temps de remonter son pantalon. Comme tu continues à te débattre, il te jette moitié riant moitié grondeur :



La menace te trouble profondément. On t’avait bien dit que les hommes du peuple battaient leur femme pour s’en faire obéir, mais te faire subir cela à toi, Marguerite Humbert, née des Essarts ! Tu laisses tomber de ta voix la plus mondaine « Vous n’y pensez pas ! » auquel répond un « C’est ce qu’on va voir tout de suite. » Et malgré ta résistance tu te retrouves couchée au travers d’un genou, la tête coincée sous un coude, pendant qu’une main libre te trousse haut. Un sifflement admiratif précède ce commentaire flatteur « T’as vraiment un beau cul ! » suivi d’un menaçant « Mais tant pis pour lui, il va y avoir droit. » L’instant d’après de grandes claques sonores s’abattent sur ta croupe dénudée. Tu as beau pousser les hauts cris, ton fesseur n’en continue que de plus belle. Il n’y a pas que des avantages à prendre la place de Louison, il t’en administre la preuve ! Mais après tout cela ne fait que te ramener quelques années en arrière, au temps de sœur Désirée. Et la sainte fille frappait pour faire mal, alors que le grand gars n’y va guère plus fort que ta chère Olympe ou que tes petites compagnes dans vos jeux de dortoir… Tu es si bien ramenée aux années du couvent que sans réfléchir tu laisses machinalement échapper la vieille formule « Je suis une vilaine, je l’ai bien mérité. ».


Un énorme éclat de rire te répond. Le livreur te lâche si brusquement que tu manques tomber à terre. Quand tu te redresses, le rouge aux joues, les fesses quand même un peu cuisantes, c’est pour rencontrer son visage hilare. Du coup la contagion te prend et tu es gagnée à ton tour par le fou-rire. Quand vous finissez par retrouver votre sérieux, ton aimable tortionnaire remplit les deux verres récusés tout à l’heure, t’en tend un et le choque du sien en disant :



Tu vides le verre d’un trait et (après tout n’es-tu pas Louison ?) te hausses pour lui claquer un baiser de remerciement sur les deux joues.



Tu as bien entendu droit à la récompense de la fille, ce qui n’a rien pour te déplaire. Le baiser dure, tu découvres les subtilités du duel des langues et n’as envie de rien d’autre. Tu es si bien dans ces bras musclés que cela suffit pour l’instant à ton bonheur. Mais le nommé Dédé a de la suite dans les idées. Il abandonne ta bouche, joue un peu avec tes seins en passant une main à travers la blouse (cette caresse aussi est si délicieusement troublante que tu n’as plus du tout envie de l’en empêcher), et te souffle à l’oreille :



Turlute ? Ça te dit quelque chose. Ah oui, la comptine enfantine. Tu chantonnes :



Il te prend gentiment le bras et te mène jusqu’à un des escabeaux ou il s’assied sans te lâcher. Tu tentes de te dégager mais deux mains s’abattent sur tes épaules et pèsent sur elles. Tu as beau lui demander de cesser, il appuie tant que tu te vois obligée de t’agenouiller devant lui. Quel jeu idiot ! Qui se complique quand il fouille dans sa braguette pour en ressortir un sexe qui, s’il est moins glorieux que tout à l’heure, a néanmoins gardé de bonnes dimensions. Il prononce en rigolant :



Et comme tu n’y comprends toujours rien, il empoigne ta nuque et ploie ta tête vers son ventre. Le gland tiède et humide vient te toucher au menton. Tu as un mouvement réflexe de recul mais avec un grognement d’agacement Dédé te ramène la tête en avant ; c’est maintenant ton nez qui est frappé.



Tu n’imagines toujours pas ce qu’il attend de toi et la maintiens étroitement fermée. Comme il insiste tu crois atteindre au comble de l’audace en gratifiant la tige d’un baiser du bout des lèvres. Pouah, c’est encore poisseux de tout à l’heure et ça sent fort. Tu as un tel sursaut de dégoût que ton cou échappe à la main qui le maintenait et que tu peux te redresser.



Il se redresse, te saisit dans ses bras, mais tu es décidée à mettre un point final à toutes ces polissonneries. Tu opposes donc la même parade qu’avec Gaston quand il est un peu trop insistant dans le lit les jours où tu n’as vraiment pas envie : tu tournes le dos à ton tourmenteur. Qui sans paraître s’en formaliser se plaque contre toi, passe ses bras sous tes aisselles, empoigne tes seins et tout en les pelotant allègrement te pousse de tout son corps vers la table. Le haut de tes cuisses vient buter sur le rebord du plateau sur lequel une nouvelle poussée dans ton dos ploie ton buste. Pendant que deux mains impatientes relèvent ton jupon, tu te demandes avec un peu d’humeur quelle nouvelle privauté se prépare tout en étant rassurée sur l’essentiel : tant que tu n’es pas de face et que tu gardes les cuisses jointes, tu ne risques pas grand-chose (c’est du moins la conclusion que tu as retirée de deux ans d’étreintes conjugales dans la position du missionnaire). Tout au plus devras-tu subir une nouvelle fessée, ce qui après tout n’est pas si terrible. Celle de tout à l’heure est même loin de t’avoir laissé un mauvais souvenir…


Tu as un vrai moment de satisfaction quand tu sens sur tes arrières son nouvel assaut venir buter vainement sur ta fourche hermétiquement fermée. Son érection frappe résolument au porche du temple mais ne réussit pas à progresser d’un pouce et tu réponds par un gloussement moqueur à son ordre d’écarter les jambes. Tu essaies même de te redresser, mais peine perdue, ton assaillant te maintient fermement d’une main sur la nuque en position prosternée. Et à ta stupéfaction, renonçant à sa destination première, il dilate ta croupe de l’autre main et avec un « Tant pis pour toi, tu l’auras voulu. » aborde une cible située un peu plus haut. Tu recommences à rire en étant persuadée qu’il s’égare : jamais tu n’aurais imaginé qu’une telle variante fût possible. Quand tu comprends que c’est vraiment là qu’il veut en venir, tu hurles un « non » scandalisé, mais baste ! Tu as beau protester et pleurnicher, il poursuit son intrusion peu orthodoxe et te besogne avec si peu de ménagement que tu sens céder tes muscles intimes pourtant désespérément serrés. Morte de honte tu le supplies de cesser et en signe de capitulation ouvres largement les jambes. Bon prince, il abandonne la voie de traverse où il était déjà profondément engagé, baisse sa trajectoire et t’embroche comme une poularde. Ce succès est ponctué d’un « Allez la belle, c’est r’parti, rien de tel qu’une petite levrette », suivi d’une tape complice sur ta croupe auquel tu réponds par un vertueux cri d’indignation. Sans en tenir compte, il t’empoigne aux hanches et se met à te marteler vigoureusement.


Le rebord de la table scie le haut de tes cuisses et tu t’en plains. Galamment ton cavalier arrête son mouvement pour te tirer un peu en arrière tout en restant engagé en toi. Il profite de cette pause pour achever de te dépouiller de ta blouse avant de reprendre son va-et-vient sur un rythme plus lent, ses mains s’attardant sur tes fesses, ton ventre et ta poitrine, à la recherche des points sensibles. L’intromission non conformiste de tout à l’heure t’a laissée un peu endolorie mais surtout terriblement troublée. Ces caresses nouvelles ajoutent à ton émoi. Tu es bouleversée par l’activité d’un pouce et d’un index baladeurs qui alternativement pincent le bout de tes seins et titillent une petite boule de chair au seuil de ton intimité, pendant que la barre brûlante court sans relâche délicieusement dans ton ventre. À chaque nouvelle poussée tu sens frotter contre tes fesses l’étoffe rêche du pantalon que ton chevaucheur n’a pas pris cette fois la peine de baisser. Curieusement ce grattement du coutil sur ta croupe encore sensible après la fessée de tout à l’heure achève de te faire fondre. Tes joues s’empourprent, tes oreilles te brûlent, il monte en toi comme une envie d’éternuer ou de sangloter, tu soupires, tu gémis de plus en plus fort. Dédé s’amuse à faire traîner les choses, ralentissant ses manipulations quand tes râles s’accélèrent, les reprenant quand ton souffle s’apaise ; son sexe est dur, dur, dur et cela dure, dure, dure, tu n’en peux plus, tu vas t’évanouir, mourir ; et enfin vient la délivrance, une longue succession d’ondes de plaisir qui t’arrachent sans que tu en aies conscience des miaulements de chatte heureuse. Tu entends au-dessus de toi résonner un rire de triomphe, suivi d’un « T’es encore partie en tête, attends, ce coup-là je te rejoins. » pendant que l’étau des doigts se resserre sur tes hanches et que le tissu rugueux du pantalon vient frotter la nudité de tes fesses en une cadence accélérée. Puis tu sens la raideur se figer au plus profond de toi et t’inonder de longs jets copieux qui ravivent encore ton bonheur.


Le temps pour chacun de retrouver son souffle et tu as droit à titre de remerciement à quelques baisers qui te chatouillent le cou (« Tiens, après, il fait comme Gaston. ») avant que le livreur ne te soulage de son poids en marmonnant sans penser que tu l’entendrais :



Ah oui, Louison. Tu te dis que tu vas devoir la chasser. Où irait-on si on admettait que les petites bonnes se conduisent comme des gourgandines avec le personnel des fournisseurs !



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Le livreur est parti terminer sa tournée. Par prudence, tu as changé de marchand de vin et tu ne l’as jamais revu. Mais après lui Gaston t’a paru bien fade. Tu as pris alors comme la plupart de tes amies un amant dans ton milieu, mais toujours avec la crainte lancinante du scandale. Et puis tu n’avais pas avec lui comme dans la cave le troublant sentiment de t’encanailler. Quand Gaston mourut d’une angine de poitrine quelques mois avant tes trente ans, tu as mis à la retraite votre vieux maître d’hôtel pour le remplacer par Léon, un ancien cocher de fiacre qui t’avait été recommandé « à tous points de vue » par une ancienne camarade de couvent. Léon ressemblait un peu au livreur.