Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 15847Fiche technique12952 caractères12952
Temps de lecture estimé : 9 mn
15/10/13
Résumé:  Après de multiples réflexions, notamment sur le rapport à mon corps et mon handicap, je commence une activité d'escort et vais voir mon premier client.
Critères:  fh prost handicap init
Auteur : Lila 2  (Lila)
Mes premières fois

Cette histoire est très difficile à écrire… Les mots, les images se bousculent dans ma tête, traces des sensations qui m’ont tour à tour effrayée, excitée, fait voyager…


Tout a commencé bien avant nos premiers regards, échanges, baisers, tel un parcours initiatique vers un espace hors du temps. Pourquoi avoir été sur ce site ? Nos raisons sont très différentes. Je ne pourrai parler des tiennes, elles sont le mystère qui t’a conduit jusqu’à moi… Les miennes trouvent leur racine dans une soif d’expériences qui me ramènent toujours à la vie, dans un désir de briser toutes les barrières qu’on a érigé autour de nous telle une prison où il faut sans cesse courber l’échine… C’est sûrement illusoire, et très inconscient, de défier à ce point le danger qui peut surgir et faire tout basculer, mais si je n’avais pas eu cette dose de courage, nous ne nous serions pas rencontrés…


Ma première expérience de sexe tarifé m’a amenée jusqu’à chez toi, dans ton lit, dans tes bras. Pendant tout le trajet, j’avais l’estomac noué, le cœur qui battait comme jamais, et l’esprit perdu dans l’impossibilité d’appréhender la situation… Je n’ai pas eu de scrupules particuliers à vendre une prestation sexuelle, mais j’étais tétanisée par l’inconnu que tu étais, par l’idée de perdre le contrôle et de me retrouver face un homme dangereux, chez lui, soumise à sa volonté…


J’ai traversé des villes où je n’allais jamais, attendu le bus au milieu de nulle part, en essayant de garder la tête froide sur cette situation complètement invraisemblable, mais en même temps tellement excitante !


Je suis arrivée à ton arrêt, on a échangé quelques SMS, et je t’ai vu apparaître au coin de la rue… Difficile de dire quoi que ce soit sur cet instant, comme une suspension, un vide, un anéantissement du temps… La peur était trop forte pour me souvenir d’autre chose, autre chose que le néant qui a envahi mon esprit… On s’est peut-être parlé, je crois que tu m’as demandé si on se faisait la bise et il me semble que j’ai dit oui… Je t’ai suivi jusqu’à chez toi, on a discuté un peu des bus du dimanche, de ta ville où je n’étais jamais venue… On a pris l’ascenseur, on a croisé tes voisins… Qu’ont-ils imaginé ? Sûrement étaient-ils loin d’imaginer les raisons de ma présence ici !


Je suis rentrée chez toi. L’appartement était clair, lumineux malgré l’absence de soleil… La chambre à gauche, et le salon à droite, je ne savais même pas si je devais, ou même pouvais, avancer… Pourquoi ne pas rester là, au milieu de l’entrée ? Juste là, sans bouger, sans parler, sans respirer… J’ai choisi d’aller dans le salon, et de me persuader inconsciemment que nous n’étions là que pour discuter… J’ai regardé ta bibliothèque, alors qu’en fait mon esprit était paralysé. Je me souviens juste d’un livre sur Victor Hugo, ma mère m’en avait offert un…


Tu t’es assis sur ton canapé, tu as retiré tes chaussures, j’ai pensé « Déjà ! Il faut déjà commencer ? » et j’ai cherché absolument à reculer le moment tant redouté… On a échangé quelques banalités sur nos vies, notre travail, nos maisons… Quelle situation irréelle que de me dire que, derrière ces paroles se perdant dans l’abîme des moments insensés, tu vas me payer pour coucher avec toi. C’est le but de ma présence, et aucun mot, aucune phrase, aucune conversation, ne pourra me faire oublier qu’à ce moment, je ne suis là que pour une seule chose…


Je suis encore l’inconnue, la femme croisée au détour d’un site, mais j’ai fait tout ce chemin pour devenir une pute, et c’est toi, là, assis devant moi, qui va faire de moi ce que je ne suis pas… encore. J’ai envie de te le dire mais je ne peux pas. Je n’ai jamais exercé mais je connais les codes : ne pas se dévoiler, ne pas paraître hésitante, essayer de garder le contrôle… Cette idée m’obsède, ai-je eu raison de te faire confiance ? Sauras-tu me laisser maîtresse de moi-même alors que je m’offre à ta merci ? Ai-je raison de me considérer aussi forte ? De ne pas les écouter, ceux qui me renvoient si souvent à ma vulnérabilité, ma fragilité, ma faiblesse ? J’ai toujours refusé de me laisser asservir par les normes, les règles, les interdictions qui ne sont que des prétextes pour nous étouffer… Mais n’ai-je pas été trop loin cette fois ? Je me dis souvent que le prix à payer pour connaître ses limites c’est de les atteindre, voire de les franchir… Avec toutes les souffrances que cela implique…


Est-ce un appel d’air, un souffle de vie, ou l’oxygène viendrait-il à manquer ? Je respire tant bien que mal quand tu me proposes de m’approcher de toi… Mais je prends ma respiration et fais le grand plongeon en te proposant d’aller dans la chambre…

Tout paraît encore « normal », ton linge étendu permet quelques digressions, juste le temps de reprendre ma respiration et que mon cœur se calme… Je t’explique assez machinalement comment faire pour m’aider, tout en me disant que ce sont là mes derniers instants de « liberté », une fois que j’aurai quitté mon fauteuil je serai toute à toi…


Tu m’allonges sur le lit que tu n’as pas voulu ouvrir, tu viens à côté de moi, et m’embrasses… Mon âme finit de vaciller, je ne dois plus penser, juste me laisser faire et te donner ce que tu attends… Tu commences à me déshabiller, le haut d’abord. Tu ouvres mes boutons et glisses ta main sur mes seins. Tu embrasses mon cou, puis mes tétons, et continues ton exploration vers le bas. Tu retires ma jupe, le collant que je porte faute d’avoir trouvé mes bas qui, je te l’accorde, auraient été plus simples à enlever ! Tu me touches le sexe au travers de ma culotte. J’ai l’impression de commencer à être mouillée alors que la peur n’a pas encore totalement disparu. Mais ta douceur, ton regard tendre me rassurent, et tu finis de me dévêtir…


Je suis totalement nue, offerte à tes yeux qui me parcourent, moi qui ne supporte pas que l’on regarde mon corps. Je ne dis rien, j’oublie cette obsession du jugement car après tout, tu as payé pour m’avoir ! N’était-ce pas là le but de ma démarche ? Revaloriser ce corps que j’ai mille fois perdu, et de façon bien plus douloureuse que celle qui se présente à moi maintenant… N’est-ce pas la puissance d’être réanimée que je cherche dans tes baisers, dans tes caresses ? L’étincelle pour rallumer la vie qui s’est mille fois enfuie…


Mais je respire toujours, et c’est le souffle du plaisir qui emplit maintenant mes poumons, au rythme de tes doigts qui remplissent mon intimité. De plus en plus nombreux, de plus en plus vite, tout est de plus en plus fort, tout comme les battements de mon cœur que j’ai l’impression que tu écoutes en posant ta tête sur ma poitrine. Je peux voir tes cheveux d’un noir profond. J’aime bien tes cheveux, ils sont touffus et reflètent la lumière… J’aime bien tes yeux, ils me regardent en brillant, en me disant que tu veux me faire jouir… J’aime bien tes lèvres, elles me sourient et m’embrassent tendrement… J’aime bien ton torse, ta peau est belle… J’aime cet instant où je sens les prémices de mon premier orgasme…


Emportée par l’élan du moment, je t’avoue que tu es mon premier client. Tu me dis en être honoré. J’ai presque des scrupules à te prendre de l’argent car j’aime tellement cet instant… « C’est toi qui paies et c’est moi qui profite de tout ! » te dis-je pour justifier ce ressenti. Mais les choses ont été prévues comme cela, je reviendrai une prochaine fois si tu le souhaites, juste pour le plaisir et sans cette angoisse qui m’a torturée… Juste pour toi… Je continue les confidences en t’expliquant que je n’ai jamais eu d’orgasme, ce à quoi tu me réponds qu’on va y remédier… Mais je te rassure, j’ai déjà fait l’amour !


Tu arrêtes, sors un préservatif de ta table de nuit. Des bruits étranges résonnent dans l’appartement… c’est le chauffage, ou les voisins, ou tour à tour les deux, mais ils ne perturberont pas nos plans, car après tout, notre rencontre est issue d’un plan ! Qui semble bien fonctionner jusqu’à maintenant… Tu me demandes d’embrasser ton sexe, ce qui me fait toujours très peur. J’appréhende le contact entre ma bouche et la verge de mon partenaire, mais j’ai envie d’essayer avec toi… Je lèche ton gland, il y a un peu de liquide au goût salé qui en sort. Je le touche avec mes mains mais là encore, j’ai peur. Peur de ne pas savoir m’y prendre, peur que tu me juges trop mauvaise et que tu regrettes de m’avoir fait venir, moi…


Tu mets le préservatif et commences à essayer de rentrer en moi. Après quelques tentatives, et aidé d’un peu de gel, tu y parviens. Tu débutes des allers-retours, tu bouges mes jambes pour chercher la meilleure position, tu me tires le bassin pour me coller à toi… Puis tu baisses ton torse pour te mettre contre moi… J’aime particulièrement ces instants où nos peaux se touchent, où tu es en moi presque sans bouger, juste comme si l’on ne faisait plus qu’un…


Nos souffles se font de plus en plus courts, je vois la sueur sur ton front, mon corps se contracte et le plaisir monte… L’orgasme est près, mais il n’est pas encore finalisé. Tu ressors ton sexe, et fais à nouveau entrer tes doigts. Tu les fais bouger de plus en plus rapidement en faisant vibrer tout mon corps. Un éclair me foudroie, l’extase m’a touchée… Et j’ai mouillé tout ton dessus de lit !

Tu sembles fier de toi, et il y a de quoi, en me susurrant à l’oreille, avec un grand sourire, « C’est tout mouillé… ».


Tu m’aides à me tourner, et t’allonges à côté de moi. Commence un long moment de tendresse, de regards échangés, de caresses, de rires, de confidences. Je sens ton visage s’enfouir dans mes cheveux, nos mains se mélanger… J’aurais pu rester là, dans tes bras, pendant des heures. J’ai ressenti à cet instant un bien-être immense, un sentiment d’apaisement profond, une envie de déposer les armes et de ne plus mener ces incessantes batailles. Ces luttes vitales, mais épuisantes, tuantes…


Tu « chatouilles » mon clitoris, ce qui te surprend beaucoup. Mais tout va bien, quoi que tu fasses j’ai l’impression que ça ira… La nuit tombe, je n’ai pas envie de partir. Le téléphone me fait sursauter, le fixe d’abord puis ton portable… « Ne t’inquiète pas, personne ne va débarquer ! ». De mon côté j’ai oublié de contacter ceux que j’avais mis dans le secret, et ils commencent à s’inquiéter… Le temps s’est suspendu, et je n’ai pas envie de revenir à la réalité… Mais il le faut ! Je suis là pour travailler…


Tu m’aides à me rhabiller, alternant la remise de vêtements avec de tendres baisers. Les boutons, faciles à enlever, sont alors plus difficiles à remettre ! J’ai retrouvé mon fauteuil, mes affaires, il ne me reste plus qu’à quitter cet endroit où j’avais eu tant de mal à entrer… Tu me donnes l’enveloppe avant de partir, je ne regarde même pas à l’intérieur. Peu importe ce que tu y as mis, ce que tu m’as donné n’a pas de prix…


La nuit qui a suivi cette rencontre a été agitée, mon esprit fut envahi de questions… J’aimerais te revoir, mais le contexte me remplit de doutes. Peut-on vraiment passer outre ? En as-tu seulement envie ? Peut-on passer par-dessus les circonstances qui nous ont réunies ? Ne resterai-je pas pour toi qu’un objet de plaisir assouvi, une escort de passage ? Peut-on seulement croire l’un en l’autre, en ce que nous sommes ?… Tu m’as demandé de ne pas continuer l’escorting, mais toi vas-tu arrêter d’y faire appel ? L’aperçu de ce que tu m’as offert vaut bien ce renoncement, mais moi ai-je réussi à te faire oublier ces milliers de pseudos qui hantent la toile, ces corps qui s’affichent comme autant de promesses vers des plaisirs divers, multiples, inconnus ? Pourrais-je être toutes ces femmes, et unique à la fois ? Ai-je seulement raison d’y penser ? De te donner ce pouvoir sur mon histoire ?


Quelles que soient les réponses à ces questions, dans l’éphémère ou la durée, dans du sexe tarifé ou gratuit, dans le fantasme presque impalpable du désir ou les sentiments qui nous font rester, je n’oublierai jamais ce jour où je t’ai rencontré…