Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 16487Fiche technique27116 caractères27116
Temps de lecture estimé : 16 mn
29/10/14
Résumé:  Wilfried et le corps des femmes.
Critères:  collection nonéro -articles
Auteur : Fredelatorsion            Envoi mini-message
La quête du sein gras

Comme la plupart de ses frères en ce monde, à peine sorti de l’enfance Wilfried a été fasciné par les formes des filles. Ce fut très soudain et demeure dans son souvenir comme si c’était arrivé du jour au lendemain. En fait, la chose a dû prendre quelques mois, au cours desquels il a continué à s’occuper de ses petites voitures et de son train électrique, tandis qu’il se mettait à apprécier les contours et les volumes, à mentalement soupeser et calibrer, à évaluer la consistance de ce qu’il n’avait jamais vu ni touché et qui le remplissait de curiosité.


Il était bien trop respectueux de ses petites camarades pour les molester d’une façon ou d’une autre, mais il souffrait le supplice de Tantale. S’il avait pu, il aurait passé son temps à mater et à palper.


Et que dire de l’état de perturbation émotionnelle où le mirent ensuite les petits hauts moulants et les jupettes, ne parlons pas de la mode hivernale de la fin des années 60 : mini-jupes et cuissardes Courrèges, surtout portées sur des cuisses un peu fortes. Car c’est aussi à ce moment-là qu’il prit conscience d’aimer la chair ; il réalisa que les silhouettes féminines qui le transportaient d’enthousiasme étaient toujours chargées de quelque surabondance, judicieusement répartie. Ce goût pour une relative prospérité ne l’a jamais quitté. Il apprécie toujours grandement les richesses du corps féminin.


En ces temps lointains il ne se préoccupait que de la rondeur des filles et que de la vibration de leur chair. Il se régalait de fesses mobiles, de cuisses dodues, de ventres tendres et douillets, de gros seins ondoyants qui lui paraissaient exprimer la féminité dans ce qu’elle avait de plus pur, de plus authentique. Il n’était pas le seul.


Un ami d’âge mûr lui raconta un jour la véritable fascination que lui-même éprouvait alors pour les seins des femmes et comment il les imaginait, les fantasmait, car il était exclu d’en voir, même en image ; ça n’existait tout simplement pas ! Et pour donner un exemple de la rigidité de ces temps, une présentatrice nommée Noëlle Noblecourt se fit virer de la télé, juste parce qu’elle était apparue à l’écran dans une jupe jugée trop courte et qui, au vrai, était à peine « mini ». Enfin, c’est ce qu’on nous a raconté. En réalité, il paraît qu’elle s’était refusée à un potentat qui la harcelait.


À présent vous allez protester :



Bonne question ! Tout ce qu’on peut dire, c’est que Wilfried n’a pas choisi son attitude et qu’il n’a sciemment blessé personne. Toutefois il reconnaît bien volontiers, du haut de l’expérience accumulée, que la vie des jeunes filles désirables, du moins celles qui sont sentimentales, ne doit pas toujours être facile tant que les jeunes mâles n’ont pas achevé leur parcours initiatique. Oui, parce qu’un jour on tombe amoureux fou, alors qu’elle est très mince et peine à remplir des bonnets B. Que s’est-il passé ? Le chien fou est devenu un homme.


En attendant que la métamorphose s’opère, Wilfried sélectionna ses rencontres de bien étrange façon. Il visait les jolis visages, les silhouettes harmonieuses dotées, autant que possible, d’une jolie rondeur, mais la condition sine qua non, c’était la présence d’énormes nichons. En tant que teenager, il axa donc ses recherches sur les exigences de ce paramètre. Et des gros nichons il en trouva, faut pas croire, mais pour sa grande confusion, il trouvait aussi ce qui allait avec : une jeune femelle avec des idées, des goûts, des projets, un caractère et surtout un intérêt pour lui dont il ne savait que faire, puisque l’individu n’était jamais pris en compte.


Avec les filles qui n’étaient pas désirables, du moins pas susceptibles d’être désirées par lui, Wilfried ne fut pas tendre, au sens où il les ignora purement et simplement, les traitant comme quantité négligeable.


Pendant un temps, ce jeune crétin se fourvoya donc lamentablement dans une relation à l’autre qui ressortissait à une espèce de schizophrénie subaiguë. Et c’est probablement parce qu’elle empêchait toute relation suivie qu’elle l’en fit demeurer au stade oral. De sexualité achevée, complète, « adulte » comme on dit, il n’y fallait point songer, en dépit de l’évidente bonne volonté de ses partenaires. Il était donc dans l’ordre des choses que ces expériences échouassent. Les plus indulgents en concluront que ce garçon, foncièrement gentil mais pitoyable, n’était pas prêt pour autre chose ; pourtant, il ne peut s’empêcher de culpabiliser.


Wilfried a donc toujours préféré les rondes. Pas les grosses, non, mais les rondes, les filles charpentées, potelées, un tantinet grassouillettes. Il ne s’est jamais posé de question, c’étaient toujours celles-là qu’il regardait en premier, c’était comme inscrit dans sa génétique. Faut-il s’étonner qu’il ait ensuite épousé une fille très mince ? Ah, l’amour… Enfin, il est vrai qu’elle n’était pas vraiment mince de partout…


Privilégiant les rondes et les trouvant authentiquement belles, il a toujours été étonné de n’avoir jamais connu de femme qui ne se soit trouvée grosse et n’ait prétendu devoir perdre des kilos, fussent-ils deux.


Le test comment je me vois, comment je voudrais être, comment je suis est révélateur, elles se voient toutes plus grosses et se voudraient toutes plus minces qu’elles ne sont en fait. C’est comme un théorème qui définirait la féminité à l’intérieur des limites d’une insatisfaction permanente dans la relation au corps et à sa ligne.


Or en l’occurrence, aucune ne parle jamais de se sentir belle, encore moins d’être plus désirable au regard des hommes. Non, dans cette affaire le regard masculin est comme exclu, toute femme bien née ne s’activant, chanson bien connue, que pour « se sentir bien », « se sentir mieux dans sa peau », que pour « pouvoir s’habiller » ou pour « se plaire… à elle-même ! ».


La première se pourrit périodiquement la vie en régimes divers, elle se désespère à l’approche de l’été, en vient à haïr la piscine ou la mer, parce qu’il va falloir exposer à la vue du monde un corps qui n’est pas parfait. À la plage, elle conserve une espèce de culotte turque couvrant de la taille au genou des rondeurs magnifiques. La seconde ne met que des maillots une-pièce au prétexte qu’elle a une poitrine superbe, sa voisine agit de même parce qu’elle est plate, la troisième à cause de ses gros genoux.


Le maillot une-pièce serait-il donc censé cacher les gros seins, les petits seins et les gros genoux ? Non, c’est autre chose. On y a recours par principe, en vertu d’une codification selon laquelle le deux-pièces étant réservé à la perfection orthonormée, le porter en dehors de ladite perfection serait inconvenant et socialement inacceptable. La honte, quoi ! Le maillot une-pièce, au contraire, sanctionne l’adhésion à un système de valeurs où la femme dûment socialisée reconnaît ses imperfections et son état d’infériorité. Il y a longtemps que Wilfried en a tiré la conclusion qui s’impose : la beauté n’est pas une donnée de fait, c’est une démarche intellectuelle.


Les vierges du Moyen-Âge aux fins cheveux blonds et crépus dégageant un immense front bombé, nous montrent un corps gracile à la carrure étroite mais au vaste ventre arrondi, elles sont entièrement tournées vers la maternité. Ces belles dames du temps jadis ne nous diraient pas grand-chose aujourd’hui…

Les peintres de la Renaissance, du moins ceux qui ont aimé les femmes – ils ne sont pas légion – nous montrent des beautés qui ont nettement gagné en prospérité et qui, de fait, parviennent au stade de la sensualité.

Le XVIIIème sera le siècle des ventres, des larges hanches grasses assorties de fesses étrangement modestes, mais surtout celui des « cuisses de nymphe », énormes et lourdement cellulitiques.

Les femmes de l’empire souligneront des seins ronds mais de taille raisonnable par une robe longue, droite et plissée façon colonne grecque, sachant qu’il était de très bon ton que la courbe du ventre pointe hardiment sous les plis de l’étoffe.


L’extravagance en termes d’ampleur mammaire ne remonte somme toute qu’à l’après-guerre, juste à temps pour que Wilfried en profite.

Nous vivons actuellement sous la dictature de la maigreur bio et c’est le porte-manteau maladif, gloire des passerelles mondaines, qui donne le ton. En foi de quoi toutes les femmes se trouvent grosses et toute une population de filles équipées au-delà du bonnet C rêve de mutilation et ambitionne d’énormes cicatrices.


Sur le plan physique il n’existe en fait que deux archétypes de femme, qui s’opposent l’un à l’autre. Vous tracez une droite qui, comme chacun sait, est courbe. À une extrémité se trouve la gazelle ; elle est légère, sportive, rapide, souple, mobile et facile à porter, à déplacer, à replacer, bref, on n’en dira pas davantage… À l’autre extrémité vous avez la percheronne ; elle est charpentée, solide, charnue, fréquemment porteuse de caractères sexuels secondaires affirmés, en général très endurante, mais lente et peu mobile.


Placés en condition de choisir, les hommes se déterminent en déplaçant le long de la droite un curseur mental qui les amène à un idéal personnel, lequel est en général situé à peu près à mi-chemin entre les deux extrêmes, mais se fixe en réalité plutôt d’un côté ou de l’autre. Les hommes désirent-ils tant que ça l’ultime perfectionnisme de la perfection parfaite ? Rien n’est moins sûr… Bref, passons.


Alors ? Ces hommes d’aujourd’hui à qui personne ne demande jamais leur avis puisque, par définition, leur regard n’est censé compter pour rien, que pensent-ils de l’embonpoint féminin ? Préfèrent-ils la minceur ? Eh bien en dépit des modes, des images qu’on leur impose, des représentations qu’on leur inflige, les hommes n’ont pas vraiment de préférences. Ils pensent une chose, en disent une autre puis en font une troisième, parfois à leur corps défendant. Il y a celui qui adore les rondes mais qui sort avec un sac d’os parce qu’il s’imagine qu’on va se moquer de lui si on le voit avec une nana qui a des formes. Le même bonhomme va passer d’un échalas à une obèse avec une extrême facilité, s’il est motivé par les sentiments ou par toute autre espèce de nécessité.


À dire vrai la variété est primordiale, elle nous est aussi indispensable que l’air que nous respirons. Si toutes les femmes étaient faites comme Christina Hendrix, plus personne ne passerait des heures devant Mad men, rien que pour voir la belle et juteuse rouquine évoluer dans toute son opulence. Car quoi qu’on en pense, il y a une esthétique de la graisse, alors que Wilfried serait bien en peine de parler de celle du dessèchement. Si tant est qu’il y en ait une, elle lui est radicalement étrangère. Faut-il expliciter ?


Qu’est-ce qui fait la différence entre une belle femelle ronde, bien en chair, dodue, gironde, pulpeuse, prospère, juteuse et une grosse, un boudin, une dondon, une bouffie, un gros tas, un gros sac, ou toute espèce d’appellation indélicate et plus ou moins injurieuse, réservée aux femmes fortes ?

La cellulite ? Erreur ! Les hommes savent tous de quel bois la féminité est faite, et même les championnes de tennis minces et musclées n’échappent pas au destin commun. Wilfried pense d’ailleurs que tout homme qui ne supporte pas la cellulite n’aime pas vraiment les femmes et sur le net, les succès des « PAWG » et autres « booties » se comptent en millions de visiteurs. Non, en l’occurrence, deux facteurs ont une importance considérable.


Premièrement, il est dommageable que l’embonpoint se porte sur le visage, en particulier sur la mâchoire inférieure. Deuxièmement, ce qui attire l’œil, ce sont les formes. Pour qu’une ronde garde toute sa capacité de séduction il faut que sa taille reste bien marquée. Ça ne veut pas dire qu’elle doive être fine, on ne peut pas faire de miracle. Mais si une femme plutôt forte a encore la taille marquée et les hanches dessinées, elle sauve tranquillement les meubles.


Le ventre peut être avantageux, certes, couvert, bombé, potelé, confortable, rembourré, douillet, velouté, replet, mais pas davantage. Une panse ne saurait plaire, en revanche, un ventre galbé par un garnissage tendre et moelleux peut être absolument ravissant et délicieux à caresser, à bisouiller, à gentiment et langoureusement masser, à mordiller. S’ils avaient encore voix au chapitre, ce ne sont pas Giorgione ou Ingres qui diraient le contraire. Allez donc voir le « Concert champêtre » et « Le bain turc » !


Quand on en vient, pour un motif ou un autre, à exploiter des ressources érotiques qui sortent de l’ordinaire, cette partie stratégique du corps féminin peut d’ailleurs justifier de traitements plus sévères actuellement très à la mode, justement parce qu’au contraire du cul, elle est particulièrement délicate, sensible et vulnérable. Entendons-nous bien, il est exclu de malmener en quelque manière le ventre des femmes, mais par exemple, quitte à faire endurer le martinet à une partenaire complaisante, pourquoi ne pas le solliciter, histoire de changer de cible ?


Pour Wilfried, il ne saurait être question d’infliger une souffrance vraie. Il adore jouer avec le corps des femmes ; jouer, au sens propre. En l’occurrence certaines sont demeurées totalement imperméables à ses fantaisies, d’autres se sont révélées assez joueuses et une fois mises en confiance, ont laissé à peu près libre cours à ses lubies, vestimentaires ou autres. Il comprend très bien qu’on ne puisse l’inviter à une « réunion sextoys », car ces dames seraient paralysées par sa présence. Mais comme il aimerait être une petite souris au moment du test des crèmes clitoridiennes, histoire de voir la tête que font certaines…


Il aurait tout à fait compris que l’une d’elles, un beau jour, lui demande la réciproque, mais aucune, jamais, n’a exprimé le désir de s’amuser avec son corps masculin. Curieux ! Ça ne marche que dans un sens… En revanche Wilfried n’a jamais eu et n’a toujours aucun goût pour la douleur en soi et la souffrance du corps, ni pour lui-même, ni pour autrui. Il ne saurait prendre aucune initiative hors du désir, de la complicité charnelle et de la tendresse partagée.


La situation se compliqua pourtant un jour, lorsqu’une jeune fille belle et saine demanda explicitement à Wilfried de la frapper et pas pour rire. Cela ne se produisit qu’avec elle, mais elle le lui demanda sans détour, comme ça, à brûle-pourpoint. Pas tout de suite à vrai dire ; elle attendit qu’ils fussent en confiance. À moins qu’elle ait patienté en attendant qu’il comprenne tout seul ? Ou alors voulait-elle s’assurer qu’il n’était pas pour autant homme à la massacrer de coups ? Car sa demande aurait pu passer pour osée, compte tenu du gabarit de Wilfried et de sa force physique.


À l’époque il n’était pas assez libre dans sa tête pour envisager qu’on pût avoir des attentes différentes des siennes. Obtus, il refusa, et de la frapper et d’en parler. C’était pourtant bien de son plaisir à elle qu’il s’agissait. Quitte à se voir signifier un refus, cette fille franche et confiante méritait qu’ils affrontent ensemble cette question. Elle se heurta à un mur. Ce bon garçon avait parfaitement intégré que la violence à l’encontre d’une femme était inacceptable, il n’allait pas revenir dessus, même pour faire plaisir à celle-là.


Sur le fond il n’a pas changé, mais il a appris la nuance. Il fait mieux la part des choses et puis, on lui a refusé des désirs et des plaisirs, à lui aussi… Bref, il regrette son préjugé. Il trouverait sans peine aujourd’hui un modus vivendi pour lui donner satisfaction sans pour autant lui faire du mal ; gageons qu’elle n’en désirait pas davantage. Ce n’était après tout qu’une question d’ouverture mentale et Wilfried a désormais les idées plus claires. Enfin, c’est ce qu’il lui semble.


C’est une chose de s’amuser avec un corps qu’on vous abandonne à cette fin ou d’explorer prudemment l’ambiguïté entre plaisir et douleur avec une complice de choix. C’en est une autre de torturer une victime humiliée et soumise. Il s’agit là de deux types d’activités qui ressortissent à deux positions de vie antagonistes. De prime abord elles semblent apparentées, en réalité elles sont totalement incompatibles. Entre les deux il n’y a pas une frontière, il y a un univers, celui de la santé mentale. Et n’en déplaise aux amateurs comme à Madame James, on ne passe pas incidemment de l’une à l’autre.


Un souvenir de la vingtaine remonte soudain. Une copine petite et rondouillarde, aussi vrai que les filles à gros seins étaient souvent un peu grosses de partout, voulait toujours que son ventre grassouillet s’orne ici ou là de la marque des dents de Wilfried, une marque bien bleue qu’il fallait renouveler dès qu’elle s’effaçait.

Même s’il avait toujours peur de mordre trop fort, cette pratique ne lui déplaisait nullement, si bien qu’il envisagea un temps de l’appliquer aux impressionnants nichons qui se balançaient doucement un peu plus haut. La fille n’avait pas dit non, mais il la sentit quelque peu réticente – il faudrait qu’il y aille doucement et qu’il s’arrête dès qu’elle dirait « stop » –. On n’eut pas l’occasion d’essayer…


S’offrant bravement à ses crocs en pinçant d’elle-même un bourrelet à mordre, elle mettait un point d’honneur à ne pas être douillette, serrait les mâchoires et ne protestait jamais, jusqu’à cette fois où elle eut des sanglots en massant son tendre et moelleux rembourrage victime d’une morsure maximaliste, faite d’un commun accord « pour voir ». Pour le coup, « on voyait » ! Dans la chair meurtrie on comptait, une par une, toutes les dents de Wilfried. Les larmes aux yeux, elle le rassura en lui disant qu’elle allait bien et que c’était ce qu’elle voulait. À d’autres… !


Très mal à l’aise, Wilfried admira le courage de la fille mais ne le prisa guère. En fait de baume il ne trouva dans sa salle de bain qu’un lait hydratant, mais il fit l’affaire. Puis il entoura tendrement sa copine pour lui faire oublier ses misères, s’épuisant en elle jusqu’à finir en quenouille devant sa fleur saccagée.


Il la revoit encore s’étirer comme une grosse chatte, esquissant un léger massage de son bijou, comme pour tout bien remettre en place. En dépit de ses douces protestations, et encore qu’elle le rassurât en l’assurant qu’il avait assuré, il n’en continua pas moins de la consoler de son malheur, jouant longuement et intensément des lèvres et de la langue jusqu’à ce qu’elle crie grâce, le regard brouillé, les cheveux collés au front, les traits tirés. Ça, en revanche, c’était un genre de supplice qu’il aimait infliger aux femmes… quand elles se laissaient faire. Mais celle-ci appartenait à cette sorte de filles douces et vulnérables qui ne vous refusent jamais rien.


Sachant désormais à quoi s’en tenir, il en revint à des coups de dents plus modestes qu’il lui dosa savamment, abandonnant radicalement l’idée de s’en prendre à son imposante mais tendre laiterie… Il la quitta pour une plus belle et s’en mordit bientôt les doigts. Quand il voulut revenir, un autre avait commencé à tendrement la supplicier, qui se la garda précieusement.


Bref, une femme ventrue avec une grosse bouille a perdu une bataille… si elle n’a perdu la guerre, tandis que pour une taille et un poids absolument identiques, sa voisine va pouvoir jouer les tombeuses, aussi vrai que dans l’expression plaisirs de la chair, il y a le mot chair. En réalité, le désir purement physique qu’on peut avoir de toucher un corps est imputable à la conformation et à la répartition, plutôt qu’à la masse et au volume brut. Il vaut donc mieux travailler le corps féminin pour le sculpter, autant que faire se peut, que l’exténuer en privations imbéciles. Si la minceur est gage de santé, elle n’a que peu à voir avec la séduction.


Étant étudiant, Wilfried avait un super boulot d’été. C’est sûr, il fallait être sérieux, travailler le plus souvent la nuit, mais ça lui plaisait vraiment. Avant d’attaquer, il devait passer à la cabine et se signaler au chef. En face, il y avait un bureau où, dans la journée, travaillaient huit ou dix femmes de tous âges.

Il a encore devant les yeux celle qui l’a fait vibrer et n’en aura jamais rien su. Elle porte une alliance. Quel âge peut-elle avoir ? 35 ans ? 37 peut-être ? Sans doute a-t-elle des enfants. Féminine et soignée jusqu’au bout des ongles des orteils, grand gabarit, forte charpente, cheveux aile-de-corbeau d’une propreté méticuleuse et qui descendent en boucles souples et brillantes, sourire avenant, regard noir, pommettes hautes, lèvres charnues, une bonne poitrine et un cul d’enfer. En vérité, quelle superbe plante !


Un soir, elle rentre du travail et il va prendre son service ; il s’arrange pour la suivre à six ou huit mètres de distance, le long des voies de chemin de fer. Il a encore devant les yeux le ballet gracieux des hanches prospères et des grosses fesses qui valsent et vibrent sous une petite robe d’été s’arrêtant au genou, toute simple, toute légère, à fleurs, tonalité rouge et jaune, bien serrée à la taille.

Connaissant les femmes, Wilfried est aujourd’hui certain que celle-ci n’aime pas beaucoup son corps ; pourtant elle ne le camoufle pas sous un sac à patates. Avec une certaine force de caractère elle le prend comme il est, et puis voilà. Ça vous plaît, tant mieux, ça vous plaît pas, tant pis !


On est à 10.000 lieues de la représentation orthonormée des perfections féminines. Au contraire, l’énergie du pas donne à ce cul ballonné et vadrouilleur des allures presque obscènes. Quoi de plus normal ? Ce chahut charnel est un appel, et il résonne des exigences de survie de l’espèce. Wilfried a été programmé pour y être sensible, pourtant l’appel date de plusieurs millions d’années ; il vient du fond des âges et touche un cerveau reptilien qui ne connaît pas le langage, qui ne structure aucune pensée formulée grâce à l’architecture des mots et de la syntaxe. Il ne connaît que des impulsions et des sensations brutes liées à trois fonctions : se nourrir, se reposer, se reproduire. Or il est encore assez présent pour que Wilfried sache interpréter son message :


… coucher cette femelle quelque part et la couvrir. Si forte soit-elle, la nature t’a donné l’avantage, elle n’y coupera pas. Dans ce cul magnifique, il y a de bonnes réserves pour assumer une grossesse et l’allaitement qui vient derrière, même en cas d’extrêmes privations. Alors vide-toi dans ce ventre fertile et assure la prochaine génération.


Il la laissera sitôt repu et ils continueront à baguenauder, chacun de son côté. L’état de nature se fiche pas mal du bonheur des êtres, seule la survie de l’espèce l’intéresse.

Mais en deux ou trois millions d’années les choses ont bizarrement évolué. Un énorme cortex est venu coiffer le minimaliste cerveau reptilien ; un cortex plein de conscience de soi, plein de socialisation, d’affectivité, de morale et de respect pour l’autre. Du moins quand les choses se passent bien…


On l’aura compris, Wilfried préférerait se couper une main plutôt que de faire du mal à une femme. N’empêche, il sait très bien pourquoi et au nom de quoi il suit celle-là ! Oui, il faut en prendre son parti, voilà pourquoi il marche derrière elle, voilà pourquoi le spectacle est aussi splendide, expressif, motivant, appétissant en diable !

Lacan disait que les caractères sexuels secondaires de la femme n’étaient rien d’autre que les caractéristiques physiques de la reproductrice. Techniquement il avait raison, mais cette constatation ne suffit pas à définir l’être féminin, pas plus que la chasse ou la guerre ne définissent le masculin. Si c’avait été le cas, si la gestation suffisait à légitimer la féminité dans son ensemble, Wilfried ne se serait pas senti aussi gêné pour aborder celle qu’il désirait. En admettant qu’elle n’ait pas envoyé paître un amant potentiel, a fortiori un tout jeune homme, il aurait passionnément, sauvagement, tendrement baisé son généreux corps de femelle.

André Breton disait :



Mais la voici qui bifurque et prend la direction des escaliers qui descendent dans la rue. Elle va retrouver ses enfants, son mari… Sont-ils toujours amoureux l’un de l’autre et font-ils encore des folies ? En sont-ils au SMIC conjugal, deux fois un morne quart d’heure par semaine ? Allez savoir… Il la voit descendre et disparaître de sa vie. Il décide d’accepter l’idée qu’il en souffre ; elle, de son côté, doit se demander ce qu’elle va faire à dîner ce soir.


Wilfried n’a jamais pu oublier cette femme sublime. Jusqu’à son dernier souffle, ses longs cheveux noirs, souples et brillants joueront devant ses yeux, son gros cul chantera, dansera et palpitera délicieusement dans les rayons du soleil couchant.