Nous sortions de l’exposition Sade et Juliette me dit :
- — Tu sais qu’il y a toujours deux bouts à un bout ; c’est Raymond Devos qui le dit.
Je lui réponds, comme Rabelais, que le seul bâton qui n’a qu’un bout, je l’ai entre les jambes. Elle me réplique que ses seins n’ont aussi qu’un bout mais que comme elle en a deux, il y a bien deux bouts. Et qu’ils sont fichtrement dressés après les tableaux déliquescents et orgiaques que nous avons vus.
- — Vrai, lui dis-je, voilà une visite d’exposition qui tranche avec d’autres qui paraissent longues comme un jour sans pine. Mais en même temps tout cela reste tellement intellectuel… Annie Lebrun a réussi une très belle organisation de l’exposition, fort curieuse et même titillante. Mais avoue qu’on devrait passer à l’action avant de sortir du Musée d’Orsay. Imagine un peu. Tu prendrais mon gland d’une main gantée de velours et tu me promènerais ainsi de dessins sadiques en croquis obscènes. Il faudrait prévoir qu’on déchargeât dans la dernière salle.
- — Et moi, alors, à part faire promeneuse de gland ?
- — Évidemment, on échangerait à intervalles réguliers sous les indications du guide : Mesdames, désormais faites en sorte que votre con soit accessible au doigt diligent de votre compagnon, car c’est lui qui mènera désormais la visite. Celles d’entre vous qui ont eu l’idée saugrenue de venir en pantalon devront le descendre et terminer la visite entravées. Les autres peuvent ranger leur culotte dans leur sac. Merci pour votre compréhension.
- — Oui, me dit Juliette, c’est intéressant, mais cela reste toutefois un peu banal : les couples se suivent et se connectent comme des chargeurs de batteries. D’ailleurs, tu ferais mieux de me prendre par la pastille. Comme ça, au lieu de te suivre comme un petit chien attaché à ton bras en guise de laisse, je passerais devant toi et ce serait plus galant.
- — Oui, mais tu comprends, le guide est certainement un peu guindé et il ne se permettrait pas de nous suggérer ce doigté anal. Ce qui est vrai, pourtant, c’est que cela reste insuffisant, quelle que soit la connexion. Si l’on veut vraiment rendre l’hommage qu’il mérite à cet esprit aussi libre que libertin, il sera nécessaire que tes fesses souffrent un peu en passant devant les vits enragés des moines lubriques.
- — Je me prêterais volontiers à être fouaillée, mais il faudrait effectivement que ce soit par un moine, nu sous sa bure et découvrant sa burette à chaque fouettée. Si c’est toi qui me flagelles, franchement cela ne dénotera qu’un manque d’imagination.
- — Je pense que les organisateurs ont prévu au moins quelques cénobites pour seconder nos bites. Bon, tout cela commence à prendre tournure, mais il va falloir qu’on foute, et qu’on foute à tour de bras. Foutons ! Foutons ! Foutons ! J’ai vu qu’il y avait des fauteuils pour qu’on regarde les dessins délicieusement pervers de Masson. Il suffit que tu viennes t’asseoir sur mon braquemart et on foutra en paix. Faisons le tire-bouchon américain. C’est la toquade de toutes les lubriques. S’asseyant à cheval sur la pine et s’appuyant sur le dos de la chaise, elles se font entrer ledit bouchon dans la chatte tant qu’elles peuvent ; le tirent, se renforcent dessus, jouissent comme des carpes pâmées et s’en donnent ainsi jusqu’à ce qu’elles soient tout à fait échinées. En moins de six coups de cul, tu te verras arrosée de la liqueur amoureuse. Oui, il faudra décharger ! Ce n’est pas une exposition où il faut se retenir comme une rombière craignant de péter. Ha ! La brise de la pastille…
- — Mais, me rappela Juliette, comment évoquer le divin marquis sans qu’il soit question de cruauté ? Bien sûr, mon cul flagellé a souffert de quelques morsures, mais bon, juste de quoi inonder mon entonnoir ? Pour l’instant, nous en sommes réduits à des jeux de salon. Nous avons besoin, mon cher, de retrouver cette violence alors que nous sommes dans une période aussi fade que l’autre était faste et que tout excès semble réservé aux seuls supporters de football.
- — D’accord, ma ribaude, mais il faut procéder par étapes. Dans un premier temps, contentons-nous d’éveiller le désir, d’actionner nos pistons, de les huiler allégrement, pour voir si tout fonctionne au quart de poil de motte. Ce n’est déjà pas si simple. Souviens-toi la première fois que tu m’as montré ta boutique, tu as trouvé un bon client. J’ai mangé l’anguille sans la sauce, pour éviter que tu sois une fille perdue avec un enfant trouvé, mais l’émotion quand tu as perdu ta tirelire était telle que nous étions fous de désir. Alors regarde les tableaux de Gustave Moreau et dis-moi que cela ne te fait pas frissonner dans le bas du dos. Parce qu’on peut baiser et rebaiser, mais s’il manque le désir, alors on se sert de l’autre pour se masturber, c’est tout. Si je suis chaud de la pince, si j’aime chanter l’introït et si je te badigeonne soir et matin, c’est que le désir me prend, le désir de toi, tout simplement.
- — Bien, mon colon, je suis dans le même topo, puisque je laisse aller mon chat au fromage. Tu es mon laboureur. Mais il est temps de passer à la deuxième étape. J’aimerais trouver dans cette exposition un homme et une femme nus et attachés face à face pendant toute la journée. La femme mangerait dans la bouche de l’homme et l’homme pisserait dans la fente de la femme. Sous la poussée d’un doigt (ou d’un membre) dans son anus, il banderait par instant et on pourrait vérifier la pénétration en glissant sa main entre les deux ventres. Il faudrait que les deux soient sales, souillés, dégoulinants de sueur, d’urine et de sperme. La souffrance se lirait dans les saillies des muscles endoloris. Mais attention ! Je ne veux pas d’un couple érotomane à deux sous qui prendraient leurs pieds dans le masochisme sordide. Il importe qu’ils ne se connaissent pas ! Parce qu’on supporte tout quand on connaît la personne. Ils ne se connaissent pas et ne se reverront jamais.
- — Juliette, que ta mise en scène me fait envie ! Par moments, tu es une louve ! Je sors mon oiseau pour te montrer son degré de longitude. Seulement tu as mis les enchères bien hautes et je dois pourtant aller de l’avant… Par exemple, prenons ce tableau de Cézanne intitulé « Femme étranglée ». Il est magnifique, mais contempler la cruauté, la violence, c’est une chose. L’organiser en est une autre. D’ailleurs, Sade, contrairement à ce que l’on croit, n’a que peu mis en pratique ses fantasmes. Finalement, dans le fond de ses prisons, il se libérait simplement avec sa plume en imaginant les pires sévices. Mais en allant jusqu’au bout, alors que jusque-là on s’arrêtait vite en chemin. Franchement, je ne sais même pas si une décapitation fait bander. Une pendaison, oui ; mais pas ceux qui regardent… Sade est le philosophe des lumières noires, c’est pourquoi l’exposition s’appelle…
- — Attaquer le soleil ! Alors pour passer à l’étape suivante, je pense au bronze de Rodin…
- — Minotaure et nymphe . On verrait au centre de la pièce suivante une fille toute jeune possédée par un monstre mi-homme, mi-animal et personne ne saurait s’il s’agit d’un être humain ou d’une bête, tant l’atmosphère serait lourde, les grognements inquiétants et la visibilité réduite. La nymphe est pénétrée et son sexe lisse comme la pierre semble un volcan en pleine éruption. Elle hurle à plusieurs reprises, le sang dégouline sur ses jambes. Le Minotaure n’a aucune pitié et de ses griffes il laboure son ventre et ses fesses. Il bourrique et transforme en paillardant la nymphe en nymphomane. Elle vient s’offrir sanglante aux visiteurs priapiques dans un rire infernal, pendant que le Minotaure s’enfonce dans le dédale secret de la gare d’Orsay.
Mesdames et Messieurs, nous allons maintenant aborder la dernière salle. Nous vous demandons de ne plus enconner, mais désormais de foutre en cul. Vous trouverez dans le clair-obscur de cette fin d’exposition, un cercle composé de jolies croupes masculines et féminines. Toutes sont tournées vers l’extérieur et prêtes à tous les assauts. Nous tenons à la disposition des dames à l’âme foutative de beaux mandrins, phallus de cuir ou de velours, dont elles pourront s’équiper. Une dernière chose : la direction a tenu, tout en restant dans l’esprit du marquis, à faire un petit cadeau à nos visiteurs. Comme vous le savez, Sade estimait que la sodomie était réussie si la verge se retirait couverte de matière fécale. Aussi ceux et celles qui auront la chance d’enculer en ayant le dard maculé se verront remettre une invitation gratuite pour la prochaine exposition. En vous remerciant de votre visite, je me permets de vous rappeler le classique : n’oubliez pas le guide.
Là-dessus, il se décalotte et prend avec courtoisie quelques offrandes de lèvres gourmandes sur sa pince instruite. Nous pénétrons dans ladite salle et découvrons ce cercle de culs ouverts à notre gré. Au milieu trône un vieil homme dont les testicules tombent aux genoux. Le membre bandoche et oscille comme un yoyo à la retraite. À la première sodomie qu’il contemplera en pleurant, il pissera sa semence translucide comme de l’eau de Lourdes, mais rappelons-nous Picabia : même l’eau de Lourdes peut dépanner une automobile.
Je m’approche de ces trous en formation. Juliette est enchantée de son godemichet hollandais en forme de tulipe. On palpe les fessiers sans ménagement et on choisit le plus accueillant. Je pénètre avec force et régularité ; mes couilles, mes témoins à décharge, battent la compagne. Au bout d’une bataille conclue par une explosion fondamentale, je me retire néanmoins vaincu. Pas le moindre bout de merde sur le pinceau. Juliette a plus de chance, elle ira voir toute seule l’exposition des grands maîtres de l’art brut.