Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 16547Fiche technique31816 caractères31816
Temps de lecture estimé : 19 mn
16/12/14
corrigé 09/06/21
Résumé:  Une expérience sexuelle improvisée avec un médecin hospitalier change la vie d'un couple de femmes.
Critères:  fh ff inconnu médical enceinte parking voiture mélo
Auteur : Calpurnia            Envoi mini-message

Série : Trajectoire dans la nuit

Chapitre 03 / 03
Au coeur de l'autre

Résumé de la première partie : rencontrée lors d’une formation, la Finlandaise Valma, passionnée de vitesse, m’a emmenée sur l’autoroute en roulant à 300 km/h. Au cours du trajet, nous avons échappé à une bande de violeurs et faillir mourir de froid en nous endormant dans la neige pour contempler le ciel. Mais nous sommes tombées amoureuses. Arrivées saines et sauves à Paris, alors qu’en cette fin d’après-midi nous sommes attablées à un café, Valma perd brutalement connaissance avant d’être emmenée aux urgences de l’hôpital Lariboisière où je dois la rejoindre au matin.


Résumé de la seconde partie : incapable de rentrer chez moi en attendant d’aller voir Valma à l’hôpital, impuissante à surmonter mon inquiétude pour celle que j’aime, j’erre toute la nuit dans les rues de Paris, rencontrant successivement les accueillants d’une église, un clochard agrippé à ses souvenirs, un couple exhibitionniste, un groupe d’étudiants fêtards…


__________________________




Vers sept heures du matin, après une nuit de rencontres et de vagabondage, j’arrive à l’hôpital Lariboisière. Dès le hall d’entrée, je suis confrontée à cette odeur de désinfectant qui saute à la gorge et donne envie de fuir en courant. De guichets en couloirs, je finis par trouver une salle d’attente dans le service de neurologie. Le médecin qui a soigné ma compagne va me recevoir bientôt, me promet sa secrétaire. Bientôt, ça veut dire quoi, ici ? Ça veut dire qu’il faut attendre. Les revues à disposition ne me sont d’aucune aide, faute de pouvoir me concentrer sur ma lecture. Patienter pour connaître un verdict médical fait partie des cruautés hospitalières.


Ne pouvant demeurer assise, je me tiens à la porte, regardant le long couloir. Les infirmières de nuit finissent leur service. Au loin, l’une d’elles approche, ses longs cheveux flottant derrière sa blouse hospitalière. Non, en fait c’est un jeune interne un peu fluet. Ses yeux sont brillants de fatigue, mais il me sourit. C’est bon signe.



Elle vit ! C’est comme si on m’enlevait du pied une épine d’un mètre de long !



Je l’accompagne jusqu’à sa voiture, dans le parking souterrain réservé au personnel de l’hôpital. Une fois que nous sommes installés à bord, il pose une main sur ma cuisse et me dit en me regardant droit dans les yeux :



Il vient de sauver la vie de mon amour, et maintenant il me fait des avances. Je suis trop lasse pour savoir où j’en suis, et puis il n’est pas vilain : il est même beau comme un dieu, avec ses long cheveux bruns et son visage aux traits fins, presque féminins. Sur la blouse qu’il a gardée est affiché un nom pas possible : Dionys Lorant du Tertre. Il me rappelle le rêve que j’ai eu sur la montagne. Dionysos… Grâce à lui, Valma est née une seconde fois. Il lui a donné une seconde vie. Après tout ce qu’il a fait, je peux bien m’offrir à lui, s’il me désire. D’ailleurs, j’ai bien envie de tenter cette expérience, juste par curiosité, pour savoir comment on copule, comme on dit, « normalement », si tant est qu’il puisse y avoir une normalité dans ce domaine. Pour autant, cela ne fera pas de moi une bisexuelle.



Pour toute réponse, je pose à mon tour une main sur sa jambe, promenant mes doigts avec légèreté jusqu’à sa braguette que j’ouvre. Il m’aide en baissant son pantalon et son slip. Je découvre un sexe masculin en érection d’où perle déjà la rosée du désir. Me penchant en avant afin d’atteindre le membre palpitant avec ma bouche, je lui offre une fellation, expérimentant la senteur puissante et le goût salé de sa verge. Je me rappelle des images que j’ai vues dans une revue porno, dans la station-service de l’autoroute, de l’histoire du routier qui se fait sucer par une fille dans la cabine de son camion. La vie est pleine de surprises : je ne pensais pas me retrouver à la place de la fille à peine plus de vingt-quatre heures plus tard.


Mais je n’ai pas envie qu’il jouisse de cette manière, et encore moins d’avaler son sperme. Tant qu’à m’offrir, autant faire les choses complètement. Je me déshabille entièrement et m’assois sur ses jambes, dos appuyé sur le volant, et lui caresse le torse. Nous nous regardons dans les yeux. Les siens sont si consumés du désir de mon corps que je me demande s’il se maîtrise ou s’il est le jouet de ses pulsions, en penchant plutôt pour la seconde alternative. Ainsi donc, il est si facile de rendre un homme fou de désir ?



Je fais mieux que ce qu’il me demande : je lui enfile moi-même le capuchon de caoutchouc. C’est la première fois ; mais après tout, ce n’est pas compliqué et ce geste semble l’exciter. Puis j’introduis en moi-même son appendice tout emballé. Il faut appuyer un peu : me voilà déflorée, car c’est mon premier partenaire masculin. Il paraît surpris qu’à mon âge la femme qu’il tient dans ses bras soit toujours vierge. Après quelques mouvements de bassin effectués afin de faire aller et venir son pénis à l’intérieur de la gaine vulvaire, c’est déjà terminé.


C’est donc ça, l’acte hétérosexuel ? Je suis un peu déçue. Mais il se rattrape en caressant doucement mes seins, ce qui est chez moi une zone très agréablement sensible. Puis, constatant que cela me plaît, il y met sa bouche. C’est un drôle de bonhomme : il y va comme un bébé. Le genre de fantasme qu’il devait couver depuis longtemps. Je remarque un long serpent tatoué sur son avant-bras, sorte de caducée stylisé. À présent il me mordille un téton, d’abord tout doucement, puis un peu plus fort. Cela finit par me faire mal, alors je l’oblige à cesser. Il me regarde, l’air hagard, désolé d’avoir si vite conclu, mais soulagé d’une tension qui devait le travailler depuis un bon moment.



Perdue dans cet immense hôpital dont les secteurs multicolores sont pourtant faits pour qu’on puisse se repérer, je parviens enfin à trouver la chambre de Valma. En fait, elle dort. J’ignore si son sommeil est naturel ou l’effet de médicaments. Une perfusion relie sa main gauche à une poche de liquide incolore. Assise sur le bord du lit, je la tiens par l’autre main, attendant patiemment qu’elle se réveille. Dans son sommeil elle est paisible, autant que lorsqu’elle conduit. J’ignore si elle rêve, si elle ressent ma présence derrière ses paupières closes. J’admire sans me lasser son beau visage impassible comme celui d’une statue dans un jardin public, mais avec une chevelure flamboyante, d’un feu qui ne lasse pas d’enflammer mon cœur.

Enfin, au bout d’une heure, elle ouvre ses yeux et sourit. Elle se redresse sur le lit.



Après l’avoir embrassée sur la bouche, je m’allonge sur le lit à côté d’elle. Elle regarde mes yeux rougis à force d’avoir pleuré.



De la tête je fais signe que oui.



J’ai envie de me serrer contre son corps. Bien plus qu’une envie, c’est un besoin vital : son contact m’a tellement manqué dans la nuit… Alors j’enlève mes chaussures et me glisse sous le drap pour la prendre dans mes bras, tendrement.



Comme l’air est sec, il me faut un verre d’eau pour rafraîchir mon gosier. J’ai eu trop peur de perdre mon amour pour ne pas l’étreindre très fort. Avec ce temps de fantaisie verbale, enfin je retrouve son odeur qui, bien que mêlée à celles de l’hôpital, est délicieuse. La chambre est bien chauffée : il me faut retirer quelques vêtements pour ne pas trop transpirer. Progressivement me voilà juste en petite culotte, tenue audacieuse pour une visiteuse de malade ; mais qu’importe ce qu’en penseront les autres s’ils me voient. Valma n’a sur elle qu’une de ces chemises de nuit hospitalières, de celles qui sont taillées pour faciliter le travail des infirmières et aides-soignantes, mais laissent les fesses facilement accessibles – et visibles lorsqu’on marche dans les couloirs (2).


Profitant de cette aubaine offerte par le vêtement, je glisse mes mains entre les pans donnant accès au bas du dos, pour toucher la peau de celle que j’aime, et plonge mon nez entre ses seins. Elle aussi me pelote en faisant attention à sa perfusion et introduit sa main sous ma culotte, à l’endroit où cela fait du bien. Autour d’un téton, elle remarque le suçon et le lèche. Ce n’est pas le moment d’être dérangées. Précisément, une infirmière entre après avoir toqué à la porte, mais sans nous laisser le temps de faire un seul geste.



On ne nous sépare pas si facilement. Rebelle, je reste longuement aux côtés de celle que j’aime. Apaisées, nous nous enlaçons en silence. Valma sombre dans le sommeil. Épuisée par une nuit d’angoisse, je ne tarde pas à l’imiter. Vers onze heures trente, le repas est servi. Je vais déjeuner de mon côté à la cafétéria. De retour, j’apprends qu’un médecin est passé : elle sortira demain matin. On lui a retiré sa perfusion.


Les heures passent, ponctuées de visites d’infirmières venues vérifier que tout va bien. Nous nous parlons sans cesse. Elle s’est fixée en France depuis trois ans, après avoir voyagé un peu partout dans le monde. En ce moment elle effectue pour son gouvernement des missions dont le caractère secret l’empêche de me donner des détails. Pour ma plus grande joie, elle me propose de m’installer dans son appartement. Nous allons donc vivre ensemble.



Elle me confie ses clés afin qu’en métro je fasse un saut chez elle – chez nous maintenant ! – récupérer une robe de chambre et un livre. Au passage, je trouve un fleuriste ouvert le dimanche après-midi et j’ajoute une belle rose rouge aux affaires que j’apporte à ma dulcinée.


Le soir venu, je saute dans un train de banlieue et rentre chez moi. Comme j’avais coupé le chauffage, il y fait un froid glacial. C’est ma dernière nuit dans cet appartement que je n’ai jamais aimé pour son voisinage indifférent, voire hostile, sans que je sache pourquoi. C’est donc sans nostalgie que je remplis mes cartons et écris à mon propriétaire une lettre de préavis pour résilier le bail.


Au matin, Valma, qui avait déjà réglé les formalités de sortie, m’attendait dans le hall de Lariboisière. Reposée par une bonne nuit de sommeil, elle est en pleine forme. Nous marchons ensemble dans les rues de Paris en nous tenant par la main. Comme promis, nous allons au cinéma, à la séance du matin, puis déjeuner dans un petit restaurant de la rue Saint-Denis. Rentrées à l’appartement, nous faisons l’amour tout l’après-midi, accouplées sur le grand lit. Puis, pendant que ma chérie prépare le dîner, je découvre mon nouveau lieu de vie : les livres de sa bibliothèque – pas tous en français – le papier peint sur les murs, la décoration…



Minuit. Une plage immense et déserte, vers Berck-sur-Mer, à marée basse. Dans une quasi-obscurité, nous marchons sur le sable, main dans la main. Le vent est froid et violent ; la bruine nous fouette le visage. Nous nous approchons de l’océan pour mieux entendre le ressac apaisant des vagues. Au loin, les rumeurs d’une fête foraine, avec des lueurs multicolores, comme un défi aussi vain que bruyant lancé à la nuit. Celle-ci nous enveloppe ; c’est un tendre cocon à notre amour naissant. Nous nous arrêtons de marcher pour nous embrasser, le cœur enflammé, transportées de joie. J’ai emmené ma guitare dont je me sers pour m’accompagner en chantant cette chanson que j’aime beaucoup, de Guy Béart :

La mer est en bleu entre deux rochers bruns.

Je l´aurais aimée en orange

Ou même en arc-en-ciel comme les embruns…


C’est l’heure parfaite, l’apogée d’une vie qui aura encore, heureusement, des bonheurs nombreux et profonds, mais sans atteindre l’intensité de ce moment-là. Il aura fallu la maladie de Valma pour cimenter notre amour. Je comprends maintenant que ce n’est pas dans le temps heureux mais dans la crise que l’on sait si on aime vraiment quelqu’un. Il y a quarante-huit heures, nous étions à mille kilomètres de là, prêtes à prendre la route ensemble. Mais c’était il y a quarante-huit siècles et à mille années-lumière, et depuis nous avons traversé des galaxies de joie autant que failli sombrer dans le trou noir dont on ne revient jamais.



__________________________



Un mois plus tard. J’ai deux semaines de retard de règles, tout en ressentant une certaine fatigue. Il n’en faut pas plus pour aller voir mon médecin qui me prescrit un test de grossesse. C’est positif : la qualité des préservatifs de notre jeune interne laisse à désirer. Peut-être aussi ai-je endommagé le latex avec mes ongles tout en le manipulant. Qu’importe ; ce qui est fait est fait. Cette situation nous impose de prendre rapidement une décision : garder ou non cette petite graine de vie qui germe en moi ? J’hésite, car j’aurais voulu profiter un peu plus longtemps de la vie à deux. Valma me donne son avis :



De jour en jour s’arrondit mon ventre que ma compagne et future épouse ne se lasse pas de caresser, elle qui ne pourra jamais avoir d’enfant. Ce sera un garçon. Pour ma famille, qui connaît mes préférences sexuelles, le mariage et la grossesse, c’est la double surprise. Ils ne se doutaient pas que j’irais si vite, mon diplôme à peine en poche. Certes, la vie nous bouscule et il faut parfois s’y jeter tête baissée.


Nous préparons la chambre du petit. Valma a vendu son Audi, qui n’aurait pas pu nous transporter à trois, pour investir dans un véhicule plus classique, plus spacieux mais moins puissant, renonçant par là-même à sa passion de la vitesse. Et aux amphétamines aussi, sans que j’aie besoin de lui en parler. Pour être une maman, il faut d’abord rester en vie.


Nous choisissons pour notre petit bout de chou un prénom finlandais, mais facile à prononcer en langue française : Marko. Nous voulions qu’il ait quelque chose de Valma, son autre maman dont il n’est pas issu de la chair. Elle ne pourra pas l’adopter, bien qu’il reçoive d’avance tout l’amour de ma future femme. Quant au papa biologique, nous préférons le laisser dans l’ignorance de la progéniture qu’il a conçue un matin par une soudaine pulsion, quitte à changer d’avis lorsque son fils sera assez grand pour vouloir le rencontrer. Nous avons bien le temps de voir venir.


Marko vient au monde par une nuit d’octobre fraîche et humide, à la maternité de Port Royal. Tout se passe à merveille. Valma assiste à l’accouchement et coupe le cordon ombilical. Trois jours plus tard, nous rentrons joyeuses à l’appartement, pour finir les préparatifs de notre mariage. Celui-ci aura lieu à la mairie du troisième arrondissement. Parmi les invités, Frank, notre sympathique collègue du stage de Montpellier, qui nous avait laissé ses coordonnées et qui, pendant le vin d’honneur, ne perd pas une occasion pour draguer Saana, une amie célibataire de Valma, la seule Finlandaise à être venue, l’une de nos témoins.


Par contre, je ne suis pas parvenue à retrouver l’homme du banc au bord de la Seine. J’ignore son nom ; les gens de l’accueil de Saint-Eustache sont incapables de me renseigner et il a disparu de sa place habituelle. C’est dommage, car j’aurais aimé que ce compagnon d’infortune soit présent pour partager notre joie.


Alors que nous sommes encore à table, Frank nous joue de son harmonica. Le récit des premiers pas de notre amour s’arrête comme il a commencé, sur ces notes joyeuses. Est-ce un conte de fées ? Nous sommes mariées, heureuses et nous avons, non pas beaucoup d’enfants, mais un seul. Nous n’irons probablement pas au-delà. Mais que veut dire le mot « fin » ? Il y aura sans doute encore beaucoup de larmes et de joies, d’amour, de rencontres, de peurs et de tristesse pour remplir notre vie de couple ; assez pour nous sentir vivantes et libres, de sorte qu’on pourrait écrire bien d’autres pages remplies des émotions de nos nuits sans fin.



__________________________




(1) Source : http : //fr. Wikipedia. Org/wiki/Sisu

(2) Source : http : //www. Actusoins. Com/11940/petition-contre-la-chemise-dhopital-qui-met-les-fesses-des-patients-a-lair. html

(3) Juron finnois que l’on peut traduire par « nom d’une pipe », « saperlipopette »… Source : http : //finlandssecrets. Unblog. Fr/2007/09/28/zut-crotte-nom-dun-ptit-bonhomme/