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n° 16423Fiche technique98241 caractères98241
Temps de lecture estimé : 55 mn
28/09/14
Résumé:  La vie est parfois particulièrement tragique pour certains. Mais ils trouvent en eux le courage de forcer le destin
Critères:  fh collègues fellation cunnilingu pénétratio fsodo -initfh -f+prof
Auteur : Bertrand d            Envoi mini-message
L'instit

Il est six heures dans le petit appartement silencieux, le jeune Michel exulte. Dans demi-heure, maman va arriver. Elle va apporter des photos de Collioure où ils vont passer une semaine de vacances. Elle lui a raconté son bonheur lorsqu’elle y était allée, enfant. Mais depuis qu’elle a été chassée par son père, elle n’a plus eu l’occasion de prendre des vacances. Elle s’est retrouvée seule avec Michel, son séducteur l’ayant abandonnée.

Il a terminé ses devoirs ainsi ils seront tranquilles ce soir. Dans le canapé, elle va le prendre dans ses bras et ils feront des projets.

Six heures vingt, elle ne va plus tarder.

La sonnerie le tire de ses réflexions. Qui peut venir à cette heure-là ?

Il va à la porte, se dressant sur la pointe des pieds, il regarde par l’œilleton. Une femme et deux hommes. Que veulent-ils à sa mère ?



L’oreille collée contre la porte, il entend un murmure animé. Puis ils sonnent chez la voisine, madame Dubour. Quelques instants après, c’est elle qui vient lui parler.



Michel voit en effet que les autres s’éloignent. Il ouvre la porte, madame Dubour entre, il referme rapidement.



L’enfant recule sur le canapé, aussi loin que possible de la porte. Les inconnus entrent lentement. Ils n’ont pas l’air méchant.



Entendant ce mot fatal, le petit s’effondre sans connaissance.




— oOo-




C’est une piqûre dans le bras qui a tiré Michel de son cauchemar. Il rêvait que l’on venait lui annoncer que sa mère était morte. Mais, que fait-il dans cette chambre toute blanche.



Entendant cela, le garçon a fermé les yeux, s’est bloqué. Je vais mourir moi aussi, décide-t-il, comme ça je la retrouverai là-haut.


Ce n’est que dix jours plus tard qu’il a quitté l’hôpital. Il ne parle plus, on doit l’aider à manger, à se laver. On lui a présenté des livres, il ne les lit pas, lui qui était si brillant en CM2. Son instituteur, monsieur Flamant s’est proposé pour lui parler. Michel l’aime bien. Mais il lui a dit simplement :



On l’a confié à Jacques, un éducateur spécialisé. Ce dernier lui a raconté son histoire. Lui aussi est orphelin depuis l’âge de onze ans, on l’a placé ici. Lui aussi voulait mourir. Puis, il a accepté de manger, se laver tout seul. Et il a décidé de devenir quelqu’un qui aide les autres, afin que sa mère soit fière de lui, là-haut.

Jacques lui a montré des photos où il était avec sa mère, lui a raconté comme ils s’entendaient bien. Michel a écouté, puis a commencé à poser des questions, enfin à lui raconter sa propre histoire.

À partir de ce moment-là, il s’est débrouillé tout seul. Un jour, il a consolé un petit qui venait d’arriver et pleurait. Et ainsi petit à petit il a repris vie, mais sans s’intégrer vraiment dans la communauté.




— oOo-




Compte tenu de son attitude, il a été décidé de le placer dans une famille d’accueil. Il a été accueilli par Jean-Pierre et Josette Loustal. Ce couple tranquille, accueille depuis trente ans des enfants de la DDASS ayant des problèmes.

Le contact a été excellent. Jean-Pierre ne parlait pas trop, mais avait des gestes simples, caresser les cheveux, l’embrasser sur le front. Michel, qui n’avait jamais connu d’hommes auparavant, l’a aimé. Josette lui rappelait sa mère, en plus âgée. Comme elle, elle surveillait ses devoirs, il redoublait le CM2. Pas de difficulté de ce côté-là. Mais surtout, il se blottissait contre elle dans le canapé, le soir.


Il était heureux dans cette famille. Ils avaient trois grands enfants mais tous mariés, étaient partis assez loin. Les époux ne voyaient que rarement leurs petits-enfants, aussi ils considéraient Michel comme l’un d’entre eux.

Il n’avait pas oublié sa maman, mais il avait trouvé une nouvelle famille, travaillait bien en classe. Il est arrivé facilement en troisième. Les Loustal étaient fiers de lui et l’administration aussi. Pourtant, un soir, se serrant contre sa « mamé » comme il lui disait, elle a fait une grimace. Michel s’est excusé immédiatement, il devenait trop grand. Mais il s’est demandé si c’était le fait de l’enlacer qui l’avait blessée. Il avait remarqué que, depuis quelques temps, Josette était souvent fatiguée. Son mari lui demandait de consulter un médecin. Mais elle ne voulait pas.


Pourtant, un jour, Jean-Pierre a fait appel à un praticien. Ce dernier a examiné longuement la malade et a prescrit son hospitalisation. Michel ne pouvait rester avec eux. C’était une trop grosse charge pour Jean-Pierre avec la maladie de sa femme. Quand Michel est allé voir sa « mamé » dans sa chambre d’hôpital, elle lui a avoué qu’elle se doutait que ses malaises étaient symptômes d’une maladie grave, mais ils le reprendraient quand elle sortirait.


Compte tenu de sa conduite irréprochable, il était facile à placer. Il s’est retrouvé chez les Martin. L’ambiance changeait totalement. Famille unie, avec deux enfants, William, 17 ans et Adeline 15 ans, jolie comme tout. Pour la première fois, il vivait avec des jeunes de son âge, surtout Adeline qu’il admirait beaucoup tant elle était jolie.

Il était depuis un mois chez eux, quand on lui a annoncé une nouvelle terrible : Josette venait de mourir. Il est allé d’abord rendre visite à Jean-Pierre, a longuement pleuré sur son épaule. Aux obsèques, la famille lui a demandé de se joindre à eux. Cette manifestation d’amour l’a bouleversé. Malheureusement Jean-Pierre partait habiter chez son fils, au loin.


Sa nouvelle famille a compris sa douleur et a fait tout le nécessaire pour lui faire oublier sa peine. Les parents, par leur tendresse, William, en lui parlant en homme. Mais sa plus grande consolation est venue d’Adeline. Elle l’a serré dans ses bras, l’a embrassé. Il a un peu oublié sa peine, mais ressenti un autre type de sentiment. Désormais, chaque fois qu’ils en avaient l’occasion et surtout quand personne ne pouvait les surprendre, ils s’enlaçaient, s’embrassaient. Puis un jour le baiser a changé. Leurs lèvres se sont rencontrées et, ils découvrirent le plaisir.


Maintenant, leurs contacts prenaient une autre dimension. Bientôt, il osa toucher cette poitrine qu’il admirait tant. Elle n’a pas protesté. Et même pour l’encourager, elle oubliait le soutien-gorge. Ils se sont jurés un amour éternel, ils se marieraient, auraient des enfants. C’était le paradis.

Un jour, dans la chambre de Michel, allongés, ils se caressaient. Quand soudain la porte s’est ouverte et le père les a surpris. Frayeur des deux jeunes gens.



Affolé par l’arrivée de Jean, Michel a pris le téléphone. C’était le fils de Jean-Pierre qui lui annonçait que son père était décédé, il n’avait pu supporter la mort de sa femme. On venait de l’enterrer le matin même.

Ces deux événements ont déstabilisé Michel. Il a regagné la cuisine désirant s’expliquer avec Jean. Il lui a confirmé que c’était bien une mauvaise nouvelle, le décès de Jean-Pierre. Puis il est resté silencieux, craignant des reproches cinglants. Jean l’a invité à s’asseoir puis lui a dit doucement :



Il est allé frapper à la chambre de son amie. Elle a dit d’entrer, s’attendant à voir apparaître son père fou de colère. Michel l’a prise dans ses bras et lui a rapporté la discussion qu’il venait d’avoir. À nouveau, ils se sont juré un amour éternel, qu’ils s’attendraient.

Trois jours après, il était en foyer, il avait seize ans.




— oOo-




Ma nouvelle vie a changé mon caractère. Depuis le décès de ma mère j’avais eu la chance de connaître deux familles formidables. Mais à chaque fois j’avais été amené à les quitter. J’avais des rapports personnels, on m’aimait.

Maintenant je suis un garçon parmi beaucoup d’autres, sans contact individuel, sans pouvoir partager mes secrets. Peu à peu, je suis arrivé à trouver des copains, me faire quelques amis. Mais contrairement aux familles, on ne s’intéressait pas à moi en particulier. Alors, je me suis intégré, j’ai été admis dans le groupe, pour le meilleur et pour le pire. Pour le meilleur : j’étais maintenant dans le monde réel avec ses avantages et ses inconvénients et j’améliorais mes rapports avec les autres. Les inconvénients ? Je ne me sentais plus suivi dans mes études, pas de motivation, pas de contrôle au jour le jour sur mes devoirs ou mes notes. Je faisais ce que je voulais, seuls les professeurs notaient mon travail.


Aussi, d’excellent élève, je suis retombé dans la moyenne en première et nettement plus bas en terminale. Je m’intéressais seulement aux filles, les baratinait, mais sans obtenir le bonheur suprême. Et naturellement, j’ai échoué au bac.

Cet échec m’a donné un choc. Ce jour-là, j’ai compris que c’était à moi de prendre ma vie en main. Je me suis mis à travailler sérieusement et à la fin de ma deuxième terminale, j’ai décroché mon bac, avec mention bien !

J’ai écrit une lettre pour en informer les Martin. Pendant quinze jours j’ai attendu une réponse. Ma missive est revenue avec la mention « n’habite pas à l’adresse indiquée ». Ils avaient déménagé. Certes, ils désiraient un logement plus grand, ou bien retourner dans leur région d’origine, la Bretagne. Mais comment les retrouver. Je pensais, j’aimais toujours Adeline, mais elle était probablement définitivement perdue.


Mais que faire après le bac ? J’ai décidé d’aller en fac. Heureusement, la DDASS, ne m’a pas abandonné. La fac était gratuite compte tenu de ma situation de pupille. On m’a offert de me loger pendant mes études, dans un orphelinat, sous condition d’aider l’infirmière la nuit ou si elle avait des difficultés. Je vivais avec des enfants orphelins comme je l’avais été. C’est là que je me suis mis à aimer, à adorer les gosses. Beaucoup avaient des problèmes. J’ai essayé de les consoler dans leur détresse, de les aider dans leurs études, et je crois que j’y suis souvent parvenu.

Je m’occupais des garçons. Pour les filles, il y avait une étudiante, Nadine, dans la même situation que moi. Rapidement nous sommes devenus amis, Et bientôt beaucoup plus que ça.


J’avais dragué, embrassé, caressé des filles, mais n’avais jamais fait l’amour. Nadine était beaucoup plus affranchie que moi, elle avait déjà couché avec quelques copains. Nos chambres étaient attenantes aux dortoirs. Les filles au rez-de-chaussée, les garçons au premier étage.

Un soir, elle m’a entraîné dans sa chambre. J’ai commencé à l’embrasser, la caresser. Je lui ai avoué que j’étais puceau. Elle a souri et m’a enseigné le dernier chapitre de l’amour. L’infirmière s’est rapidement rendue compte de nos relations. C’était une personne d’un certain âge, nous étions majeurs, elle ne nous a jamais dénoncés.

Ce n’avait pas été un coup de foudre, simplement nous étions bien ensemble, nous entendions parfaitement sur le plan sexuel. Cela a duré trois ans et nous semblait normal.


Pourtant à la fin des études, nous avons discuté longuement de notre avenir. Elle avait pensé entrer dans une étude d’avocat ou de notaire, quitte à partir au loin pendant plusieurs années. Nous nous sommes promis de nous retrouver lorsque nous en aurions l’occasion, mais sans serment d’amour, sachant tous deux que notre aventure était sans lendemain.

J’ai fini mes études en fac avec succès, j’ai passé le concours pour l’école normale. Professeur des écoles me paraissant une façon d’être en contact avec les enfants. J’ai été reçu. À ma sortie, j’ai été nommé dans une école d’un quartier ancien. Le bâtiment datait du début du vingtième siècle.




— oOo-




Aujourd’hui, c’est le jour de la rentrée. De part et d’autre de la porte, deux instituteurs régulent la sortie de ce flot émettant quelques remarques ou réprimandes. Le dernier élève arrive enfin en courant, étourdi, il avait oublié son blouson en classe.

La veille, le directeur avait réuni son personnel, afin de leur transmettre toutes les consignes. Il les reverrait le lendemain afin de connaître leurs impressions ou remarques.

Ce soir, l’atmosphère est sympathique. Les trois plus anciens maîtres, deux femmes et un homme, présents depuis longtemps dans l’établissement, n’ont rien à signaler. Arrivent enfin les deux jeunes, après avoir fermé la porte de l’établissement.

Catherine Lavrilleux est en poste depuis trois ans. Elle prend la parole. Les anciens la connaissent bien, elle va encore les inciter à appliquer les nouvelles méthodes d’enseignement. Pendant dix minutes, elle pérore, les aînés sourient doucement.

Puis c’est au tour du dernier arrivé, Michel. Il n’a pas eu le temps de juger la classe, ni les installations, mais se dit satisfait pour l’instant. On a terminé l’apéritif de la veille et ils sont sortis.

Dans le couloir, Catherine interpelle Michel et lui dit d’un ton condescendant :



Pourtant, ils ne sont pas donnés la bise, comme font les collègues.

Michel est satisfait de sa première journée. Les collègues sont sympathiques et plutôt blasés. Ils viennent assurer leur service, pour le reste… Il n’y a que Catherine qui veut montrer sa science, se montrer supérieure. Elle est charmante et j’en ferais bien ma compagne d’une nuit et même de quelques jours. Elle compte me conseiller sur la manière de prendre les enfants ! Elle ignore mes antécédents.




— oOo-




Ça y est, c’est la fin de l’année, les cours sont finis, le programme terminé, bientôt les grandes vacances. Les gosses en ont bien besoin, et moi aussi. L’année s’est très bien déroulée, certains élèves, ceux qui n’ont pas de père, me considèrent un peu comme le leur, ils me l’ont dit. Certes l’ambiance dans la classe était un peu décontractée et dernièrement c’est Xavier l’hyperactif qui leur a dit de « fermer leur gueule », il n’entendait pas ce que je disais. À chaque parole pertinente, je les félicite, leur tape sur l’épaule, ou leur caresse les cheveux. J’ai posé un baiser sur le front d’une petite algérienne qui est parvenue à lire à peu près couramment alors qu’elle déchiffrait difficilement en début d’année. J’ai aussi donné des cours particuliers – gratuitement – aux plus faibles, à l’école et quelquefois chez moi.


J’ai simplement oublié de demander conseil à Catherine. Elle a essayé de me les prodiguer, mais je lui ai dit que tout allait bien. Mon refus l’a tout d’abord vexée. Elle attendait que je me « plante ». Et depuis les vacances de Noël, elle ne me parle plus, me salue d’un simple hochement de tête. Maintenant, c’est presque de l’hostilité.

Les gosses, eux, ont trouvé un changement d’ambiance. L’année dernière, c’était la discipline stricte, interdit de parler ou même de poser des questions n’ayant pas un rapport avec la leçon.


Personnellement, j’essaie toujours de répondre à toutes leurs demandes, les orientant souvent sur des points du programme, ou bien je leur promets de leur expliquer pendant la récréation. Et il y en a qui reste au lieu d’aller jouer.

La première fois que le directeur est venu assister à mes cours, il a été surpris. À la fin de la classe, il m’a pris en particulier et m’a fait des remarques sur ma façon d’enseigner. Je l’ai invité à interroger les élèves soi-disant « illettrés ». Sa surprise a été totale sur le résultat et je crois que maintenant il vient aussi pour le plaisir de voir des enfants heureux.


Quant à Sylvain le surdoué, l’année semble perdue, il n’a appris aucun nouveau texte ni formule. Pourtant, il est heureux. Il comprend ce qu’il avait absorbé jusqu’à présent. Il est admis par les autres élèves alors qu’autrefois il était rejeté. La première fois que je lui ai touché l’épaule, il a sursauté. Plus tard, il m’a avoué que chez lui il n’y avait jamais de caresses ou de baisers, ni même de simple contact, et pourtant il m’a admis qu’il aimerait bien. Par contre, ses parents ne semblent pas satisfaits. Leur fils a perdu son année d’avance.


Les autres instituteurs ont regardé avec curiosité ma façon d’enseigner. Cela les change des méthodes habituelles. Ils aimeraient bien essayer, mais à leur âge…

Pour récompenser ceux qui ont appris à lire cette année, je leur ai offert à chacun un petit livre pour leur âge. Ils m’ont embrassé pour me remercier. Aux autres j’ai offert des bonbons.

Le directeur est enthousiasmé par les résultats. Mon collègue de CM2 également, pour une fois, tous les élèves qu’il va recevoir savent à peu près lire. Je suis admis par les aînés, mais pas par Catherine.




— oOo-




Cette année mes élèves sont entrés sans inquiétude en classe. Ils avaient été renseignés par ceux de l’an dernier. À nouveau il a fallu remettre tout le monde à jour. Cela s’est fait sans trop de problèmes et même avec bonne humeur.

Un jour, les parents de Sylvain ont demandé à me rencontrer.

D’entrée ils m’ont reproché d’avoir fait perdre un an à leur enfant. Je leur ai expliqué que leur fils avait mûri et comprenait désormais ce qu’il apprenait, sinon il demandait des éclaircissements. Mais ce n’était pas le sujet principal.

D’après eux, je caressais leur fils, Ils jugeaient cela inconvenant pour ne pas dire pornographique. Sylvain leur avait avoué qu’il appréciait cette forme de récompense. Et surtout que je pratiquais de même avec les autres enfants. Ils ne voulaient pas que toute une classe soit contaminée par mon comportement malsain, cela pouvait s’assimiler à de la pédophilie.

J’ai essayé de leur expliquer les raisons de mon comportement : les enfants se sentaient compris et travaillaient mieux. Ils n’ont rien voulu entendre et sont partis en claquant la porte.

Immédiatement je suis allé trouver le directeur et je lui ai fait part de notre conversation. Il m’a avoué qu’il craignait une telle réaction de la part de certains parents.


J’avais oublié cet incident et n’avais pas modifié ma manière de travailler. Un matin, je commençais à expliquer l’union européenne à mes élèves. Les raisons qui avaient amené les nations à se rapprocher et à s’entendre. Je leur indiquais qu’autrefois les pays étaient souvent en guerre.

Soudain, on a frappé à la porte, c’était le directeur avec une autre personne, un inspecteur. J’ai salué le nouvel arrivant et continué mon cours sans rien modifier à ma méthode. Les enfants, d’abord intrigués par cette visite, ont repris leurs questions. J’ai essayé de leur répondre brièvement, leur rappelant que j’étais à leur disposition pendant la récréation afin de les informer. L’inspecteur est resté pendant cet intervalle et jusqu’à la fin de la matinée. Il m’a salué en partant, sans émettre aucun commentaire.

Après son départ, le directeur m’a fait preuve de son étonnement, d’ordinaire il est informé un peu à l’avance de ce genre de visite. Il m’a dit qu’il craignait que quelqu’un ait dénoncé mon type d’enseignement.


Deux mois plus tard, j’ai reçu une convocation à me présenter au rectorat. J’en ai informé l’équipe, leur indiquant que c’était probablement pour m’expliquer sur ma méthode de travail.

Le jour prévu, je me suis présenté au bureau indiqué. Après quelques minutes, on m’a invité à entrer. Je me suis trouvé devant deux personnes m’accueillant aimablement, mais qui ne sont pas présentées. L’une s’est installée au bureau, l’autre a pris place dans un fauteuil sur le côté. J’ai de suite compris que c’était lui le patron.



Je dois avouer que je suis resté abasourdi, sans voix. Le fait de donner une tape sur l’épaule, de caresser les cheveux, une démarche érotique. Inutile de chercher d’où venait cette plainte : les parents de Sylvain !



Je suis sorti assommé du rectorat. J’ai regagné le plus vite possible mon école afin d’en informer le directeur et mes collègues.

Je leur ai raconté notre entrevue, les accusations de pédophilie. Je connaissais les mesures qui étaient prises dans ces cas-là. Je leur ai indiqué que je voulais connaître les rédacteurs de cette lettre afin de leur demander pourquoi ils n’étaient pas venus se plaindre directement à moi.



Mais je vais me défendre. Si je suis accusé, je vais prendre un avocat, demander toutes les pièces du dossier, le témoignage des enfants. Et quand je serai reconnu innocent, je poursuivrai les rédacteurs de cette lettre pour diffamation. Enfin, je saurai quel est le professeur qui a initié cette démarche


Tous les enseignants ont été scandalisés et m’ont assuré de leur soutien dans cette épreuve.

J’étais maudit. Après le décès de ma mère, celui de Josette, de Jean-Pierre, la séparation d’avec Adeline, j’étais vraiment damné.

Quelques jours plus tard, j’ai reçu un courrier recommandé m’indiquant que je comparaîtrai devant le conseil de discipline et contenant la copie de la lettre d’accusation.

À la consultation de la liste des plaignants, j’ai vu le nom du père de Sylvain. Ensuite celui de Plaignel, un catholique intégriste, conservateur, opposé au divorce, à l’avortement, au PACS, etc. Normal. Mais pour les quatre noms suivants, j’ai été étonné, n’ayant eu aucun problème J’ai décidé de mener mon enquête. Inutile d’aller voir les deux premiers, ils refuseraient de me parler.

Lorsque j’ai rendu visite la première famille, le père a paru embarrassé. Puis il m’a avoué qu’il entretenait le jardin des Bertrand sans être déclaré. Ce dernier l’avait menacé de se passer de ses services s’il ne signait pas. Et il m’a dit que c’était également le cas du deuxième, l’épouse était femme de ménage au noir chez les parents de Sylvain et avait reçu les mêmes menaces.

Quant aux deux derniers, c’étaient des immigrés, j’étais étonné, ils étaient tous deux venus me remercier pour les progrès de leur enfant. Quand je me suis présenté chez eux, j’ai été reçu avec enthousiasme, je me suis demandé pourquoi.



J’avais l’explication des six signatures. J’allais démontrer que c’était une tricherie, mais surtout j’allais dénoncer le travail au noir, l’utilisation de gens sans contrat. Il serait difficile aux Bertrand d’expliquer comment ils pouvaient avoir un jardin si bien soigné sans embaucher de personnel.

Dès le lendemain, à l’école, j’ai fait part de mon enquête et des conclusions que j’en avais tirées. Tous m’ont approuvé et m’ont dit d’adresser une lettre au recteur.

C’est ce que j’ai fait, en courrier recommandé.


Le lendemain soir, le téléphone a sonné dans mon studio, c’était le recteur en personne qui me demandait de l’excuser, naturellement il n’était pas question de pédophilie. Toutefois, le conseil de discipline avait été convoqué, il aurait lieu, mais je n’avais pas à m’inquiéter pour la suite.

Tout heureux, j’ai téléphoné immédiatement au directeur pour lui faire part de la nouvelle. Et le lendemain, tout le personnel était au courant.

Désormais, j’étais tranquille. Il m’a fallu me déplacer pour assister à mon jugement. Pas d’accusation de pédophilie. Pour ma méthode d’enseignement, on m’a trouvé tort de continuer à l’appliquer. Et pour marquer la désapprobation, j’ai été avisé que je serais muté, sans autre précision.

À la sortie, le recteur m’a pris en particulier dans son bureau.



La punition était légère, et surtout l’arrangeait bien. Mais pour moi, c’était quitter mes amis, sans connaître mon point de chute.

Le lendemain, je suis allé raconter mon procès à l’équipe. Ils étaient tous tristes de me voir partir l’an prochain, je mettais de l’animation dans l’école. Je serai tranquille jusqu’à la fin de l’année scolaire, plus qu’un mois.

À la sortie, Catherine m’a abordé.



Que se passait-il ? D’abord elle m’appelait par mon prénom ! Puis elle qui était si montée contre moi, me demandait un rendez-vous.



J’ai choisi cette heure, elle se sentirait tranquille, ce n’est pas un moment où je risquerais de la violer. Bien que je l’aurais fait volontiers.


J’avais mis de l’ordre dans mon studio, préparé des biscuits, la cafetière était garnie et les sachets de thé dans le placard. À quatorze heures pile, elle sonnait. Je l’ai accueillie avec un grand sourire, une poignée de main mais je n’ai pas voulu l’embrasser. Elle semblait crispée.



Voilà la raison pour laquelle elle voulait me rencontrer. Je comprends mieux à présent son attitude. Tout en buvant le thé, que je déteste, et en mangeant les petits gâteaux, nous avons discuté en amis. Le temps passait et elle ne paraissait pas pressée de me quitter. Elle avait dit que son cœur battait quand elle m’avait vu. On allait voir si elle éprouvait toujours les mêmes sentiments. J’allais la draguer.



La manière enthousiaste de sa dernière réponse m’a décidé à entreprendre une approche plus concrète. Je verrais bien jusqu’où je pourrais aller.



Victoire ! Je vais lui faire franchir le premier pas. Puis il me faudra y aller doucement mais je tenterai d’obtenir plus. Je me suis levé, dirigé vers elle, j’ai pris sa tête et posé mes lèvres sur les siennes. Elle n’a pas refusé le contact, au contraire elle a appuyé de toutes ses forces. De la langue, je lui ai mouillé la bouche. Étonnée tout d’abord, elle a ensuite desserré les lèvres. La pointe de ma langue a léché ses dents puis appuyé fortement. Elle a desserré les mâchoires, elle était perdue. Et j’ai commencé un véritable baiser, craignant toutefois qu’elle me repousse. Mais au contraire elle est restée collée à moi. Au bout d’un long moment, c’est moi qui l’ai quittée. Elle était silencieuse, des larmes coulaient sur ses joues. Mais ce n’était pas de chagrin. Elle m’a souri, elle avait établi un contact avec un homme !



La manière dont elle me le demandait me laisser envisager une initiation complète. D’un autre côté, sa naïveté et sa manière de s’offrir me touchaient. À la fois, je la désirais ardemment et j’avais peur d’abuser d’elle qui était venue en toute confiance.

Je l’ai allongée sur le canapé, ai repris le baiser auquel elle a répondu ardemment. Ma main est venue caresser sa poitrine. Elle n’a rien dit. Déboutonnant son corsage, j’ai glissé mes doigts en dessous et écarté le soutien-gorge. Je tenais le sein bien en main. J’ai fait rouler son bouton. Voulant connaître sa réaction, j’ai cessé le baiser pour voir son visage. Les yeux fermés, elle gémissait doucement. Considérant cela comme une autorisation, j’ai dégrafé, écarté son corsage, baissé le soutien-gorge. Mes mains, mes lèvres ont joué sur sa poitrine. Elle gémissait de plus en plus fort. La prenant dans mes bras, je l’ai soulevée afin de la mettre torse nu. Elle a participé à ce déshabillage délicat.


La reposant, reprenant mes caresses, ma main a dégrafé son jean. Elle s’est soulevée afin que je puisse le faire glisser ainsi que la culotte sur ses jambes. Elle venait de me donner toutes les autorisations. Mon doigt est allé rechercher le bouton. J’ai alors joué toute la gamme des caresses. Sa bouche émettait un râle continu, son entrejambe commençait à suinter. Et maintenant que faire ? Je me suis arrêté un instant indécis. Elle a ouvert ses yeux, me suppliant de continuer. Alors, j’ai décidé de terminer.

Je me suis redressé, ai tiré le jean et la culotte pour les retirer. Elle était nue. Je me suis mis dans la même tenue. Ses grands yeux étonnés contemplaient mon sexe bien dressé. Voilà l’instrument de mon supplice, pensait-elle.


Elle a avancé la main, a touché cet organe, l’a pris en main. Puis elle l’a tiré vers elle pour l’amener face à sa fourche. On ne pouvait être plus clair. Je me suis allongé face à elle. Elle a mis le poinçon face à l’encoche. J’ai frictionné ses lèvres intimes avec mon sexe. C’est elle qui en appuyant ses mains sur mes hanches, a donné le signal de son dépucelage. Lentement, je me suis enfoncé jusqu’à la garde. Quelques larmes coulaient sur ses joues, mais son sourire exprimait une joie intense.

Alors, je l’ai baisée. Alternant la cadence jusqu’à ce que mon plaisir devienne trop intense. Je me suis retiré, j’ai éjaculé sur son ventre.


Catherine est restée allongée, totalement détendue, les yeux fermés, un sourire béat sur son visage. J’étais heureux de l’avoir baisée certes, mais aussi d’avoir réussi le dépucelage, c’était la première fois que j’en avais l’occasion.

Je l’ai prise dans ses bras et l’ai portée jusqu’à la salle de bain. L’eau tiède de la douche a coulé sur nos corps enlacés. Puis nous nous sommes séchés l’un l’autre et tout nus nous avons regagné le canapé.



Nous avons passé la soirée, enlacés, faisant des projets d’avenir. Et avant de partir, elle a voulu que je la baise à nouveau.

Le lendemain, les collègues n’ont pas eu besoin d’explications. Catherine est arrivée le visage rayonnant, m’a embrassé amicalement. Toute l’équipe a été heureuse de ce dénouement.

Désormais dans la cour, nous discutons souvent, et pas seulement d’éducation. C’est pour m’exprimer ses sentiments. Nous nous retrouvons de plus en plus souvent et elle aimerait vivre avec moi, mais il y a ses parents. Nous faisons l’amour fréquemment, quitte à opérer rapidement parfois dans des endroits incongrus, car elle est toujours affamée de caresses. Même les jours où elle est indisposée elle vient. Un jour je lui ai dit que dans ces cas-là, il y avait un moyen de faire l’amour, en utilisant une manière prohibée. Elle m’a supplié de lui apprendre cette nouvelle pratique et c’est ainsi qu’un samedi, je l’ai sodomisée. Elle n’a pas trop aimé cela, au début. Avec le temps, c’est devenu une pratique que nous utilisons quelques fois, même quand l’autre voie est ouverte.


Les vacances étant là, nous ne pouvions plus nous voir aussi souvent. Car malgré ses vingt-huit ans, ses parents la surveillaient. Elle a déployé des trésors d’inventivité pour obtenir l’autorisation de partir en vacances seule. Ses parents lui ont loué une chambre et fait de nombreuses recommandations. Je suis naturellement allé la rejoindre et nous avons passé quinze jours de rêve.


À mon retour, j’ai trouvé du courrier en retard. Dont une lettre de l’académie m’indiquant le poste auquel j’étais affecté. C’était un bourg au fin fond de la Lozère, au climat particulièrement difficile en hiver. Catherine a téléphoné à son oncle, mais celui-ci n’a rien pu faire. L’école comportait deux classes. L’instituteur partait en retraite et l’on n’avait trouvé aucun volontaire pour occuper ce poste. L’institutrice ne pouvait assurer l’enseignement de plus de trente enfants. J’étais le seul disponible.

Catherine a énormément pleuré. La veille de mon départ, elle n’est pas rentrée chez elle, sans prévenir ses parents, son premier geste d’indépendance. Nous nous sommes aimés toute la nuit. Au matin elle m’a juré un amour éternel. Dès que je pourrais rentrer, nous nous marierions.


Je suis parti avec ma vieille voiture la veille de la rentrée. Pas de souci de logement, j’occupais gratuitement un appartement de fonction.

On m’avait vanté le charme de ce coin, dit que le paysage était merveilleux. J’ai eu droit à un ciel sans nuage, les rayons de soleil me gênant même parfois pour conduire. Les couleurs étaient éblouissantes, tout était pour le mieux. Sauf que j’ai été obligé de mettre le chauffage dans ma voiture, je me gelais.


J’avais prévu d’arriver en début d’après-midi. Dans ma sacoche j’avais un sandwich et une bouteille d’eau et je voulais faire une étape. Mais, où s’arrêter par un tel froid. J’ai fait le trajet d’une traite et suis arrivé à destination vers onze heures trente. Mais maintenant il me fallait trouver la maison du maire qui devait m’accueillir ? Je me suis arrêté sur la Grand-Place afin de me renseigner. À peine arrêté, plusieurs gosses se sont rassemblés autour de la voiture. Pas de souci pour être informé. J’ai baissé la vitre. Mais je n’ai pas eu le temps de formuler ma demande.



Les trois gamins se sont installés dans ma 4L. Quelques minutes de parcours et nous étions devant une grande et belle maison. Tout le monde est descendu. Le temps que je m’extirpe, déjà la porte s’ouvrait et un homme venait vers moi.



J’ai suivi le maire. Nous sommes arrivés dans une grande salle, bien chaude, où une dizaine de personnes étaient rassemblées autour d’une immense table déjà parée de ses couverts. Le maire a fait les présentations. Chacun est venu, m’a touché la main. Je n’ai pas retenu les noms. J’ai été installé à la place d’honneur.

Que dire du repas ? D’abord, de la charcuterie du pays, de la vraie, délicieuse. Puis on m’a cité le nom des plats suivants, je n’en avais jamais entendu parler, mais ils se sont révélés exquis. Puis, le plateau de fromage, que des spécialités du coin.

J’avoue qu’à la fin de ces agapes, j’étais rassasié pour une semaine. Je crois que je n’avais jamais autant mangé. Mais les autres convives ne semblaient pas être incommodés, reprenant du fromage !


Puis chacun s’est retiré afin de vaquer à ses occupations. Le maire m’a invité à passer dans son bureau avec Jacques, mon prédécesseur et Françoise l’institutrice.

Alors ont commencé les discussions sérieuses. D’abord, si cela ne me dérangeait pas, Jacques viendrait le lendemain en classe pour me présenter les élèves. Je leur ai dit que j’étais enchanté, et qu’il pouvait venir autant qu’il le voudrait, j’aurai besoin de ses conseils. J’ai vu le vieil homme absolument ravi. Je m’étais fait un ami.


Le logement, était dans l’école, un de ceux qu’occupaient autrefois le directeur et quelques instituteurs. Jacques et Françoise étant originaires du village, préféraient habiter chez eux. L’appartement qui m’était dévolu était inoccupé depuis plusieurs années, mais il avait été remis en état en prévision de mon arrivée. Mais comment chauffer cet ensemble ? Le maire m’a rassuré, il y avait un chauffage central au bois pour l’école et les logements, et on avait prévu suffisamment de provisions. Oui, mais comment assurer le ménage ?



Le maire est allé chercher cette dame. Je m’attendais à une personne âgée. Non, elle n’avait guère plus de trente ans, était habillée simplement mais avec goût.

La discussion a été courte. Je lui ai proposé trois cent euros par mois, avec des chèques emplois, ce qui lui donnerait un travail légal. Je lui laisserai une clé et elle viendrait quand elle voudrait. Inutile de dire qu’elle a été d’accord. L’aîné de ses enfants serait d’ailleurs dans ma classe.


Nous sommes allés tous les cinq voir mon logis. Il y régnait une température agréable. Nous avons visité, c’était immense pour une seule personne, pas loin de soixante mètres carrés au rez-de-chaussée et autant à l’étage où se trouvaient les trois chambres et une salle de bains. Heureusement le tout était meublé, d’une manière disparate il est vrai. Le maire m’a indiqué qu’il s’agissait des meubles laissés par les prédécesseurs ou apportés par les habitants qui n’en avaient plus l’utilité. Ma servante, Hélène Dubois, m’a dit qu’elle garnirait la chaudière le matin et le soir, ce qui serait largement suffisant. Elle viendrait le matin avec ses deux enfants, Robert, sept ans, et Colette cinq. Elle garderait sa fille avec elle. Je lui ai dit que, puisque j’assurais le groupe des plus jeunes, je prendrai la prendrai avec les autres.


L’école était très grande. Autrefois, il avait dû y avoir beaucoup de gosses. Cinq classes, le bureau du directeur en plus des appartements. On n’utilisait que deux salles pour faire les cours, les autres servaient de salles de réunion ou de débarras.

Je suis allé chercher ma voiture. Hélène m’a demandé si elle pouvait ranger mes affaires. J’ai donné mon accord avec satisfaction. Je lui ai demandé si elle pourrait préparer mes repas. Qu’elle se serve à l’épicerie qui tiendra un compte à mon nom. Je réglerai en fin de semaine.


Le soir, avec Françoise nous avons été invités par Jacques. Impossible de refuser, il se serait fâché. Heureusement le repas était léger. Il m’a dit qu’il était originaire du village, qu’il y était resté toute la vie. Son épouse était décédée il y a quelques années. Son fils et sa fille travaillent à Paris. Mais il ne pouvait se résoudre à partir. Françoise était décidée elle aussi à rester au village quand elle serait en retraite.


À mon tour, je leur ai raconté mon histoire, sans oublier aucun détail, je savais que je pouvais leur faire confiance. Jacques a souri quand je lui ai parlé de ma manière d’enseigner. Je n’avais rien inventé, il la pratiquait depuis quarante ans. Puis il m’a informé sur la vie du bourg. Longtemps ce dernier a vécu en autarcie. Mais, depuis la dernière guerre, l’électricité est arrivée, puis les voitures qui ont permis de se déplacer plus facilement l’été et depuis l’apparition des 4x4, on peut circuler tout l’hiver. Mais il y a peu d’emplois, la scierie a fermé, beaucoup de jeunes partent travailler en ville et ne reviennent pas. La population diminue. De ce fait, c’est resté un village à l’ancienne, avec beaucoup de personnes âgées, tout le monde se connaît et se tutoie, Jacques m’a dit qu’il me faudra faire pareil avec ceux qui me tutoieront si je veux être admis. Depuis bien longtemps aucun un étranger n’était venu s’installer ici, sauf moi, mais par force.

Nous avons parlé longtemps. Vers minuit, nous l’avons quitté, nous donnant rendez-vous le lendemain en classe.


J’ai regagné ma chambre, épuisé. Hélène l’avait rangée et préparé le lit.

C’est mon réveil qui m’a tiré d’un sommeil sans rêve. J’ai pris mon temps pour me préparer, résidant sur mon lieu de travail. Hélène et ses enfants sont arrivés à l’heure de la rentrée en classe. Je lui ai laissé mes consignes. Colette était toute fière d’être admise à l’école.


Jacques m’attendait. Il m’a présenté mes dix-sept élèves, ajoutant un commentaire, souvent malicieux, sur chacun d’entre eux. Toute la matinée, nous avons enseigné à deux. Je le laissais parler chaque fois qu’il le désirait. Il était heureux, et moi aussi.

À midi, je suis allé chez moi. Hélène était prête à rentrer chez elle. Elle avait préparé mon repas. Il y avait de la nourriture en quantité. J’ai exigé qu’elle reste à manger avec sa famille. Elle a un peu protesté mais j’ai vu qu’en réalité, elle était enchantée.

L’après-midi, Jacques a un peu moins pris la parole. Je me suis aperçu de la difficulté d’enseigner simultanément à trois niveaux différents. J’avais hérité des plus jeunes, CP, CE1, CE2, Françoise enseignait aux plus grands.


Lentement, les choses se sont mises en place. Hélène et ses petits déjeunent avec moi tous les jours. J’ai invité plusieurs fois Jacques. On en vient à se demander s’il est en retraite. Il est très souvent là. Nous passons la journée ensemble et le soir, quelquefois il m’invite à dîner. Ma maison est merveilleusement tenue, Hélène ne me demande que rarement mon avis, elle cuisine, lave, range d’une manière parfaite. Elle passe une grande partie de la journée dans l’appartement, amenant les enfants le matin et les attendant le soir. Un dimanche, elle m’a invité chez elle. Son foyer est en dehors du village, un bon kilomètre. La maison n’est pas très grande, très ancienne. C’est une promenade par beau temps mais comment font-ils quand il neige ?


Ce n’est pas encore le cas, mais le froid est de plus en plus vif. J’ai profité d’un mercredi pour aller en ville acheter des vêtements plus chauds. J’ai demandé à la famille Dubois de m’accompagner. J’ai profité des conseils d’Hélène pour m’équiper, les enfants ont pour ainsi dire découvert la vie urbaine. Le bruit, la foule, le danger dans les rues. Par contre ils ont apprécié le dernier dessin animé en relief que nous sommes allés voir. Le soir, je les ai déposés devant chez eux.


Aujourd’hui, pour la première fois, la neige est apparue. Une mince couche, disent les villageois, mais cinq centimètres, pour ma voiture, c’est beaucoup trop. Le maire m’a conseillé de la garer chez lui ou un autre paysan et de ne la reprendre qu’au printemps. Si, le cas échéant j’avais à me déplacer, je trouverais toujours une âme charitable pour me dépanner.


Je m’acclimate bien à ma nouvelle résidence. Mais tout de même la ville me fait défaut, j’y vais quelquefois le samedi. Elle me manque mais aussi les filles, surtout Catherine. Elle est la dernière à qui j’ai fait l’amour. Heureusement nous correspondons par internet. Nous discutons ainsi deux ou trois fois par semaine. Ce sont des messages enflammés de sa part, une description de mes conditions de vie et de travail pour moi. Elle m’a indiqué que mon remplaçant sortait de la dernière promotion de Normale. Il est jeune, sympathique, mais ne connaît rien au boulot. Elle s’est offerte pour l’aider, et lui, il a accepté. Et il a pris sa méthode de travail. On verra si les résultats sont bons.


Le vent, la neige, on est en hiver bien qu’il faille attendre quinze jours pour la date officielle. La circulation devient difficile sur les routes et même dans le village. Je me suis demandé si les élèves pourraient venir. Bien au chaud, de la fenêtre de la classe j’ai vu arriver plusieurs 4/4, amenant les enfants habitant hors du village. Environ la moitié de la classe dont Hélène et ses enfants, ceux résidant dans le bourg venant à pied.

Pour le déjeuner, chacun des enfants habitant les fermes environnantes a un point de chute dans une famille du village. L’école fonctionne donc normalement. Jacques, depuis le début des intempéries vient plus rarement.


Le ciel en a remis une deuxième couche. Cette fois-ci, quelques élèves ont été absents, pas besoin de mot d’excuse. Hélène m’a dit qu’elle ne pourrait plus venir, le 4x4 qui vient la prendre a eu beaucoup de difficultés pour se dégager de son chemin. J’ai parlé du problème au maire. Il lui a proposé de s’installer à l’école, dans un logement libre. Elle a d’abord refusé, mais en fin de compte, le maire, l’a convaincue, elle a changé d’avis.


Le soir, je ne suis plus seul. J’invite mes voisins à venir voir la télévision. Elle ne nous a pas encore lâchés, mais cela ne saurait tarder. Dans leur appartement, les enfants ont été couchés dans une chambre, Hélène en prenant une autre. Quand elle a eu terminé ses tâches, elle est venue me rejoindre. Le programme télé était quelconque et souvent brouillé par les intempéries. Nous l’avons éteinte. Je lui ai demandé dans quelles conditions elle avait perdu son mari. Il était bûcheron, un arbre lui est tombé dessus, le tuant net. Depuis, elle vivotait grâce à la générosité des gens. Mais maintenant, avec son nouveau travail, elle est autonome. Et surtout elle se sent utile. Elle m’avoue qu’elle se considère ici, un peu comme chez elle. Encore plus ces jours-ci, depuis qu’elle reste le soir. Ainsi elle peut parler, alors que chez elle, pas de télévision ni d’interlocuteur.

Avant d’aller se coucher, je l’ai embrassée sur la joue. Elle s’est un peu crispée sur le moment, mais puis m’a dit « merci ».


Maintenant la route est difficilement praticable. Certes, le chasse-neige passe de temps en temps, mais il a beaucoup de travail dans le coin et nous ne sommes pas une priorité. Je comprends maintenant pourquoi le maire a souri le premier jour quand il a vu ma voiture.

Dans le village, les gens ont déblayé un passage dans les rues mais la neige a été rejetée sur le côté et monte à près d’un mètre. Hélène a voulu rentrer chez elle, le voisin pouvant atteindre sa maison. Mais j’ai exigé qu’elle revienne le soir. Elle a refusé, alors j’ai dû faire intervenir à nouveau le maire qui l’a ramenée à la raison.


Maintenant nous vivons comme un véritable couple, ils mangent chez moi, ne regagnent leur appartement que pour dormir. Avec Hélène, nous avons des rapports amicaux. Elle discute librement. Elle est belle, et j’aimerais bien profiter de ce corps magnifique, mais je sais qu’elle se refuserait.


Tous les matins, elle est déjà en bas quand je me lève. Pourtant aujourd’hui il n’y a personne. Je suis allé jusqu’à sa chambre, j’ai frappé mais personne n’a répondu. Je suis entré, elle était inconsciente, bredouillait, tremblante de fièvre. De suite, j’ai téléphoné au maire, lui demandant son secours. Il m’a dit qu’il prévenait le médecin. Son épouse venait pour les petits. Il avisait Arlette mais elle ne serait pas d’un grand secours. C’est une infirmière en retraite de soixante-quinze ans qui assure encore quelques piqûres l’hiver pour dépanner. J’ai réveillé les enfants, et l’épouse du maire les a préparés. Lui, est arrivé et m’a dit d’assurer mon travail, il s’occupait de tout.


Nous sommes entrés en classe, mais je languissais d’avoir des nouvelles. Une heure après est arrivé un véhicule des pompiers amenant un médecin. Ce dernier, après l’avoir examinée, a décidé de la ramener à l’hôpital. Je me suis affolé. Mais il m’a rassuré, son cas n’était pas sérieux, mais en cas d’aggravation, on n’aurait pas à mobiliser toute l’équipe et le véhicule de secours.


Elle est donc partie, totalement emmaillotée sur un brancard. Le cas des enfants s’est posé. Plusieurs personnes se sont offertes pour les prendre en pension. Mais ils ont énergiquement refusé, voulant rester avec moi. Et j’ai appuyé, de toutes mes forces, leur demande. Une dame m’a dit qu’elle viendrait remplacer Hélène pour le ménage.

Le maire est peiné, le plus proche médecin se trouvait à dix-huit kilomètres et l’infirmière à quinze. L’été ce n’était pas grave, mais l’hiver, en cas de neige abondante, il faut parfois que les pompiers se déplacent.


Tous les jours nous demandons des nouvelles de la malade. Elle va beaucoup mieux. Les enfants peuvent lui parler au téléphone. Ils sont rassurés.

Une semaine plus tard, elle a été autorisée à rentrer. Plusieurs villageois se sont offerts pour aller la chercher. Le maire a décidé d’y aller lui-même.

Dans l’après-midi, un klaxon a alerté le village. C’était la malade qui arrivait. Tout le monde voulait la voir. Ma salle de séjour a été envahie. Mais on a dû freiner ses enfants qui voulaient lui sauter dans les bras.


Quand tout le monde eut évacué, elle s’est excusée de m’avoir causé tant de soucis. Mais, lui fis-je remarquer, si elle avait été dans sa maison, le cas aurait été dramatique, elle aurait pu mourir et laisser ses enfants seuls.

Les vacances de Noël étaient là, me libérant de ma classe. Je ne pouvais retourner auprès de Catherine, le parcours étant trop risqué. Hélène ne devait pas sortir, alors c’est moi qui suis allé promener les enfants. Nous vivions comme une véritable famille. Un soir, dans nos discussions, Hélène m’a avoué qu’elle redoutait de rentrer chez elle, seule. Je l’ai convaincue de rester tout l’hiver ici. Elle s’est levée et m’a embrassé bien avant l’heure du coucher. Je me suis redressé, l’ai serrée dans mes bras. Nos bouches se sont rencontrées et nous nous sommes vraiment embrassés.


Que s’est-il passé après ? J’ai gardé le souvenir d’une merveilleuse nuit d’amour dans ma chambre. Elle n’avait pas connu d’homme depuis la mort de son mari, deux ans auparavant. Vers deux heures, elle a regagné son lit.

La vie continue comme avant. Avec Catherine nous échangeons toujours des courriels mais moins souvent. Elle me parle beaucoup de mon remplaçant et je comprends qu’il a pris ma succession à l’école mais aussi dans son lit. Ma foi, moi aussi je l’ai remplacée.


Car maintenant, avec Hélène, nous nous aimons souvent en prenant beaucoup de précautions à cause des enfants. Je suis amoureux d’elle et lui ai proposé le mariage. Elle a refusé énergiquement, j’avais une fiancée.

Je lui avais parlé de Catherine, et elle pensait que c’était elle. Mais je savais que cette dernière m’avait remplacé. Son nouveau condisciple occupait toute ma place. Dans ma tête, c’est vers Adeline que se dirigeaient mes pensées. J’ai fait une recherche sur internet dans le département. J’ai eu un grand nombre de Jean Martin. J’en ai appelé quelques-uns, mais j’ai rapidement renoncé. Surtout s’ils avaient aménagé dans un autre département.

Plusieurs fois, en rentrant à midi, j’ai croisé un homme qui semblait sortir de la maison. J’ai reconnu un gros propriétaire du village d’une quarantaine d’années, célibataire, assez sympathique. Il venait voir Hélène en mon absence, probablement pour la baratiner.

Le soir, j’ai renouvelé ma demande en mariage, elle a toujours refusé résolument. Ce qui ne nous a pas empêchés de nous aimer follement. Après l’amour, je l’ai attaquée.



Elle est restée silencieuse un moment. Puis elle a reconnu :



Le lendemain, sortant de l’école, j’ai vu Guy sortant de la maison sans trop se cacher. Les enfants l’ont vu aussi et me l’ont fait remarquer. Hélène allait me quitter.

Quelques jours plus tard, la neige ayant un peu fondue, Hélène et ses enfants ont regagné leur maison. Ces derniers voulaient rester à tout prix.

Un jour, j’ai croisé le maire, nous avons parlé. Puis il m’a dit :



En rentrant, j’ai demandé à Hélène si ses enfants étaient au courant. Elle m’a dit qu’elle leur avait dit en leur interdisant d’en parler. Ainsi elle était certaine que tout le village serait rapidement informé.

Un samedi, Hélène, devant plusieurs personnes, m’a annoncé son prochain mariage. Je l’ai félicitée chaleureusement lui souhaitant beaucoup de bonheur. Nous étions toujours amants, et elle voulait profiter de moi jusqu’au dernier jour.

Je correspondais toujours avec Catherine. Les vacances de Pâques approchaient et elle m’a demandé si elle pouvait me rendre visite. Mon remplaçant viendrait visiter la région. J’ai souri comprenant qu’elle venait m’annoncer la fin de notre idylle.

Ils sont arrivés le deuxième jour des vacances. Le temps était clément, du moins pour moi qui ai passé l’hiver ici. Pourtant eux étaient gelés. Je les ai reçus et leur ai montré leurs chambres. Le soir, ils n’ont pas fait lit commun, mais elle n’est pas venue partager le mien.

Après le dîner, Catherine m’a attaqué :



Ma réponse l’a désarçonnée. J’aurais eu beau nier, elle ne m’aurait pas cru. Mais dans ces conditions, elle comprenait qu’Hélène n’allait pas compromettre son mariage. Si elle avait su !



Là, elle a été totalement perdue. Elle ne savait pas comment me signaler son intention de me quitter. C’est son compagnon qui a pris le taureau par les cornes, c’est le cas de le dire.



Ils sont partis le lendemain de bon matin, débarrassés de la corvée.

Quinze jours plus tard, j’assistais, ainsi que de nombreux villageois, au mariage d’Hélène. À la fin du repas, le mari, un peu éméché, m’a dit qu’il était content que sa femme ait pu passer l’hiver près de chez moi, elle avait été rassurée de m’avoir à proximité. Elle continuerait d’assurer le ménage, jusqu’à la fin de l’année, mais elle ne voulait pas de salaire. Tout est rentré dans l’ordre. Hélène ne vient plus aussi souvent. Mais quand elle est là, il lui arrive quand même parfois de faire aussi le ménage.


J’avais réfléchi au moyen de contacter les Martin, ne parvenant pas à oublier Adeline. J’ai décidé d’appeler la DDAS et de leur demander s’ils pouvaient me donner leurs coordonnées. J’ai téléphoné, mais la réponse a été celle à laquelle je m’attendais, on ne communiquait pas ce genre de renseignements. Mon interlocutrice était, d’après le ton de sa voix une personne d’un certain âge. Je lui ai indiqué quel avait été mon parcours dans le service, ma profession, bref, je l’ai attendrie. Et j’ai obtenu l’adresse. Je l’ai vivement remerciée, lui ai demandé son nom. Le soir même, je lui faisais livrer des fleurs.


Les Martin avaient quitté le département, mais s’en éloignant que de quelques kilomètres. Je leur ai envoyé un mot leur indiquant pourquoi je ne leur avais pas écrit plus tôt et que je leur ferai une petite visite cet été. Je languissais de les revoir. J’espérais qu’Adeline saurait lire entre les lignes.


Le dernier jour de classe, je suis rentré, accompagné par mes élèves. Ma porte n’était pas fermée, Hélène devait travailler. Je suis entré et aussitôt ont éclaté des bravos.

La salle était pleine, mes amis avaient envahi mon logis. Je ne comprenais pas.

Ils venaient me remercier pour avoir rempli aussi bien ma tâche. On me comprenait de vouloir rentrer chez moi, mais d’un autre côté on était ravi de me garder un an de plus. Autant fêter ça.


Je n’avais naturellement rien préparé, ne m’attendant pas à une telle manifestation. Je leur ai dit que je les comprenais. Mais, leur dis-je, être seul, sans épouse ou compagne, c’était difficile à vivre, surtout en hiver.

Puis on a servi un apéritif, cuit des côtelettes et saucisses sur le barbecue. Au mois de juin, il fait bon, les journées sont longues et pourtant j’ai regagné mon lit avant la nuit. J’étais ivre de bonheur, mais surtout d’alcool. On a dû m’aider pour aller me coucher. Il paraît que les réjouissances ne se sont terminées que tard dans la nuit.


Le lendemain matin je me suis réveillé avec la gueule de bois. J’avais décidé de partir de bon matin pour arriver avant le déjeuner. Mais j’avais du retard, afin de reprendre un aspect à peu près normal. J’avais informé Nadine de mon retour et lui avais indiqué que je passerai la voir. Elle a exigé que je vienne loger chez elle en attendant de trouver un point de chute. Elle était toujours célibataire et comptais bien le rester encore longtemps. Mais elle m’a dit que, ma foi, pour quelques jours, elle accepterait d’abriter un homme esseulé.


Je suis donc allé déposer la clé de mon logement chez le maire. Il m’a invité, ou plutôt ordonné de rester pour déjeuner. Les mêmes convives que lors de mon arrivée étaient rassemblés. Mais aujourd’hui, il n’était pas utile de me présenter. J’avoue que je n’ai pas fait très honneur au repas. J’ai pu enfin démarrer à deux heures, promettant de revenir bientôt.


Quand je suis arrivé chez Nadine, j’ai reçu là aussi un accueil chaleureux. Elle aussi avait préparé un copieux dîner. Il a fallu que je lui raconte mes au-revoir au village pour qu’elle consente à me laisser jeûner. Mais par contre, elle a bien précisé que pour la suite, elle refusait toute excuse. Mais je n’y songeais pas. Elle était encore plus belle que la dernière fois où nous avions fait l’amour. Je ne me suis pas dérobé, d’autant que depuis mes adieux à Hélène, cela faisait trois jours que j’étais à jeun.


La nuit a été éblouissante, elle m’a donné l’autorisation d’user de son corps de toutes les manières. Il y avait bien quelques temps que ne n’avais pas goûté au plaisir de Sodome et j’en ai profité.

C’est à seulement à dix heures du matin que j’ai émergé. Cet après-midi je voulais rendre visite à la famille Martin, Ils avaient été si gentils et particulièrement Jean compréhensif avec moi. Mais surtout, je voulais revoir Adeline.

À mon coup de sonnette, la porte s’est ouverte, c’est Isabelle, qui s’est présentée. Elle est restée quelques secondes sans voix. Puis elle m’a sauté au cou, j’ai compris que j’étais le bienvenu.


Avec elle, nous avons discuté de la famille. William est à Toulouse, dans l’aéronautique. Marié, avait deux enfants, il attend le troisième. Je n’osais demander des nouvelles d’Adeline. Mais elle s’en est chargée. À trente ans, elle est toujours célibataire à notre grand désespoir, me dit-elle. Pourtant elle est très jolie, pas timide, a un bon métier, elle est infirmière au CHU. Certes, elle a des horaires de travail décalés, assez difficiles à vivre, aujourd’hui elle assure de treize heures à vingt-et-une heures. Elle loge toujours à la maison, mais elle a une chambre avec entrée indépendante afin de ne pas nous déranger. Je me doute, dit Isabelle, qu’elle doit y recevoir des garçons, nous n’avons rien contre, elle est majeure. Et, malgré ce, pas de prétendant, ni fiancé, elle est difficile dans ses choix.

Elle n’avait d’ailleurs pas compris pourquoi Jean avait décidé de mon départ, mais du moment que j’étais d’accord, elle ne s’y était pas opposée ! Elle ignorait donc le motif exact, ni le père ni la fille n’avaient parlé.


Je me suis excusé, j’avais quelques courses à faire, je reviendrai à six heures. Isabelle m’a invité à dîner.

À peine sorti, j’ai téléphoné à Nadine, lui indiquant que je serai probablement en retard en lui en précisant les raisons. Elle m’a répondu que je pouvais dîner où je voulais, mais que devais impérativement assurer le service de nuit.

Quand je suis revenu pour rencontrer Jean, il était déjà là, m’attendais avec impatience.

J’ai dû raconter mon histoire en détail, sauf ceux un peu scabreux. Les ennuis avec mon premier poste, ma mutation en Lozère, l’accueil chaleureux que j’y avais reçu. Je voulais les tenir au courant mais je n’avais pas leur adresse. Pendant tout le repas nous avons parlé, je me sentais en famille, moi qui n’en ai jamais eue.


En les quittant, j’ai entrevu une femme qui entrait par la porte voisine, probablement Adeline. Je me suis bien gardé de l’aborder, j’aurai eu trop de retard chez mon hôtesse. Nadine était déjà en tenue quand je suis arrivé, ou plutôt en absence de tenue. La nuit précédente, j’avais eu l’initiative, mais aujourd’hui, elle m’a indiqué que c’était elle qui décidait.

La sonnerie de mon portable m’a tiré de mon sommeil. Ma compagne était déjà partie au travail. J’ai décroché. C’était Adeline qui a commencé par m’engueuler de ne pas l’avoir attendue, hier au soir. Aujourd’hui, elle était de repos et me convoquait (c’est le mot qu’elle a utilisé) pour midi au restaurant.


J’ai laissé un mot à Nadine, lui précisant que je partais faire des recherches pour un logement. Je ne tenais pas à lui indiquer que c’était une femme qui m’avait invité. Je suis arrivé à midi à l’endroit indiqué.

Je me demandais si j’allais la reconnaître, j’avais laissé une gamine, comment serait-elle à présent. Personne devant le troquet. Soudain, j’ai entendu que l’on cognait de l’intérieur contre la devanture, c’était une femme. De la main, je lui demandai si cet appel m’était destiné. Elle a hoché de la tête. Je n’avais pas bien distingué celle qui m’appelait. Aussi, en entrant, j’ai cherché. Un bras s’agitait en l’air, ce devait être elle.

Une femme me souriait et me faisait signe. Mais comment aurai-je pu reconnaître dans cette beauté le fruit vert dont j’avais apprécié la saveur ?



Durant tout le repas nous nous sommes raconté nos histoires. J’ai même ajouté tous les détails que j’avais tus à ses parents. Elle en a ri et m’a indiqué qu’elle avait testé quelques mecs, mais tous l’avaient déçu. Nous retrouvions notre vieille complicité.



Nous avons rejoint discrètement son logement, sans nous faire repérer par sa mère. Elle ne serait probablement pas opposée à une relation, mais je ne voulais pas qu’elle se fasse d’illusion à l’avance. Car je me suis rendu compte qu’Adeline était la seule femme que j’aie jamais aimée. Mais qu’en serait-il de ses sentiments envers moi ? Je me trouvais au fin fond de la cambrouse dans le froid alors qu’elle était confortablement installée chez ses parents, sans souci.


À peine entrés dans la pièce, elle a repris où nous nous étions arrêtés il y a quinze ans. Baiser et mains sur les seins. Mais tout avait changé. Ce n’était plus un baiser timide, et je n’enserrais pas des citrons, elle avait une sacrée technique et moi plein les mains. Nous avons fait l’amour sans préambule. Mais notre union a duré longtemps, jusqu’à ce que notre plaisir éclate simultanément.

Puis, nous nous sommes racontés. Elle avait une vie insipide. Elle connaissait parfaitement son travail à l’hôpital et le faisait presque par routine. En dehors de cela, la famille, les sorties en boîte les week-ends quand elle était libre, suivi quelquefois d’une copulation pas toujours intéressante.


Ses parents lui avaient raconté en gros mon histoire, mais elle a exigé des explications, surtout sur mes rapports avec la gent féminine. Je lui ai expliqué que cette année je me retrouverai bien seul, Hélène ne venant plus assurer le ménage, et le reste. Mais tout de même je suis content d’être là-bas, malgré les rigueurs de l’hiver, j’apprécie l’amitié de tout un village. Adeline m’a écouté, souriant quand je parlais de mes amours. Lorsque j’ai évoqué le manque de personnel médical, elle a été surprise. Pas d’infirmière à proximité du village ?


Nous nous sommes aimés une nouvelle fois, puis discrètement j’ai quitté la chambre laissant une Adeline pensive. Je venais de retrouver mon premier amour et cela me questionnait. J’avais éprouvé beaucoup de plaisir, autant qu’avec mes autres compagnes, et pourtant ce soir, il me manquait quelque chose.

Je suis rentré chez Nadine, elle venait juste d’arriver. Je n’ai naturellement pas parlé de mon rendez-vous. Cela ne l’aurait pas gênée sauf le fait que je risquais de ne pas être en grande forme ce soir Et en effet, je n’ai pu assurer qu’une prestation minimum, invoquant la fatigue occasionnée par les deux nuits précédentes. Cela l’a laissée un peu sceptique.

Adeline m’a appelé le lendemain matin. Elle était de repos et ses parents en profitaient pour m’inviter à déjeuner. Elle me prévenait qu’elle ne leur avait pas parlé de notre rencontre de la veille, donc, de ne pas commettre d’impair.

Je suis arrivé un peu chargé, deux bouquets de fleurs pour les femmes, une bouteille de bon vin pour Jean.

J’ai été accueilli à bras ouverts. Quand Adeline est apparue, j’ai fait l’étonné, répétant la surprise de la veille.



Les parents ont éclaté de rire pendant qu’on s’embrassait. Jean me regardait d’une drôle de façon, se disant probablement que j’allais reprendre contact avec sa fille.

Isabelle nous avait préparé un excellent repas qui s’est déroulé dans la bonne humeur. Elle me surveillait, espérant que je ferais la cour à sa petite. Jean ne disait rien.

Adeline m’a indiqué qu’elle avait quatre jours de congés. J’ai eu soudain une idée, pourquoi ne pas l’amener visiter mon coin de paradis. Je lui ai proposé. Elle m’a regardé en souriant et tous ont trouvé cette idée merveilleuse. Il a été décidé que nous partirions le lendemain matin.


Je suis rentré chez Nadine. Je lui ai expliqué que je remontais dans mon bled.



J’espérais qu’elle me dirait ça. Je lui ai fait mes adieux, me montrant particulièrement attentionné ce soir-là. Elle m’a avoué qu’elle me trouvait pas mal, mais pas au point de se lier avec moi.



Le lendemain matin j’ai téléphoné au maire pour savoir si je pourrais disposer du logement pour quelques jours. Il m’a dit que je n’avais pas besoin de demander l’autorisation, j’étais locataire à plein temps, je n’avais qu’à passer pour prendre la clé.

Quand nous sommes partis avec Adeline, nous n’avons pas eu de recommandation particulière de la part de ses parents. Au contraire, Jean m’a regardé d’un air ironique, il n’était pas étonné.


Le temps était beau, nous avions pris un repas que nous avons dégusté à l’ombre d’un grand chêne. Vers trois heures, je me suis présenté pour récupérer la clé. Le maire n’était pas là, c’est sa femme qui nous a reçus. J’ai été obligé de lui présenter ma compagne. Je savais que ce soir tout le village serait au courant de sa présence.

J’ai fait visiter mon école et mon logement à Adeline. Elle a été surprise par la taille du bâtiment. Nous sommes allés nous promener dans le village, croisant quelques habitants qu’il m’a fallu saluer et échanger quelques mots. Et aussi des enfants. Eux m’ont harcelé de questions. Est-ce que c’était vrai que je revenais ? Puis l’un d’eux s’est enhardi et m’a demandé si Adeline était ma femme. J’ai souri, ne voulant pas répondre. Mais c’est ma compagne qui leur a dit. :



Là, j’avoue que j’ai été stupéfait. C’était elle qui me demandait, indirectement, en mariage. Et surtout, les enfants allaient le répéter à tout le bourg.

Nous nous sommes éloignés dans la campagne, il faisait tellement bon.



Je suis resté sans voix. Puis je l’ai prise dans mes bras et en plein milieu de la route, je l’ai embrassée un long moment. Elle acceptait de venir ici. Il a fallu qu’une voiture klaxonne pour que l’on s’écarte, nous ne l’avions pas vue. Mais la conductrice et son mari, eux nous avaient regardés et peut-être entendus.

En rentrant nous avons rencontré le maire. Je lui ai présenté Adeline.



Adeline souriait, elle avait officialisé sa demande. Nous sommes rentrés chez nous, puisqu’elle l’avait décidé ainsi. Elle a rangé ses affaires.


Le soir, je savais que nous serions nombreux, Mais Adeline a été stupéfaite quand elle a vu une quinzaine de personnes autour de la table. J’ai fait les présentations. Jacques, Françoise les instituteurs, puis quelques amis que j’aimais particulièrement et enfin Hélène et son mari. Il m’a encore remercié d’avoir aidé sa femme, mais maintenant elle était tranquille. Il était heureux que moi aussi j’aie trouvé l’âme sœur. Hélène a regardé Adeline avec un sourire ironique. Cette dernière lui a rendu hommage pour tout le bien qu’elle m’avait fait en s’occupant si bien de moi. J’étais tranquille, je sentais qu’elles allaient devenir amies.

Tout le monde discutait, m’interrogeait. À un moment Adeline s’est adressée au maire.



Dans la salle un brouhaha extraordinaire a éclaté : on avait un instituteur et maintenant trouvé une infirmière, tout était parfait. J’étais abasourdi. Non content de me demander en mariage, elle annonce officiellement qu’elle va venir ici.

Les trois jours ont été trop courts pour saluer toutes les personnes qui nous avaient invitées ou celles qui nous croisaient.

En rentrant, j’ai décidé de tirer les choses au clair.



Le soir, j’étais invité chez elle. Nous avons été reçus avec un grand sourire de la maman et une moue ironique du papa. Je ne savais quelle attitude prendre, comment faire ma demande. Pendant tout le dîner, nous avons parlé de notre voyage mais sans faire allusion à la décision capitale que nous venions de prendre. Puis nous sommes allés prendre le café dans le salon en famille. Le moment crucial était arrivé. C’est Jean qui a attaqué. S’adressant à sa fille :



La maman écoutait et ne paraissait pas être au courant.



Jean a souri et lui a promis de tout lui expliquer ce soir dans le lit. Cela risquait d’être tumultueux, mais la réconciliation serait sûrement très agréable.


Le village est maintenant rassuré. Il a un instituteur et une infirmière pour de nombreuses années. Adeline est aimée, admirée, choyée par tous. Avec Hélène, elles sont devenues particulièrement complices. D’ailleurs elles ont choisi la même date pour nous offrir chacune un enfant. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.