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n° 16454Fiche technique50111 caractères50111
Temps de lecture estimé : 29 mn
13/10/14
Résumé:  ...où tout se passe dans les têtes, en attendant mieux.
Critères:  fplusag jeunes profélève groscul cérébral revede nopéné portrait -occasion
Auteur : Alcibiade            Envoi mini-message
Baisera ? Baisera pas ?

Les lampadaires jaunes défilent un par un le long du boulevard, baignés dans l’ouate d’un brouillard hivernal, froid, opaque. On voit le plus proche, on aperçoit le suivant, on distingue le troisième, on en devine un dernier, c’est tout. Le brouillard imprécise les formes, arrondit les arêtes, rend l’avenir incertain.

À l’intérieur de la Twingo un silence massif a écrasé les cinq passagers. À côté du conducteur, Nadège n’a fait que reformuler les propositions de son voisin comme si elle avait besoin d’une confirmation, alors qu’elle a parfaitement saisi où ses étudiants voulaient en venir.



De derrière les voix des autres s’élèvent joyeusement :



Elle le regarde, incrédule… Elle se tourne à demi vers les autres, derrière ; ils paraissent tout à coup s’abstraire dans la contemplation du brouillard, mais leur mine enjouée les trahit. Oui, elle a bien compris. Elle ouvre les mains :



Depuis elle s’est tue, abasourdie. Son collègue Philippe avait vu juste. Enfin, presque, il ne s’est trompé que sur un point : ce n’est pas l’un d’entre eux qui la veut, ils la veulent tous. Quand les jeunes gens se sont pressés autour d’elle, le chargé des cours de communication lui a proposé, lui aussi, de la raccompagner. Il en a profité pour la tirer à part et lui a glissé, le plus discrètement possible :



À ce moment précis, l’évidence s’était imposée : évidemment ! C’était lui, petit futé, qui avait des projets pour ce soir, avec la brune « appétissante » ! Elle se doutait qu’il avait un faible pour elle… Bizarre, quand même, qu’il se décide au bout de toutes ces années !



On traverse la ZAC maintenant. Dans la grisaille vaguement éclairée, les ateliers se succèdent, les arbres défilent, au loin l’enseigne d’un hypermarché parvient à rompre l’encerclement brouillasseux. Ensuite on prendra la rocade, puis l’autoroute sur une dizaine de kilomètres, on traversera une banlieue et puis il faudra se décider ; à gauche ce sera vers chez lui, à droite ce sera vers chez elle, sa maison, son lit douillet, son Éric qu’elle aime à la folie et Julie, 18 ans, la dernière de ses trois enfants qui vive encore à la maison. Son fils de 22 ans est en fac à 150 km, sa fille aînée, 25 ans, pouponne dans le Sud-Ouest.


Dans la voiture, plus personne n’a ouvert la bouche. Elle n’a pas besoin de se tourner pour les imaginer : à gauche, le profil de Fabien se détache, attentif à la route, la mèche sur le front, pas vraiment expressif ; grand, brun, sportif, c’est le leader du petit groupe. Elle sourit intérieurement en pensant aux trois gaillards qui se sont comprimés sur le siège arrière de la petite Renault pour lui laisser le siège avant. Pas un centimètre de banquette n’est perdu, ils doivent être à croquer. Eux aussi affichent un sérieux imperturbable. Ils n’ont pas ajouté mot, peut-être confondus par leur propre audace, manifestement suspendus à ses lèvres, attendant son verdict : Nicolas, barbu, trapu, presque courtaud, large et puissant, Julien, châtain clair, long et frêle, une allure d’intellectuel avec ses fines lunettes, Sébastien, le beau Seb’ qui fait fondre toutes les filles avec ses yeux d’un bleu profond, son expression nostalgique et son physique de mannequin.


Elle s’étonne quand même du culot des quatre élèves ingénieurs. Ils sont en train de tenter leur chance avec leur prof d’espagnol, rien de moins ! Et ensemble en plus ! Ils voudraient se la faire, comme on dit, avant de partir pour toujours. Car c’est vrai, elle ne les aura plus jamais en cours ; ils en ont terminé avec l’enseignement théorique, il ne leur reste à effectuer qu’un stage de six mois en entreprise. C’était d’ailleurs la raison du restaurant de ce soir : des adieux en quelque sorte. Presque toute la promo était là. Quant aux profs, ils n’en avaient conviés que quatre, tous gens qu’ils appréciaient pour un motif ou un autre. Ils ont dû insister auprès de Nadège, car elle n’affectionne pas trop les cérémonies d’adieux.


Elle a un grand savoir-faire pédagogique. La plupart des étudiants la choisiraient comme enseignante car, c’est de notoriété publique, avec cette prof-là on fait du travail efficace et on ne s’ennuie jamais. Mais il n’y a pas que cela, du moins du côté mâle…


Cette femme plus toute jeune, mère de famille, grand-mère depuis peu, coquette mais apparemment sage, cheveux châtains tombant souplement sur ses épaules, joli minois, grands yeux verts-clair, allure élégante mais démarche singulièrement provocante sur ses escarpins, affiche – dans la catégorie « grand format » – le plus beau cul de l’établissement. On dirait qu’un caprice de la nature a greffé sur son corps les hanches et les fesses d’une autre femme, bien plus grande et forte.


Elle n’a certes pas le physique de tout le monde. Dans sa jeunesse on aurait dit qu’elle portait un corset du siècle dernier, sévèrement lacé. Évidemment il n’en était rien. Jeune fille elle en a d’abord souffert, avant d’apprendre à mesurer les avantages de la situation, car sa minceur et ses abondances lui ont toujours valu d’incessantes attentions masculines. Ne jamais être à l’écart dans les fêtes, ne jamais faire tapisserie, ne jamais devoir stupidement ricaner entre copines pour tenter d’attirer l’attention d’un joueur de second rang, voire pire ; bref, ne jamais être seule.


Oui, c’est comme ça que ça marche. Pas la peine de râler, il faut juste prendre les choses comme elles sont. Elle-même en a pris son parti depuis longtemps ; elle a toujours joué de ses avantages, flattant savamment l’écart considérable qu’il y avait de la finesse de sa taille à l’évasement de ses hanches.


Inévitablement, elle a pris du poids avec les années, même si le sport l’a bien aidée à le répartir. Sa taille s’est un peu épaissie, la bonne chère et les grossesses ont un peu galbé son ventre, mais il n’y a rien de dramatique. Peut-être n’a-t-elle plus son physique de fille corsetée, mais elle n’a aucune peine à faire ressortir ses hanches et ses fesses qui vibrent et se balancent à chaque pas. Elle n’y peut rien, quand même le voudrait-elle, elle ne saurait changer sa façon de marcher !


Ce soir Nadège a d’ailleurs ressorti une robe qu’elle affectionne, en tricot rouge foncé. Aurait-elle pris un peu de poids aux endroits stratégiques ? La robe colle comme une seconde peau à l’ampleur somptueuse de ses courbes. Alors pour bien faire voir qu’elle n’est pas grosse de partout, Nadège a souligné sa taille grâce à une ceinture haute, plutôt voyante. Il est vrai qu’un peu de rondeur tend à bomber en dessous de la boucle, mais ça ne lui va pas si mal et les hommes d’expérience savent qu’un ventre féminin doux et fort vaut promesse de sensualité et d’endurance. Un string minimaliste évite que la ligne des fesses soit cassée par des élastiques. Ensuite elle a hésité : collant ou pas collant ?


Ce n’est pas vraiment affaire de température. En l’occurrence, c’est une question de classe. Avec un bon collant elle bloque tout, au nom de l’esthétique et de la bienséance, affichant l’aspect compact du muscle à peine enrobé. Sans collant, c’est la vibration de sa chair, la tendre mobilité de ses cuisses et de ses avantages, la vie de sa féminité. Ce soir, elle a été sage.


Éric, son mari, l’a trouvée en pleine forme, vraiment superbe dans cette robe. Il le lui a dit en couvrant par derrière son ventre des deux mains, en flattant sa croupe, en tapotant et soupesant les volumes adorés, dans un geste affectueux dont elle ne s’est jamais lassée, le même depuis 27 ans. Avec un bisou derrière l’oreille, il lui a glissé qu’il la préfère sans emballage.



Elle quémande un bisou, puis retire le carcan de maille pour lequel elle n’a de toute façon aucune sympathie. Sans doute a-t-elle ainsi scellé son destin, car deux ou trois mains se sont imperceptiblement – si discrètes que ça aurait pu être le hasard – égarées sur ses fesses baladeuses au cours de la soirée. Elle le sait, c’était tout sauf le hasard.


Peut-être alors n’a-t-elle enfin obtenu, sans se l’avouer, que ce qu’elle cherche depuis longtemps ? Après tout, que n’a-t-elle rejeté immédiatement la proposition luxurieuse des quatre étudiants ? Elle se trouve l’attitude ambiguë, l’esprit troublé, sinon trouble, elle n’arrive plus à démêler l’écheveau de propos contradictoires, de désirs antagonistes. Voyons, de quoi a-t-elle envie, au juste ?


En fait, il y a en elle une femme connue depuis toujours. Cette Nadège-là a d’ailleurs une grosse boule dans la gorge. Elle réagit très mal devant une perspective qui, en soi, la choque profondément, pour ne pas dire qu’elle lui fait horreur. Elle s’étonne aussi qu’avec le sérieux et la dignité avec lesquels elle affronte son univers jour après jour, on puisse lui demander une chose que d’ordinaire on demande à… à… oui, c’est vrai quoi ! À une pute !


Que s’est-il passé, au juste, pour qu’on en arrive là ? Elle est jolie ? Soignée ? Elle joue des atouts octroyés par la nature ? Elle en abuse un peu ? Où est le problème, puisque son mari est le premier à l’engager dans cette voie ? Et puis quelle femme ne met pas ses avantages en valeur ?


Nathalie Fournier, l’élégante directrice des services administratifs, ne bichonne-t-elle pas amoureusement ses énormes nichons ? Et mine de rien ne s’applique-t-elle pas, l’hypocrite : « Ah, ma chère Nadège, si vous saviez comme ils pèsent… » à les balancer à la figure des hommes qui l’entourent ? Ça marche souvent, d’ailleurs, mais pas toujours. Certains ne goûtent pas les formes surabondantes, d’autres n’apprécient pas d’être ravalés au rang de mécaniques dont il suffit de presser l’interrupteur pour les mettre en branle. Euh… Oui… Passons… Donc en admettant que son gros cul inspire des garçons de vingt ans, est-ce une raison suffisante pour proposer la débauche à une femme honorable ?


Certes, belle revendication, seulement voilà…. Elle vient de découvrir qu’en elle réside une seconde femme, celle qui vient d’interdire à l’autre de laisser tomber de très haut un : « Vous voulez rire ? » sec et définitif. Qui est cette étrangère ? Où a-t-elle vécu repliée durant toutes ces années ? À quelle profondeur était-elle recluse ? Comment a-t-elle survécu à son enfermement ? À un étouffement de trente ans ? Car elle n’en doute pas, elle est là depuis toujours.


Non, elle ne gagnera pas ! On ne peut pas la laisser faire. Devenir le sac à foutre de quatre garnements, même l’espace d’une nuit, et même si c’est elle seule qui en décide, est-ce digne d’une femme honorable ? Il faudra pouvoir se regarder dans une glace demain et après ce genre de performance, ce pourrait être difficile !

Nadège, mentalement, formule sa réponse : « Non mais je n’en reviens pas ! Mais comment osez-vous ? Pour qui me prenez-vous donc ? » Ce sera sur un ton très bas et très dur : elle doit faire en sorte de ne pas crier ; une femme qui crie est ridicule avec sa voix suraiguë. Nadège a déjà la langue levée ; elle entrouvre les lèvres…



C’est vrai, ça fait dix bonnes minutes, à présent, que la question a été posée, et elle n’a encore répondu ni oui ni non.



Incroyable, elle s’est entendue parler comme une étrangère ! Bon, c’est clair, Nadège la cochonne a gagné cette bataille ; mais c’est juste parce qu’elle a pris Nadège la vertueuse au dépourvu ; elle n’a pas encore gagné la guerre.


Un débat intérieur s’instaure. Les yeux rivés sur la route, elle cherche à énumérer toutes les excellentes raisons qu’a une femme dans sa position pour ne pas participer à une orgie en général, une d’un tel genre en particulier : en fait, elle a toutes les raisons de ne pas céder…

Mais céder à quoi au fait ? À la tentation ? C’est ça ? Elle est tentée ? Donc elle en a envie ? Fâcheuse révélation ! Quelle horreur ! Un séisme ! Un cataclysme ! On propose à Nadège de se faire sauter – appelons un chat un chat – par quatre garçons plus jeunes que sa fille aînée et elle se verrait bien en train de passer à la casserole ? Non, c’est inconcevable ! En plus elle aime son mari.

Il est vrai que ce n’est pas une bonne raison. En matière de fidélité conjugale, Éric serait du genre exigeant sur le fond, mais pas sur la forme. Il ne supporterait pas qu’elle mène joyeuse vie de son côté, qu’elle ait une liaison ou surtout qu’elle aime un autre homme. Lui-même, à sa connaissance, n’a jamais été voir ailleurs. Cependant n’a-t-il pas été tenté, un temps, par des aventures libertines en couple ?


Ils en ont parlé tous les deux ; il était assez motivé. Il n’avait renoncé à l’entraîner sur ce terrain que face au peu d’intérêt manifesté – elle-même, sans être opposée à l’idée, ne se sentait aucun besoin de ça – face à la difficulté de rencontrer quelqu’un de compatible, d’intéressant, et surtout face aux conséquences.


Il imaginait volontiers un petit groupe – trois ou quatre couples avec, pourquoi pas, quelques célibataires choisis, hommes ou femmes – visitant la Toscane et l’Ombrie, partageant de bonnes tables et se délassant le soir dans des échanges coquins ou des mélanges libertins. Elle lui avait fait valoir qu’il était en l’occurrence d’une grande honnêteté mais aussi d’une considérable naïveté. Sans préjuger du côté agréable de l’opération, le retour sur terre aurait été dur pour certains qui se seraient tout à coup découvert des complicités inédites, voire des affinités tout autres que sexuelles ; à moyen terme, combien de couples y auraient survécu ?

Bref, s’il est mis au pied du mur tout à l’heure, comment prendra-t-il la chose ? S’il est logique avec lui-même, il ne devrait pas hurler à la mort… Car une chose est certaine et déjà acquise, elle ne supporterait pas de lui mentir, de le tromper, de l’exclure. Donc si jamais elle décide de franchir le pas, il faudra qu’il soit au courant, qu’elle lui déballe tout, et qu’elle le fasse impérativement avant.


Elle voit un autre obstacle : son métier. Elle est majeure, ils sont majeurs, en théorie, tout le monde fait ce qu’il veut. En réalité, si une pareille séance avait lieu et venait à s’ébruiter, sa carrière serait ruinée, fichue : elle pourrait changer d’établissement ! Pour le moins. Or les hommes, les jeunes en particulier, ont beaucoup du mal à être discrets, à ne pas se vanter de leurs prouesses. Et placer la prof d’espagnol au centre de leur orgie… il y a de quoi se vanter pendant toute une vie !


Il y a encore une chose qui l’inquiète. Ça fait si longtemps qu’elle n’a plus jouté en lice avec des garçons de cet âge-là, qu’elle s’en souvient à peine. En plus elle n’en a pas connu tant que ça, elle était plutôt du genre sage ; trop sage, sans doute. A-t-elle assez profité de la jeunesse, de la vie ? Elle a connu son mari à 19 ans. Ça fait si longtemps qu’elle est habituée à son amour, qu’ils ont tous deux leurs habitudes, leurs rites, leurs tendresses, chacun connaissant à merveille les goûts et les réactions de l’autre, chacun s’appliquant à faire en sorte de lui donner sa ration de plaisir.


Voyons, c’était comment, l’amour, il y a un quart de siècle ? Elle est tellement habituée à son Éric… mais son Éric, prend de l’âge, il faut bien le reconnaître, il lui arrive même de ruser pour ménager ses forces. Avec lui, certes, c’est l’amour-tendresse, l’amour-confort, mais c’est aussi l’amour-pépère. Elle cherche dans des souvenirs d’une autre vie…


Il lui semble que c’était plus passionné, plus violent : elle revoit des habits qu’on arrache presque, des doigts impatients, fébriles, malhabiles qui s’acharnent sur les agrafes du soutien-gorge, qui roulent son slip sans parvenir – évidemment ! – à lui faire passer le barrage des hanches, elle revoit des sexes en batterie qui jaillissent comme des ressorts de leur cachette pour la pénétrer sans délai, jouissant presque immédiatement, dans le feu de l’action, sans même lui laisser le temps de s’éveiller, mais renaissant presque aussitôt dans leur superbe vigueur pour la satisfaire et ne s’agenouillant à la fin qu’à regret, mais totalement asséchés.


En fait elle n’a jamais recherché la jouissance folle et l’orgasme à répétition. Non, le plaisir c’était en premier lieu celui d’être tripotée, caressée, agacée, malaxée, embrassée, mordillée, pétrie, chatouillée, mâchouillée, léchée, sucée, pénétrée et même gentiment bousculée ou fouettée ; le vrai plaisir, ça a toujours été qu’un homme aimant la désire et s’occupe d’elle d’une façon ou d’une autre ; son corps suivait toujours. Cependant jamais Nadège n’a abandonné le contrôle de la situation à ses appétits, comme craignant quelque révélation embarrassante. Elle entendait demeurer une fille bien, ne tenant nullement à être classée parmi les insatiables qu’on finissait toujours par projeter dans des situations inacceptables pour toute femme convenable.


Elle s’est donc toujours impitoyablement maîtrisée et a tout à fait conscience de ne jamais s’être vraiment laissée aller. Elle a toujours fait en sorte de se contenter de ce que les hommes avaient à lui offrir, sans se laisser glisser là où l’entraînaient ses penchants les plus secrets, les plus intimes, les moins avouables… Encore que, pour être sincère, la nuit où elle avait rencontré son mari eût été plutôt agitée…



Voyons, elle arrive tout doucement à la cinquantaine, il faut voir les choses en face. À ce qu’il semble, elle est encore fraîche et appétissante, mais elle perçoit certains changements. Dans le miroir, sous son regard attentif, de petites ridules se creusent. Et puis elle trouve que sa chair se fait mollassonne ; ses grosses fesses bien lisses, denses et pleines il y a encore peu, sont moins fermes et tendent à se remplir de petites fossettes. Éric les trouve adorables, mais le temps, insidieusement, fait son œuvre et un jour viendra où personne ne lui demandera plus rien. Comment disait l’indélicat poète déjà ? « Vous serez au foyer une vieille accroupie. » Dur, pour une jolie femme qui a toujours eu beaucoup de succès.


Une occasion comme celle-là, une fête du sexe à n’en plus pouvoir, en compagnie de jeunes hommes évolués, pas encore blasés, ça ne se présentera sans doute plus. Elle n’a jamais connu ça ; pourquoi mourrait-elle conne ? Peut-être l’expérience sera-t-elle infâme, au moins saura-t-elle l’effet que ça produit. Et si ça se révélait délicieux ? À n’en pas douter, Fabien et ses copains n’en sont pas à leur coup d’essai, et elle sent qu’ils ne se conduiront pas comme des sauvages.


Oui, après tout qu’est-ce qu’elle risque ? Affronter quatre jeunes gens au sommet de leur puissance virile ? Ça va la sortir de la routine amoureuse conjugale, mais Nadège a toujours été très endurante pendant l’amour. Elle se sent forte, en parfaite condition physique, elle n’a aucun problème gynécologique, et puis mine de rien – à quoi bon se le cacher désormais ? – à force de penser au sexe, il lui est venu une faim de louve.


Lorsqu’elle était jeune fille, ça lui arrivait couramment et elle se posait des questions sur elle-même ; ça ne l’inquiète plus. Elle sait que l’appétit ne lui manquera pas et que les forces ne lui feront pas défaut ; de ce point de vue, les garçons ne risquent pas d’être déçus.


En outre elle connaît bien les hommes : que peuvent-ils donc inventer de si terrible ? Sans doute va-t-on effectivement commencer par des slows. Tandis qu’elle aura le visage dans le cou de son cavalier, un deuxième garçon va se glisser derrière elle, s’agenouiller, relever sa robe et fourrer son nez dans son gros derrière pour bisouiller, lécher et puis mordre, pétrir, fesser ? Bien.

Dénuderont-ils son corps et se lanceront-ils ensuite dans quelques frivolités érotiques – chatouilles, agaceries, explorations coquines – histoire de percer les petits secrets de son corps de femme ? À coup sûr.

On finira par la coucher quelque part et on viendra l’honorer chacun son tour ? Évidemment ! Après tout, inscrire la pénétration dans la durée et la certitude de l’avenir, n’est-ce pas pour toute femme bien née une option alléchante ?


Mais ils sont si jeunes ! Ils ne doivent pas avoir une expérience bien considérable… Si ça se trouve, ils vont s’arrêter à ces exercices élémentaires et elle sera obligée de tout leur souffler !

Elle fera étendre les quatre garnements en les alignant et, fière dominatrice, viendra sur chacun d’eux pour engloutir son sceptre dans les profondeurs chaudes et onctueuses de son vagin. Oui… Agréable pour elle, mais pour eux, peut-être pas tant que ça… la frustration de l’attente…


Alors sans doute se lassera-t-on vite de ces platitudes et expérimentera-t-on quelques figures de style ! Un dans la bouche et un dans le vagin ? Classique ! Un dans les mains aussi ? À peine mieux. Le forcement de ses plantureuses richesses ? Inévitable profanation, c’est presque la routine ! D’ailleurs elle a fini par trouver son bonheur dans la pénétration anale. À condition d’être bien préparée et traitée avec douceur, elle aimerait plutôt ça.


Un jeune mâle la prendra-t-il debout, tandis que les autres la porteront dans leurs bras, réduite à l’impuissance ? Tiens, ce serait à voir… S’aideront-ils alors d’un mur, et lui écartelant les cuisses, l’épingleront-ils comme un papillon précieux pour sauvagement l’enclouer, déchaînant en elle – devenue simple réceptacle – toute leur jeune vigueur ? Ah, oui, pas mal, ça…

L’attacheront-ils quelque part et l’immobiliseront-ils afin de pouvoir se servir de son corps à leur gré ? C’est si excitant de flirter avec le danger…


Non, allons au fond des choses ! Ce qu’elle attend secrètement, c’est ce qui l’a toujours troublée : un devant et un derrière, un dans son ventre et un dans son gros cul. Mais tout en douceur, n’est-ce pas, et après avoir bien ouvert et rodé son petit trou.

Quel effet ça fait, au juste, d’être entre deux mecs ? Pour une femme qui aime la chair, le sandwich n’est-il pas une revendication légitime ?

Attention, surtout pas l’horrible double pénétration convenue et brutale des films gonzo où les acteurs demeurent à trois kilomètres les uns des autres pour ménager un angle à la caméra et où l’actrice, la pauvre, est secouée comme un prunier !


Non, ce qu’elle imagine, ce qu’elle aimerait avoir, c’est un vrai sandwich langoureux et doux, dans un trio sensuel où elle pourrait se sentir bien à l’étroit entre ses deux partenaires. Sauront-ils lui faire ça ? Il est d’ailleurs douteux qu’il n’y ait que deux volontaires et que les deux autres demeurent en reste. Ils en voudront leur part et il lui faudra remettre le couvert. Aucun problème puisqu’elle sera bien ouverte des deux côtés. Échangeront-ils leurs rôles ? À chaque round, histoire de faire patienter les deux exclus, elle pourra toujours les câliner de la bouche ou de la main.


Bref, quatre jeunes hommes en pleine forme sur elle, et elle seule comme centre d’intérêt. Ça va être bouillant ! Parviendra-t-elle à l’orgasme dans ces concerts acrobatiques ? Peut-être, peut-être pas. Quelle importance ? Le plaisir sera tout entier dans l’enveloppement de ces corps forts et chauds, dans le comblement de ses organes, dans l’effraction. Comment peut-on passer une existence de femme sans vivre ça au moins une fois ?


Dans son fantasme, pour peu qu’ils sachent s’y prendre et se relayer sans la brutaliser, elle se sent capable d’aller ainsi jusqu’au bout de la nuit, dans l’hébétude langoureuse d’une jouissance indéfinie qui rayonnerait depuis un espace secret, caché quelque part au fond de son ventre, un véritable sanctuaire du plaisir ultime, demeuré inviolé jusqu’à ce soir.


Pourquoi se dispenserait-elle de cette expérience, de quel droit prétendrait-on l’en priver ? À son âge, au seuil du déclin, n’est-ce pas enfin à elle, à elle seule, de décider ? Quarante-sept ans ou pas, puisque sa sensualité est encore gloutonne, elle mérite d’être satisfaite. Nadège a pris sa décision. Reste un fond d’inquiétude et aussi un obstacle, le seul qui pourrait la faire renoncer : son mari.


Elle émerge de ses pensées. La voiture est arrêtée devant un embranchement, le moteur tourne au ralenti, les étudiants la considèrent d’un œil interrogateur, avec un fond de curiosité.



Elle se soulève légèrement de son siège et tire franchement sa robe à elle, jusqu’à faire voir son string.



Julien passe la tête :



Elle soulève sa cuisse droite qui se galbe dans toute sa rondeur et saisit par en dessous une pleine poignée de chair qui devient un peu grumeleuse.



De derrière, une voix intervient :



Elle fronce les sourcils, prenant un air soupçonneux :



Et voilà, elle s’est jetée à l’eau. Pourtant, avant de se laisser dévorer par quatre lionceaux, elle éprouve le besoin de préciser une ou deux choses :



Les quatre têtes se tournent vers elle.



Elle l’arrête d’un geste de la main.



C’est Nicolas qui a répondu, les autres ont acquiescé avec un large sourire.



Nouvel assentiment, plus grave.



Elle n’a pas osé leur dire qu’elle voulait son accord. Elle doit appeler Éric et s’expliquer avec lui sans témoins. Jamais elle ne pourrait envisager de vivre pareille aventure sans qu’il y participe, d’une façon ou d’une autre.

Lorsqu’elle descend de voiture, le froid lui saisit l’entrejambe. Elle se rend compte qu’elle a déjà mouillé, au point d’avoir trempé son string : voilà qui promet ! Elle s’éloigne d’une vingtaine de mètres.



Elle ne sait pas trop par où commencer



Elle sourit en sentant la jalousie de fond de son mari qui commence à affleurer.



Il l’a dit en ricanant.



Elle a envie d’ajouter : « Avec les coups que tu voulais nous arranger, je ne comprendrais pas… ». Mais par délicatesse elle n’en fait rien ; elle le laisse mûrir sa décision tout seul.



Il prend un temps de réflexion :



Il a une espèce de cri de triomphe :



Elle n’est pas sûre que ce soit vraiment un compliment, mais s’abstient de relever quoi que ce soit.



Il prend un nouveau temps de réflexion



Elle a envie de lui dire qu’elle l’aime très fort, qu’elle a toujours été heureuse et satisfaite avec lui, qu’il est un bon mari, un bon père, un bon amant, que sa bonne grosse queue l’a toujours comblée, que c’est juste sexuel : un caprice, une bravade, une folie ! Parce qu’on l’assure qu’elle est encore appétissante et parce qu’il se fait tard… Cependant elle n’en dit rien, par peur de ne faire qu’accentuer le côté désagréable de l’aventure.



Elle se demande pourquoi les larmes lui montent aux yeux :



Elle lui donne l’adresse. En raccrochant elle reste un instant songeuse. Quelle étrange aventure ! Mais elle est fermement décidée, elle tient à la vivre. En avant toute ! La portière se referme sur elle. Fabien, immobile, la contemple silencieusement.



Les garçons échangent un regard entendu. Elle se cale dans le siège et attache sa ceinture. Cette nuit est à elle : une parenthèse de liberté ouverte par elle-même, en vertu de son bon plaisir. Qui va dévorer l’autre dans cette histoire ? Les jeunes loups en sont-ils conscients ?


Ils la sentent disponible, déjà lascive, alanguie. La main droite de Fabien se pose sur ses genoux, les écarte doucement, remonte vers l’intérieur des cuisses et palpe doucement sa chair, juste là où elle est grassouillette, tendre et douillette ; le voilà qui monte encore de quelques centimètres… Quand il sent que son string est mouillé il tourne la tête, étonné. Elle soutient hardiment son regard :



Elle met ses mains en coupe sous ses seins. En dépit de l’épaisseur des vêtements, les pointes sont nettement visibles, dressées au garde-à-vous.



Elle sourit à Fabien, se repose sur l’appuie-tête et ferme les yeux. Car depuis l’arrière, le nez de Nicolas s’est enfoui dans ses cheveux, ses fortes mains se sont posées sur ses épaules et ont entamé un massage exquis, censé être décontractant mais qui a sur elle un tout autre effet. Julien râle parce qu’il est trop loin, mais Sébastien, penché entre les sièges, couvre sa tempe de chauds bisous en enfilant la main sous son sein. Il lui souffle à l’oreille :



Elle lui répond à voix basse :



Elle soupire, d’un petit air détaché :



Pure bravade de sa part ! Elle sait très bien qu’après les « petits jeux » auxquels elle va les initier, son vagin distendu par leurs mains d’hommes ne sera plus réceptif à leurs sexes ; pendant un moment elle ne sentira plus grand chose quand on la baisera. Regardant Sébastien, Nicolas s’esclaffe :



Pas rancunier, Sébastien dépose un délicat bisou dans le creux de son oreille.



Prise par un restant de pudeur féminine, Nadège se garde de tout commentaire, mais elle a littéralement le feu aux fesses ! Son ventre est tordu de désir, ses seins lui font mal et elle a l’intimité en révolution, son vagin trépigne d’impatience ! Ça, c’est presque un souvenir de jeunesse ! Il y a si longtemps qu’elle n’a pas senti ces petits spasmes et ces picotements et ces fourmillements…



Ils se regardent…



Fabien, le sourire du bonheur aux lèvres, délaisse à regret la culotte trempée et démarre. Nadège prie pour qu’on arrive très vite à destination : elle est en train d’inonder sa robe.