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Temps de lecture estimé : 9 mn
16/06/14
Résumé:  Ce matin, j'avais l'âme foutative
Critères:  fh collection humour
Auteur : Samuel            Envoi mini-message
L'âme foutative

C’est vrai que depuis ce matin, je me sens l’âme foutative, comme disait Apollinaire. Déjà le réveil fut cruel au point que l’érection matutinale déchira brutalement les draps de soie (soit, la soie en soi est fragile, ça va de soi, mais qu’elle soit soie si fragile me déçoit). J’allume machinalement la radio et j’entends que Charlène de Monaco est bien enceinte. Mon sang ne fait qu’un tour et mon sperme se répand avec grâce sur le tapis persan (tant pis il est aussi percé que persan). Je prends mon petit déjeuner et le simple fait de tremper ma baguette dans le café au lait me trouble d’autant plus que j’entends la voisine du dessus uriner en sifflant un air de Carmen. En fait, elle sait que l’on entend tout dans ces appartements aux murs épais comme des mannequins anorexiques, alors elle siffle un air d’opéra pour qu’on n’entende pas sa miction généreuse clapoter dans la cuvette. Seulement moi, en mélomane consciencieux, j’ai bien vite remarqué qu’il y avait un fond musical auquel le compositeur n’avait pas songé. Aussi, par réflexe pavlovien, aujourd’hui le simple fredonnement d’une ariette me laisse systématiquement avec la vision d’un déluge urinaire.


Je prends alors mon journal que le facteur a glissé malicieusement dans la fente et j’apprends que Jamie Bell et Evan Rachel Wood ont rompu ! Je ne sais pas du tout qui sont ces gens-là, je ne comprends même pas qui est l’homme et qui est la femme dans ce couple (Jamie ? Evan Rachel ?), mais il me faut immédiatement son adresse. Au moment d’une rupture, je sais les mots que l’épouse délaissée ou délaisseuse veut entendre. Le problème, c’est que, vu leurs patronymes, il faudra nécessairement lui parler en anglais. Ça se complique. Non pas que je ne suis pas capable de converser british, mais les nuances subtiles de mon french vont me manquer. Je laisse tomber.


Une fois dans la rue, je croise une demoiselle en jupe fendue sur le côté et en corsage d’un blanc transparent et transpirant. Je l’aborde en me disant que ce soir je la borde. Un toupet, un culot !



Elle soulève sa jupe et deux taches renforcent le rouge déjà foncé de sa culotte. Puis, elle me sourit pendant qu’un filet glisse de sa bouche et vient lentement corrompre son corsage. Nous montons quatre à quatre les escaliers car elle craint que l’ascenseur ne vienne achever la décomposition de sa culotte en la faisant brusquement glisser sur ses chevilles. La concierge était dans l’escalier et me dit :



Lucie hausse les épaules et entre dans mon repaire. Elle jette tout ce qu’elle a sur elle et fonce dans la douche. J’ai à peine le temps de voir qu’elle n’a qu’une toute petite toison brune taillée à la cisaille de précision. Je prends ses fringues et je fais une lessive. Comme ça, j’aurais tout le temps de la contempler nue. Mais elle sort couverte de serviettes et demande le lit, dont je viens à peine de changer les draps. Je l’y conduis comme un majordome pour qu’elle dorme. Elle s’enfouit sous les couvertures et me dit bonsoir à neuf heures du matin. Je me dispose à disposer quand elle me rappelle :



Je lui explique le cas rare. Me presse d’essayer le curare. Je distingue son cul trop rare et je claque la porte en la retenant au dernier moment avec mon pouce qui porte encore les stigmates de ma délicatesse. Il me reste douze heures à perdre.


Bien sûr, il y a Fabienne qui ne laisse jamais tomber un amant en rade de Brest, mais Brest c’est si loin. Et puis, la dernière fois, ça ne s’est pas trop bien passé. L’acte sexuel, si. Une enculade du plus bel effet, avec l’ovale de l’anus qui s’arrondit comme pour en redemander, mais ensuite quand c’est fini, se taire. C’est ainsi dans le Finistère.


Bien sûr, il y a la belle Laurette, que je n’ai pas vue depuis belle lurette et même très belle lurette. Je pense qu’elle me reconnaîtra, mais de mon côté, je ne suis pas du tout sûr de ne pas la confondre avec Laurine, que je ne pas vue depuis belles latrines ou avec Laure que je n’ai pas vue depuis Belphégor.


Bien sûr, il y a Romane avec laquelle j’ai fourragé dans tous les lieux de cultes et de culbutes. Ah, ce beau dimanche ! Ça te dit de visiter une église, Romane ? Oui, ça lui disait de me prendre dans le confessionnal, con, fesses, et anal. Nous avons souillé le presbytère tant elle m’a pressé la verge et je suis même monté en chair pour la monter en chaire et en os ou inversement. Et même dans le couvent « les cénobites tranquilles », on n’a pas pu s’abstenir. Elle tenait ma bougie en prétendant que c’était un cierge et les moines y ont foutrement cru.


Bien sûr, il y a Delphine, porte Dauphine. Mais c’est une sportive, toujours en jogging, qui chronomètre tout, qui ne rate aucune retransmission de tennis et nous sommes en pleine quinzaine de Roland. La dernière fois, ce fut la confusion. Elle m’emmène pour un footing dans le bois de Boulogne. Je la suis un moment, puis je la perds de vue, je la retrouve enfin, mais ce n’était pas elle. Elles s’habillent toutes de la même façon, ces joggeuses ! L’autre a crié au scandale, alors que je lui ai juste baissé son pantalon de survêtement. En voyant ces deux fesses ovales, je me suis bien rendu compte de mon erreur, mais il était trop tard. Je prends une claque, puis une autre de Delphine pour l’avoir confondue avec une fille qui a des fesses ovales.


Bien sûr, il y a Dominique avec laquelle je n’ai pas encore couché ; c’est pourquoi j’ignore si c’est une fille ou un garçon. Dominique, ce prénom est tellement androgyne… Et puis, aujourd’hui, on ne sait plus qui est qui. En douze heures, je peux au moins me faire une idée et savoir si je me fais des idées. Il ou elle m’apprécie, c’est indéniable. Encore l’autre jour, au point de partager un chausson aux pommes. Partager un croissant, ce n’est pas une preuve, ni une épreuve. Il se coupe tout seul. Mais un chausson aux pommes, il faut du mérite pour le partager. On s’en met plein les doigts, la pomme chaude ou refroidie vous tombe sur les chaussures. Il faut aimer quelqu’un assez fort pour partager un chausson. Mais est-ce que de mon côté, je l’aime aussi fort, surtout si c’est un garçon ? Par ailleurs, Dominique, Domi, domination soft, domination hard, BDSM, Dominique nique nique… C’est tentant, n’est-ce pas ? Je préférerais que ce soit une fille, mais si c’est un garçon et qu’on joue aux dominos, ça me plairait aussi. Même un strip-domino. Voilà l’idée ! À chaque fois qu’on perd, on enlève un vêtement. Comme ça, je verrai bien si c’est une fille.


Je vais donc chez Domi avec un jeu de dominos flambant neuf. Justement, quand j’entre, il (ou elle) est en train de jouer avec son bilboquet. Ce que cela peut m’exciter ! Quand la tige entre dans la bille percée d’un ou de plusieurs trous dans un bruit de bois brut ! Il m’explique qu’il s’agit en fait du bilboquet suisse : le principe est inversé. Le joueur tient la boule et tente, après avoir lancé la tige en l’air, de l’enfiler directement dans le trou de la boule. Oh là là, c’est aussi démoniaque que pervers. Je suis obligé de lui demander immédiatement où sont les toilettes. Quand je reviens, Dominique a consciencieusement étalé le nouveau jeu sur la table du salon et je lui explique les règles du strip-dominos, sport qui fait fureur en Colombie britannique. Il voit vite que le but est se retrouver à poil le plus vite possible et elle ne comprend pas pourquoi j’ai dépensé 18 euros pour en arriver là. On commence et je perds vite ma chemise, alors que j’avais le double-six. Puis ça dure un peu, mais je perds mes chaussures et chaussettes, mon pantalon et caleçon. Lui (ou elle) ne perd rien pour attendre. Moi, je perds patience. Pour me faire plaisir, grand seigneur, il perd son foulard. Je suis nu et lui il a perdu son foulard. La partie se termine. Je me lève pour le féliciter. Il ou elle me serre le gland. Juste à ce moment, sa mère rentre et lui dit :



Il me raccompagne, elle me fait une bise. Dans l’escalier où je me rhabille, la concierge me dit : Dominique est imbattable au strip-dominos. Je n’ose entamer une discussion sur le sexe.


Enfin, il est temps d’aller réveiller Lucie, sinon elle va mal dormir la nuit prochaine. Finalement je lui ai laissé bien plus que douze heures avec cette dernière escapade. On dira que c’est par courtoisie, pour montrer que je ne pense pas qu’à la monter. Je me prépare psychologiquement. Il va falloir mener rondement l’affaire. Je me donne une maxime :


« Ce sera le diable si je laisse Lucie faire ».


Effectivement, c’est à moi de prendre les devants si je veux la prendre par derrière, ce qui est un peu mon obsession. Ce ne sera pas si simple. Apparemment son amant l’a comblée ; j’en ai la confirmation dans ma machine à laver. Je prends deux croissants chez une boulangère croustillante. J’entre doucement et je referme la porte avec une précision chirurgicale. Tout est calme dans l’appartement. Je fais un café qui me vient de Colombie directement par mon importateur de feuilles de coca. J’entrouvre la porte de ma chambre ; il y fait noir comme dans une cave à charbon une nuit sans lune, mais je connais tous les coins et recoins les yeux fermés. Ah, l’avantage du terrain ! comme diraient Napoléon et Didier Deschamps. Je m’assois sur le lit et caresse avec douceur un pied qui sort de la literie. Un murmure de satisfaction répond à mon attente. Je prends alors l’autre pied pour que tout ce fourmillement remonte le long des jambes. C’est alors qu’un troisième pied apparaît ! Je pousse un petit cri, le réveil est brutal. Il y a un homme avec Lucie, qui m’explique qu’elle avait fait sonner sa montre à l’heure indiquée (je sais bien : douze heures, mais enfin, on n’est pas à la pièce !) À ce moment, un homme est entré par la porte qui n’était pas bien fermée et elle a cru que c’était moi dans son demi-sommeil. Mais qui est donc cet intrus, cet usurpateur ? Je découvre un uniforme de plombier. Nom d’une pipe ! J’avais effectivement fixé un rendez-vous pour une fuite sous le lavabo. Le type se redresse, ne se démonte pas (alors qu’on pourrait attendre d’un plombier qu’il démonte) et me dit :



Je regarde Lucie dans les yeux ; elle est toujours plus belle quand elle vient de baiser. Elle me dit :



La pisseuse du dessus a repris ses vocalises. Le plombier est sous le lavabo. Je m’attends à une facture salée s’il compte ses heures de présence. En sirotant son thé, Lucie repasse ses fringues et ses leçons de linguistique avant d’aller à la fac. Une nouvelle fois, je change les draps du lit. Dire que j’avais l’âme foutative…