Chapitre 1
- — Papy, Papy !
- — Oui ma chérie, que t’arrive-t-il encore ?
- — J’ai besoin de tes connaissances encyclopédiques, de ton savoir universel.
- — Holà, ma petite Manon, tant de gentillesse, ça me semble louche.
- — C’est pour ma thèse.
- — Si c’est pour tes études, alors là je veux bien t’aider.
- — Merci.
- — Et en quoi puis-je me rendre utile ?
- — Connais-tu les guerres d’indépendance écossaises ?
- — Dis donc gamine, je suis vieux, d’accord, mais faut pas exagérer quand même !
- — Je ne dis pas que tu es vieux, mais que tu as dû les étudier.
- — Oui, et je dois même t’avouer que j’ai connu cette épopée.
- — Non ? Je ne savais pas.
- — J’avais quinze ans à l’époque. Mais que veux-tu savoir et qu’en sais-tu ?
- — L’Écosse a obtenu son indépendance suite à la guerre entre l’Angleterre et la Triple Alliance de l’Écosse, de l’Eire et de la France.
- — Oui, ma petite Manon, mais ce n’est qu’un faible résumé de ce conflit. Conflit qui changea la face du monde et surtout de notre civilisation. En as-tu conscience ?
- — À vrai dire, non.
- — Cette guerre fut aussi appelée « La guerre des Louves rousses ».
- — Je peux t’enregistrer ?
- — Aucun souci.
- — Vers la seconde moitié du XXème siècle, à partir des années 60, encore appelées les sixtes, et tout au long du XXIème siècle, l’Écosse réclama plus ou moins fort son indépendance. L’Angleterre voyait cela d’un mauvais œil.
- — Pour des raisons économiques ?
- — Entre autre. Mais aussi stratégiques, géopolitiques.
- — De referendums en manifestations, de provocations en échauffourées, le sentiment autonomiste se réveillait, les indépendantistes se faisaient de plus en plus entendre. De vieux héros étaient remis au goût du jour, comme William Wallace, Sean Connery.
- — Qui ?
- — Laisse tomber. L’Écosse bénéficiait d’un statut d’autonomie relativement important, mais les Écossais s’estimaient lésés par la mainmise des Anglais sur la gestion du pays.
- — Il y a toujours eu des indépendantistes en Écosse, pourquoi cela dégénéra-t-il en guerre ?
- — Par le simple jeu de la démocratie. Lors des élections législatives écossaises, le parti indépendantiste arriva au pouvoir. Ce, grâce à une femme politique hors du commun, Angela !
- — Angela ?
- — Angela Mac Heusdress. Elle avait le charme, la fougue, la faconde d’un grand tribun. Elle savait enthousiasmer les foules, les enflammer. Elle avait aussi pour elle sa jeunesse et sa beauté.
- — À t’entendre, je dirais que tu étais amoureux !
- — C’est ça, moque-toi. Mais tu as en partie raison, j’étais un peu amoureux. C’était une femme politique hors norme, qui n’avait qu’un but : le bonheur de son pays. Lorsqu’elle fut élue et devint premier ministre du gouvernement écossais, sa première décision fut d’organiser un referendum. Oui ou Non à l’indépendance.
- — Par le passé il y avait eu d’autres referendums, qui n’aboutirent jamais à rien.
- — Exact, jeune fille. Mais cette fois un élément nouveau entrait en jeu. L’incroyable charisme d’Angela Mac Heusdress, son talent d’oratrice. Toutes les conditions étaient requises pour faire de ce referendum un raz-de-marée pour le oui.
- — Ce fut le cas ?
- — Bien sûr, ma chérie, sinon nous ne serions pas là pour en parler. Le vendredi 13 septembre 2222, le oui obtint une écrasante victoire. 87%, du jamais vu dans ce genre de situation. Il faut souligner que le premier ministre Anglais, Jack Hyesse fit tout pour que le oui l’emporte.
- — Qu’a-t-il fait ?
- — Insultes envers Angela Mac Heusdress, envers les indépendantistes, la totale en quelque sorte.
- — Que se passa-t-il donc ensuite, demanda Manon telle une enfant quémandant la suite d’une histoire.
- — Angela décréta l’indépendance de l’Écosse le 15 septembre. Ce que refusa tout net l’Angleterre. Arguant de l’illégalité du scrutin et sa non constitutionnalité. Selon Hyesse le Royaume-Uni tout entier aurait dû voter. Mais la machine s’emballa. L’Irlande reconnut aussitôt le nouvel état, échangeant dans la foulée un ambassadeur. Suivie de la Wallonie, de la Russie, du Brésil et de la France. Et les États-Unis ne le voyaient pas d’un mauvais œil.
- — La France a reconnu de suite le nouvel état ?
- — Oui, pour emmerder les Anglais.
- — Et l’Europe ?
- — Comme à son habitude l’Europe décida de ne rien décider, engluée qu’elle était dans sa bureaucratie tatillonne. Jack Hyesse prit alors la plus idiote des décisions. Il mobilisa des troupes, en vue de les envoyer vers Glasgow, Édimbourg. Soi-disant pour rétablir l’ordre. Aussitôt les Écossais, indépendantistes ou non se ruèrent dans des centres de recrutements, désirant s’enrôler et défendre leur pays. Hyesse avait négligé un élément fondamental, le profond attachement des Écossais à leur pays. L’Irlande était aussi dirigée par une femme, amie de Madame Mac Heusdress. Une autre femme débordante d’énergie, un autre personnage haut en couleurs. Deirdre O’Flaggadan. Solidarité féminine, solidarité gaélique, vieille rancœur envers l’ancien occupant, toujours est-il que l’Irlande envoya des troupes en Écosse pour aider le jeune pays ami.
- — Pourquoi le premier ministre anglais envoya l’armée, pourquoi si vite.
- — Pour plusieurs raisons. Des élections anticipées devaient avoir lieu en Angleterre, Hyesse était donné battu. Il essayait ainsi de remonter dans les sondages. Il voulait donner l’idée d’un homme à poigne. Deuxièmement, c’était un macho, un phallocrate, un misogyne de la pire espèce. Te connaissant, tu aurais qualifié ce personnage de dinosaure. Se faire narguer par une femme le mit hors de lui. Il déclara la guerre à l’Irlande dans la foulée.
- — Que faisait l’ONU ?
- — Comme toujours, voter une résolution dont tout le monde se fichait.
- — Mais, la France ? Quand intervient-elle dans l’histoire ?
- — Comme toujours, la France tenta de jouer les bons offices, de réconcilier tout ce beau monde. En vain. Comme d’habitude les Anglais prenaient les Français comme tête de turc. Campagne de presse, dénigrement et j’en passe. Le président Français, Philibert Cemoi fut prié par le premier ministre anglais de se mêler de ses oignons de bouffeur de grenouilles, lui et ses deux mal-baisées celtiques. Philibert était célibataire, mais la rumeur publique lui prêtait des aventures. Réputé bon amant, délicat et inventif. Pas comme ces pathétiques présidents de l’antique Vème République, soit agités compulsifs, ou alors mollassons grassouillets, aussi charismatiques qu’un potage au potiron. Leurs amours tumultueuses ne cachaient pas un manque de tenue au plumard. Pour Philibert, c’était le contraire. Calme en apparence, bouillant au lit et aux affaires. La provocation de l’Anglais le mit dans une rage noire. Dans une allocution multi-diffusée, il s’adressa à ses concitoyens dans un discours encore célèbre aujourd’hui. J’ai même ce fameux discours sur papier.
- — Tu as encore des écrits sur papier ?
- — Que crois-tu ? Je suis un dinosaure à ma façon. Voici son discours:
« En ces temps troublés il est rare de pouvoir compter sur un allié et surtout des amis. Je suis fier de compter parmi mes amis les fiers peuples écossais et irlandais, mais aussi leurs représentantes, Angela et Deirdre.
Aussi, mes chers concitoyens en ai-je ras-la-casquette des rosbeefs. De leur suffisance. De leur arrogance. Depuis Aliénor d’Aquitaine ils nous emmerdent, ils nous ont brûlé Jehanne, piqué les îles Anglo-Normandes et les jeux olympiques de 2008. Nous ne pouvons tolérer qu’ils s’en prennent encore une fois à l’Écosse et la verte Erin, nous ne laisserons pas tomber nos amies et nos frères ». Si la presse Anglaise se défoulait, la presse Française lui rendait la pareille. »
- — Que faisaient les autres belligérants ?
- — C’est là le nœud de l’affaire. Dans un communiqué de presse, Angela déclara que se faire traiter de mal-baisée par un impuissant notoire avait quelque chose de rafraîchissant et printanier. Que sa vie sexuelle ne regardait qu’elle mais qu’il serait intéressant de voir lequel des deux baisait le mieux. Dans un élan lyrique elle lui proposait un duel, un duel de sexe. Le premier des deux qui ferait jouir l’autre aurait gagné. Et on verrait bien qui baisait le mieux.
- — Mais, papy, tu viens de dire que c’était une héroïne…
- — Oui, Manon, une héroïne ne peut ainsi s’offrir à un goujat ? Elle comptait juste ridiculiser le Président du 10 Downing Street. Elle pensait que Hyesse refuserait. Mais en politique roublarde, elle avait aussi envisagé la seconde hypothèse. Si elle perdait, l’Écosse restait anglaise. Si elle gagnait, elle devenait indépendante. Si l’anglais refusait, il passait pour une couille molle, comme le surnommaient les journaux français et même quelques anglais. S’il acceptait, elle devenait une martyre livrant son corps à la concupiscence de l’occupant. Si elle réussissait, elle devenait une sainte pour les écossais.
- — Il a accepté !
- — Oui, c’était bien dans le style du personnage. Il se voyait déjà humilier cette Écossaise qui le narguait. Se posait la question d’où, quand et comment. C’était sans compter Deirdre O’Flaggadan et Philibert Cemoi. Ils avertirent Angela qu’ils étaient alliés pour le meilleur et pour le pire. Dans un grand envol poétique Philou ajouta qu’il ne laisserait jamais une femme seule face à un Anglais, même premier ministre… surtout premier ministre.
- — Et alors ?
- — La gestion de ce problème fut confiée à l’ONU. Fallait bien qu’ils servent à quelque chose ceux-là. Trois mois plus tard le Secrétaire général fit part des résolutions du conseil de sécurité, hormis le Royaume plus ou moins uni et la France, les belligérants. Ce combat se déroulerait pendant une semaine maximum, dans un pays neutre, sous le contrôle d’observateurs impartiaux. À parité égale hommes-femmes.
- — Mais il y avait trois « combattants d’un côté ?
- — Exact. Il fut exigé par le secrétaire général que Jack Hyesse choisisse deux « collaboratrices, un homme et deux femmes contre un homme et deux femmes. La parité parfaite.
- — Comment réagissaient les autres pays, la presse ?
- — D’abord un sentiment de stupéfaction, d’incompréhension.
Pour la presse il y avait plusieurs approches. L’humour et la gaudriole. On allait savoir si Deirdre et Angela étaient de vraies rousses, ou qui possédait la plus grosse, Philibert ou Jack. Les bookmakers anglais prirent aussitôt les paris. Tu pouvais même parier sur la longueur des pénis, sur le couleur des poils pubiens des deux femmes ou même de leur épilation totale ou partielle. Du délire.
Les articles de fond expliquaient que c’était une première, mais ce genre de combat avait déjà plus ou moins existé. Dans l’antiquité « les trois voraces contre les trois coriaces » (1), au moyen âge le « jugement de Dieu », mais toujours avec des combattants armés.
Pour les autres pays, pas de commentaires. Simplement des communiqués sans saveur. En privé, c’était autre chose. La présidente américaine, Mallory Clito, prit même des paris sur la victoire de l’Alliance. Elle ne pouvait pas blairer l’Anglais.
Les femmes étaient partagées. Les féministes contre ce qu’elles qualifiaient de mascarade, le corps de la femme ne devait pas devenir un champ de bataille. Les autres pour. Elles disaient que le corps d’une femme pouvait devenir une arme. Il suffisait de se remémorer les grèves du sexe faites par des femmes pour faire plier les hommes.
- — Il n’y a pas eu de réticences ? D’appel à ne pas se livrer à ce genre de pratique ?
- — Si. D’abord du clergé, il fallait s’en douter. De toutes religions confondues ce fut un tollé. C’était une honte, un sacrilège.
- — Ça ne m’étonne pas.
- — Des pacifistes ayant demandé audience au pape, il fut demandé à Urbain XIX s’il désirait voir soit des milliers d’hommes mourir, sans compter les civils, ou alors six personnes pratiquer l’acte pour éviter une hécatombe. Car il ne fallait pas oublier que la France et l’Angleterre possédaient encore l’arme nucléaire à cette époque. Les imams, rabbins, ou évêques de tous poils se le tinrent pour dit. Ils maugréèrent dans leurs barbes mais ne se firent plus trop entendre. Une autre rébellion, plus étonnante encore se manifesta. Les militaires ! Je parle de hauts gradés, généraux, amiraux qui se récrièrent. On leur enlevait la possibilité de briller, de mener des combats. Si les militaires ne pouvaient plus se battre, c’était la fin de tout. Les hommes du rang eux étaient pour, ils avaient une possibilité de sauver leur peau.
- — Je vois le tableau. Des généraux anglais et français manifestant ensemble pour pouvoir se battre tranquillement !
- — La réponse vint de Philibert, qui citant Clémenceau, leur dit que la guerre était chose trop sérieuse pour être confiée à des militaires. Les marchands d’armes renâclèrent aussi, fallait les comprendre, leurs bénéfices s’évaporaient en même temps que les conflits. Les producteurs de films X râlèrent aussi estimant que c’était une concurrence déloyale.
- — Étonnant.
- — Un peu, mais ils s’associèrent aux marchands d’armes pour créer des sites d’information, payants. Où toutes les pratiques possibles étaient décortiquées.
- — Des sites de cul géopolitiques en quelque sorte ?
- — Oui. Les bénéfices étaient préservés. De plus les scénaristes s’en donnèrent à cœur joie en réécrivant l’histoire : et si à Waterloo Napoléon, et si à Alésia… Le « combat » se déroulerait à Madrid, sous l’égide de l’ONU. Avec comme juges arbitres des membres permanents du conseil de sécurité. Russie, Chine, États-Unis d’Amérique, accompagnés de l’Espagne, pays organisateur, la Suisse, ils sont partout ceux-là, le Japon et la Norvège.
- — Ça en faisait du peuple, dis donc.
- — En effet, sans compter les reporters de tous poils, les chaînes d’infos, du net et de l’antique télévision qui existait encore à l’époque.
- — C’était retransmis ?
- — Et en direct en plus. Imagine, un événement de ce genre. Il déchaînait les foules. Des écrans géants avaient été installés dans les différentes villes. Même les lycées et les universités invitaient leurs élèves à regarder, en cours, sous la houlette de leurs professeurs d’histoire ou de géographie, cela va de soi. Quelques établissements réfractaires organisaient des veillées de prières, comme près de chez nous le lycée Sainte Frigide. Ce qui n’empêcha point nombre de leurs élèves de se munir de montres-télé-holographiques et de regarder en douce la retransmission. Ils avaient la possibilité de vivre un instant d’histoire. Ils n’allaient pas s’en priver.
- — Et alors ?
- — Alors ? Je vais aller boire une Guinness avant de continuer.
Chapitre 2
- — Allez, papy, continue.
- — Il n’y a pas meilleur qu’une bière irlandaise pour raconter cette histoire, à part un bon whisky de douze ans d’âge.
- — Papy !
- — Bon, bon. Si on ne peut plus boire un coup… (2)
- — L’Angleterre, fidèle à son habitude fit un tour de cochon, leur délégation comprenait deux hommes et une femme. Après moult palabres, elle fut acceptée, la perfide Albion venait encore de frapper.
Elle se présentait ainsi :
Le premier ministre, Jack Hyesse, un mètre soixante-dix, grassouillet, un peu chauve, des lunettes sur le nez, 61 ans.
Bernard Hébianca, ministre des affaires étrangères, grand, maigre, blond, maigre, au strabisme divergeant. Et maigre. 58 ans.
Mathilda Fraxie, ministre des transports. Brune à la poitrine avantageuse, la quarantaine bien entamée, aimant paraît-il les jeunes stagiaires du ministère.
Face à eux les deux rousses, Deirdre, environ 39 ans et Angela, à peu près 32 ans. Je t’ai dit que cette guerre fut appelée la « guerre des Louves rousses ». Elles avaient toutes deux des yeux de louves. Verts. De superbes yeux verts.
Et puis Philibert 1,85 mètre et 42 ans, cheveux bruns, avec quelques fils blancs, des yeux marrons et une santé parfaite.
Les belligérants avaient autour d’eux tout un aréopage de conseillers, psychiatres-psychanalystes, préparateurs physiques, cuisiniers, médecins, sexologues, gynécologues et j’en passe de professions en iste, ogue ou âtre.
Philou ayant même engagé quelques écrivains érotiques pour avoir des idées, disait-il. Ils se passaient quelques films coquins, pour entretenir la forme mentale des combattants.
Vint le grand jour.
En grande pompe les membres du jury entrèrent.
Ce n’étaient pas les ambassadeurs à l’ONU qui représentaient leurs pays, c’étaient carrément les présidents, les monarques.
Imagine-toi le président russe, la présidente américaine, la première ministre japonaise, le premier ministre chinois, le président de la confédération helvétique dont tout le monde se foutait, la reine d’Espagne, le roi de Norvège et le Secrétaire général des Nations-Unies.
Visualise une immense salle remplie de tout ce beau monde, pleine aussi de commentateurs, de caméras. Les membres des différents gouvernements belligérants, mais aussi d’autres pays, venus se rincer l’œil, sous prétexte de politique.
Au centre de la salle, une arène, je ne vois pas d’autre mot, avec des accessoires, des lits, des canapés. Et d’autres choses encore mais tu es trop petite.
- — Papy, j’ai 22 ans !
- — Ce n’est pas à moi de t’expliquer certaines choses. Il faudra que tu demandes à ta grand-mère ! Bref, les six combattants firent leur entrée, tels des gladiateurs antiques. Revêtus de peignoirs aux couleurs de leur pays. Tricolore à Croix de Lorraine pour le Français, vert aux liserés blancs pour l’Irlandaise, bleu-nuit décoré d’un chardon et une croix de Saint-André pour Angela.
Les rosbeefs, toujours provocateurs, affichaient les couleurs de l’Union-Jack. Il passa alors un grand frisson parmi les spectateurs, mais aussi chez les téléspectateurs ou internautes rivés devant leurs écrans. Tous les Écossais entonnèrent leur hymne, « Flowers of Scotland », rejoints très vite par les Irlandais et les Français. Entendre ces rudes gosiers habitués à hurler cet hymne sur les stades de rugby, l’entonner pour soutenir Angela et ses alliés flanquait la chair de poule.
Le président chinois, président du jury, rappela les termes de l’accord.
« Pas de broute-minou ni de fellation, mais un 69 était accepté (sixty nine en anglais). Une pénétration classique, missionnaire, levrette, rien d’autre. »
Il convia les protagonistes à se préparer. Après tirage au sort, c’était aux Anglais de « tirer » les premiers, ils devaient choisir les « positions ».
Hyesse devait s’occuper d’Angela, les belligérants originels. Hébianca se chargeait de Deirdre, Mathilda Fraxie affronterait Philou.
Ils firent glisser de leurs épaules les peignoirs, sous les murmures admiratifs des hommes et femmes présents.
Angela Mac Heusdress et Deirdre O’Flaggadan étaient de véritables rousses, et de très jolies femmes, aux formes épanouies, et aux minous de feu.
Les seins de l’Écossaise, un peu plus petits que ceux de la fille d’Erin. Toutes deux constellées de taches de rousseur du plus bel effet.
Elles s’installèrent, qui sur un lit, l’autre sur le canapé.
Nue, Mathilda faisait moins d’effet, le poids des ans laissait des traces. Sa poitrine non soutenue pendouillait quelque peu. Elle ne rivalisait pas face à ses deux adversaires.
Hyesse, lui, comme je te l’avais indiqué, bedonnait. Le ministre des affaires étrangères était maigre à faire peur.
Dernière provocation, ils portaient des préservatifs ornés du lion rugissant.
Vu ce qu’ils cachaient, ces condoms, il n’y avait pas de quoi rugir ! De petites bistouquettes. Angela avait raison, pas la peine de se relever la nuit.
Mais lorsque notre Philou national se mit nu, les femmes présentes frémirent. Bel homme, pas un poil de graisse, et une jolie queue. Ta grand-mère m’a avoué plus tard que son goupillon était juste comme il faut, ni trop gros, ni trop petit. Parfait ! Il lui faisait envie. Elle ne me connaissait pas encore.
Son mandrin était revêtu d’un préservatif noir, avec un crane stylisé à l’extrémité. Le pavillon noir des pirates !
Philibert dira plus tard qu’il honorait ainsi Jean Bart et Surcouf, et qu’il lui répugnait de mettre les couleurs françaises dans un anus d’Anglaise. On sut dès lors quel sort il réservait à la British, même si cette pratique était plus ou moins autorisée par les conventions.
Il fut demandé aux protagonistes d’entamer les hostilités. Les hommes humectèrent leurs préservatifs de lubrifiant et s’avancèrent vers les dames.
Hébianca s’introduisit sans fioritures dans l’intimité de Deirdre, qui grimaça. La belle rousse était allongée sur le canapé, le chargé du Foreign Office agenouillé entre ses jambes se secouait tristement. Ce n’était pas un gentleman, ni un très bon amant semblait-il.
Jack Hyesse prenait Angela en levrette. Agenouillée sur le lit, elle avait d’abord subi l’introduction d’un doigt inquisiteur, censé éveiller sa libido, avant de se faire pénétrer par le rugissant Priape. La rousse regardait les spectateurs et mimait l’ennui. Elle s’attirait les sympathies et les rires de la foule.
- — Et Philou ?
- — C’est de lui que vint l’inattendu. Mathilda voulait l’entreprendre par un 69. Mais au dernier moment elle hésita :
Devait-elle garder ou ôter son dentier ?
Notre président livré à lui-même par une inaction forcée se mit à se promener dans l’arène. Il se dirigea innocemment vers Angela et Hyesse. Le prime minister secouait la belle rouquine, semblant confondre frénésie et sensualité.
- — Et alors ?
- — Les Français sont réputés pour leur improvisation. Le French Flair, Philou en devint le chantre. Arrivé derrière le couple en pleine action, il chopa les castagnettes anglaises d’une main ferme, et dans le même mouvement introduisit son majeur dans le troisième œil du premier ministre !
- — Nooon ? Pas possible !
- — Si, authentique. Sous l’effet de la surprise Jack Hyesse s’immobilisa contre les fesses d’Angela, qui lui serra le bigoudi dans son portefeuille à moustaches. Il jouit dans un grand cri, à la fois de soulagement sexuel, de surprise et de frustration.
- — Et alors ?
- — Bernard Hébianca, étonné de tout ce remue-ménage, regarda son patron en train de jouir. Deirdre profita de son moment d’inattention pour le coincer entre ses jambes, qu’elle avait longues et lui administrer ce qu’elle nomma plus tard son Fighting Spirit. C’est-à-dire lui presser le bigoudi dans sa cressonnière.
- — Papy, tu pourrais être plus distingué.
- — Tu m’as demandé des renseignements, je renseigne, maintenant s’il faut se mettre la bouche en cul de poule !
- — Non, non, vas-y, continue.
- — Où en étais-je ? Ah oui. Sous le coup de l’émotion, Hébianca jouit lui aussi. Il fallait le comprendre, Deirdre était une sacrée luronne, elle lui avait bien secoué le bigorneau. Et de voir son premier ministre envoyer la purée le mettait dans tous ses états.
Deirdre dira plus tard que ce n’était pas cet Anglais de malheur avec sa tête de leprechaun qui allait lui faire peur.
Mathilda se demande encore maintenant ce qui s’est réellement passé. Elle faisait presque pitié, son dentier à la main !
- — Et alors, ensuite ?
- — Après vérification par le corps arbitral, Écosse, France, Irlande : 2. Perfide Albion 0 !
- — Vérification ?
- — Un groupe de juges spécialement formé inspecta les préservatifs. Histoire de voir s’il y avait bien eu envoi de la purée.
- — Papy !
- — Ça m’énerve toutes ces réminiscences ! Désolé.
- — C’est quand même dégueu, ce boulot.
- — Je ne te le fais pas dire. Beurk.
- — Les Anglais ont dû râler !
- — Fallait les entendre, crier au scandale, à la forfaiture, à la trahison ! Que cette manœuvre était illégale. Ils portèrent aussitôt réclamation auprès des juges. Ils dirent que c’était contraire aux conventions de Genève, ce qui fit beaucoup rire le Suisse.
Les chefs d’états se retirèrent pour délibérer de la réclamation anglaise.
Les protagonistes revêtirent leurs peignoirs. Au grand désarroi des spectateurs qui entendaient encore reluquer les jolies Angela et Deirdre. Et aussi Philou pour les dames.
Dix minutes plus tard le jury ressortit.
Le Chinois prit la parole :
« Ceci est un conflit, et non un vulgaire concours aux jeux olympiques. La manœuvre Française est parfaitement légale, et même particulièrement intelligente à nos yeux. Il s’agit d’une prise en tenailles et l’aide apportée par un des belligérants à son allié est tout à fait légitime. L’Angleterre est déboutée. »
- — Tu aurais dû entendre le hurlement de joie de la foule, voir la liesse dans les rues d’Édimbourg, de Glasgow, de Dublin ou de Paris.
Les deux femmes étreignaient Philou, le couvraient de baisers. Il ne demandait que ça, le bougre.
Dans la salle un véritable foutoir bon enfant s’était installé. Les Écossais et Irlandais se mettant à chanter la Marseillaise, puis faisant une holà. Ici et là quelques couples refaisaient l’histoire. Ou la fêtaient, va savoir ?
- — Comment s’est terminée cette histoire ?
- — Pas cette histoire, l’Histoire, avec un grand H ! elle ne faisait que commencer :
Tout d’abord, si tu veux tout savoir, Angela, Deirdre et Philibert firent une foire pas possible dans une chambre de leur hôtel à Madrid. Ils n’en sortirent pas pendant trois jours et trois nuits. Personne ne sut jamais ce qu’il s’y passa, mais je te laisse le soin de deviner. Quel veinard ce Philou ! En tout cas son attaque surprise resta dans les annales, ou anales je ne sais plus, comme le « Coup à Philou ».
- — Madame Cemoi ou messieurs Flaggadan ou Mac Heusdress ne furent point jaloux ?
- — Philibert était divorcé, comme je te l’ai déjà indiqué. Angela célibataire. Seule Deirdre était mariée.
À une journaliste qui l’interrogeait à ce sujet, le mari répondit que la politique étrangère de l’Irlande nécessitait de la fermeté et une grande ouverture d’esprit. Pas sûr que beaucoup de gens aient compris ce jeu de mot.
D’autres conflits furent réglés de la même façon.
- — J’imagine que parfois ce ne devait pas être très beau.
- — Tous n’étaient pas des prix de beauté, effectivement, mais nous faisaient bien marrer. Cherche sur le « mouvement quotidien l’incident concernant le vieux président mexicain, Jorge Guttierez et la grosse chancelière Allemande Frida Dicklich ». J’en ai pleuré de rire.
- — C’est tout ?
- — Non ma chérie, comme je te l’ai déjà dit, les rapports internationaux en furent bouleversés. Une nouvelle façon de s’affronter venait de voir le jour. Toutes les relations humaines venaient d’être chamboulées.
- — Tu exagères un peu non ?
- — Tu crois, comment crois-tu que les négociations syndicats/patronat se passèrent, et se passent encore de nos jours ?
- — Nooon ?
- — Si nous ne travaillons que 25 heures par semaine c’est grâce à qui à ton avis ? Grâce à de valeureux et valeureuses syndicalistes qui ridiculisèrent les vieux barbons du Médef.
- — Je ne savais pas.
- — Et même les contentieux entre particuliers.
- — Comment ?
- — Imagine un problème entre voisins. À une époque, ils se terminaient au tribunal. Encombrement de la justice, frais d’avocats et j’en passe. Alors que maintenant tu fais appel à un huissier de justice qui vient arbitrer et le tour est joué.
Même des contentieux de divorces se dénouent de la même façon. Un couple de mes amis se déchirait pour obtenir la garde du chat. Ils s’affrontèrent devant le juge des affaires familiales. À la fin de l’envoi ils décidèrent de ne pas divorcer et rester ensemble… avec le chat.
- — Il n’y a jamais eu de dérives, d’abus ?
- — Si, comme toujours, mais sans se terminer dans un bain de sang. D’ailleurs certains pays se sont très vite adaptés à cette nouvelle donne. L’Italie, par exemple, qui nomme comme ministres des canons, hommes ou femmes. Au cas où !
- — Je retrouve bien là l’esprit latin.
- — Même le Vatican s’y est mis.
- — Tu te moques de moi !
- — Non non. Une unité spéciale de nonnes et de séminaristes, volontaires et triés sur le volet représentent le pape en cas de problème.
- — J’aimerais voir ça !
- — Tu le verras peut-être un jour, si Dieu le veut !
- — Toute la planète s’y est mise ?
- — Oui. Les militaires, tout obtus qu’ils puissent être s’y sont collés. Créant des commandos spéciaux pour ce genre de situations. Je te laisse imaginer les entraînements.
- — Mais il devait bien y avoir des problèmes, il y a certaines personnes qui ne sont pas attirées par le sexe opposé.
- — En aucune façon. L’être humain trouve toujours la parade. Ils faisaient appel au Joker. C’est un homme ou une femme qui représente le président ou la présidente en cas de défaillance ou de convenances personnelles.
Détail amusant, maintenant, lors des élections, tu trouveras des renseignements tels que longueur du pénis pour les hommes, mensurations pour les femmes, analyses de sperme ou de cyprine. Tu les verras même en petite tenue. Éjaculateurs précoces s’abstenir.
- — Il n’y a jamais eu de cas étonnants ?
- — Oh que si. Je t’ai dit que parmi les représentants de l’ONU lors du combat à Madrid, il se trouvait le premier ministre japonais et le président russe.
- — Oui.
- — Le premier ministre japonais, Kimiko Imatumi, se trouvait être une femme, chose extraordinaire dans ce pays de machos. Très mignonne si l’on aime le genre petite chose fragile. Peu de temps après l’indépendance de l’Écosse, le Japon déclara la guerre à la Russie.
Le président russe, Viktor Yénev, faisait plutôt dans le style ours mal léché.
- — Pourquoi cette déclaration de guerre ?
- — À propos des îles Kouriles, que l’URSS avait annexé en 1945 et que la Russie n’a jamais rendu depuis.
- — Et alors ?
- — Le « combat » eut lieu à Paris, au palais de l’Élysée, dans un des salons. Cette fois encore tout le gratin mondial s’était réuni.
Il fallait voir la petite Japonaise face à l’ogre russe. Personne ne donnait cher de sa peau, ou plutôt de son service à saké. Contrairement aux deux celtes aux formes épanouies, Kimiko semblait vraiment petite face au Russe légèrement bedonnant. Elle n’était pas sans charme, très jolie, très fine et si frêle.
- — Tu t’es rincé l’œil, je te connais.
- — Je m’instruisais, nuance.
- — Et alors, Kimiko et Viktor ?
- — Contre toute attente, elle n’en a fait qu’une bouchée. Pour ta culture personnelle, elle avait adopté la position dite d’Andromaque. Elle lui a essoré le missile à Viktor, fallait voir !
- — Oui, mais je ne vois pas où se situe la dérive.
- — Quand je t’aurais dit que ces deux pays se firent la guerre quatre fois en même pas un an, cela fit jaser. Beaucoup se posèrent des questions.
- — Il devait y avoir des raisons.
- — Des limites d’eaux territoriales ? Des quotas de pêches ? Tu crois que c’est une raison de se faire la guerre ?
- — Pas vraiment.
- — Les époux respectifs des belligérants n’y croyaient pas non plus. La quatrième fois, Monsieur Imatumi et Madame Yénev se rendirent tous deux devant le siège de l’ONU à New York, se mirent nus et entreprirent de pratiquer la bête à deux dos, en pleine 46ème rue. Aussitôt les flics américains arrivèrent, mais n’osèrent pas intervenir, vu la qualité des personnages. Toutes les caméras s’en donnaient à cœur joie. Je me suis bidonné en voyant les gros flics New-Yorkais tenter de cacher les deux intervenants.
- — Que se passa-t-il ?
- — Ils dirent qu’ils s’arrêteraient lorsque leurs époux respectifs s’expliqueraient. Ils tinrent quand même deux heures trente, alternant les positions. Ils avaient la santé. Les deux belligérants donnèrent une conférence de presse quelques temps plus tard. Ils étaient amoureux et n’avaient trouvé que ce moyen pour se rencontrer sans faire jaser. Tu parles.
- — Je trouve que c’est très beau. Et après ?
- — Malgré quelques accidents, cette pratique entra dans les mœurs. Plus de guerre, de morts, de réfugiés. Je ne vais pas dire parfait, mais presque.
- — Si je m’attendais à ces infos.
- — J’oubliais, la petite histoire dans la grande. Philibert Cemoi et ses deux alliées se retrouvaient régulièrement, tantôt à Paris, Dublin ou Édimbourg.
- — Normal, ils étaient alliés.
- — Mis à part qu’Angela se retrouva un jour enceinte. La maman ne dévoila jamais le nom du père, mais ne put jamais arrêter les supputations. Surtout que la petite fille avait un farouche air de famille avec Philibert. D’ailleurs la petite se nomme Fleur. Nom de la grand-mère de Philibert.
- — Je trouve cela mignon.
- — Oui… Quelle chance il avait, ce Philou !
(1) Merci à Frédéric Dard. Retour
(2) L’abus d’alcool nuit à la santé. Note de l’auteur. Retour