Il pleuvait ce jour-là sur notre bonne ville de Chicago… une pluie drue qui faisait déborder les caniveaux, qui ruinait les chaussures et qui dégoulinait sur la ville aussi sûrement que de la bêtise dégouline d’un tabloïd.
Affalé derrière mon bureau, j’étais plongé dans une biographie de Bill Clinton, attendant désespérément le passage où interviendrait Monica. Je pestai en tournant la page 8 sans avoir encore vu apparaître son nom, mais je fus interrompu par un cri de Karen, ma charmante assistante, qui ouvrait la porte à toute volée :
- — Gaaaaaaaaaarde à vous !
Je me levai brutalement, droit comme un I, étouffant un juron en constatant que mon livre était tombé sur la moquette et s’était refermé ; je n’avais pas eu le temps de corner la page où j’en étais resté et j’allais sûrement perdre le fil de l’histoire. Et puis soudain, une pensée traversa ma tête comme la comète de Haley : je n’étais pas militaire, alors pourquoi me mettre au garde-à-vous ? Je me penchais pour ramasser mon livre, préparant un sacré sermon pour mon assistante, quand je perçus l’entrée d’un autre personnage.
Le lecteur ne me croira peut-être pas, mais j’en restai confondu, bouche bée, incapable de dire quoi que ce soit. Alors que Karen restait au garde-à-vous près de la porte, un homme débarqua dans mon bureau d’un pas décidé, l’allure virile, le menton carré, cintré avec aplomb dans un uniforme militaire impeccable, galons, étoiles, décorations… la panoplie totale.
De sa démarche raide comme la justice, comme s’il défilait un jour de fête nationale, il effectua un quart de tour à droite et se planta devant mon bureau, retira sa casquette en laissant apparaître des cheveux gris taillés en brosse et dit d’une voix qui claquait comme le fouet d’une dominatrice SM :
- — Détective Booth ? Don Booth ? Je me présente : Brigadier Général Terry K. Pout ! US Army !
- — Euh…
- — Hé bien, vous avez avalé votre langue, détective ? J’espère qu’elle avait bon goût ! Asseyez-vous !
Et sans plus attendre, il s’assit sur un fauteuil, m’indiquant de la main le siège à côté. Je pris la place qu’il m’indiquait, réfléchissant que c’était finalement MON bureau et MES fauteuils et que je n’avais pas à attendre sa permission.
- — Merci Mademoiselle, vous pouvez vous retirer !
- — Bien Mon Général, répondit Karen en quittant le bureau en refermant la porte derrière elle pendant que je me faisais la réflexion que c’était MON assistante.
- — Charmante, reprit Pout, votre épouse ?
- — Euh… non…
- — Alors épousez-la ! Si j’avais vingt ans de moins, c’est ce que je ferais !
- — Excusez-moi, Monsieur…
- — Général ! Juste Général ! Ça suffira, rassurez-vous, je ne suis pas très « codes de politesse » !
- — Ah ? Ravi de l’apprendre, Général. Mais quel est le…
- — Bon sang, c’est des cigares dans votre boîte, là ? J’en prendrai un, merci !
- — Euh… oui, servez-vous, je vous en prie…
- — Merci bien, détective !
- — Mais dites-moi…
- — Oui ? Que puis-je faire pour vous, détective ?
- — Non, en fait c’est plutôt moi qui dois demander…
- — Bon dieu ! Me dites pas que c’est des cubains quand même ? J’ai fait la Baie des Cochons, moi, je vous signale !
- — Euh… non, pas des cubains, ces cigares viennent de Virginie, je…
- — Ah ! La Virginie ! Très bien ! Ça me rappelle la bataille de Yorktown !
- — Vous y étiez ?
- — En 1781 ? Bon sang que non ! Les tuniques rouges s’étaient retranchées dans la ville, et…
- — Général !
Il arrêta enfin de parler et de m’interrompre sans arrêt. Il faut dire que j’avais hurlé tellement fort que les sismologues de Los Angeles devaient croire à l’arrivée du Big One en regardant leurs appareils de mesure. Karen passa la tête par la porte, rompant malheureusement le silence que j’avais péniblement réussi à imposer :
- — Pourquoi ce cri ? Un problème ?
- — Bon sang, Mademoiselle, votre patron a un sacré bel organe ! Et je m’y connais !
- — Bof, dans la moyenne, et parfois un peu mou…
Je me pris la tête entre les mains… cette journée était définitivement pourrie. J’essayai de prendre la parole, cherchant des yeux mon fidèle Colt, des fois que l’aboyeur galonné ne se mette en travers de mon chemin :
- — Général, s’il vous plaît, si vous expliquiez la raison de votre visite ?
- — J’ai hésité à vous balancer ça d’entrée, on me dit souvent que je suis trop direct ! C’est pour ça que j’essayais de faire la conversation !
- — Je vous assure que c’était très réussi, et j’y suis sensible, Général.
- — Vous êtes un gentleman, détective !
- — Donc, que puis-je faire pour vous ?
- — J’ai perdu… eh bien… c’est un peu délicat…
Je vis avec stupéfaction l’aboyeur perdre subitement tous ses moyens, baisser la tête et se mettre à rougir. Sur le coup, cela me fit un certain plaisir, je me sentais soudainement plus détendu, moins étouffé dirons-nous.
J’avais suffisamment d’expérience dans mon métier pour tout de suite comprendre qu’il y avait une histoire de cœur là-dessous. Un mari trompé peut-être ? Il était clair qu’un homme dans la position de ce Général Pout n’avait pas trop intérêt à ce que ses problèmes de couple ne s’ébruitent…
- — Je vois, Général, n’en dites pas plus. Quel est son nom ?
- — Betsy… répondit-il d’une voix toujours incertaine.
- — Vous l’aimez ?
- — Bien sûr ! On ne rencontre pas une telle chienne tous les jours !
- — Euh… Oui, je me doute qu’elle doit faire de sacrés trucs…
- — Vous la verriez quand elle se roule par terre à mes pieds, un tel spectacle… j’en ai la larme à l’œil parfois, je l’avoue.
- — Soumise ? Chacun son truc, rassurez-vous, je ne juge pas ce genre de choses. Et elle a disparu ?
- — Oui, envolée… elle était là, avec moi, chez le Général Wilkins, un vieil ami à moi. J’ai l’habitude d’aller passer quelques jours de vacances dans sa propriété, ici, près de Chicago. Et j’amène Betsy avec moi, ce bon vieux Wilkins l’adore, il a été mon prédécesseur à la tête de mon régiment actuel, avant d’avoir de l’avancement, et il a bien connu Betsy à l’époque. Ils s’aiment, c’est évident !
- — Et malgré cela, vous amenez tout de même Betsy chez lui ?
- — Mais bien sûr ! Comment pourrais-je les priver d’un tel bonheur ! Vous les verriez ensemble… quand il la caresse doucement, et qu’elle le lèche partout en échange… ça fait fondre mon cœur de soldat aussi sûrement que la vision de l’explosion d’une bombe Mark 77 ! Et vous verriez Betsy avec Mme Wilkins, c’est pareil, elle aussi aime la caresser.
Je me fis la réflexion que Pout et ses amis faisaient des choses étranges, mais je restai professionnel et repris :
- — Il me faudra une description de Betsy, ou encore mieux : une photo. Elle est comment physiquement ?
- — Plutôt petite, avec des poils très longs.
- — Je ne pense pas que la description de ses poils m’aidera à la retrouver. Blonde ou brune ? Asiatique, Black, Latino ?
- — Setter irlandais.
- — Pardon ?
- — Oui, un setter irlandais, vous savez ce que c’est ? Regardez, voilà sa photo.
Je regardai avec suspicion la photo qu’il me tendait.
- — Quoi, c’est ça, Betsy ? Un chien ?
- — Oui, je vous l’ai dit. Vous pensiez à quoi ? Elle est un peu la mascotte du régiment. Sa disparition est un sale coup, mes hommes seront accablés lorsqu’ils l’apprendront ! Mais bien sûr ils ne l’apprendront pas, car vous allez me la retrouver !
Il reprenait son aplomb, à mon grand déplaisir.
- — Ho là, Général, on se calme ! Continuez plutôt à me raconter où et comment elle a disparu.
- — Hier matin, chez le Général Wilkins. J’étais sorti faire un footing dans la forêt devant sa propriété. Betsy courait à mes côtés. À un moment, appel radio…
- — Appel radio ?
- — Ce bon vieux Wilkins… il m’appelait sur mon portable.
- — Que voulait-il ?
- — Position et ETA.
- — Pardon ?
- — Où j’étais et à quelle heure j’allais rentrer.
- — Pourquoi voulait-il savoir ça ?
- — Détective, quand vous êtes en guerre, le renseignement sur les mouvements amis et ennemis est essentiel !
- — En guerre ? Mais contre qui ?
- — Les Esteraz !
Je me levai, partis droit vers mon bureau, ouvris le tiroir du haut, attrapai la bouteille de Jack Daniel’s et en bus quatre grosses gorgées d’affilée. Je sentais ma tête enfler, prête à exploser comme la bombe Mark-machin dont parlait le Général. J’essayai de rester calme en reprenant :
- — C’est quel pays ça, Esteraz ?
- — Les voisins de Wilkins.
- — Et vous êtes en guerre contre eux ?
- — Wilkins l’est. Et je suis son allié.
- — Je comprends pourquoi on vous appelle « la grande muette ». Vous aimez pas trop donner des éclaircissements. Vous êtes en guerre pourquoi ?
- — Aucune idée, je n’ai pas demandé. Wilkins m’a dit qu’ils étaient en guerre, je n’avais pas à poser plus de questions, cela me suffisait, il a toute ma confiance.
- — OK. Mais reprenons. Votre ami vous appelle sur votre portable pour savoir tout ça, et ?
- — Je réponds, je raccroche, je me retourne : plus de Betsy ! Je l’appelle, je cherche autour, je suis ses traces sur le sol quelque temps, je perds sa piste. Appel radio à Wilkins, organisation d’une mission de recherche, ratissage de la forêt pendant que Mme Wilkins reste au QG pour synchroniser les actions et couvrir les arrières, mais aucun résultat… Ce matin, toujours pas de Betsy, nous ne sommes pas assez nombreux pour être opérationnels, je viens chercher du renfort. Et voilà !
Je repris quelques gorgées de Jack Daniel’s.
- — Se peut-il que Betsy ait fait une fugue ?
- — Sûrement pas ! Jamais ! Huit ans de service, toujours un comportement exemplaire ! Elle n’a jamais fui devant l’ennemi ! Même pas devant Boozer, le bulldog agressif qui sert de mascotte à ces nabots du 14ème d’infanterie… Plusieurs citations à l’ordre du régiment, décorée une fois ! Une carrière héroïque !
- — Votre hypothèse ?
- — Elle a vu quelque chose, a suivi une piste, et il lui est arrivé une tuile.
- — Et vous pensez que je peux vous aider ?
- — J’ai besoin de renforts… de renforts discrets.
J’allais répondre, mais alors je m’aperçus que Karen était toujours à la porte du bureau et que de grosses larmes coulaient sur son visage au maquillage ravagé.
- — Un souci, Karen ?
- — Non, aucun, je pense juste à cette pauvre Betsy, ça me rend triste…
- — Ça me rend triste aussi, Mademoiselle, ajouta Pout en se levant et en marchant vers elle. Mais j’essaye de rester digne. Vous, vous avez de la chance, votre position ne vous interdit pas de pleurer !
Un général émotif… je glissai la bouteille de bourbon dans une poche de mon manteau, pris mon Colt, et partis vers la sortie.
- — Général, je vous suis !
- — Don ? Que t’arrive-t-il ? Je ne t’ai jamais vu accepter une enquête aussi facilement ?
- — Tais-toi, et prends le volant, moi je suis trop occupé avec le Jack Daniel’s, répondis-je en lui tendant les clés.
Certains auraient pu dire que je devenais sentimental… mais en fait je trouvais juste que Karen n’était pas très sexy avec ses traces de mascara sur les joues et ses reniflements morveux.
On devait assurément bien gagner sa vie lorsque l’on était général. Wilkins avait en tout cas une très belle maison, située en bordure d’une forêt à environ une heure de route de Chicago. Une grande bâtisse au style XIXème siècle qui fit pousser des cris de joie à Karen alors qu’elle se garait devant, ma vieille Ford trouvant difficilement sa place entre plusieurs voitures nettement plus rutilantes.
- — Ce bon vieux Wilkins a aussi appelé du renfort, dit Pout pour justifier l’embouteillage devant la maison.
La pluie avait cessé, mais l’air restait très humide. Et il faisait un froid de canard. J’avais bien fait d’emmener du bourbon. À la suite de Pout, Karen et moi entrâmes dans la grande maison et nous dirigeâmes directement vers la cuisine. C’était pas une mauvaise idée, j’avais faim… Mais Pout ne s’y arrêta même pas et, ouvrant une porte dévoilant une volée de marche, nous mena vers la cave. Et arrivé là, je ne pus faire qu’une seule chose : dire « Bon sang de bordel ! ».
La cave de la baraque n’était rien d’autre qu’un immense foutoir, un truc encore pire que la piaule de mon deux-pièces un lendemain de cuite, c’est dire. Et je comprenais pourquoi Pout avait parlé de QG tout à l’heure. Des écrans de contrôle montrant les différents endroits de la maison et des alentours occupaient presque tout un mur. Des râteliers d’armes en occupaient un autre de façon plus qu’agressive. Des tables, des tableaux blancs, des armoires métalliques, une lumière crue, des types partout, qui parlaient, se bousculaient, s’interpellaient, certains vêtus de treillis militaires… Karen et moi restions à l’entrée, n’osant pas nous mêler à cette masse grouillante comme un tas de vers sur un vieux steak.
- — On est où ici, dit Karen, Fort Alamo ?
- — Fort Alamo ? Mauvaise position défensive par rapport à celle-ci, trop exposée. Venez, Wilkins est là-bas.
Nous le suivîmes en essayant de ne pas faire attention à l’agitation ambiante et entrâmes dans un bureau aux parois vitrées façon aquarium dans lequel se trouvaient deux types : le premier était un petit nerveux assis devant un immense poste de radio, le deuxième un type costaud d’un âge déjà noble, mais à l’œil vif et alerte.
- — Brigadier Général Pout au rapport, Mon Général !
- — Repos, répondit le type costaud d’une voix de baryton.
- — J’amène un détective privé et son assistante. L’opération « Foudre de Zeus » suit son cours ?
- — Foudre de Zeus ?
- — Oui, détective, c’est ainsi que nous avons nommé l’opération consistant à retrouver Betsy.
- — Oui, Pout, reprit Wilkins en se dirigeant vers une carte de la région accrochée au mur sur laquelle se posèrent ses gros doigts. Je centralise les infos depuis ici. J’ai Tyler, ici présent, qui s’est improvisé opérateur radio. J’ai une équipe de huit éléments aux ordres de mon jardinier, Ramos, en train de patrouiller les rues ici, ici, et ici dans des pick-up civils réquisitionnés. J’ai deux hommes là, deux autres ici et un autre là en embuscade au cas où, j’ai deux détectives qui patrouillent la forêt, ils seront rejoints par les gars ici qui se préparent à faire une sortie. Mon petit-fils surveille nos voisins avec l’aide de la bonne. Et Madame Wilkins est partie acheter des rations pour tout le monde.
- — Votre petit-fils ? Mais mon général, il n’a que 11 ans !
- — À la guerre comme à la guerre, Pout, et puis il faut bien qu’il apprenne un jour à devenir un homme ! J’ai besoin de vous, nos gars sont trop dispersés du côté de la forêt. Nos lignes de communication sont plus étirées que le string d’une prostituée de Tijuana et j’ai peur qu’elles ne pètent ! Vous vous occuperez de prendre la direction des opérations par là-bas. Prenez vos deux renforts avec vous ! Courage Pout, nous la retrouverons !
- — À vos ordres, merci !
Puis, se tournant vers le petit nerveux :
- — Alors Tyler, et cette jambe ?
- — Elle ne me dérange pas, rassurez-vous.
- — C’est le voisin d’en face, il a une vilaine blessure à la jambe suite à une chute et pourtant il tient son poste devant cette radio ! Un brave ! Prenons exemple sur lui ! Mais venez, nous avons assez perdu de temps ! Suivez-moi, vous deux, vous entrez en guerre à nos côtés, il va y avoir du sport ! Détective, sortez la main de votre poche ! Si une de vos couilles explose, vous serez manchot ! Déconnez pas avec ça ! Je me souviens que durant une mission à…
- — Prenez des armes, lança Wilkins ; les Esteraz…
- — Merci du conseil Mon Général !
- — Ah oui, dis-je, les Esteraz. Général Wilkins, j’aimerais comprendre cette histoire de guerre avec vos voisins !
- — Une longue histoire ! Une sale histoire ! C’est moche… Des gens très bien, des voisins parfaits ! Mais ils cachaient un terrible secret ! Une affreuse trahison !
- — Expliquez-vous Général Wilkins.
- — Un matin d’infamie, j’ai surpris Robert Esteraz en train de mettre son sac-poubelle dans ma benne. Madame Wilkins ne s’en est pas remise, j’ai bien cru devoir l’envoyer en thérapie, ça lui a retourné le ciboulot ! Et quant à moi j’ai pris les armes ! Et je ne suis pas prêt d’enterrer la hache de guerre ! La semaine dernière encore, une opération minutieusement préparée a conduit à un superbe succès ! Je me suis faufilé derrière la haie ! Armement : le bac de la tondeuse à gazon ! Couverture : mon fidèle Ramos sur le balcon de la chambre d’ami, et Madame Wilkins qui surveillait les fenêtres donnant sur la façade ! Objectif : vider le contenu du bac sur la pelouse de l’ennemi ; une parfaite réussite !
- — Attendez ! Vous êtes en train de me dire que vous faites tout cela juste pour une histoire de poubelle ?
- — Et qu’est-ce que vous croyez, que je vais me dégonfler ? Chez nous, dans l’armée, nous avons des paires de couilles plus grosses que tout le Maryland !
Je refusai d’en entendre plus, repris une lampée de bourbon et sortis à la suite de Pout et Karen. Pout n’arrêtait pas de hurler des encouragements bourrés de testostérone à tous les gens qu’il croisait. Il beugla des ordres aux gens qui étaient encore présents dans la cave, leur donnant des instructions sur ce qu’il appelait un « déploiement ». Je me dis que cette histoire devenait du grand n’importe quoi. J’étais pris entre une bande de fous à la tête d’une sorte de milice paramilitaire, une guerre de voisinage sur fond de poubelles et un setter dans la nature…
- — Karen, glissa Pout alors que tout le monde sortait de la cave, faites-moi plaisir jeune fille, allez vers cette caisse là-bas, et prenez-y une grenade.
- — Une grenade ? Mais pour faire quoi ?
- — La glisser entre vos cuisses, si vous êtes capturée par l’ennemi, le salopard qui tentera d’abuser de vous aura une drôle de surprise.
- — Mais quel ennemi ? On ne sait même pas s’il y en a un, dis-je sur un ton qui frisait la cour martiale. Les voisins ? Vous pensez qu’ils ont enlevé le chien ?
- — Eux ? Oh je n’y crois pas. Lui est comptable et sa femme est médecin, ils n’ont pas l’entraînement nécessaire pour pouvoir s’attaquer à la mascotte du régiment. Les pertes seraient trop nombreuses. Mais il y a peut-être un ennemi caché, une cinquième colonne, l’œuvre d’une puissance étrangère hostile ! Imaginez des forces terroristes qui tenteraient un chantage à la mascotte !
- — Sans blagues ! Vous y croyez sérieusement ?
- — Nous ne négligeons aucune piste ! Je vous laisse ! Prenez vos postes, vous avez vos objectifs de mission ! Bonne chance !
Et il nous laissa plantés là, au milieu de la pelouse du Général Wilkins.
- — Ne le dis à personne, Karen, mais je crois que notre employeur est dingue.
- — Viens, Don, nous devons gagner nos positions.
- — Tu ne vas pas t’y mettre aussi ? Elles sont où d’ailleurs nos positions ?
- — Don ! Tu n’as pas étudié la carte avant de partir ? Secteur C8, il se trouve dans cette direction et si nous marchons bien et ne rencontrons pas de résistance nous y serons dans 17 minutes.
Je repris une gorgée de bourbon…
La journée allait vers sa fin, la nuit était prête à prendre le relais. Suivant Karen, je m’enfonçais dans la forêt qui devenait de plus en plus dense. Le bas de mon froc était trempé par toute la flotte qui s’était déversée sur la région aujourd’hui. Mes chaussures ressemblaient à des piscines. Ça puait tout autour, mélange conifères et mousse détrempée, moi qui étais plutôt habitué aux pots d’échappement et aux égouts… Et tout ce bordel pour un chien !
- — Karen ! Tu as entendu ?
Je tendais l’oreille, les sens aux aguets. Il m’avait semblé entendre un bruit, un craquement de brindille.
- — Oui, chuchota-t-elle, j’ai entendu quelque chose, par là. Mais ce n’est pas le secteur C8, Don…
- — On s’en fiche, il faut aller voir. Viens !
Je partis à pas de loups vers l’origine du bruit, tel un guerrier sioux sur le sentier de la guerre. Des taillis, des arbustes, des rochers, des troncs d’arbres… la forêt était particulièrement dense ici, et avec la lumière qui déclinait on ne voyait pas à plus de quelques mètres. Karen me suivait, sortant un truc bizarre de son sac à main.
- — C’est quoi ?
- — Appareil de communication radio, je l’ai pris dans la cave. Je vais appeler du renfort.
- — Arrête ça ! On ne sait même pas ce qui fait ce bruit, j’ai pas envie d’avoir la moitié de l’armée sur les talons quand on aura l’air ridicule en débusquant un daim !
- — Oui, tu as raison, reconnaissance, observation, réflexion, puis action !
- — Si tu le dis…
Le bruit se faisait plus fort. Pas de doute, il y avait quelque chose droit devant moi. Derrière ce rideau de buissons peut-être… Aux craquements de brindille s’était joint un bruit bizarre et impossible à identifier, une sorte de gémissement plaintif. Un setter irlandais pouvait-il faire ce bruit ? Et puis un autre son encore, un chuintement… qui s’avéra en fait être provoqué par mes godasses pleines d’eau.
La main sur le Colt, j’écartai les buissons en retenant mon souffle… et je compris très vite ce qui provoquait les différents bruits que nous entendions.
Au milieu d’un écrin de végétation, dans la pénombre de la forêt, je voyais assez nettement la silhouette d’une femme à califourchon sur la silhouette d’un homme, et nul doute sur ce que les deux silhouettes faisaient, il suffisait de voir comment elles s’emboîtaient.
La fille était de dos par rapport à moi, je voyais ses cheveux blonds bouclés qui ruisselaient sur ses épaules et bougeaient en suivant son rodéo. Elle portait une jupe qui était troussée sur ses hanches, me dévoilant ses fesses aux rondeurs superbes et fermes, à la peau à l’apparence délicieuse. Les deux lobes se contractaient à chaque mouvement, provoquant des ondes sublimes sous la peau. Le bassin de la blonde montait et descendait sur l’objet de son désir.
De l’homme, je ne voyais presque rien car la fille me bloquait la vue. Je savais juste qu’il portait de grosses chaussures de marche et un jean, et que ses mains se pressaient sur les hanches de sa partenaire pour accompagner son mouvement. Je sentis le corps de Karen se glisser contre le mien entre les buissons. Elle regarda le spectacle en poussant un petit soupir :
- — Ce n’est pas Betsy…
- — Non, mais c’est pas mal non plus.
- — Oui, je m’en aperçois. Ah vous, les hommes… un rien vous fait de l’effet.
Je me rendis effectivement compte que mon pénis était devenu plutôt dur, et qu’il était collé contre les fesses de la belle Karen.
- — Tu vois qu’il est pas si mou que ça… ça t’apprendra à dire des bêtises à nos employeurs !
- — Wilkins a dit lors de son briefing qu’il y avait deux détectives qui patrouillaient dans ce secteur. C’est peut-être eux ?
- — Avec les « renforts » que ces deux fous à galons ont appelés, il doit y avoir toute une division qui se balade dans cette forêt. Si on ne retrouve pas très vite Betsy, on aura la garde nationale dans les pattes. Alors comment savoir si ces deux-là sont avec nous ?
- — La fille prend son pied en tout cas, écoute-la gémir. Et le mec s’y met aussi… il a l’air d’être plutôt un bon coup…
- — Comment tu peux juger ça d’ici ?
- — Je le sens, c’est de l’intuition, ça s’explique pas…
- — N’empêche qu’on devrait peut-être faire quelque chose.
- — Faire quoi Mr. Booth ? Nous rejoindre ?
Nous étions découverts ! Je restai interdit… Cette voix… Je regardai le couple qui n’avait pas arrêté sa partie de jambes en l’air mais qui avait désormais le regard braqué vers nous, et c’est seulement là que je les reconnus… les deux détectives engagés par Wilkins…
- — Dob Nooth !
- — Et Clara, son assistante, ajouta Karen en se levant et en sortant du buisson. Comment vas-tu ?
Et alors que Clara était toujours en train de s’empaler sur la queue de l’autre, Karen vint lui faire la bise comme si de rien n’était.
- — Ça va plutôt bien, merci, répondit la blonde entre deux gémissements.
- — Alors, Don, reprit Nooth, tu vas rester coucher là toute la nuit ?
- — Hors de question que je sympathise avec mon rival.
- — Rival ? Voyons, nous sommes dans le même camp, nous sommes alliés !
Il aurait au moins pu avoir la politesse d’arrêter de besogner son assistante alors qu’il me parlait. Au lieu de ça, il souleva le sweater de Clara, dévoilant l’opulente poitrine de la dame gainée dans un soutien-gorge qui avait toutes les peines du monde à retenir les mamelles de la blonde. Elle avait dû deviner ma pensée, car elle dégrafa elle-même son soutif, libérant ses obus qui se mirent à sautiller au rythme de sa chevauchée.
- — Alors comme ça Wilkins vous a engagés ?
- — Eh oui, mon cher Don, comme tu le vois ! Cette chère Betsy sera vite retrouvée.
- — Oui, articula Clara sans que je sache si elle manifestait son plaisir ou son approbation.
- — Et vous avez l’intention de la retrouver en restant planqué dans ce buisson et en vous envoyant en l’air avec votre assistante ?
- — Je fais confiance à mon intuition. Elle ne m’a jamais trahi.
- — Alors bonne chance ! Viens, Karen, rejoignons notre secteur.
- — Ah ? On ne regarde pas la fin ?
Je partis sans attendre la suite. Derrière moi j’entendais Karen qui faisait des adieux tout ce qu’il y avait de plus mondain aux deux loustics avant de cavaler pour me rejoindre.
- — C’est amusant de voir à quel point le monde est petit, on tombe toujours sur nos deux amis.
- — Amis ? Je t’en prie…
- — Voyons Don, Dob Nooth est un grand détective.
- — Pffff, la seule chose qu’il soit capable de détecter, c’est la chatte de son assistante.
- — Je te rappelle qu’il y a trois jours tu n’étais même pas capable de détecter la mienne…
- — Oh non, tu vas encore me sortir cette histoire ? Je me suis excusé pourtant.
- — Tu étais saoul, tu me prenais pour Angelina Jolie, et tu t’es endormi comme une masse entre mes cuisses après deux tentatives de pénétration avortées…
Je préférai changer de sujet, je sentais venir le terrain glissant comme une savonnette sous la douche.
- — Et ce fameux secteur C8, on y arrive bientôt ?
- — Nous y sommes. C’est ce coin de forêt. Notre mission est de ratisser la zone afin d’y chercher un éventuel indice, et de surveiller tout déplacement suspect.
- — Alors au boulot. Je ne veux pas être pessimiste, mais avec la nuit qui tombe on ne verra pas grand-chose.
- — Tu n’as qu’à allumer ta torche.
- — Ma torche ?
Karen poussa un soupir lourd de sous-entendus, sortit de son sac à main deux torches électriques et m’en donna une tout en allumant la sienne. Mais que pouvait-elle encore avoir d’autre dans son sac ?
- — On se déploie à deux mètres d’intervalle et on y va.
- — Tu es sûre ? On pourrait peut-être suivre la méthode de Nooth, puisqu’il est si fort…
- — Tu te souviens de l’histoire de la grenade entre les cuisses ?
Je poussai un « gloups », allumai la torche et me mis à fouiller les buissons sans plus rien ajouter. Ma grande expérience me disait que la nuit qui s’annonçait n’aurait rien de très agréable pour moi. Je remontai le col de ma veste, bon sang ce qu’il pouvait faire froid ! Je repris une gorgée de bourbon pour me réchauffer tout en scrutant le sol en cherchant vainement quelque chose qui sorte de l’ordinaire.
Combien de temps dura notre exploration de ce merveilleux monde forestier ? Ces instants me parurent durer aussi longtemps que le solo de guitare d’un groupe de rock psychédélique. Je ne sentais plus mes pieds, ils étaient congelés. Le bout de mes doigts commençait à me picoter étrangement. Le bourbon n’arrivait même plus à me réchauffer. À côté de moi, Karen semblait fraîche comme une rose, mais je me doutais qu’elle devait être aussi épuisée que moi.
À plusieurs reprises nous avions reçu des appels radio de Tyler, puis de Pout. Selon ce dernier l’opération Foudre de Zeus ne donnait pour l’instant pas les résultats escomptés et il en appelait à notre courage, évoquant le comportement exemplaire de la 101ème aéroportée lors du siège de Bastogne, sauf que j’ignorais où se trouvait ce Bastogne et que je me fichais complètement de la 101ème, tout comme d’ailleurs de la 100ème ou de la 102ème…
Pour l’heure, tout ce qui m’intéressait était de rentrer chez moi, prendre un bain brûlant, manger le double menu maxi-burger de chez Jack (sur la 5ème avenue) en regardant un porno, et dormir trois jours d’affilée.
- — Don, chuchota Karen. Tu n’entends rien ?
- — Dob Nooth et Clara remettent ça dans leur secteur ?
- — Non, un bruit de moteur…
Je tendis l’oreille et étouffai un juron. Bon sang elle avait raison, un moteur tournait au ralenti, droit devant nous, le son était lointain, mais tout de même audible. Je sortis mon Colt et me mis à courir en priant pour que mes pieds ne soient pas trop gelés et remplissent encore leur fonction.
Alors que nous nous rapprochions du bruit, je vis distinctement les feux arrière d’une voiture, et devinai la présence d’un étroit chemin au milieu de la forêt. Des silhouettes s’agitaient dans la lueur des phares. Amis ou ennemis ? Telle était la question, et j’avais l’intention d’y répondre.
Mais alors que je n’étais plus qu’à quelques mètres, un cri retentit droit devant, une portière claqua et la voiture démarra en trombe, faisant gicler de la boue tout autour. Je vis l’une des silhouettes courir derrière la voiture en poussant un cri. Je hurlai :
- — Arrêtez-vous ! Ordre de l’armée des États-Unis d’Amérique !
Le lecteur sera étonné d’apprendre que la voiture ne s’arrêta pas…
Je courus encore plus vite, essayant de trouver encore un peu de souffle dans mes poumons. Mais l’infortune était décidément sur moi en cette cruelle journée, mon pied se planta malheureusement dans une flaque de boue, je glissai et m’étalai de tout mon long, sentant immédiatement l’eau glaciale pénétrer jusqu’à mon tricot de corps.
Je me relevai en hâte, manquant de retomber, alors que Karen arrivait à ma hauteur en poussant un cri de surprise en voyant dans quel état je m’étais mis. Ma torche était couverte de boue et n’éclairait presque plus. La tête basse, je devais bien admettre que j’avais perdu la voiture, mais je me souvins de la silhouette que j’avais vue courir derrière. En regardant vers le chemin, je vis dans la lueur blafarde de la torche de Karen une silhouette qui rampait au sol en gémissant.
- — Ne bougez plus ! Ou je tire !
Sauf que je m’aperçus que j’avais paumé mon Colt. Je poussai un juron en cherchant au sol, les mains enfoncées dans la boue.
- — Don, c’est une femme, et elle a l’air blessée, dit Karen qui s’était approchée de la silhouette au sol.
- — Non, ça va, répondit la femme, je suis juste tombée dans la boue.
- — C’est sûrement très bon pour la peau.
J’avais remis la main sur mon Colt, mais je doutais qu’il pût encore servir. Il avait, comme moi, besoin d’un bon nettoyage. Je m’approchai à mon tour de la femme. Elle était dans un état aussi lamentable que moi, les vêtements couverts de boue, trempée. Elle pouvait avoir une trentaine d’années, n’était sûrement pas vêtue pour une balade en forêt, pouvait être belle sous la couche de boue et les cheveux emmêlés.
- — Qui êtes-vous, et que faites-vous ici ?
- — Je m’appelle Crystal, je ne faisais rien de mal, je vous assure. J’étais… euh…
- — Eh bien, parlez !
- — En fait j’étais venue ici avec mon flirt, mais quand il vous a vus arriver en courant avec vos torches il a eu peur et il est reparti au volant de son 4x4. Il m’a abandonnée ici.
- — Pauvre Crystal, dit Karen. Nous allons appeler quelqu’un pour vous ramener chez vous.
- — Inutile, je me débrouillerai.
- — Vous n’avez pas vu un chien par hasard ? demandai-je.
- — Un chien ? Non pourquoi ?
- — Bof… pour rien… de toute façon, cette histoire est pourrie…
Karen avait attrapé sa radio et je l’entendais contacter le QG :
- — « Louveteau 18 » appelle « Maman Louve », me recevez-vous ?
Mais d’où sortait-elle cette histoire de louve ?
- — C’est quoi votre truc ? demanda Crystal. Vous faites quoi dans cette forêt ?
- — Mission de recherche, répondis-je. Le général va arriver avec des hommes à lui, ne craignez rien.
- — Vous n’allez pas me faire de mal, j’espère ? Ça me fait un peu peur tout ça…
- — Ici Maman Louve, répondit la voix de Pout. Des informations sur Foudre de Zeus ?
- — Avons trouvé présence civile sur zone secteur C8 ! Demande évacuation sanitaire immédiate.
- — Des blessés ?
- — Juste une femme en risque d’hypothermie et une robe Guess collection hiver dernier couverte de boue, l’état de la robe est préoccupant.
- — Putain ! C’est moche… j’arrive à la tête d’une section. Autre chose Louveteau 18 ?
- — Votre amie est militaire ? me demanda Crystal.
- — Non, c’est juste un genre qu’elle se donne pour impressionner la galerie. Mais que faites-vous ?
- — Elle a raison, ma robe est fichue. Et puis elle est trempée, je ne peux pas la garder sur moi, je vais attraper une pneumonie. Alors je l’enlève…
Je ne me privai pas de détailler discrètement la jeune femme. Sa peau claire tranchait avec ses sous-vêtements noirs, et les marques de boue avaient épargné certains endroits de son corps. La poitrine semblait pulpeuse, ses jambes étaient longues et bien dessinées, ses fesses rondes départagées par la ficelle de son string étaient un appel à la caresse. Je sentis une douce chaleur monter dans mon ventre.
- — Vous êtes sûr que vous ne me ferez pas de mal, hein ?
- — Oui, oui, n’ayez pas peur, aucun mal. Nous cherchons une chienne.
- — Je le suis un peu parfois.
- — Peut-être, mais vous n’avez pas le poil long.
- — Non, je me suis épilée ce matin… intégralement.
- — Des rations de survie ? continuait Karen dans sa radio. Oui, Général, pourquoi pas ? Mais des boissons chaudes seraient très bien.
- — Ce serait un sacré luxe en ces temps de guerre ! Mais je vais essayer de vous trouver ça ! Je contacte Madame Wilkins.
- — Vous savez, vos vêtements sont trempés, me dit Crystal, vous devriez aussi les enlever, sinon qui sait ce que vous allez attraper. La mort peut-être ?
Elle vint se coller contre moi et je sentis ses mains glisser sur mes épaules, entraînant ma veste dans la foulée.
- — Euh… c’est-à-dire… ma foi, en effet, je suis trempé. Vous avez peut-être raison.
- — Les capteurs de présence du secteur G3 avaient détecté un truc, mais ce n’était que le chat de la voisine ! Fausse alerte ! Il faut toujours que les neutres viennent se coller là où il ne faut pas ! Que ça serve de leçon, évitons les bavures !
Je souhaitais ardemment que le général arrête son baratin et que je puisse me concentrer sur Crystal. Elle avait déboutonné ma chemise à une vitesse supersonique sans même que je m’en aperçoive, mon froc suivit le même chemin. J’étais quasiment à poil dans cette fichue forêt, l’air était glacial, mais sans la présence de mes vêtements gorgés de flotte et alourdis de boue je me sentais tout de même mieux.
- — Ce ne serait pas une tâche d’humidité que je vois là sur votre soutien-gorge ?
- — Oui, vous avez raison, il est mouillé aussi.
Elle passa les mains dans son dos, dégrafa le vêtement, mais avant de l’enlever complètement elle me regarda et me dit :
- — Vous ne ferez pas de mal non plus à mon petit ami, hein ?
- — Il vous a abandonnée ici, il ne vous mérite sûrement pas.
- — Oui, vous avez raison, mais tout de même, je ne voudrais pas qu’il lui arrive des soucis avec votre armée.
- — Oh non, rassurez-vous, j’y veillerai.
Le soutien-gorge atterrit sur le sol. Crystal présenta sa poitrine lourde et ferme, aux tétons érigés rendus durs par le froid. La lueur blafarde de la lampe torche qui tremblait dans mes mains faisait de très excitants jeux d’ombre sur les seins de la jeune femme. Je coinçai la torche sur la branche d’un arbre et pris Crystal par la taille, la serrant contre moi. Je bandais comme un âne en appréciant la chaleur de son corps contre le mien, ses tétons s’écrasant contre mon torse.
- — Oui, bonne idée, nous nous réchaufferons mutuellement.
- — Euh… oui, c’était exactement à ça que je pensais.
- — Don, interrompit Karen après avoir enfin rangé sa radio, mais que fais-tu ?
- — Mission de sauvetage ! Pour éviter l’hypothermie ! Mais où vas-tu ? Ne pars pas ! Toi aussi tu dois avoir froid.
- — Le devoir avant tout, Don. Je vais établir un périmètre de surveillance en attendant le général et ses renforts.
Au diable Karen, de toute façon j’avais de quoi faire. Qu’elle reste dans son trip commando, si elle avait envie de se prendre pour Schwarzenegger c’était son choix.
- — Et votre string ? Lui aussi est peut-être mouillé ?
- — Oh, pour ça, oui, il est totalement trempé, mais pas à cause des flaques.
Elle n’en dit pas plus. Ma bouche se plaqua sur la sienne pendant que mes mains pétrissaient ses fesses. Son corps était brûlant, je sentais sa respiration s’accélérer, faisant se frotter ses tétons contre moi. Je voulus enlever mon caleçon, mais je m’aperçus que je ne le portais déjà plus ; bon sang cette fille déshabillait un homme à une vitesse ahurissante. Elle s’écarta de moi d’un pas, tendit son bassin vers l’avant, attrapa le string et le roula sur le côté avec un craquement de couture, dévoilant dans la lueur incertaine de la torche un minou effectivement tout épilé.
- — Alors ? Je me refroidis… vous qui disiez que vous ne vouliez pas me faire du mal…
- — Rassurez-vous, je tiendrai mes promesses.
Et poussant un râle que l’on avait plus entendu depuis les âges les plus primaires de l’humanité, je fondis sur Crystal, la queue en avant, érigée, droite et dure, et m’enfonçai en elle. Sa chatte était effectivement gluante, et cela n’avait rien à voir avec les flaques d’eau. Je glissais dans son intimité avec une aisance très confortable. Ses contractions vaginales me rendaient complètement fou de plaisir. Elle frottait son corps contre moi, accompagnait mes mouvements. Ses cuisses se nouèrent autour de ma taille alors que ses bras se serraient autour de mon cou jusqu’à m’étouffer. Je sentis mes lombaires craquer, mais je m’en fichais, Crystal valait bien un lumbago.
Au diable Karen, Pout, Wilkins et leur mascotte ! Pour la première fois depuis l’entrée tonitruante du général dans mon bureau, je trouvais quelque chose de positif dans cette affaire.
Je laminais l’intérieur de Crystal qui, accrochée comme une sangsue à mon corps, n’arrêtait plus de hurler de plaisir. J’aurais aimé que cet imbécile de Dob Nooth soit dans le coin, histoire de constater les effets dévastateurs que je pouvais provoquer. La mouille de la belle dégoulinait sur mes couilles alors que je m’essoufflais à la défoncer. Je sentais les vibrations de son corps lié au mien, je me demandais d’ailleurs si nous arriverions à nous séparer un jour tant nous ne faisions plus qu’un.
- — Je viens ! Je viens ! J’en peux plus ! Bon sang !
Elle dénoua ses jambes et se laissa glisser au sol, sans prendre garde à la boue qui recouvrait le sol. Elle enfourna ma queue jusqu’à la garde dans sa gorge et me suça avec fureur, comme si elle allait me dévorer. Je poussai un nouveau râle encore plus brutal en sentant gicler ma semence au fond de son palais. Elle savoura les dernières gouttes et lécha doucement mon gland en me regardant dans les yeux, un regard pétillant de malice.
- — Alors, ça vaut bien toutes les Betsy du monde, non ?
Je restai interdit, débandant immédiatement.
- — Comment savez-vous qu’elle s’appelle…
- — Détective ! C’est quoi ce bordel !
La voix tonitruante du général accompagna son arrivée tout aussi brutale. Il me braqua sa puissante torche électrique en plein dans la figure à tel point que je voyais à peine Karen et les hommes qui suivaient.
- — Eh bien… vous voyez, Général….
- — Vous n’avez aucune excuse ! Comment pouvez-vous agir ainsi ! Avec l’amie d’un allié qui plus est !
- — D’un allié ?
- — Cette dame s’appelle Crystal, c’est une amie de Tyler. Euh, d’ailleurs, une amie ou sa sœur ? Je n’ai jamais très bien compris.
Je me repris très vite, redressant le torse, et parlant avec le plus d’aplomb que je pouvais trouver en moi. (Bon sang, où était ma bouteille de bourbon…)
- — Mais, bredouillai-je, pourquoi ne l’avoir pas dit plus tôt. Vous aviez peur que Tyler apprenne cette histoire de flirt ?
- — Quel flirt ? demanda le général.
- — Je peux peut-être vous donner quelques informations, dit Karen en venant se glisser au milieu de tout le monde.
- — Des informations ? Ça oui, j’en aurais grand besoin !
- — En fait, mon patron vient de trouver une preuve cruciale, mais il est trop humble pour tirer à lui la couverture.
- — Une preuve cruciale ? demanda le général.
- — Une preuve cruciale ? ajoutai-je.
- — Voici les faits : en arrivant ici, nous avons découvert un véhicule dont la présence dans cette forêt nous a forcément étonnés. Le 4x4 et ses occupants ont pris la fuite, sauf cette dame qu’ils ont abandonnée. S’ils se sont enfuis, c’est donc qu’ils ne faisaient pas partie de Foudre de Zeus, sinon ils se seraient immédiatement fait reconnaître auprès de nous.
- — Logique, admit le général.
- — Mais puisque je vous dis qu’il s’agissait juste de mon petit ami qui a pris peur en vous voyant courir derrière lui !
- — Il n’y avait pas que votre petit ami. Les traces de pas sur le sol indiquent la présence de trois personnes. Parmi ces trois personnes, l’une porte de grosses chaussures, une autre porte des petits souliers pas du tout adaptés à une randonnée en forêt, vous sûrement, et la troisième, à en juger par les traces inégales, boite ! Et alors que tous ces éléments se rassemblent, vous commettez une énorme erreur : vous tentez de nous raconter une histoire improbable qui ne colle pas. Et mon patron étant un détective très expérimenté, il voit tout de suite le pot aux roses. De plus, vous essayez de le séduire pour qu’il vous laisse tranquille, mais Don Booth est incorruptible, il a fait semblant de succomber à vos charmes pour mieux vous voir avouer, perdue dans votre plaisir !
- — Je n’ai rien avoué du tout ! Qu’est-ce que c’est que cette histoire !
- — Vous avez parlé de Betsy, vous savez donc depuis le début pourquoi nous sommes ici. Vous avez essayé de nous faire croire que vous n’étiez qu’une innocente fille du coin venue là par hasard avec son gars, mais ce mensonge ne tient plus ! La suite est facile à deviner, il suffit de se poser les bonnes questions : qui boite à cause d’une blessure à la jambe ? Qui est censé être opérateur radio, mais a disparu des ondes depuis déjà un bout de temps ? Et qui est-il d’ailleurs ? Votre ami ? Votre frère ?
- — Tyler ! éructa le général.
- — Oui, Tyler. Et cela, Don l’a compris depuis longtemps !
Tous les regards se braquèrent sur moi, je dus improviser en bredouillant :
- — Euh… eh bien… en fait… oui, elle l’a très bien raconté ! Je ne suis pas très doué pour les explications fastidieuses, c’est pour ça que je laisse faire Karen. Elle s’en tire très bien. Et elle raconte la vérité ! Tout s’est passé exactement comme ça !
- — Tyler… reprit Pout. Il nous a rejoints dès le début, avec sa blessure à la jambe qu’il disait avoir eue lors d’un accident, mais en fait ne serait-ce pas plutôt la morsure violente d’un chien ? Il avait la meilleure place : opérateur radio, personne ne pouvait le soupçonner alors que lui était au courant de tout ! Et il nous a lâchés il y a un peu plus d’une heure, prétextant la douleur à sa jambe pour faire une pause. Le salaud !
Le général restait stupéfait, planté devant moi. Je lui avais cloué le bec, et j’en étais assez fier à vrai dire… enfin… même si Karen m’avait un tout petit peu aidé.
- — Bon boulot, détective, reprit-il en m’expédiant une claque qui manqua de me déboîter l’épaule. Vous n’avez pas hésité à payer de votre personne pour obtenir cette information. Cela a dû être terrible pour vous.
- — Vous n’imaginez pas à quel point.
- — Oui, je connais ça, les traumatismes de guerre, les chocs post-traumatiques, les cellules psychologiques… J’ai connu un excellent psy durant Tempête du Désert, je vous filerai son numéro !
- — Euh… merci Général.
- — Je sais que vous êtes d’un courage exemplaire, mais je voudrais tout de même que vous mettiez ce courage de côté quelques instants.
- — Comment cela ?
- — Vous pouvez à coup sûr affronter le froid, mais trouvez-vous tout de même des vêtements ! Je me souviens, durant un stage commando en milieu arctique, un type s’était retrouvé avec la queue aussi bleue qu’un uniforme de la Navy, il a fallu…
Je ne l’écoutais plus. Me rappelant subitement que j’étais effectivement à poil depuis tout ce temps, j’avais attrapé les vêtements militaires que me tendait Karen et je courais me cacher derrière un buisson en tentant de masquer mon honorable intimité. J’entendais Pout apostropher Crystal :
- — Alors ! Parle ! Parle et je te promets de bonnes conditions de détention ! Tu seras traitée avec tous les honneurs, même si tu ne les mérites pas !
- — Mais vous êtes malades ! Tous autant que vous êtes !
Là-dessus, je trouvais qu’elle n’avait pas tort. Mais je me gardai bien de prendre sa défense. Sortant de derrière mon buisson, je réussis à retrouver ma bouteille de bourbon et m’en enfilai quelques solides gorgées. Il me fallait encore retrouver mon Colt…
- — Où est Betsy ? Répondez !
- — Oui, je vais tout vous dire ! Car j’en ai marre de toute cette histoire ! De Tyler ! De Betsy ! De tout !
- — Vous avez toute mon attention ! Mais n’essayez pas de me baiser ! La décence m’empêche de parler du destin de la dernière qui a essayé !
- — Je suis la maîtresse de Tyler. Il me fait passer pour quelqu’un de sa famille si quelqu’un me voit, et votre copain général qui passe son temps à fourrer son nez partout me voit forcément tout le temps. Tyler voulait quitter sa femme et partir avec moi. Mais sa femme refusait le divorce, elle voulait le beurre et l’argent du beurre, le divorce et le plus de fric possible ! Tyler n’était pas suffisamment solide au niveau financier pour assumer ces demandes, il n’en pouvait plus ! En plus, il a vu comment Wilkins traitait Esteraz, il s’est mis à avoir peur que votre bande vienne mettre le nez dans ses affaires.
- — Guerre psychologique, commenta Pout.
J’avais retrouvé mon Colt, encore plus rempli de boue qu’avant. Inutilisable… Un type qui avait accompagné Pout s’en aperçut et me murmura :
- — Hey, c’est un Colt Detective Special que vous avez là ! Il est en piteux état… Tenez, prenez un de mes Desert Eagle, vous me le rendrez à la fin de la guerre. Essayez-le, vous m’en direz des nouvelles ! Je les charge en 50 et…
- — Oui, merci, mais je vais garder mon Colt.
Bon sang elle avait vraiment raison cette Crystal… il régnait ici une atmosphère de folie malsaine. Je n’avais qu’une seule envie : me casser le plus vite possible. Je ne savais pas où Wilkins avait recruté ces types, mais on se serait cru dans un film de John Woo.
Mais Pout continuait son entretien :
- — Et Betsy dans tout ça ?
- — Oh et puis autant vous l’avouer tout de suite… Tyler n’en pouvait plus. Un soir, il y a trois jours, il s’est disputé avec sa femme, une dispute violente. Il a pris le tisonnier…
- — Bon sang !
- — Il a enterré le corps ici, dans la forêt. Mais vous êtes arrivé avec votre chien. Et vous alliez courir dans la forêt tous les matins. Il a eu peur. Il a embauché quatre types, des hommes affreux, avec des têtes de gangsters. Leur mission était d’éviter les problèmes. Ils ont attrapé votre chien hier matin alors qu’il traînait près de la tombe.
- — Betsy a un flair extraordinaire !
- — Qu’ont-ils fait au chien ? demanda Karen avec de l’inquiétude dans la voix.
- — Tyler voulait le tuer.
- — L’ordure !
- — Mais l’un des gangsters qu’il a engagés est bouddhiste et a refusé. Votre chien est enfermé dans la cave de Tyler… Il veut quitter la ville prochainement, c’est devenu trop compliqué. Il est venu ici ce soir avec l’un de ses hommes de main afin de déterrer le corps et d’aller le cacher dans un lieu plus sûr, mais vous êtes arrivés à ce moment-là et il a pris peur. Qui sait ce qu’il va faire maintenant…
- — Nous allons vite le savoir ! Vous dites qu’il y a donc Tyler et quatre autres types, c’est ça ?
- — Oui.
- — Avez-vous vu des armes ?
- — Oui, ils ont des revolvers, je vous l’ai dit, ils ne plaisantent pas. Ils me terrifient.
- — Ils vous ont fait du mal ? demanda Karen.
- — Oh non, je les ai tous tellement excités… l’amour est le meilleur remède pour empêcher la guerre.
Ça, j’en savais quelque chose, j’avais eu un aperçu des méthodes de Crystal.
- — Cinq hommes armés, tenant une bonne position défensive, et avec Betsy en otage potentiel… dit Pout. Nous ne sommes que trois ici, en plus du détective, de son assistante et de moi-même. Pas assez nombreux pour un assaut frontal. Il faut contacter Wilkins, nous aurons besoin de tout le monde.
- — N’utilisez pas vos radios, dit Crystal. Tyler et ses hommes ont des scanners.
- — Espionnage ! Je vois. Rassemblement ! Voilà le plan : Karen vient avec moi, nous allons en direction de chez Tyler en passant par les secteurs D3 et Z9. Mission de reconnaissance et d’observation. Vous trois, vous restez ici, vous surveillez la prisonnière, elle semble sincère, mais méfiance. Je me souviens, un jour…
- — Et moi général ?
- — Vous, détective, j’ai une mission spéciale pour vous. Vous avez déjà suffisamment donné de votre personne pour aujourd’hui. Mission de liaison : vous allez filer rejoindre le QG. Message de la plus haute importance, ultra urgent et top secret. Vous direz au Général Wilkins, et uniquement à lui : « les dahlias rouges ont été coupés trop court », c’est un code, il comprendra. Foncez ! Exécution !
Je partis sans demander mon reste, content de quitter cette bande de malades. Karen suivit Pout dans une autre direction. Je courus comme je le pouvais à travers la forêt devenue maintenant d’un noir d’encre par cette nuit sans lune. En me retournant, je vis les trois hommes que Pout avait laissés pour garder la prisonnière. Je ne manquai pas de me faire la réflexion suivante : Crystal étant toujours à poil au milieu de ces trois hommes bourrés de testostérone, combien de temps lui faudrait-il pour vider suffisamment les trois gaillards pour qu’ils n’aient plus assez de force pour la poursuivre si elle se sauvait ?
Peu importe, après une course éperdue je débouchai, hors d’haleine, dans la cave du QG, occupée uniquement par une dame distinguée qui devait être Madame Wilkins et par son général de mari qui trônait derrière son poste de radio et ses écrans de contrôle.
- — Général Wilkins, dis-je en essayant de retrouver mon souffle. J’ai un message, de la part du général Pout.
- — Pout ? Sa radio est en panne ?
- — Nos communications radio sont espionnées par l’ennemi.
- — Bon sang, je les ai sous-estimés, c’est ma faute, j’en porterai la responsabilité !
- — Peu importe, il m’a confié un message codé pour vous.
- — Je vous écoute ?
- — Les dahlias noirs ont été coupés trop long !
Wilkins resta éberlué. Il s’affala dans son fauteuil, le regard hagard.
- — Que Dieu nous protège, c’est horrible.
- — Oui, je me doute que cela doit vous faire un choc, mais rassurez-vous, rien n’est perdu, nous pouvons encore retrouver Betsy en vie.
- — Betsy ? Oh malheureusement il y a des choses plus graves… Je…. je dois prévenir le Pentagone.
- — Le Pentagone ? Juste pour ça ?
- — La situation vous échappe, je crois. « Les dahlias noirs ont été coupés trop long » est le code qui déclenche l’opération « Tourbillon insalubre ».
- — Tourbillon insalubre ?
- — Oui : débarquement et déploiement du corps des Marines sur une plage des îles Samoa en réponse à une attaque nucléaire de leur part.
- — Les Samoa ont l’arme nucléaire ?
- — Si l’on en croit le message que vous m’avez transmis, oui. Et ils s’en sont servis contre nous !
- — Euh… attendez… il est possible que je me sois trompé.
- — Voyons, il faudrait savoir ! Quel était ce message au juste ?
- — Il était question de dahlias qui étaient coupés, mais peut-être qu’en fait ils étaient coupés trop courts et non pas trop longs ? Et peut-être qu’ils sont d’une autre couleur ?
- — S’ils sont coupés trop courts, alors ils sont soit bleus, soit rouges, soit rose fluo.
- — Des dahlias rose fluo ? Ça existe ?
- — Peu importe, ce n’est qu’un code. Quelle couleur vous a donnée Pout ?
- — Euh… je ne sais plus. Ces différentes couleurs que vous dites, ça correspond à quoi ?
- — Si les dahlias sont bleus, alors c’est le message pour indiquer aux services secrets que le Président désire des pancakes avec du sirop d’érable pour son petit déjeuner.
- — Aucune chance que ce soit ça alors.
- — S’ils sont rose fluo, c’est en fait une instruction top secrète qui concerne le chanteur Tom Jones, je n’ai pas le droit de vous en parler.
- — Je ne vois pas ce que Tom Jones viendrait faire là-dedans.
- — Heureusement… pour lui, car il n’aurait pas apprécié…
- — Et les dahlias rouges ?
- — En gros : « envoyez toutes les forces disponibles pour encerclement et destruction sur la position de l’auteur du message ».
- — Bon sang, vous ne pouviez pas dire ça plus tôt ? Nous avons perdu un temps précieux !
- — Que voulez-vous dire ?
- — Betsy est enfermée dans la cave de Tyler. Ce dernier a tué sa femme et l’a enterré dans la forêt, c’est pour ça qu’il craignait l’odorat du chien. Il a quatre hommes armés avec lui, et l’un d’eux est bouddhiste ! C’était tout de même plus simple de dire les choses comme ça non ?
- — Un bouddhiste…
- — Bref, Pout voudrait que vous rassembliez tout le monde et que vous alliez le rejoindre là-bas. Il y est déjà avec mon assistante afin de reconnaître le terrain.
- — Bon sang de bordel ! Alerte générale ! Détective, prenez ce clairon sur la table, là-bas, et sonnez le rassemblement, une fois que tout le monde sera là, vous sonnerez la charge !
- — Je ne sais pas jouer du clairon…
- — Pas grave, les sons sont pré-enregistrés en mp3 dans une carte SD située à l’intérieur du clairon, appuyez juste sur le bouton correspondant sur le clavier qui est au-dessus. Vous croyez quand même pas qu’on a du temps à perdre à apprendre à jouer du clairon à tous nos gars ? On fonce sur la baraque de Tyler, on rejoint Pout, on encercle la zone ! Mon fidèle Ramos, avec sa section de troupes en pick-up, lancera un assaut de diversion de face avec largage de grenades fumigènes, nous profiterons de l’effet de surprise pour nous infiltrer dans leurs lignes par l’arrière ! Tout sera réglé en quelques minutes sans aucune perte. Je vous promets que cette guerre sera courte et se terminera bientôt.
- — Mouais, ils disent tous ça…
Il n’avait pas fallu plus d’un quart d’heure pour rassembler tout le monde et pour que chacun ait ses instructions. J’avais rejoint Pout et Karen derrière un tas de branches mortes situé à une cinquantaine de mètres de la maison. Je m’enfilai une longue gorgée de bourbon, terminant la bouteille, alors que je voyais du coin de l’œil des hommes prendre leurs positions dans les buissons.
Un grand bruit provenant de l’avant de la maison, côté rue, nous avertit que le jardinier Ramos, à la tête de ses troupes, avait commencé son action de diversion.
- — Tenez-vous prêt, dit Pout, ça va être à nous ! Je veux des actions nettes et précises ! Ne tirez que si vous êtes sûrs de votre cible ! Évitez les « friendly fires » à tout prix, je ne veux pas de bavures ! Ah bon sang ce que c’est exaltant !
- — Exaltant ? Moi je préférerais être ailleurs, répondis-je.
- — Un civil ne peut pas comprendre… En avant !
Il avait hurlé ces derniers mots et une masse d’hommes se leva des fourrés, les uniformes des miliciens de Wilkins n’avaient rien de militaires mais tous les gaillards qui les portaient fonçaient comme un seul homme vers leur objectif. Karen se leva aussi et hurla :
- — Banzaï !
- — Vous êtes donc devenue folle ? interrompit Pout. Mon oncle est mort à Iwo Jima et… oh bon sang ! Je vais manquer le début ! Vite, suivez-moi sinon nous louperons toute l’action !
Et il partit en courant. Je le suivis, sentant Karen sur mon flanc droit… euh… je veux dire : à côté de moi. Bon sang ! cette bande de dingues commençait à répandre sa contagion…
Nous entrâmes à toute vitesse dans la maison sans prendre le temps de nous arrêter. Devant nous, les autres mercenaires avaient de toute façon sécurisé toutes les zones avec un professionnalisme digne d’un roman de Tom Clancy. Nous déboulâmes en roulant à moitié sur nos fesses au bas des marches qui menaient à la cave pour trouver un étrange attroupement…
Des hommes de notre bande faisaient un cercle autour de cinq types assis au sol, les pieds et les mains liés. Un chien trônait à côté d’eux, l’air fier, et Pout cria « Betsy » en se jetant au cou de l’animal. Mais quant à moi je regardais surtout les deux personnes qui étaient debout à côté du groupe de prisonniers : Dob Nooth et son assistante Clara !
- — Que s’est-il passé ? demanda Wilkins en entrant à son tour dans la cave. Je veux un rapport ! Debriefing immédiat !
Un type à l’allure de fier guerrier mexicain, armé jusqu’aux dents et portant des ceintures de balles croisées sur sa poitrine tel un Pancho Villa des temps modernes sortit du rang.
- — Ah, Ramos ! Explique-moi!
- — L’assaut a été donné selon vos instructions, Général, dit le jardinier avec un accent hispanique. J’ai fait diversion avec ma troupe, les hommes du Général Pout sont entrés par derrière, j’ai laissé mes gars en surveillance au cas où, et je me suis joint aux troupes d’assaut. Nous avons remué toute la maison, et en débarquant dans la cave, nous avons découvert les cinq ennemis ligotés au sol, avec ces deux civils et le chien.
- — Dob Nooth… dis-je. J’avais oublié votre présence dans cette affaire, comment vous êtes-vous retrouvé ici avant tout le monde ?
- — Eh bien, répondit mon rival avec un air de supériorité très agaçant, j’ai suivi ma propre piste, j’avais une intuition, je l’ai exploitée. Je me suis retrouvé dans cette maison, j’ai trouvé le chien, j’ai maîtrisé les ravisseurs, et j’étais sur le point de vous contacter lorsque vous avez donné l’assaut.
- — Vous êtes un héros, clama Wilkins, et vous méritez une récompense !
Je me mordais la lèvre pour ne pas exploser alors que Wilkins reprenait :
- — Je vous décore de cette médaille en chocolat ! Je l’avais achetée pour mon petit-fils, mais il n’avait même pas remarqué que la femme de Tyler ne donnait plus signe de vie depuis plusieurs jours, et je l’ai surpris tout à l’heure à jouer à la Game Boy au lieu de surveiller les voisins. Il m’a profondément déçu…
- — Une médaille… dit Dob Nooth l’air contrarié. En chocolat…
- — C’est le plus grand honneur qu’un civil puisse recevoir ici !
Je me mis alors à éclater de rire, un rire de dément, un rire de fou, un rire tellement obscène que Karen dut me traîner vers la sortie, et je riais encore lorsqu’elle me fit asseoir dans ma vieille Ford en maugréant un truc à propos des effets secondaires du bourbon, et je riais encore lorsqu’elle me traîna jusqu’à mon appartement une fois que nous fûmes revenus à Chicago, alors qu’une aube blafarde commençait à poindre à l’horizon.