n° 16513 | Fiche technique | 12556 caractères | 12556Temps de lecture estimé : 8 mn | 18/11/14 |
Résumé: Alfa est ma femelle. Mais il me faut aussi la mériter. | ||||
Critères: grp amour cérébral conte portrait | ||||
Auteur : Minuitdixhuit Envoi mini-message |
Le vieux métayer du domaine voisin me mettait en garde, d’une voix au timbre soucieux et à l’haleine aigre, mais sa prévenance paternaliste me faisait sourire. Ma réponse l’avait interloqué :
Il en était devenu muet de perplexité. Il avait regardé ses pieds puis le ciel bruyant à l’horizon, puis à nouveau ses pieds en faisant tourner entre ses doigts, dans un sens et dans l’autre, son béret de feutre délavé, jusqu’à ce que :
Alfa, ma femme, vient de la ville ; elle en a l’imagination, mais aussi la perversité et la frivolité. Si ses vêtements sont luxueux, diaphanes et scandaleux, si ses déhanchements sont peints de couleurs criardes, ses narines poudrées de traces blanches et ses phalanges cerclées de bagues rutilantes, c’est parce qu’à la cité les filles déambulent ainsi pour être reconnues.
Alfa vit à la campagne ; elle en a l’instinct, mais aussi la cruauté et l’imprévisibilité. Si ses haillons sont humbles, déchirés et obscènes, si sa démarche est teintée d’incandescence, ses lèvres humides de pulpe brasillante et ses poignets libres de fers forgés, c’est parce qu’aux champs les femmes ondulent ainsi pour être respectées.
Elle est bien jeune et bien jolie, c’est vrai ; et quand elle passe parmi les ouvriers, les cheveux en crinière, la chemise ouverte, la jupe soulevée par le vent, conduisant le tracteur, cela les excite, cela les énerve. Et ils finissent par se battre entre eux. Mais c’est la meute qui s’est organisée ainsi. Dans les rangs de vigne, les athlètes imbéciles portent les lourdes charges en titubant dans la boue. Les crédules aux bras maigres, courbés sur leur besogne, taillent, piochent, obéissant aux injonctions des plus forts, armés de poings et de gueules de chiens. Quelques femmes y travaillent aussi, plus patientes, plus scrupuleuses, sous les brocards des portefaix. Frêles, elles ne seront servies que de peu de soupe.
Dans les murs, les vieux jupons chevrotants cuisent des oignons et du pain dans des marmites noires. À côté, les à peine femmes, au ventre déjà reballonné, allaitent les derniers de la lignée des remplaçants en babillant des litanies. Au lavoir, les plus jeunes des filles, en s’esclaffant de naïvetés, se baignent nues en aromatisant leur corps et leur linge de voluptés ostentatoires. Derrière les arbres, les coquelets à la crête tendue exorbitent leur regard torve et exultent leur refoulement en gloussant des obscénités fornicatoires. À l’écart dans les fossés, mendiant d’un gobelet de fer vide, les autres, qui ne sont pas de la fête, attendent qu’un plus vieux, qu’une plus faible s’effondre en leur abandonnant sa part de soupe.
Tous se gavent des promesses de quelques bonimenteurs les assurant d’un paradis dont ils ont, au préalable, soigneusement cloué la porte. Et des coteries discourantes revendent à la meute, pour son sommeil, la paille rêche qu’elle-même a semée, germée, coupée, battue et rangée dans la grange. Eux garderont pour leur service de notables les épis mûrs et s’endormiront sur la laine épaisse des tapis. Et la meute, unanimement, applaudit.
Certains soirs, après le travail fini, Alfa s’assoit derrière l’embrasure de la lucarne du grenier et regarde les hommes se battre dans la cour des porcheries. Elle sait qu’ils se déchirent pour elle, pour une parole d’elle, pour un silence d’elle, pour une jalousie ardente, pour me la prendre, la posséder et dominer à leur tour. Ils sont torse nu, pieds nus et se cognent à mains nues. Leur peau se marbre de sueur animale et leurs veines se gonflent de furies palpitantes. Leurs ongles lacèrent les chairs, leurs dents broient les os. Leur tête se transforme peu à peu en masse borborescente, tuméfiée de violet. Les femmes, en cercle, les exhortent en poussant leurs cris, les invectivent en tendant leur doigt, les excitent en agitant leurs seins, les insultent en exhibant leur cul et en grattant les poils de leur sexe. Elles lanceront en ricanant des mottes de terre pétries d’excréments au visage des vaincus.
Le matin suivant, Alfa longe les rangs de vigne, plus troublante, plus échevelée et plus déshabillée par le vent des instincts que jamais. Ils retirent tous leur chapeau. Et le regard qu’elle porte sur le vainqueur de la veille signifie « aux étoiles, dans la grange aux foins, je serai là, je t’attendrai pour l’ultime combat. Lave-toi la bouche, le ventre et les mains dans l’abreuvoir, épouille-toi la queue au grésil. » Et le reste de la meute, baissant les oreilles, reprend le travail en silence.
Et quand le soir arrive, elle est là, allongée dans la paille, vêtue de sa robe de guipure, déjà transparente, les cheveux savamment dénoués, la peau fraîche et parfumée. Une simple ampoule éclaire faiblement sa couche. Et il entre, il sent bon le désinfectant et l’insecticide. Il s’approche d’elle, elle lui sourit. Il se penche, il dépose un baiser sur son front, dégrafe les lacets de son corsage, caresse ses seins fermes, aspire ses tétons tendus. Puis il entrouvre un peu plus le tissu, passe la main sur ses reins, son ventre, étire ses doigts jusqu’à la lisière des premiers petits poils de son pubis soigné, roule la culotte blanche sur ses hanches, sur ses cuisses, l’extirpe des chevilles. De sa langue, il lape une sublimité sur la vulve mouillée de rosée. Il défait sa ceinture, déboutonne son pantalon et en extrait sa queue raidie du violent désir de la femelle qui s’offre à lui.
Alors elle prend la tête de l’homme entre ses deux mains serrées et la sépare de son fruit brûlant. Elle le regarde dans les yeux et son sourire tendre se change en un rictus cruel.
Et cela dure quelques instants, jusqu’à ce que j’entre calmement dans la grange. Il bande douloureusement mais il a aussi compris, à l’effluve de rut qui pénètre son flair aiguisé, qu’il n’a pas franchi tous les obstacles pour posséder Alfa dans la paille.
Il se retourne. Je ne suis pas menaçant, mais il est résigné : il va devoir lutter pour conquérir les droits sur elle. Elle est nue, elle se recroqueville un peu et ramène impudiquement sa robe sur ses seins et ses cuisses. Parfois, l’homme est couard ; il se lève d’un bond, sans chaussures, la bite déjà pendante fouettant l’air dans sa course. Il se sauve par la croisée sans que j’aie envie de l’en empêcher.
Ces soirs-là, la fête est triste. Je méprise Alfa pour avoir mal choisi son mâle, pour avoir tenté de s’accoupler avec un reptile à la place d’un loup. Pour l’avoir laissé sucer ses tétons dressés, respirer l’odeur de sa chatte en chaleur. Pour lui avoir permis de bander quelques secondes comme un vrai guerrier avant d’abandonner, sa queue encore tortillée comme celle d’un lézard en fuite. Elle fera semblant de se refuser à moi mais, humiliée, elle sait bien que je ne veux pas d’elle, de sa vulve à peine humide pour un pleutre. Lui sera obligé de disparaître avant le matin levant, exclu par la meute entière, ombre soumise collectivement déçue de ne pas assister à la fornication des dominants.
Parfois, l’homme est courageux. Il livre bataille mais craint déjà que ses chances soient minces contre moi. Il me respecte parce que je suis encore le chef et qu’il n’a pas les dents assez acérées pour m’arracher les couilles. Alors, il se défend plus qu’il n’attaque, se laisse frapper, tombe la queue mortifiée entre les jambes, halète bruyamment, crache un peu de sang et de morve, me supplie avec des yeux effrayés, implore silencieusement une grâce, murmure une prière componctive. Lui ne sera pas obligé de fuir la meute au matin suivant. Il restera et assistera à mon maigre triomphe. Je ne suis pas fatigué. Il devra renifler de près l’odeur de la mouille d’Alfa saillie par moi. Il devra entendre au plus près de son oreille les cris du plaisir que je lui procure. Il devra regarder le flot de mon foutre débordant de sa chatte quand je déchargerai. Ensuite il devra même clore de sa langue la vulve dégoulinante de ma semence pour la retenir. Aux ventaux de la grange, le reste de la meute résignée, dans le sombre du dehors, observe d’un silence satisfait le coït des dominants.
Parfois, l’homme est un héros. Il livre combat avec l’espoir de vaincre ou de mourir. La lutte est acharnée, inéluctable et sans merci. Il n’y a plus de chef, il n’y a plus qu’un futur chef, moi ou lui, car mon rang est mis en jeu aux yeux de tous. Les morsures infligées sont profondes et douloureuses, il saigne abondamment d’une plaie au ventre, un os de mon bras est brisé. Il m’arrive de gagner. Il m’arrive de perdre et je reste alors à gésir dans le vomi de ma défaite.
Celui qui m’a vaincu se relève, pousse un brame terrifiant et s’approche en titubant de la femelle. Alfa lui sourit. Elle lèche sa plaie abdominale qui déjà se cicatrise de sa salive. Sans qu’il demande rien, elle lui présente sa croupe somptueuse, elle l’appelle, elle le désire, elle lui montre sa chatte inondée. Elle se retourne, prend sa queue dressée dans sa bouche, l’aspire énergiquement, s’offre à nouveau à lui, sur le dos, écartant haut les cuisses. Elle le supplie, elle pleure, elle veut sentir dans ses entrailles la bite du vainqueur, elle tremble de l’angoisse de ne pas avoir encore été baisée par lui. Alors, sans précipitation, il examine les gencives d’Alfa, il soupèse ses seins, palpe son ventre, tâte ses reins, inspecte son trou du cul, entrouvre ses lèvres intimes, l’explore jusqu’entre les doigts de pieds. Puis il la grimpe, s’enfourne au plus profond, lentement pour ne pas se blesser le prépuce et commence sa besogne, se branle en elle, pousse son gland décalotté et recalotté par le mouvement dans la fente étroite.
Je regarde hypnotiquement ses couilles gonflées battant les fesses d’Alfa. Il ne cherche pas à la faire exulter : il veut la posséder, la troncher, la gaver de son foutre gluant, qu’elle paye toutes les humiliations subies depuis qu’il essaye de devenir le dominant. Alors, quand elle monte vers sa jouissance, il le sent et déconne subitement, la retourne, lui cambre la croupe et sans ménagement, sans préparation, il l’encule totalement et décharge complètement en se délectant du cri de détresse orgasmique qu’elle pousse pour lui. Il est le maître maintenant, il la fécondera une autre fois. Repu, il s’endort et elle le veille en soufflant délicatement sur son front pour le rafraîchir de ses efforts. Je lèche le sperme qui suinte du cul d’Alfa pour ne pas qu’elle le garde inutilement en elle.
À l’entrée de la grange, le reste de la meute domestique – que je rejoindrai bientôt dans les ténèbres du dehors – inquiète de se muer en horde, regagne indolemment son gîte en psalmodiant la nouvelle liturgie.
Mon travail à présent consiste à tailler la vigne en échange d’un repas frugal. Mes relâches à baiser quelques femelles malodorantes, celles qui n’appartiennent à personne, même pas nettoyées du foutre précédent, debout contre une cloison branlante. Mes récréations, à assister silencieusement, au milieu des autres, aux accouplements d’Alfa, enragée de plaisir, avec le nouveau chef. Mais aussi à retrouver mes forces et à me battre pour reprendre ma place dans la hiérarchie.
Et un soir, Alfa, les cuisses ouvertes, les jupes relevées, assise derrière l’embrasure de la lucarne du grenier, me choisira en caressant sa vulve dégoulinante d’une liqueur fraîche, pour affronter celui qui la lasse déjà par ses copulations laborieuses et insipides.
Et, cette fois-ci, je saurai comment mourir.