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n° 16329Fiche technique29028 caractères29028
Temps de lecture estimé : 17 mn
26/07/14
Résumé:  Ceux qui s'amusent et ceux qui sont frustrés.
Critères:  fhhh couplus nympho grossexe grosseins groscul collection amour cérébral revede voir exhib préservati partouze gangbang portrait
Auteur : Alcibiade            Envoi mini-message
Le poids de la solitude

Le notaire détourna son regard de la fenêtre et le posa, perplexe, sur le couple bizarre assis en face de lui. Donc ça se tiendrait leur histoire ? En soupirant, il replongea dans le dossier :



L’air ravi, la femme acquiesça :



Béatrice Antoine affichait un sourire angélique et jouait discrètement de la paupière. Il la considéra un court instant, songeur, avant de se replonger dans ses notes. Elle faisait nettement moins que ses 41 ans, cheveux blonds un peu flous, coupés au carré, regard vert pétillant de malice, petit nez, bouche large et épaisse, tailleur noir boutonné sur un petit pull montant, rose-Barbie. Un tout autre genre que son mari, long comme un jour sans pain, maigre, chauve, traits émaciés, affichant sa triste mine entre deux grandes oreilles décollées. Et ils n’avaient manifestement des tempéraments opposés ! Que faisaient-ils ensemble ?

La question s’imposait avec force, car l’affaire était d’importance ! 10 millions d’euros, au bas mot, en immobilier pour l’essentiel. Quand l’État aurait levé ses 60% et une fois payés les charges et frais divers, il resterait largement au couple de quoi assurer ses vieux jours. Aussitôt que les deux prétendants s’étaient manifestés, au lendemain du décès de l’Ancien, le notaire avait mené son enquête. C’est ainsi que sans le vouloir, il était entré dans l’intimité du couple Antoine, apprenant tout des débordements de madame et de la complicité de son pharmacien de mari.


Physiquement c’était une ronde, plutôt petite, pleine de seins et de fesses, pleine d’allant et de gaieté aussi, une de ces femmes qui sont radicalement étrangères aux canons de la beauté mais qui inspirent beaucoup d’hommes. Celle-ci ne se privait d’ailleurs pas pour leur donner en retour toute l’affection qu’ils réclamaient, y compris au Blue Lagoon ou à la Serenata, deux boîtes de nuit de la ville voisine qui, certains jours de relâche, sur invitation spéciale et tri sélectif, devenaient boîtes à partouze.

Selon Max Buttiglione, le détective attitré de l’étude qui, d’ordinaire, travaillait plutôt sur des problèmes généalogiques, c’était son mari lui-même qui l’amenait là, de temps à autre. Lui ne participait pas ; d’abord il s’asseyait au bar et se mettait à picoler, mais il ne perdait une miette du spectacle. La dernière fois, c’était trois semaines auparavant.


À force de rendre des services aux uns et aux autres, Max avait ses petites entrées partout. Averti de l’imminence d’une soirée « spéciale » au Blue Lagoon, il était déjà sur les lieux quand le couple Antoine se pointa un peu après 22 heures. Elle portait, sur des bottes en cuir noir à talons hauts, une robe portefeuille rouge à peine décolletée sur une forte poitrine à laquelle elle n’avait accordé aucun soutien. Le vêtement était bien serré à la taille, juste sous les nichons mouvants, accentuant du même coup la vaste ampleur des hanches. À dire vrai, les gros seins libres naviguaient un peu trop bas pour que sa silhouette soit vraiment harmonieuse et l’assemblage n’était pas très classe ; mais en révélant toutes les abondances de madame Antoine, il remplissait parfaitement son office.


L’ambiance était très bizarre car dans la salle il n’y avait que des hommes : un tas de mecs qui attendaient dans la pénombre, en silence, deux, trois ou quatre par table, sirotant vaguement leurs consommations, échangeant quelques mots à voix basse ; on aurait pu palper la tension. Dès que Béatrice Antoine arriva les visages s’éclairèrent, les langues se délièrent, les types commencèrent à émerger de leurs planques, certains ne se tenant déjà plus d’enthousiasme : et Béa par ci, et Béa par là…


Comme prévu son vieux s’installa au bar ; ils se firent paraît-il un câlin, assez prolongé et tendre, avant qu’elle se dirige vers la piste de danse, gratifiée par lui d’une bonne claque sur ses fesses qui s’activaient sous la robe. Là, elle avait commencé par saluer à droite et à gauche, bise, bise, rebise, contrebise et surbise, de vieilles connaissances et puis des gars que, manifestement, on prenait la peine de lui présenter. Les plus impatients s’attaquèrent alors à sa ceinture. Elle se défendit en rigolant, serrée de près par une demi-douzaine de types surexcités, certains affichant déjà un état d’impeccable rigidité. Depuis le bar, son légitime souriait imperceptiblement derrière son verre de bourbon.


Enfin, elle rigola un peu trop fort, s’échappa du groupe et, roulant des hanches, alla se planter au milieu de la piste de danse, dans la lumière des projecteurs que le gérant venait d’allumer. Là, lentement, posément, elle défit elle-même le nœud, ouvrit la robe sur d’énormes nichons pâles et sur un ventre moelleusement garni, dont Max n’aurait su dire pourquoi il lui donnait une impression de vulnérabilité, faisant monter en lui une vague de tendresse. Elle laissa glisser le vêtement sur ses épaules et le laissa choir. En dessous, à part les bottes noires – des cuissardes qui accentuaient à outrance la rondeur de ses cuisses un peu courtes – à part un collier de corail et une chaîne dorée autour de la taille, elle ne portait strictement rien : taille bien marquée, ventre douillet, vastes hanches arrondies, bas-ventre dodu entièrement dépilé, épaules et bras bien en chair, seins lourds ondoyant au moindre mouvement, amples fesses à fossettes, joufflues, grasses, tendres, potelées, replètes, mobiles.


Mais Max remarqua aussi la superbe cambrure des reins, étayée par une solide musculature qui dessinait ses reliefs le long de sa colonne vertébrale. Il regarda la femme d’un œil neuf : sa démarche, sa façon de se mouvoir, son port de tête… Il réalisa que ce corps prospère n’avait rien de mollasson ; même le cul plantureux qui roulait gentiment à la marche paraissait assez ferme. Ainsi, sous le dodu féminin, il y avait du monde ! Max avait de l’expérience en matière d’entretien du corps et Béatrice devait sérieusement faire travailler le sien dans quelque salle de sport. Pas dans celle dont il était un habitué, car il l’aurait reconnue, mais il était sûr qu’elle était souple, bien musclée et endurante. Bref, avait-il commenté, rien à voir avec un top model, mais dans son genre elle était magnifique !


Sur la piste, passé l’émerveillement, ce fut du délire. Madame Antoine, riant aux éclats, avait été littéralement arrachée du sol et transportée à bras le corps vers une couche improvisée disposée un peu à l’écart, dans un coin sombre. Et là, comme à chaque fois, elle avait été aimablement prise d’assaut… Exactement ce qu’elle cherchait !


Elle n’avait plus arrêté jusqu’à trois heures du matin. Il y avait eu vers minuit quelques minutes de stand-by, une brève pause pipi dont elle avait profité pour faire un câlin à son mari qui, à présent, était assis dans un fauteuil installé aux premières loges. Un peu essoufflée elle s’était assise sur ses genoux, passant son bras gauche autour de son cou, le temps de descendre un grand verre préparé pour elle, plein d’un breuvage jaune pâle, coiffé d’une tranche de citron vert. Ils discutèrent un moment à voix basse, les yeux dans les yeux, se tenant par la main. Le détective s’était informé, elle carburait au mojito, rhum blanc et champagne ! Et puis elle s’était levée et, toujours en rigolant – « Allez, allez, au boulot ! » – avait saisi au passage la queue de deux baiseurs qu’elle avait ainsi entraînés vers la couche.

C’était reparti.


Selon Max, tous les volontaires y étaient passés, certains y revenant deux et même trois fois. Aucune violence ni même de rudesse, pas de bousculade, pas de gestes déplacés, pas de mots insultants, pas d’humiliations, pas de figures acrobatiques et on jouissait dans sa capote, sans autre forme de complication. Elle ne leur accorda guère que son ventre, au vrai parce que se faire baiser était à l’évidence la seule chose qui l’intéressât réellement. Si la position s’arrangeait commodément, elle laissait que les visages se noient dans son océan mammaire et que les bouches tètent ses immenses aréoles pâles, mais il était entendu qu’elle récusait les léchouilles cunnilinguales et qu’elle refusait catégoriquement d’être prise par derrière ; là-dessus, il n’y avait pas à insister. De son côté elle eut bien par ci par là quelques velléités suceuses ou masturbatoires, mais elle se lassait très vite et ne tardait pas à lamentablement abandonner le deuxième et le troisième homme à leur sort, complètement distraite par l’effet que les pénétrations successives avaient sur elle, uniquement concentrée sur le plaisir qui montait de son sexe.

Bref, c’était juste de la bonne baise tranquille ! À la chaîne peut-être, mais tranquille. Tu mates, tu viens quand tu es prêt et, puisqu’on te l’offre, eh bien tu prends gentiment ton plaisir. Ne réclame pas autre chose.


Dans son rapport, le détective omit de mentionner que lui-même avait scandaleusement profité de l’aubaine, mais au notaire abasourdi, il raconta tout par le menu. Honnête et digne, il avait d’abord tenté de garder ses distances – attention, moi je suis là pour un boulot ! – mais pris par l’ambiance, il n’avait pas résisté plus d’une heure.

Quand il s’était pointé elle était étendue sur le ventre, le bassin surélevé par un monticule hétéroclite de coussins, de peluches, de fourrures, qui haussaient à la bonne altitude l’arrondi de son ample derrière. Le gérant attentionné avait éteint toutes les lumières de ce côté de la salle et avait disposé des bougies sur le pourtour de la lice. Cernée par les flammes, elle reposait sur la joue gauche, les yeux mi-clos, quasiment immobile, les gros seins comprimés débordant sur les côtés, s’abandonnant totalement à ceux qui la désiraient, leur laissant tout loisir d’accéder à son sexe trempé qui béait légèrement et révélait son intimité chiffonnée, rôdée par les précédents abordages : béance liquoreuse, onctueuse, baveuse, fleur saccagée, féminité carnassière… Oui, car au fond, qui dévorait qui ?


Max, passablement excité mais peu accoutumé à ce genre de cérémonie, s’était approché l’arme en batterie pour prendre la suite d’un grand type athlétique et magnifiquement monté qui venait de la faire sangloter de bonheur. D’ordinaire elle se bornait à feuler discrètement, mais là elle venait de haleter sous l’orgasme et était encore sous le coup du ravissement, la bouche entrouverte, comme plongée dans la plus exquise souffrance. Ayant poussé à fond ses avantages sans moindrement la ménager, le mec se retira pourtant délicatement, avec une lenteur savamment calculée ; à la lueur des cierges, on aurait dit qu’il extrayait quelque monstre luisant du ventre féminin. Puis, l’air faussement détaché, soutenant modestement une bonne vingtaine de regards envieux, hargneux, moroses, le beau gosse s’empara d’un linge et se mit à posément essuyer son phénomène, toujours à l’horizontale, encore plein de force.


Béatrice Antoine demeurait vautrée sur ses coussins, geignant son émoi ; le détective qui, entre excitation et timidité tergiversait depuis une bonne demi-heure, profita de cet instant de flottement pour se jeter à l’eau, abandonnant son pantalon et baissant son slip, s’agenouillant devant les rondeurs joufflues. Mais quand elle le sentit elle se déroba et le repoussa de la main vers l’arrière :



Max se demanda ce qu’il avait fait de tordu. Son voisin lui souffla :



Max attendit donc en s’astiquant la queue, comme tous les autres, pour entretenir son érection, dans une espèce de silence recueilli. Il se concentra sur le spectacle de la fente humide et dévastée, émergeant à la jonction des fortes cuisses et des bonnes grosses fesses à la chair douce et tendre. Au bout de deux ou trois minutes qui lui avaient paru une éternité, elle avait simplement dit d’une petite voix :



Il ne pensait pas qu’elle était aussi ouverte. Lorsqu’il s’enfonça, il fut totalement pris au dépourvu par l’aisance de la pénétration ; mais en ayant sous les yeux le spectacle de toute cette chair tendre qui vibrait et roulait sous ses coups de boutoir, il s’émut plus que de raison. Il ne tenta pas de durer ; de toute façon, dans l’état où l’autre l’avait mise, pas la peine de chercher à lui faire quoi que ce soit ! Crispant ses mains autour de la taille étonnamment étranglée, l’œil mesurant toute la majestueuse ampleur des hanches et goûtant la houle qui animait la chair des fesses rebondies, il suivit son rythme et explosa bientôt dans la moelleuse chaleur du ventre de Béatrice Antoine.

Avait-elle eu seulement conscience de sa présence en elle ? Sans doute, puisqu’elle gémit lorsqu’il se retira… Elle fut bien vite consolée : à peine avait-il eu le temps de se relever que déjà elle était prise, six ou huit prétendants astiquant leurs engins à proximité. Lorsqu’il s’éloigna, elle ronronnait à nouveau, femelle indomptable !


Elle était sur le dos quand le dernier des soupirants se leva, asséché de ses dernières réserves. Elle replia le bras sur son visage mais ne fit plus un geste, éreintée, les seins en émoi, le ventre palpitant, les cheveux collés par la sueur, l’entrejambe comme ravagé et enflé, luisant de mouille dans la pénombre, tandis que des bleus commençaient à apparaître sur la pâleur des gros seins charnus, moins causés par l’indélicatesse des mains masculines que par leur frénésie…


Au cours des opérations elle avait constamment manifesté son ravissement, mais de manière assez discrète : petits cris, petits râles, petits hoquets, petits sanglots, petites plaintes, profonds soupirs. Il semblait à Max qu’elle exprimait ainsi une sorte de plaisir diffus, sans moindrement simuler. Car ses orgasmes étaient aisément repérables et elle s’était raidie à six ou huit reprises – il n’avait pas tenu le compte – la respiration en folie. Les baiseurs, bien dressés, s’étaient alors arrêtés comme un seul homme, puis à son signal l’infernale sarabande avait repris.


Pourtant il y avait un bon moment déjà qu’elle ne participait plus réellement, inerte, silencieuse, se bornant à offrir son vagin au désir de retardataires débarquant en pleine forme ou à celui de quelque athlète particulièrement endurant et motivé. Du coup, un flacon de gel lubrifiant était apparu comme par enchantement. Madame Antoine était donc allée jusqu’au bout du bout ; peut-être sa tête était-elle encore en prise, mais son corps n’en pouvait plus. L’adversaire n’était pas en meilleure posture ; elle était toujours très entourée, mais les spectateurs étaient à présent nettement plus nombreux que les acteurs. Dans des positions relâchées, assis ou avachis à même le sol, ils astiquaient vaguement, par habitude, des membres en quenouille, vaincus.


Ce fut son mari qui, traversant les rangs, vint la chercher. Il l’essuya tendrement, de son mieux, avec une serviette de bain qu’on lui avait passée, puis l’aida à se lever, mais elle était à bout de force et ses jambes, manifestement, ne la portaient plus. Alors on l’enveloppa dans un plaid puis Kader, le videur, la prit dans ses bras et suivi du mari qui rapportait la robe rouge, la transporta dans sa voiture. Exit Béatrice Antoine. Le gérant éteignit les bougies, la bacchanale était finie… jusqu’à la prochaine fois. Ce serait dans six ou huit semaines peut-être, sachant que la bacchante fréquentait aussi la Serenata, dans des conditions identiques.


Cela dit, pour se faire une idée exacte de son activité, il fallait aussi compter avec les petits extras où le couple était fréquemment invité. Mais là, on se heurtait à l’obstacle de l’inévitable discrétion ressortissant à toute vie privée et on en était réduit à des conjectures émanant du bouche à oreille. Apparemment elle ne se bornait pas à se livrer en pâture à tout le monde, comme cette nuit ; ça, pour elle, ce n’était qu’un aspect des choses. Il se murmurait que dans une collectivité plus restreinte, elle savait aussi, en compagnie de son mari, s’activer dans le jeu, la subtilité et le raffinement. Comment s’entendait-elle alors, avec les femmes présentes ? Mystère…


Une chose était certaine : débordante de vitalité, madame Antoine aimait s’amuser à sa manière et n’avait qu’à choisir où, quand et dans quelles conditions elle voulait qu’on la baise. Son mari, qui suivait toujours de près les opérations, veillait au grain.


Le problème pour Maître Dubéda, c’est qu’il aurait donné une fortune pour assister à ces petites fêtes. Ne parlons pas d’y participer ! Oui mais un homme dans sa position… ce genre d’amusement semi-public… c’était bon pour la foule anonyme. Lui ne pouvait se permettre d’entacher la réputation de son étude, les gens étaient si malveillants… ! Et penser qu’il lui faudrait vieillir comme ça, en sachant qu’ailleurs, juste à côté, d’autres n’en faisaient qu’à leur tête et s’amusaient comme des petits fous !


Le notaire éprouva quelques difficultés à remobiliser ses ressources intellectuelles. Toujours apparemment perdu dans ses notes, en réalité il s’interrogeait : et en ce moment, porte-t-elle une culotte, un string, ou bien son sexe respire-t-il à l’air libre entre ses cuisses douillettes, béant sous la jupe noire, chaud, humide, instantanément disponible ? Comme pour lui répondre elle s’appuya au dossier, déboutonna sa veste et décroisa ses jambes.

Il prit une profonde inspiration avant de s’adresser aux époux Antoine, pendus à ses lèvres :



Il sortit une feuille de l’épais dossier et, compatissant, la présenta par-dessus le bureau à madame Antoine qui approcha son buste en plissant les yeux. Le tailleur s’ouvrit sur le léger pull rose qui moulait ses seins : chair tendre immergée dans la douceur de la laine mohair, volumes extravagants.



L’homme consulta sa femme du regard, puis il reprit la parole, traits affaissés, voix mal assurée, mais regard étrangement vif. Maître Dubéda connaissait bien cette expression ; jour après jour il la rencontrait dans son étude : c’était celle de l’appât du gain.



Le notaire se demanda tout à coup quel genre de châtelaine ferait Béatrice Antoine. Si jamais elle héritait du gros lot, qui sait quelle ampleur prendraient les fêtes bachiques organisées dans son parc ? Instantanément lui passa par la tête le fantasme d’un carton d’invitation.



L’homme montra toute l’étendue de sa calvitie en se baissant pour prendre sa serviette ; il l’ouvrit et en sortit deux consistantes liasses de papiers jaunis.



Surpris, le notaire se redressa un peu sur son siège :



Il se tourna vers sa femme, cherchant son regard :



Un comble, sachant la sportive qu’elle était… ! Le notaire vit soudain frissonner son maigre et pâle interlocuteur.



Maître Francis Dubéda se leva pour aller manipuler le tableau électrique situé dans le couloir. Il contourna son bureau : la courte jupe droite dévoilait une prison de résille moulant l’exquise rondeur des genoux accolés et le départ des cuisses dodues. Il reçut en plein cœur une bouffée de parfum : une note fleurie, fraîche et pétulante. Il vit autre chose : sa main à elle sur son genou à lui, sa main à lui sur sa main à elle. Lorsqu’il revint s’asseoir, il ne supportait même plus l’idée du célibat. « Allons, reprends-toi mon vieux Francis, tu ne vas quand même pas tomber amoureux d’une pareille traînée ? »

Instantanément il croula sous l’avalanche des reproches qu’il s’adressait à lui-même. « Et voilà ! Il suffit qu’une femme s’autorise à aimer les hommes comme elle le souhaite, aussitôt elle devient une garce ! Pas étonnant qu’elles se déguisent toutes en mères-la-vertu ! »


N’en pouvant décidément plus de la violence de tant d’émotions contrastées, se sentant complètement débordé, le notaire décida de se replier derrière un écran de fumée et, pour mettre fin à l’entretien, fixa brusquement la pendule.



Bien sûr, tout ce qui l’attendait dans le silence de sa demeure, c’était un plat congelé, à chauffer dans le micro-ondes et qu’il avalerait devant la télé, avant de se goinfrer de chocolat…



Leurs regards à nouveau se cherchèrent, ils se sourirent. Elle irradiait la santé et la joie de vivre, mais c’était la première fois que Maître Dubéda voyait le visage triste du mari se dérider. Au début il s’était demandé ce qui pouvait bien les lier, mais il n’avait plus aucun doute, les Antoine formaient un vrai couple. Des hommes et des femmes associés d’une façon ou d’une autre, il en voyait défiler toute la journée dans son étude. Mais des vrais couples, pleinement solidaires, il en rencontrait somme toute assez peu. Le notaire aurait mis sa tête à couper que quand ils se retrouvaient seulement les deux, dans le secret de leur chambre à coucher, l’ambiance était saturée de tendresse… pour ne pas dire que l’épouse réservait à son seul mari toutes les fantaisies qu’elle refusait à ses baiseurs de foire du sexe.


Quand Maître Dubéda, un homme fort et lourd qui marchait allègrement vers la cinquantaine salua madame Antoine, il se surprit à chercher une bouffée de son parfum. Mais… était-ce une impression ? La petite main potelée ne serrait-elle pas sa grosse paluche avec une insistance pas très naturelle ? Bah ! Quelle idée ! Impossible… ! Ce devait être sa façon à elle de serrer les mains. Et toutefois au même moment, il lui sembla qu’un regard vert et pétillant venait de se vriller dans le sien. Allons ! Qu’allait-il penser là ? C’était prendre ses désirs pour des réalités !


On était en hiver, la nuit était tombée ; sur le quai, une seule fenêtre du vaste immeuble occupé par l’étude Dubéda & Coussignon, notaires associés, était encore éclairée. Un rideau s’écarta, une silhouette massive se découpa dans le rectangle jaunâtre. En bas, des fumerolles de brouillard serpentaient à la surface du fleuve. Passant sous le réverbère du pont, un grand échalas aux oreilles décollées et une petite blonde dodue, la main dans la main, se hâtaient en discutant dans la nuit glaciale.


À l’improviste, le temps d’un éclair, elle tourna la tête et jeta un regard par-dessus son épaule. Maître Dubéda, l’esprit en pleine confusion, l’âme tiraillée entre un nébuleux espoir et une infinie tristesse, n’eut pas le temps de rabattre le rideau…