n° 16212 | Fiche technique | 33324 caractères | 33324Temps de lecture estimé : 19 mn | 05/06/14 |
Résumé: Un couple heureux et conventionnel voit son équilibre perturbé par la tentation du libertinage. Une troublante expérience qui va bouleverser leur vie sexuelle. | ||||
Critères: grp boitenuit danser pénétratio portrait -couple | ||||
Auteur : Nicogarner |
DEBUT de la série | Série : Divines et libertines Chapitre 01 / 03 | Épisode suivant |
Maud et Jessica doivent slalomer entre tous les couples enlacés qui, debout, assis ou allongés, s’adonnent avec délices aux plaisirs de la chair. Elles passent devant une porte ouverte d’où sortent des bruits suspects. Si des bruits peuvent exprimer la débauche et la luxure, ce sont bien ceux-là. Maud n’en a aucun doute malgré sa naïveté, surtout depuis quelques heures où elle n’en a jamais vu autant de toute sa vie.
Poussée par la curiosité, elle tourne la tête et aperçoit, une brève seconde, un dos splendide, d’une cambrure exceptionnelle, puis des fesses magnifiques, rondes et d’une blancheur éclatante, tout de suite cachées par une silhouette masculine qui se penche dessus, les palpant fermement avant d’y appuyer son bas-ventre d’un coup de reins, puis se déhanchant avec rage en poussant des grognements de plaisir. La femme pousse des cris saccadés en tortillant et reculant son splendide postérieur pour mieux se faire pénétrer, et l’obscurité ne fait que suggérer la scène, ne la rendant que plus érotique.
Malgré elle, Maud s’est arrêtée, observant la scène. Ce spectacle la fascine et la révolte à la fois. Elle n’en croit pas ses yeux. Son éducation et ses inhibitions l’ont toujours empêchée de se prêter à ce genre de rapports, se limitant à des étreintes aussi sages que conventionnelles, comme le dictait la bienséance.
Ses yeux s’habituent à la pénombre et, brusquement, elle vacille sur place, comme frappée d’un coup de poignard en plein cœur. Elle vient de reconnaître le couple qui fait l’amour si indécemment. C’est Coralie et Olivier. Olivier, son compagnon depuis onze ans, le père de l’enfant qu’ils avaient conçu dans l’amour, l’homme qui lui avait demandé sa main six mois auparavant, celui qu’elle aimait et qu’elle avait choisi comme mari pour le restant de ses jours. Et il est là, entièrement nu, muscles tendus dans l’effort, le visage ruisselant de sueur, les traits figés par l’extase, le regard embué d’un désir primitif, en train de faire l’amour à cette femme comme jamais il ne lui avait fait l’amour.
Ses premiers sentiments sont la haine, la colère, la jalousie, toute cette confusion qui, à la fois, lui fait mal et lui donne envie de pleurer. Elle retient ses larmes, se mord les lèvres jusqu’au sang. Son cœur, alors serré dans un étau à lui broyer la poitrine, se remet à battre à un rythme accéléré. Maintenant, il y a la tristesse et l’incompréhension. Puis, enfin, la fatalité. Après tout, à quoi pouvait-elle s’attendre en se rendant dans une soirée privée entre couples échangistes ? Tout cela n’était-il pas de sa faute puisque c’est elle qui avait poussé Olivier à l’accompagner ? Il semblait logique qu’elle en fasse les frais, même si tout dérapait avec une rapidité qui dépassait l’entendement. Elle doit faire face à la réalité, en tirer les leçons qui s’imposent.
La jalousie ne cesse de la torturer, mais un autre sentiment indéfinissable s’y mêle, qui ressemble à une poussée d’adrénaline, à une excitation malsaine alors qu’elle ne cesse d’observer son fiancé avec une autre femme. Pour des raisons obscures, elle se sent submergée par une violente bouffée de chaleur quand Olivier plonge la tête sur la nuque de sa compagne, la léchant goulûment comme un animal affamé le ferait. Tenant solidement les hanches de sa partenaire, il accélère son va-et-vient, mêlant ses râles aux gémissements éperdus de celle qui se fait si délicieusement prendre par derrière.
Maud détourne vite les yeux, horriblement mal à l’aise de se sentir si excitée, mais une envie irrépressible la pousse à regarder de nouveau, et elle n’arrive plus à détacher son regard du couple. La scène lui paraît violemment érotique, elle tremble nerveusement quand Coralie pousse un cri libérateur, gémissant ensuite sans discontinuer alors que l’orgasme la prend pour ne plus la lâcher. Maud vibre à l’unisson, comme possédée à son tour. C’est comme si Olivier la prenait avec la même intensité. Elle sent la présence de Jessica tous près, derrière elle, son souffle sur sa nuque, son regard intense qui ne la lâche plus. Celle-ci lui susurre d’une voix douce :
Confuse, Maud regarde ailleurs. Elle se sent coupable d’être partagée entre la jalousie et une excitation sans nom. Elle en a assez vu. Le temps des explications viendra plus tard. Elle veut avancer mais, avec une soudaine brusquerie, Jessica lui barre le passage.
Maud en est persuadée, et c’est bien ça qui l’effraie. Et le désir de Jessica est si fort que cela en est contagieux, comme une fièvre qui la gagne à son tour. Un amour passionné vibre dans cette voix, comme une délicieuse promesse qui lui donne la chair de poule. Elle n’ose pas affronter son regard. Elle craint trop de céder à la tentation si elle la regarde de nouveau, aussi articule-t-elle faiblement :
La voix se brise, enrouée par une profonde émotion. Troublée, Maud lève les yeux. Ce qu’elle voit la bouleverse. Jessica pleure en silence, incapable de se contrôler, déchirée par des sentiments si intenses qu’elle n’arrive plus à prononcer un mot. Maud, de ses doigts tremblants, lui essuie les larmes, autour des yeux rougis et gonflés, puis sur les joues, et ne peut résister à l’envie de lui caresser les lèvres. Comme elle aime cette bouche !
Encore une fois, elle se sent oppressée par un désir impétueux, comme l’envie de goûter à une gourmandise irrésistible. Elle se reprend, échappe au vertige, se concentrant de nouveau sur les yeux pour sentir sur sa main le contact mouillé des larmes. Elle a besoin de constater par elle-même que tout ce qu’elle vit est réel, que le chagrin qu’elle a provoqué n’est pas le fruit de son imagination. C’est la première fois qu’elle émeut quelqu’un à ce point, et ce quelqu’un est une femme… une libertine qui ne cesse de clamer haut et fort ses pratiques échangistes, une forme d’amour récréatif et ludique où elle ne fait que prendre le plaisir comme il vient en se détachant de tout sentiment amoureux. Et elle vient de renier tous ses principes, lui ouvrant son cœur sans la moindre retenue.
Maud a du mal à réaliser ce qui lui arrive. Elle se sent flattée de détenir un tel pouvoir sur cette femme, ce qui serait sans danger, si elle n’avait pas non plus des sentiments. Elle réprime à son tour un sanglot, submergée par une violente émotion, perturbée comme elle ne l’a jamais été. Elle ne doit pas pleurer. Elle ne doit pas céder. Pour Olivier. Pour leur fils. Pour tout ce qu’ils ont construit ensemble. Bon sang, comment tout cela a-t-il pu arriver ? Comment Olivier se retrouve-t-il à faire l’amour aussi ardemment à une autre femme, et comment peut-elle se sentir autant attirée par une autre femme ?
Alors que Jessica la prend par la main et l’entraîne derrière elle, Maud n’a plus de volonté pour résister. Son cerveau, comme déconnecté de la réalité, embrumé par l’éternel combat entre le bien et le mal, la raison et la tentation, remonte lentement et difficilement dans le temps, dérive à travers les vapeurs de volupté. Les détails se gravent peu à peu avec plus de précision. Leur aménagement à Antibes, il y a trois ans. Et les retrouvailles d’Olivier avec Jessica, une amie d’enfance, qui est venue malgré elle bouleverser leur petite vie bien rangée.
À leur insu, c’est effectivement cette rencontre qui a tout changé.
Antibes, six mois plus tôt
Jessica finit son verre, jetant de façon discrète un coup d’œil à sa montre. Il lui tarde de partir. Décidément, les soirées avec ses amis conventionnels – ceux qu’elle appelle « les classiques » – finissent par la lasser assez vite. Tout paraît si fade et ennuyeux. Parler de tout et de rien, de la pluie et du beau temps, refaire le monde, des conversations interminables qui n’aboutissent sur rien de concret. De l’abstrait et du superficiel. Rien à voir avec ce milieu libertin qu’elle fréquente assidûment depuis quelques années. Là, on sait s’amuser, faire preuve de fantaisies et d’imagination, raviver des émotions charnelles et sexuelles, inventer des jeux érotiques et transgresser des tabous pour le plus grand plaisir des yeux et des sens. Ce qui ne risquerait jamais d’arriver avec Olivier, et encore moins avec sa trop douce et trop réservée fiancée.
De plus, dans ses oreilles retentissent les cris et les jérémiades d’un gamin encore plus insupportable que d’habitude. Il a été encore plus turbulent que lors de sa dernière visite, au point de débouler en hurlant dans le salon, négociant mal son virage pour heurter de plein fouet son bras alors qu’elle portait la coupe de champagne à ses lèvres. C’est malheureusement son pantalon en cuir qui en a subi les conséquences. Jessica tolère difficilement les enfants, les acceptant seulement s’ils font partie de la famille, et encore lorsqu’ils sont sages, posés, sachant rester à leur place. Mais Luc est turbulent et capricieux du haut de ses deux ans. Il est devenu le nombril du monde par sa présence excessive, ayant pris le dessus sur des parents trop tolérants et littéralement dépassés par les événements. Manque de rigueur et d’autorité. Cela la peine pour Olivier. Celui-ci s’excuse alors que son fils continue de brailler à l’étage.
Olivier change de conversation, prenant un ton léger en demandant :
À un autre, elle lui aurait cloué le bec en le traitant de vieux jeu, à l’esprit étroit et sectaire. Surtout qu’un beau garçon comme lui aurait été certain de rencontrer un succès fou. Olivier, avec son mètre quatre-vingt-cinq, tout en muscles, ses épaules larges, son visage carré au menton volontaire, son sourire avenant, presque enfantin, et ses yeux bleus emplis de douceur et de gentillesse, avait une vraie petite belle gueule d’ange irrésistible. Or, au lieu d’abuser de son physique et se la jouer séducteur ténébreux, Olivier était tout le contraire, quelqu’un de réservé, lisse et effacé. Et si naïf et idéaliste. Elle ne veut pas briser ses illusions. Et puis, c’est surtout un ami d’enfance qu’elle vient de retrouver récemment, et pour rien au monde elle ne voudrait le blesser ou le contrarier. Aussi fait-elle preuve de tact.
Olivier éclate de rire.
Olivier s’interrompt, couvert par les cris hystériques de son fils qui s’excite tout seul, là-haut dans sa chambre. Il s’apprête à intervenir lorsqu’une voix douce et cristalline se fait entendre :
C’est Maud qui sort de la cuisine et vient de lancer un ordre. Peine perdue. Le petit monstre s’égosille, rivalisant d’énergie pour montrer à tout le monde qu’il a la voix la plus stridente et, surtout, la plus stressante. Il semble difficile à battre dans ce domaine. Olivier est obligé de se lever, grimpant vite les escaliers en prenant une grosse voix de baryton. Jessica espère de tout cœur qu’il fera preuve d’un peu plus d’autorité. Elle l’entend crier encore plus fort. Cela semble enfin efficace, le garnement se tait, sermonné longuement par un père excédé.
Maud sourit à Jessica. Elle est à peine plus jeune que son mari, tout juste vingt-huit ans. Son visage d’une grande beauté est encadré de magnifiques cheveux noirs et soyeux où les mèches, sur les côtés, s’entortillent en boucles fines. Une impression d’innocence et de vulnérabilité se dégage de ses traits fins délicatement dessinés, de ses yeux bleus cristallins, expressifs et curieux, de sa délicieuse bouche en forme de pétale, aux lèvres charnues. Elle a une peau rosée sur un ton doré comme une pêche bien mûre, une peau éclatante de santé qui accentue sa fraîcheur et sa beauté naturelle. Elle n’est pas du tout maquillée, elle ne l’est jamais d’ailleurs, et Jessica regrette qu’elle ne fasse jamais d’effort pour paraître encore plus belle ; quelques retouches auraient un effet encore plus spectaculaire.
Maud s’assoit en face d’elle en poussant un gros soupir de soulagement. Depuis le début de la soirée, elle n’a pas eu un instant de répit, s’occupant du repas, de son fils, courant de la cuisine au salon avec une fébrilité épuisante.
Il est vrai qu’elle préfère être à sa place qu’à la sienne.
Ses paroles amusent Maud qui a alors ce petit rire radieux et enfantin qui la rend si attachante.
Jessica se penche en avant, la fixant de son regard intense. Elle connaît l’effet troublant de ses yeux verts, elle use et abuse de ce pouvoir de séduction sans le moindre remord. Maud est une victime perdue d’avance.
Maud devient aussi rouge qu’une pivoine, mais ses yeux se plissent avec espièglerie et elle affronte Jessica bravement.
Jessica est étonnée de son effronterie, cela ne lui ressemble pas. Elle la connaît peu, certes, mais jusqu’ici elle s’était montrée plutôt réservée et conventionnelle, pour ne pas dire ennuyeuse… Malgré elle, Jessica se prête au jeu, son côté provocateur est trop impétueux.
À son tour de se pencher vers elle, et la provoquer si hardiment que Jessica en reste sans voix. Elle ne reconnaît plus la douce et timide Maud, préférant ne plus s’engager sur un terrain aussi glissant. Elle l’apprécie trop pour continuer ce jeu brûlant avec elle. Jusqu’ici, il y a toujours eu entre elles une estime et un respect réciproques, elles ont en commun un être cher qu’elles aiment chacune à leur façon. Elles savent toutes les deux qu’un fossé les sépare, Maud a opté pour une vie traditionnelle, elle a eu le courage d’affronter les responsabilités familiales avec toutes les concessions et les sacrifices que cela implique. Servir son mari, éduquer ses enfants, s’occuper du bien-être de chacun est devenu sa seule raison de vivre, et apparemment elle se complaît dans ce rôle.
C’est là un choix de vie qui dépasse Jessica. Elle est fière d’entretenir une grande indifférence et une totale incompréhension à l’égard des couples hétérosexuels, n’y mettant son grain de sel qu’en de rares occasions, si la femme lui plaît, par exemple… Elle tente alors de lui ouvrir les yeux sur la vacuité d’une existence qui ne vaut pas la peine d’être vécue si elle s’enferme à perpétuité dans l’image morose de la femme au foyer. L’esclavage n’a-t-il pas été aboli ? Dans le couple hétéro, l’homme se réserve toujours le bon rôle, et la femme doit porter plusieurs casquettes : femme et maîtresse, mère et bonne-à-tout-faire ! Et pourquoi se consacrer corps et âme à une seule personne alors que la terre est une source inépuisable de partenaires différents et de plaisirs différents. Pour toutes ces idées subversives, Jessica est consciente de passer aussi pour ses amis libertins comme une immorale dépravée et décadente, mais on ne se refait pas ! En ce qui concerne ses amis « classiques », elle garde bien évidemment ce genre de pensées pour elle, ne tenant en aucune façon à se mêler de choses qui ne la regardent pas ou, pire, à provoquer la zizanie. Elle sait de temps à autre rester à sa place quand il le faut.
Maud lui ressert une coupe de champagne, comme pour souder leur nouvelle complicité et l’encourager à continuer leurs joutes verbales. Le portable de Jessica se met à sonner à cet instant. Sauvée par le gong ! Elle s’excuse, se lève et sort sur la terrasse. Elle sourit malgré elle, c’est le genre d’appel dont elle raffole. Son amie se montre toujours aussi directe :
Le plaisir laisse place à l’agacement. Parfois, Coralie est si sûre d’elle, si autoritaire, habituée à ce que les gens viennent lui manger dans la main, que cela la prend souvent à rebrousse-poil.
Jessica désapprouve de la tête. Décidément, Coralie Ha Tong, sa jolie petite thaïlandaise dépravée, comme elle s’amuse à la surnommer, ne pensera toujours qu’au sexe et à la bagatelle. D’un tempérament volcanique, Coralie est une véritable tornade survoltée et insatiable. Pour elle, le sexe est son territoire, un espace vital à conquérir et à parcourir inlassablement. Une quête de jouissance toujours plus aiguë, comme cherchant à repousser toujours plus loin des limites.
Cette exigence sexuelle est parfois difficile à assumer pour Jessica qui, tout en partageant cette sexualité non-conformiste, doit souvent se remettre en questions. La peur d’être larguée, de ne plus être à la hauteur, et d’être remplacée par un autre… Un homme. Car là aussi était le problème, la bisexualité de Coralie. Avant, elle avait vécu avec d’autres hommes, et rien ne l’empêchait d’y retourner un jour. Cette idée la braque encore plus et c’est énervée qu’elle réplique :
Furieuse, elle coupe la communication. Elle ouvre la baie vitrée et regagne l’intérieur, où l’attend Maud. Celle-ci trempe doucement ses lèvres dans son champagne, l’observant attentivement par-dessus son verre. Décidément, Jessica la trouve très bizarre. Peut-être ne tient-elle pas l’alcool, elle l’a vue boire plus que de raison, elle qui est du genre à se révéler très sobre dans tous les domaines… Pensive, Maud la fixe toujours d’un regard énigmatique, et lui balance brusquement sur un ton anodin :
Jessica s’en trouve la voix brisée, et c’est tout juste si elle parvient à croasser :
Jessica est gênée d’avoir ce genre de discussion avec Maud. Avant leur rencontre, cette dernière était bien évidemment au courant de ses orientations sexuelles, mais n’avait jamais abordé ce sujet et s’était toujours comportée comme si de rien n’était. Elle est habituellement d’une discrétion exemplaire, avec un sens aigu du respect de la vie privée d’autrui. Jamais elle n’a essayé d’obtenir des détails croustillants sur son mode de vie. Elle n’est pas du genre à se laisser aller à ces conversations intimes et indiscrètes que les personnes d’aujourd’hui se sentent obligées d’entretenir pour se lier d’amitié. Jusqu’à cette nuit, car elle semble soudainement frappée par une curiosité inexplicable. Jessica met de côté sa nature libertine pour la jouer plus raisonnable :
Jessica ne sait plus quoi dire, se demandant si elle est sérieuse ou non. Elle doit faire une telle tête que Maud se met à rire.
Celle-ci n’en n’est pas si sûre car les yeux de Maud brûlent d’une étrange façon. Cette dernière se penche légèrement vers elle, et lui dit sur un ton de confidence :
Jessica va pour acquiescer mais elles sont interrompues par Olivier qui revient en poussant un soupir de soulagement.
Encore déroutée, Jessica se donne une contenance en portant brusquement le verre à ses lèvres, avalant nerveusement plusieurs gorgées. Olivier s’assoit à côté de sa fiancée.
Maud lui adresse un sourire innocent.
Jessica s’étouffe, avalant de travers. Honteuse, elle s’excuse. Maud, un sourire étrange aux lèvres, se lève pour gagner la cuisine. Jessica, encore peu remise de ses émotions, la suit des yeux malgré elle. Maud a une démarche souple et gracieuse, mais c’est avant tout sa fine silhouette aux courbes pleines qui attire son attention. On ne se refait pas…
De taille moyenne, elle a un corps apparemment appétissant, mais qu’elle ne sait pas mettre en valeur, par manque de goût. Elle porte des vêtements amples, tristes, que Jessica n’oserait même pas mettre pour jardiner. Robes-sacs ou pantalons trop larges, elle n’a aucun sens de l’harmonie, et s’habille n’importe comment. Elle devine déjà dans ce laisser-aller les prémices de la routine qui s’installe dans le couple, le désir de ne pas faire d’effort pour plaire. Elle espère se tromper, ne souhaitant voir aucune menace planer sur leur couple. Si tel était le cas, c’est à Olivier d’être vigilant, d’être à la fois un homme attentionné et un amant inventif, de lui enseigner l’art de la séduction, de lui faire comprendre que rien n’est jamais acquis de façon définitive dans une relation à deux.
D’instinct, Jessica devine que la sensualité de Maud n’est pas encore arrivée à maturité, par manque d’expérience évidemment, et surtout freinée par une éducation trop religieuse et conservatrice. Il y a certainement en elle un feu intérieur qui ne demande qu’à s’éveiller, une sensualité qui plus tard se dévoilera, avec son futur mari s’il sait attiser ses désirs. S’il ne sait pas la satisfaire, le risque est qu’elle aille voir évidemment ailleurs ce qu’elle n’a pas à la maison. Avec d’autres hommes. Ou avec des femmes.
À cette dernière possibilité, Jessica sent son sang bouillonner. L’image de Maud nue et pâmée dans les bras d’une autre femme lui traverse l’esprit comme un délicieux flash érotique. Avec l’enivrante sensualité des caresses féminines, Maud découvrirait sans doute des voluptés insoupçonnées, à la fois raffinées et brûlantes, le goût des plaisirs saphiques, la soudaine révélation de sa propre féminité… Les allusions qu’elle a exprimées dans leur conversation n’étaient-elles pas un signe révélateur d’une bisexualité latente ? Cette possibilité la trouble au plus haut point, un mélange d’excitation intense et de honte, jamais elle n’avait réalisé jusqu’ici que Maud était une jeune femme très attirante. Elle ne lui avait porté aucun intérêt d’ordre physique parce qu’elle est la fiancée d’un ami d’enfance, donc une femme intouchable et inaccessible…
Jessica réalise brusquement qu’elle s’égare dans des fantasmes interdits et s’efforce vite de reprendre pied à terre. Elle aide Maud à desservir la table et lui promet, sur sa demande, à l’accompagner demain pour faire quelques emplettes. Maud semble en effet décidée à changer de look, à renouveler sa garde-robe. Jessica ne peut que l’encourager, ce ne sera pas du luxe !