n° 15856 | Fiche technique | 11391 caractères | 11391Temps de lecture estimé : 7 mn | 19/10/13 |
Résumé: Un méchant coup de cafard, d'abord. Puis un dancing, en pleine campagne. | ||||
Critères: grp jeunes inconnu copains fépilée campagne boitenuit danser cérébral revede | ||||
Auteur : SophieF. Envoi mini-message |
Se moquer de la mort, c’est le but d’Halloween, n’est-ce pas ? Un petit jeu innocent, croit-on. Mais c’est la mort qui gagne, toujours. Une jeune fille va cette nuit se jeter sous les roues de l’autorail en gare de Saint-Georges d’Aurac. Elle ne nous ennuiera plus avec ses états d’âme. Un dadais va jouer à la roulette russe dans une chambre de bonne de la rue Sainte Opportune et la balle mettra le point final à sa vie d’enfant gâté.
Elle est loin du village, cette gare, et encore plus triste que les autres gares, qui le sont, tristes, la nuit plus encore que le jour. J’ai pris l’autorail, je n’ai pas voulu aller en boîte avec les autres. Boulevard Carnot, on aura jugé bon de mettre des bougies dans des citrouilles évidées. Antoine aura renversé son verre de whisky. Isabelle va bousculer la citrouille en se levant pour aller danser. Ils ne s’échapperont du brasier ni l’un ni l’autre.
Saint-Georges d’Aurac n’est pas loin de La Chaise-Dieu, dont l’abbatiale est connue pour sa danse macabre. Cardinal prince de Rohan, grand Aumônier de France, t’y voilà exilé. Ton carrosse verse dans un fossé, tu as froid, il fait nuit. Le roi qui t’a humilié aura bientôt le cou coupé, la reine dont tu étais amoureux et qui s’est moquée de toi aura également le cou coupé. Il y a non loin de la gare de Saint-Georges d’Aurac un dancing en pleine campagne.
J’ai douze ans. Un siècle plus tard, j’y vais. Nous sommes quatre adolescents dans la petite voiture trop nerveuse. Pascal veut nous épater, nous les filles. Depuis, je suis la dame blanche qui fait ralentir les automobilistes, avant le tournant dangereux. Les autres sont des squelettes.
Mon frère m’attend à la gare. Pierre reste dans l’autorail, il va plus loin. Nous venons de nous séparer, c’est triste mais c’était inévitable. Il y a longtemps, va quittons-nous vite, que je ne t’aime plus, que tu ne m’aimes plus.
Je n’ai pas envie. Je n’aime personne et personne ne m’aime, dites-moi si je m’amuse.
Son frère conduit. Nicolas est à côté de moi, derrière. Sa main frôle ma cuisse. Je laisse faire. Quand nous reviendrons, il osera la glisser sous ma jupe, sa main. Je laisserai faire. Je préférerais qu’il conduise et que ce soit le frère de Camille, Julien, qui soit à côté de moi mais la vie est variable aussi bien que l’Euripe.
Aux quatre routes, je retrouve quelques anciens et anciennes camarades du lycée. Oui, je suis satisfaite d’être à Clermont. Oui, étudier les Lettres Modernes ça me plaît, je serai sans doute prof un jour, il n’y a pas de sot métier. Je reconnais aussi quelques solides garçons de la campagne, qui vous bousculent les filles dans le foin sans faire de chichis, hein, Jean-Luc ?
À merveille, pour une nuit d’Halloween, en dépit du noir cafard.
Lui aussi. Il a une table, dans un coin. La musique est assourdissante. De temps en temps, je me trémousse sur la piste. Les garçons attendent les slows, qui ne vont pas tarder ; on vient ici pour frotter, alors on frotte. La paluche de Jean-Luc sur mes fesses. Je finirai peut-être la nuit avec lui. Mais non, il embrasse, sur la bouche, une autre fille. Tant pis. Tiens, Jérémy ! Toujours aussi mignon, et timide aussi.
Fallait pas redoubler ta terminale, Jérémy, tu serais à Clermont avec moi.
Tu prends de l’audace, Jérémy.
Si seulement tu me disais que tu sauras bien me réchauffer, mais non, tu fais une mine de chien battu, je n’aime pas les chiens battus. C’est pourtant vrai qu’il fait froid, ce courant d’air glacé quand la porte s’ouvre ! Tiens, des squelettes ! Six. Non, encore deux. Les derniers sont des filles. Minijupes noires, ornées des os du bassin, bas noirs avec, dessinés en blanc eux aussi, les fémurs et les tibias. Masques de têtes de mort. Les garçons aussi, têtes de mort mais collants noirs, les os du bassin en blanc, bien sûr, et les masques prolongés par un tissu sur lequel figurent les cages thoraciques. L’un d’eux invite Camille :
La vie est un songe. Romain est triste parce que Camille a suivi le squelette.
En effet, ça gambade sur la piste. Mais ça devient un slow et les lumières se font rares, Camille est dans les bras du squelette, Romain cherche à voir et ne voit rien. Les danses macabres conduisent en enfer. Jérémy boit, lui aussi. Camille revient ; elle est très rouge. Elle remet ses seins en place, une main tenant le bas du bonnet, par-dessus son corsage, un doigt en haut du sein droit, puis du gauche, sous le corsage, dans le décolleté. Après quoi, les mains sur sa jupe, elle se contorsionne pour que sa culotte retrouve sa place normale.
Alors c’est moi qu’il invite, le con, simplement en ouvrant les bras. Il rit, du rire éternel de ses trente-deux dents. Pour frotter, il frotte ! Sa bite va crever le nylon du collant. Quelle idée, aussi, de mettre un collant, pour un garçon ! Les filles ont mis des bas, pour avoir le bas-ventre libre. Le mien est humide, humide et chaud. Le squelette a passé une main sous ma minijupe. Il a relevé le bas de son masque ; sous les dents du mort, il y a des lèvres qui cherchent les miennes et qui les trouvent.
Une mijaurée vient de se séparer de son squelette en lui criant, indignée, qu’elle ne veut pas être tripotée. Il en rit, et vient se coller contre mon dos, les mains sous mon soutien-gorge, sans penser qu’il maltraite les pointes de mes seins, mais j’aime, je suis bien, entre ces deux corps ; ils peuvent me tripoter tout à leur aise, moi je laisse faire.
Je ne réponds pas que je suis tout contre, je récuse les banalités.
Je connais mais je dis non.
Ai-je le choix, en effet, coincée que je suis entre deux squelettes ? Nous progressons vers la sortie en nous faufilant entre les corps enlacés. Devant la porte il y a Caron, ne réclamant nulle obole mais apposant sur nos poignets la marque qui nous permettra de revenir sans payer une nouvelle fois, si l’on revient.
L’été, on fait l’amour dans le bois. Quand il fait froid, dans les voitures ou dans la grange du père Mathieu, qui est à un bon kilomètre, quand même. Certains marchent, d’autres prennent les voitures. J’ai froid. Ils m’ont lâchée, les squelettes, ils cherchent leur bagnole en grommelant. Je m’esquive, je cours vers le dancing. Haletante je montre mon poignet à Caron, qui s’étonne.
Déjà. Je suis incapable de baiser sans amour. Trop sentimentale !
Son bas-ventre contre le mien mais pas trop, il a peur que je me rende compte qu’il bande. Mais j’aime que tu bandes, Jérémy. J’y mettrais bien la main, si je n’avais pas peur de te faire peur. Et tu pourrais m’embrasser, Jérémy. Je vais t’emmener dans la grange du père Mathieu, Jérémy, je t’apprendrai les gestes de l’amour car je pense que tu es encore puceau. Il est doux d’être dans tes bras mais ils vont revenir, les deux squelettes.
Fera pas le poids, Jérémy. S’en ira, Jérémy. Les squelettes seront autour de moi, arracheront mes vêtements ; le projecteur éclairera soudain mes seins bien ronds, mon ventre, mes cuisses, mon pubis aux tout petits poils. Une lubie de Pierre, que je m’épile, mais ça repousse. Mes fesses charnues sur lesquelles les deux filles leur diront de frapper fort. La plus méchante, les doigts pinçant mes tétons gonflés de sève, me fera mettre à genoux.
Je n’aime pas les filles. Enfin, je crois, je n’ai jamais essayé, je suis jeune encore.
Puis elles se tourneront vers Jérémy, le mettront nu, suceront sa bite que je sens de plus en plus contre mon bas-ventre en feu. Il aimera ça, Jérémy ; il les baisera dans le foin qui sent si bon. Et moi, et moi ? Le squelette qui m’a traitée d’allumeuse passera le premier. Je croyais ne pas pouvoir faire l’amour sans amour mais je me trompais. Vont-ils, les autres, vont-ils me tenir les bras ouverts et les jambes écartées ? Ça les excitera, d’avoir l’impression de me violer, les types sont comme ça.
Après, ils joueront longuement avec mon corps, le temps pour eux de reprendre des forces. Il faudra que les suce, je le ferai très volontiers. Ils croiront me posséder mais en réalité c’est la fille qui possède, c’est dans la fille qu’ils vont et viennent, tous autant qu’ils sont. Ils vont venir, la porte s’ouvre devant eux, ils me cherchent, les voilà.
Ils n’ont pas insisté. Nicolas dort, sur le chemin du retour. Julien conduit très prudemment. Il a disparu longtemps avec une fille que je ne connaissais pas. Ils sont sûrement allés dans la grange du père Mathieu.
Il obéit. Je sors de la voiture. Les squelettes sont là, qui m’attendent. Ils se jettent sur moi, arrachent mes vêtements, me clouent sur la mousse, bras en croix, cuisses ouvertes. Je vais jouir, enfin jouir…