n° 15863 | Fiche technique | 8150 caractères | 8150Temps de lecture estimé : 5 mn | 23/10/13 |
Résumé: Une randonnée dans les vergers, une pluie, un brin de folie, un soupçon de volupté et une volonté de liberté. | ||||
Critères: forêt campagne danser nopéné exercice délire | ||||
Auteur : Naliah Envoi mini-message |
Voici mon premier récit publié ici, afin de recueillir (si possible) un retour sur mon travail. Je vous remercie de votre lecture (et correction pour l’équipe de publication) et… bonne lecture !
Le soleil brillait, mais des nuages frêles couvrirent le ciel bleu alors immaculé. Haut dans le ciel, l’excitation de molécules d’eau diminua, les interactions entre elles changèrent, les faisant s’agglomérer en une entité dont la tension superficielle avec l’air suffisait à garantir l’intégrité, maintenir la cohésion. Cette entité grossissait à mesure que d’autres molécules se joignaient à la cause, jusqu’à ce que le poids de l’ensemble atteigne le point de rupture le fit décrocher. Il tomba, tomba, accélérant jusqu’à atteindre sa vitesse critique, où l’accélération se faisait compenser par les forces de frottement, rendant le comportement de l’agglomérat un cas d’étude simple : la chute libre.
Cette communauté tomba, franchissant l’espace fini entre l’atmosphère et la terre. Après une longue chute, elle heurta une surface molle, s’écrasant dans un fracas silencieux, perdant toute forme de structure, structure dont les résidus s’étalèrent violemment.
Une goutte d’eau s’écrasa sur ma joue.
Une goutte d’eau s’écrasa sur ma joue, joue rosie par la chaleur qui régnait. Ce devait être une avant-gardiste car elle fut rattrapée par ses homologues : d’autres gouttes suivirent, criblant l’espace d’une myriade de balles liquides. Le sol crépitait, et l’odeur de pluie inonda la plaine, comme si on avait recouvert la terre d’un manteau de pluie.
Essayant de m’abriter, je ne parvins qu’à exposer plus encore mon corps à cette pluie chaude et… humide. J’essayais vainement de slalomer entre les gouttes, mais rapidement je dus me rendre à l’évidence que, même disposant d’une grande énergie, ma célérité n’était pas assez importante (pour rappel, c² = e/m). Je trouvai refuge sous un arbre. J’appuyai mon dos sur le tronc tortueux et fermai les yeux afin de me laisser envahir par le doux crépitement de la pluie. Je sentais sur mes jambes de petites éclaboussures, l’air rafraîchi délectait mon odorat. Je rouvris les yeux et tendis la main, offrant à mes sens le délicat picotement humide. On aurait dit de petites aiguilles qui se plantaient aléatoirement, sans schéma prédéfini, titillant ma paume. Un doux tremblement parcourut mon corps et attisa ma curiosité. Je passai un bras sous le rideau aqueux, puis le deuxième.
L’eau qui tombait du ciel était tiède : une de ces pluies d’été. Pluie qui en vérité se rapprochait davantage de l’averse : brève, soudaine, d’une grande intensité, incontrôlable – et malgré l’absence d’éclairs – foudroyante. Je déposai mon sac au pied de l’arbre et entrai dans un verger. L’odeur suave des abricots en maturation étreignait mes narines, tandis que les herbes hautes caressaient mes jambes dénudées. J’enlevai mes sandales et les lançai près du sac : elles parcoururent un arc parabolique avant de s’écraser mollement, loin de leur destination initiale. Je laissai éclater mon rire et m’élançai à travers les arbres, battant l’air de mes bras, comme si mon corps se livrait à une chorégraphie simpliste. Mes pointes de pieds foulaient le tapis herbeux, se heurtant de ci de là à des morceaux de branchage tombés avec le vent. Pour moi, tout n’était plus que mouvement.
Un contact : le tissu humide frottant sur la poitrine tendue par la lactation, peau hérissée de chair de poule. Les mouvements de mes bras associés à mes pas de danse sauvage tiraient le débardeur, qui me collait à la peau sous l’effet de la pellicule d’eau couvrant mon épiderme. Le contact de la toile agitée par le balancement de mes hanches, le glissement du tissage mouillé sur les côtes, caressant rêchement la peau transie.
Le clapotis de la pluie charmait mes oreilles, et les gouttes semblaient éclater sur ma peau en une myriade de doigts agiles, dont les projections m’entouraient d’une aura étoilée. La pluie continuait de tomber, imperturbable ; et moi, je continuais de danser – enfin, de sauter – en valsant, en des mouvements qui me semblaient gracieux dans l’exécution. L’éclair argenté de mon collier virevoltait au rythme de ma danse, comme mu d’une volonté propre. J’écartai mes bras en offrant mon buste au ciel, la tête dans les nuages, le tissu plaqué sur ma poitrine qui était parcourue de picotements. J’arrachai les attaches qui maintenaient mon soutien-gorge, et après une pirouette aussi technique que surnaturelle pour m’en défaire, il tomba au sol, sur les lieux du forfait. Je me sentais libre, exposée à cette eau tiède, exposée dans l’air, légère et sereine.
Un léger souffle de vent fit bruire les feuilles. Les mèches trempées vinrent fouetter mon visage et je passai une main dans mes cheveux pour les dégager, compressant à nouveau ma poitrine mise à nu sous le tissu irritant. La lente coulée de l’eau céleste sur mes jambes, hérissant la peau, me faisait frissonner. Ma peau irradiante chauffait l’eau, qui dégoulinait doucement dans l’intérieur de mes cuisses, m’arrachant un léger tremblement et un semblant de somnolence.
Le short collant devenait lourd, malgré la faible quantité de tissu au final. Il restreignait mes gestes amples, agrippant la cuisse à chaque montée de jambe jusqu’à bloquer l’une de mes pirouettes cabalistique, me faisant ainsi trébucher au sol. Furieuse, j’essayai de retirer ce vêtement traître mais mes hanches m’en empêchèrent. De plus en plus frustrée, j’entrepris de dé-zipper la languette crantée qui me serrait la taille, m’emmêlant les doigts sur cet appendice de métal rendu glissant. À mon grand désespoir, il se brisa et décrivit une courbe scintillante avant de se perdre dans les herbes. Rendue folle de rage, je fis sauter le bouton et écartai avec force les deux pans de tissu, occasionnant un bruit de déchirure métallique. Je le retirai et le lançai en lui criant de ne jamais revenir, libérant toute la frustration accumulée pendant ces quelques secondes interminables. Et je pris la fuite, reprenant mes pas de danse avec une joie renouvelée.
Je pris mes jambes à mon cou sans me retourner, craignant sans doute les représailles du short qui m’en voulait d’avoir été maltraité. Je courus à en perdre haleine, me frayant un passage à travers les branches qui accrochaient mon débardeur qui se disloquait. Je sentais le flux sanguin qui m’irisait les joues, rosies par l’effort et les quelques estafilades. Mon corps rayonnait de chaleur, qui contrastait avec le contact glacé de mon pendentif en argent.
À bout de souffle, je m’arrêtai, le corps cassé en deux en quête de sa respiration. Je me redressai, et mon débardeur devenu haillons coula le long de mon buste, tombant tristement au sol. La pluie, qui tombait toujours dru, frappa mes deux seins sensibilisés par l’activité des glandes mammaires, produisant sans cesse un lait douloureux. Un souffle de vent s’infiltra entre mes cuisses, plaquant le tissu fin sur mes lèvres palpitant sous la contraction cardiaque. Je souris, levant la tête au ciel, éclatant d’un rire cristallin en tournant sur moi-même. (Oui, je me « donne » un rire parfait.)
Je pris du recul : je n’étais qu’une fille n’ayant pour habits qu’une culotte, au milieu d’un verger sous la pluie, perdue dans les effluves abricotés un après-midi d’été. Des gouttes brûlantes couraient le long des abricots, gorgés et sucrés, pour finir leur course sur les troncs tortueux.
Julia, Élizabeth et Boule de Neige