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n° 16553Fiche technique54035 caractères54035
Temps de lecture estimé : 31 mn
20/12/14
Résumé:  Une jeune fille d'un quartier difficile tente sa chance avec un homme d'affaires. C'était bien parti, il manquait juste un petit détail.
Critères:  fh hplusag extracon collègues hotel photofilm fellation pénétratio yeuxbandés -vengeance -bureau
Auteur : Zahi  (informaticien professionnel, écrivain amateur)      
Ouarda et la sensuelle lutte des classes

Une Mercedes s’arrête au bout de la rue du Lac Montana, à quelques mètres du quai ensoleillé et fleuri du lac de Tunis. La portière de la limousine s’ouvre et un homme de taille moyenne descend. Il porte un costume gris sans cravate, une chemise Lacoste bleu ciel. Au milieu de la quarantaine, ses cheveux gris lui donnent dix ans de plus. Dès qu’il met un pied à l’intérieur du café Chiche Khan, le patron braille :



S’il y a un coin sur terre où Omar Jabeur se sent vraiment débarrassé de tous ses soucis, c’est bien la terrasse du café Chiche Khan. Lorsqu’il est carré dans son fauteuil et quand sa chicha aux pommes bat son plein régime, il peut enfin considérer le monde avec la sérénité d’un vieux sage et trouver le moment de psalmodier quelques strophes de poésie classique. Al Mutanabbi est son préféré, mais comment brosser en deux mots la condition humaine mieux que ce vers de Zouhayr : « Je suis usé par les fardeaux de la vie. Et après quatre-vingts ans, croyez-moi, il y a de quoi être usé. » se dit-il en pompant son narguilé, le regard perdu dans les rides verdâtres du lac de Tunis. Il a déjà oublié son banquier qui le torture pour des traites, le chef d’atelier qui demande à doubler son salaire, son fils aîné dont les résultats scolaires oscillent entre mauvais et très mauvais, ses deux filles qui, petit à petit, papillonnent hors de son contrôle, et surtout ses relations de plus en plus compliquées avec sa femme.


Il jette un coup d’œil sur sa montre : il est un peu plus de seize heures. Omar Mattou devrait arriver d’un instant à l’autre. Une autre bouffée de narguilé et le téléphone sonne.



Il dépose le téléphone sur la table et jette un regard circulaire autour de lui. Assise à la table à côté, une jeune femme lui fait un sourire. Il lui répond par un froncement de sourcils et retourne pomper sa chicha. Mais le sourire de la jeune femme est resté suspendu, en arrière-plan de sa mémoire. Il remue légèrement sur sa chaise, fait semblant de fouiller dans sa poche, se pince les lèvres et dans le même mouvement, il la regarde en face. La jeune femme lui sourit toujours en fumant. Elle paraît ne pas l’avoir quitté du regard. Elle se lève et prend son sac à main. Il réalise que ce n’est pas la première fois qu’il croise à Chiche Khan cette grande brune aux lèvres rouges et aux yeux clairs.

Dans son déplacement, ses cheveux légers s’envolent pour former un brouillard autour de son visage fin et raffiné. « Belle, se dit-il, mais pas de quoi se réveiller trop tôt pour ne pas rater l’autobus. » Elle est vêtue d’un chandail rose et d’un jean serré. Il lui donne vingt-cinq à trente ans.

Elle arrive à sa table et s’arrête. Omar se sent secoué.



Omar la fixe d’un regard sévère, elle baisse les yeux sur la table.



D’un mouvement gracieux elle s’assoit sur un fauteuil en face d’Omar, ouvre son sac à main et en tire une feuille dans une chemise transparente.



Ayant pris le papier, Omar en fait une lecture rapide tout en fixant Ouarda du coin de l’œil. Elle demeure tranquille, s’efforçant de garder un sourire contraint.



Elle prend son sac à main et amorce un mouvement de départ.



D’un geste de la main il hèle le garçon qui vient en un éclair prendre la commande d’Ouarda. Pendant quelques instants, Omar ne la quitte pas du regard. Dans ses yeux ronds sous des doux sourcils, son nez fin et droit et les lèvres pleines, il croit déceler une sensualité subtile. Celle des filles des quartiers difficiles. « Une sensualité prolétaire, se dit-il, mélange de souffrance et d’espoir, que ne peuvent pas avoir les petites salopes bourgeoises. » Ses deux mains émergent timidement des manches de son chandail. D’un geste délicat, elle étale sur la table ses doigts manucurés en nacre clair. Ses ongles font comme un collier de perles. Puis, avec grâce, elle ouvre son sac, en sort un paquet de cigarettes. Elle en met une entre ses lèvres ; Omar lui tend un briquet allumé, puis retourne à sa chicha.

Le garçon revient avec un capuccino. Ouarda prend la tasse à deux mains et, l’approchant de sa bouche, elle ouvre ses lèvres et jette à Omar un regard furtif. Elle constate que ses yeux sont rivés sur elle avec intérêt. En posant la tasse sur la table, elle se penche en avant. Au travers du large col de son chandail, une belle vue sur deux merveilleux seins bien en chair se présente à Omar. Ses yeux ne refusent pas la sainte offrande. Redressant le buste, elle le regarde de nouveau et le trouve pensif.



Enfin, comme s’il était pressé d’en finir, il continue :



Il se lève et lui serre la main. Ses doigts racés, ses ongles manucurés, le contact de sa peau douce et humide… peut-être que c’est à cause de tout ça, avec le timide sourire d’Ouarda, qu’il se sent enveloppé de chair de poule. En montant dans sa Mercedes, il se rend compte qu’il tremble des pieds. Il respire profondément avant de démarrer le moteur, puis il met la radio et file dans un tourbillon de poussière.




---oooOOOooo---




La soirée est chaude, on est fin septembre. Le taxi d’Ouarda s’arrête au beau milieu du centre de Tunis, dans une ruelle faiblement éclairée. Avant de descendre, elle regarde en l’air où il y a la petite enseigne lumineuse d’un restaurant-bar. Il s’appelle Le Shéhérazade. Une fois dehors, elle observe les fenêtres poussiéreuses avec grande attention, puis elle vérifie encore une fois l’enseigne. Un brouhaha confus parvient de l’intérieur. Deux chats errants viennent plonger dans la poubelle du restaurant, débordant d’ordures. Ils sont effrayés par la porte métallique qui s’ouvre avec force vers l’extérieur. Une forme noire survole le trottoir et atterrit entre deux voitures garées, à deux coudées d’Ouarda. En tombant à quatre pattes, l’homme aboie aigrement, comme un caniche cerné dans un coin. Il se redresse avec peine, ajuste le pan de sa veste usée et tâte le derrière de sa tête. De l’intérieur, une voix grasse qu’Ouarda croit reconnaître lui tonne :



C’est un homme mince, les yeux creux, les os des joues en saillie. Il porte un costume noir qui avait dû être confectionné lors de la première guerre mondiale et qui aurait pu lui convenir s’il avait eu cinq tailles de moins. Ses cheveux sont gris, et la seule dent qui lui reste est noire. Il se fige un moment à gémir, la bouche ouverte, puis il regarde Ouarda étonnée, ajuste de nouveau sa veste et s’éloigne silencieusement en jetant au hasard les pieds entre le mur et le caniveau.


« Qu’est-ce je lui ai fait pour qu’il m’amène dans un coin pareil, se dit Ouarda en franchissant la porte, il est complètement dingue. »


Le parquet est en lino brun, très sale ; un relent de vin et de tabac flotte dans l’air. Au fond de la pièce, Lotfi Abichou attend Ouarda avec impatience. Elle n’a jamais été ponctuelle, mais ce soir il trouve qu’elle pousse le bouchon un peu trop loin. Plus d’une heure de retard, c’est au-delà de ce que ses bonnes manières peuvent tolérer. Durant cette heure, il s’est envoyé une dizaine de bières et deux pichets de vin rouge, il a achevé une assiette de calamars dorés et entamé une autre de spaghettis aux fruits de mer. Et il a bien voulu aider le patron à virer des lieux le vieux charognard ; ainsi, il est quitte pour sa consommation.


En regardant Ouarda entrer, Lotfi se tient figé à son fauteuil, comme s’il avait été coulé en bronze. Elle se rapproche de lui, prend place à la table, se penche en avant, appuie son menton finement découpé sur ses mains soignées… et sourit. Il l’observe silencieusement, puis d’un gros doigt il écarte les cheveux qui lui tombent sur les yeux.



Il hésite un instant, gonfle son torse impressionnant et met la main dans la poche du pantalon. Le briquet qu’il en sort a l’air d’un grain de poussière entre ses doigts. Une flamme jaillit au bout de son pouce. Ouarda allume sa cigarette et en aspire une longue bouffée.



Il la regarde fumer un moment, puis il allume une cigarette.



Elle aspire profondément la fumée de sa cigarette et ingurgite un verre de vin.

« Dix mille dinars… », se dit-elle. C’est plus que ce qu’elle a gagné toute l’année dans sa boutique de fringues. « Dix mille dinars, ce n’est rien pour Si Omar Jabeur qui doit brasser des millions tous les jours. C’est ce que dit Lotfi. Mais faut-il faire confiance à Lotfi ? »

Elle l’a connu il y a à peine un mois dans un bar de Tunis, et depuis ce jour elle s’est entichée de lui. Il lui fait de ces effets qui sont difficiles à expliquer, mais qui sont réels et qui agissent au plus profond d’elle-même. C’est un type quelconque, sans domicile, vulgaire et grossier, qui fait des allers-retours en taule. C’est peut-être son physique qui l’attire. Un grand nez épaté se profile au milieu de sa face ronde et balafrée ainsi qu’un champignon de Paris. Ses yeux sont surmontés d’épais sourcils qui leur font ombre. Des cheveux frisés coupés à ras, des épaules de déménageur et les jambes grandes, épaisses et un peu torses. Son tee-shirt est trop étroit aux entournures et son pantalon doit le gêner un peu à l’entrejambe. Il aurait fait un excellent Frankenstein, sans le moindre fard.


C’est un gloussement rauque de Lotfi qui la sort de son songe :



Tout en parlant, sous la table, elle pose son pied entre ses cuisses, là où ça fait mouche.





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L’hôtel La Marquise est situé au bout de l’avenue Bourguiba, à proximité du lac de Tunis, du côté sud. Le lac décrit une grande tache noire à cet endroit, pleine de déchets et d’immondices aux relents nauséabonds. Les bâtiments qui le bordent sont de vieilles usines désaffectées, de hauts murs d’entrepôts, abandonnés et sans toiture. C’est là que se termine l’avenue Bourguiba et où commence la voie rapide qui fend le lac en deux en direction de La Goulette. C’est là aussi que l’on peut emprunter le métro léger dont les rails jouxtent la voie rapide pour aller à La Marsa. À cet endroit, on peut s’imaginer se trouver partout, sauf au bord de la Méditerranée, à quelques kilomètres de la mythique Carthage. Il faut avancer un peu sur la voie pour apercevoir, au nord, l’imposante nouvelle cité du lac avec ses grands immeubles de verre et de métal, dont les lumières aux multiples couleurs se reflètent sur le plan d’eau en grandes lignes scintillantes.


Bien connu des services des renseignements, c’est à La Marquise que les amoureux de la classe laborieuse passent généralement leurs fins de soirées. On peut payer à l’heure, ou à la nuit. Un prix dérisoire. La porte est ouverte ; Lotfi entre en premier, suivi de près par Ouarda, légèrement hésitante. Un rideau se tire de côté, devant la cage d’escaliers et un visage anguleux, sillonné de mille rides, émerge dans le hall. Un visage de vieille femme à cheveux blancs et au nez pointu. Lotfi reconnaît la patronne de la respectable institution. C’est une ancienne prostituée qui a fait ses belles années à Tunis en travaillant avec les services de renseignements comme appât pour les diplomates étrangers, les financiers du FMI et les délinquants de luxe. C’est une dame d’une célèbre renommée qui tient son établissement d’une main ferme. Elle doit avoir un peu plus de soixante-dix ans, mesure plus d’un mètre soixante-dix et cille anormalement des yeux comme si tout ce qui bouge dans ce monde lui tendait des pièges. C’est, des pieds à la tête, la vieille prostituée à la retraite. Sans se démonter, elle dévisage Ouarda de haut en bas, sans rien omettre, pas même probablement le grain de beauté qu’elle a derrière l’oreille gauche. Après sa tournée d’inspection, elle s’adresse à Lotfi :



Ouarda reste muette, ses yeux fuyant le regard de la vieille. Elle reste indifférente à ce qui se dit à son sujet, et sa pensée est tournée vers les quelques milliers de dinars qu’elle allait empocher dans quelques jours. Un peu trop, même.


Les clés dans la main, Lotfi pousse le rideau et s’engage dans l’escalier. Ouarda lui emboîte le pas, poursuivie par les yeux de la vieille fouine. Les marches se terminent dans un petit couloir sur lequel donnent cinq portes. La clé tourne, la porte s’ouvre, deux corps enlacés entrent. Ouarda a un battement de cœur. À côté d’elle, Lotfi bande comme un âne et veut en découdre tout de suite. Il ferme la porte, met le verrou de l’intérieur et, en se retournant, il la prend dans ses bras. Elle ne doit pas lui peser plus qu’une paille à un étalon.


Comme toutes les chambres de La Marquise, la 105 ne doit pas faire plus de deux mètres sur trois. À peine y a-t-il place pour un lit de fortune, un lavabo et une cuvette. Pour les rangements, une petite étagère encastrée et un porte-manteau au-dessus du lit. De vieux rideaux en coton bordeaux dissimulent une fenêtre aux jalousies entrouvertes qui donne sur la rue. Des relents de friture remontent d’en bas et ajoutent une couche au désastre ambiant.


Sous la prise impeccable de Lotfi, Ouarda fait semblant de se défendre ; mais dans les faits, elle se laisse facilement aller. Elle aime en lui cette force brutale, cette attitude sauvage, cet empressement d’animal en rut. Il approche sa bouche et elle mord dans ses lèvres, grosses comme des figues sèches, noires et écaillées. Elle pousse sa langue dans sa bouche, il se met à la sucer. Les langues s’entremêlent et les salives foisonnent. Il la remet sur pieds, la colle contre lui. Constatant le membre dur de Lotfi contre son ventre, elle sent se multiplier en elle les foyers du désir. Son corps frémit, ses jambes se raidissent. Elle met une main sur la bosse de Lotfi et constate sont état de turgescence.



D’un geste rapide et gracieux, elle plie les jambes, déboutonne la braguette, écarte le slip. La queue de Lotfi jaillit comme un ressort qu’on détend. Elle est grande, belle, toute rouge. Elle la parcourt de bas en haut du bout de sa langue puis, d’un coup, elle prend le gland dans sa bouche, le sirote. Petit à petit, elle avale la belle queue jusqu’à la mettre entièrement dans sa bouche, puis elle la fait coulisser entre ses lèvres tout en chatouillant les couilles du bout de ses ongles. Lotfi ferme les yeux et se laisse adoucir par la tendresse d’Ouarda. Sentant monter en lui la course des spermatozoïdes, il lui crie :



D’un geste brusque, il la prend dans ses bras et la dépose sur le lit. Elle a encore tous ses vêtements. Elle enlève son chandail, il lui fait glisser le pantalon. En simple culotte, elle est sublime. La culotte glisse, les nymphes luisent sous la terne lumière de la lampe de chevet. Sans attendre, il se met sur elle, pousse sa queue au plus profond et commence à aller et venir avec tous ses muscles. La cavité est chaude, serrée et mouillée. La grosse bite trouve assez de place pour coulisser suavement. Se sentant remplie, Ouarda commence à miauler doucement, puis à geindre. Lotfi replie son torse sur elle et lui offre sa bouche. Elle se met à l’embrasser, à la laper frénétiquement.


En bas, une rixe s’engage entre ivrognes. Saloua appelle la police, et la patrouille mobile intervient une demi-heure après. Tout cela s’est passé dehors, sans importuner le moins du monde le couple en action. Ils ne s’en sont même pas rendu compte.


Soudain, Ouarda sent frémir son corps en entier. Des ondes de spasme lui traversent le corps. Des longues mèches de ses volumineux cheveux, foncés par la sueur, lui collent au front et aux joues. Ses grands yeux, luisants de plaisir et de crainte, implorent son tortionnaire d’achever son supplice. Répondant à sa requête, Lotfi accélère ses mouvements et sent monter en lui la giclée irrésistible.

L’explosion est fulgurante, les deux corps étaient à bout.


Allongés l’un contre l’autre, ils échangent un regard complice et se laissent aller pour un délicieux petit somme. Ce sont des coups sur la porte qui les réveillent.



Lotfi reconnaît la voix revêche de la patronne. Il ne répond pas.


Le taxi d’Ouarda la dépose au carrefour de la cité d’Ettadhamen, la banlieue la plus peuplée de Tunis. Le chauffeur refuse d’aller plus loin, craignant de se voir agresser s’il s’aventure dans les ruelles du quartier. Ouarda continue toute seule. Il est plus de minuit, quelques rares personnes sillonnent encore les rues. Arrivée chez elle, elle entre, ferme la porte. Dans un coin du petit hall d’entrée, à côté de la chambre, une petite radio émet un bourdonnement ennuyeux. C’est le seul engin intéressant dans la maison. Tout est vieillot, désuet. Une petite chaise toute crasseuse, une table basse pleine de taches. Une lampe au plafond, dénudée et poussiéreuse, émet une terne lumière blanche. Sa mère est allongée à côté de la radio, sur un tapis de corde effiloché.



Elle pousse la porte de la chambre, entre doucement dans la pièce. Ses deux petites sœurs dorment paisiblement sur un grand matelas posé à même le sol. Elles lui ont laissé libre sa place au milieu. Elle se défait de ses affaires, les dépose par terre et se glisse sous le drap.




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Le bureau de Si Omar Jabeur est un grand immeuble tout en panneaux de verre situé dans le quartier des affaires du Lac de Tunis. Ouarda se présente à l’accueil ; une jeune demoiselle toute pâle et mince, tout juste échappée d’un catalogue de mannequins, lui demande sympathiquement ce qu’elle vient faire.



La jeune fille, froide comme la glace, compose un numéro sur son téléphone et annonce Ouarda.



Dans l’ascenseur, Ouarda s’observe dans la glace. Elle arrange le col de son chemisier blanc et ajuste sa jupe bleue. Puis elle inspecte d’un coup d’œil son sac à main. La petite caméra est bien à sa place, comme l’avait fixée Lotfi. Elle se rappelle ses recommandations : faire semblant de chercher un mouchoir en papier, toucher le bouton « enregistrer », laisser le sac légèrement entrouvert et l’orienter dans la bonne direction. Arrivée au sixième étage, elle est accueillie par une autre jeune demoiselle, réplique de la première en bas, sauf que celle-ci est blonde. Fausse blonde, reconnaît Ouarda.



La jeune fille appuie sur un petit bouton et une porte coulissante s’ouvre sur un grand espace inondé de lumière. Ouarda avance dans le petit couloir, et d’un pas hésitant elle franchit la porte. Celle-ci se ferme aussitôt derrière elle. Ouarda inspecte la pièce d’un regard circulaire ; elle doit faire au moins dix fois sa maison, entourée de verrières sur trois côtés. Si Omar Jabeur est assis sur son siège, au milieu de la pièce ; on ne peut l’apercevoir qu’une fois que l’on est dedans. Sur son grand bureau en verre armé sont dispersés plusieurs dossiers, magazines et des petits bibelots. Sur le mur – celui qui n’est pas en verre – il y a une grande bibliothèque encastrée où sont déposés plusieurs volumes impressionnants. En face de Si Omar, il y a une table de travail, en verre elle aussi, entourée de petites chaises en émail gris, et un salon en cuir blanc, formé de deux canapé et trois fauteuils. Ici et là, il y a des petits meubles en verre remplis de médailles et de bibelots, et sur une table un peu excentrée un étalage de pièces fabriquées.



Il sort de derrière son bureau et lui fait signe de se s’installer au salon. Elle prend place sur un fauteuil et il se met sur un canapé en face d’elle. La lumière et le luxe du lieu font tourner la tête d’Ouarda.



Omar la fixe des yeux ; elle feint de baisser son regard puis, se rappelant qu’elle doit faire vite, elle ouvre légèrement les jambes. Omar remarque son geste et feint de ne pas s’en être rendu compte. Elle continue son mouvement ; il peut maintenant apercevoir nettement sa culotte blanche.



Il se lève et regagne son bureau, appuie sur un bouton. La porte coulissante du bureau s’ouvre et Yasmine entre dans la pièce.



Ouarda passe toute la journée à contempler le lac. Elle aurait mieux fait de cueillir des pâquerettes ou donner à manger aux mouettes qui reposent sur le plan d’eau trouble. Yasmine répond de temps à autre à un coup de fil, et entre deux appels les deux filles s’observent en silence. Elles auraient pu entendre une mouche escalader un mur. Vers midi, Yasmine emmène Ouarda manger avec elle dans une cantine dans les parages, tout en silence et méfiance. Omar quitte le bureau juste après les filles et revient un peu après quinze heures en ayant l’air soucieux et pressé. Dès qu’il s’enferme dans son bureau cinq étoiles, il appelle Yasmine. Ouarda reste un moment seule à l’accueil ; elle sort sa boîte de maquillage et inspecte sa beauté.


En sortant du bureau d’Omar avec un grand classeur de rangement dans la main, Yasmine prend ses affaires et dit à Ouarda :



Après le départ de Yasmine, Ouarda reste seule dans le bureau. Elle se regarde dans la glace et révise à nouveau son maquillage. Elle remet du rouge sur ses lèvres et arrange ses vêtements. Elle dégrafe un bouton de son chemisier puis, considérant que ce n’était pas assez, elle en dégrafe un deuxième.


Soudain la porte du bureau en verre s’ouvre, et Omar l’appelle :



Elle prend avec elle son petit sac à main et entre dans le bureau doucement, d’un pas chaloupé. Elle trouve Si Omar dans le salon ; elle prend place devant lui.



Il se lève et gagne son bureau. Il ouvre un petit tiroir sous le plateau et en sort une bouteille de whisky et deux verres. Il sert Ouarda et se sert lui-même, puis il dépose la bouteille sur une petite table basse entre les fauteuils. Il avale son verre d’une lampée, puis fixe longuement Ouarda du regard. Elle se baisse en buvant, le laisse voir le haut de ses seins. Il se verse un autre verre et l’ingurgite aussitôt puis il se verse un troisième. Il observe toujours Ouarda qui lui fait des petits sourires. Il se sent l’envie de se rapprocher d’elle et de la toucher. Elle ouvre les jambes ; il aperçoit de nouveau sa culotte blanche. Il se verse un autre whisky sans rien dire.



Il se lève et regagne son bureau sans la regarder. Il se carre dans son fauteuil et ferme les yeux. Ouarda se lève, remet les boutons de son chemisier, prend son sac à main et sort du bureau.


Comme la veille, elle va retrouver Lotfi au Schéhérazade.



À dix-neuf heures, Ouarda rentre chez elle. Ses deux petites sœurs, contentes de la voir rentrer si tôt, viennent lui faire des bisous et lui demander un peu d’argent. Elle fouille dans son sac, en sort un billet de dix dinars et le leur remet. C’était tout ce qu’elle possède.




---oooOOOooo---




En rentrant le soir chez lui, Omar a une appréhension. Il craint de se faire traiter comme un moins de rien par sa femme, Khadija. Depuis quelques mois, elle a changé complètement de comportement envers lui. Ils s’étaient connus à l’université ; il la devançait de deux années. Fille d’un industriel, elle était connue dans la fac comme une grande bourgeoise. Les courtisans ne manquaient pas. Elle avait sa propre voiture quatre phares et ne portait que des fringues de marque que ses parents lui ramenaient de l’étranger. Pourtant elle était tombée amoureuse de lui malgré ses origines modestes.


« C’était ça, la joie de la vie ; tout était possible, à l’époque… » se dit Omar avec un brin de nostalgie.


Sans zèle, les parents de Khadija n’avaient pas entravé leur amour et les deux tourtereaux se sont retrouvés unis par la loi et la religion dès l’obtention de leur diplôme. C’est d’ailleurs avec son beau-père qu’Omar avait commencé sa carrière. Très vite il s’est propulsé aux postes les plus importants jusqu’à obtenir la direction générale, et au bout de vingt ans de labeur, il a pu amener plus d’investissements et de clients importants. Petit à petit, il avait mis ses économies dans l’entreprise jusqu’à en devenir l’un des principaux actionnaires. Son beau-père ayant pris sa retraite depuis quelques années, Omar est aujourd’hui le seul maître à bord.


Sa relation avec Khadija avait, elle aussi, connu des étapes successives. Très vite, ils ont eu trois enfants. Khadija, qui avait commencé sa carrière dans l’affaire familiale avec Omar, avait abandonné le travail pour se consacrer à ses enfants. Très pris par son boulot, Omar passait pas mal de son temps à l’étranger et, alors même il était à Tunis, son travail lui prenait tout son temps ou presque. Ainsi se rend-il compte aujourd’hui, un peu tard, qu’il n’a pas vraiment profité de ses enfants.


Mais son amour pour Khadija était resté intact jusqu’à il y a peu de temps. Au milieu de la quarantaine, leurs relations sexuelles s’étaient presque éteintes. Depuis quelques années, alors que les enfants avaient grandi et menaient des études à l’université, Khadija avait de plus en plus de temps libre. Sentant l’âge avancer et prise de remords d’avoir gaspillé sa carrière, elle avait tenté de réintégrer la vie professionnelle dans l’entreprise familiale. Mais ce fut un échec cuisant. Elle n’avait pas su faire son trou et s’était trouvée rejetée par le personnel, et même par son propre père qui avait vu dans son retour forcé un danger pour l’entreprise.


Mise gentiment à l’écart, elle en avait voulu à son père et à son mari ; et depuis, son comportement dans la famille avait complètement viré vers une espèce de vengeance tacite et sournoise. Elle passait alors son temps dans les hôtels et les restaurants branchés où elle avait noué des amitiés avec les femmes du milieu, des bourgeoises endimanchées, des canailles de luxe, la fine fleur de tout ce qui est détestable dans la ville. Des nanas qui avaient le temps et l’argent, et qui se permettaient tout. Elle fréquentait aussi les salons de body building et dilapidait son argent dans des fourrures et chez le chirurgien esthétique. Elle s’était fait retendre la peau, amincir les hanches, arrondir les fesses, redresser le nez. Elle ne s’occupait plus du tout de ses enfants et faisait des scènes de ménage pas possibles à Omar dès la moindre occasion.


Mettant un pied dans sa villa perchée au plus haut de Carthage, Omar, difficilement remis de son entrevue avec Ouarda, pense se réconcilier avec Khadija. Il pense l’inviter ce soir dans un restaurant chic, et si elle en a le désir, s’envoler le lendemain avec elle à Paris ou à Rome passer un bon week-end. En avançant sur le palier de la galerie basse, il se demande comment il peut l’aborder. Il descend la rampe métallique, inspecte le living-room. Au prolongement, à travers la verrière, il peut apercevoir les lumières, en rangées régulières, d’un bateau de croisière qui entre ou qui quitte le port de La Goulette.


Dans un coin sombre, sa femme prend un verre avec deux de ses amies sur un vaste divan recouvert de damas rose. À moitiés allongées par terre, adossées à des coussins soyeux, elles buvaient, parlaient et riaient à haute voix, sans la moindre retenue. Elles paraissaient heureuses, insouciantes, détachées. Elles pourraient voir périr le genre humain sans ciller d’une paupière. Pour ne pas déranger leur intime réunion, il gagne directement sa chambre. Elles ne se rendent même pas compte de son passage à deux mètres de distance. Il est vrai que le tapis de laine, tout neuf, qui couvre le salon était silencieux. Il se change, met un costume sport, se parfume et attend Khadija, allongé sur le lit. Une demi-heure après, Khadija le rejoint, constate avec indifférence son existence. Il se lève pour l’accueillir mais elle se faufile rapidement dans le dressing et se met devant la glace pour arranger son maquillage.

Il se rapproche d’elle et l’enlace par derrière.



Elle le regarde dans la glace avec soupçon.



Se rendant compte de sa maladresse, Omar tente de réagir.



Elle arrache son sac et sort de la chambre en le laissant debout. Il retourne au lit et s’allonge pendant une demi-heure. Il ne sait plus ce qu’il faut penser ; ses émotions sont tellement confuses qu’il décide de s’en extraire, de ne plus penser à sa femme, de ne plus penser à rien. C’est parmi ses points forts, pouvoir faire rapidement le vide dans sa tête. Puis il a une étrange idée. Une illumination. Il sort son téléphone et appelle Ouarda. Il était un peu plus de vingt heures.



En quittant la maison, sa maman, qu’elle croyait endormie, lui dit :



Elle reconnaît la Mercedes aux grandes jantes nickelées de Si Omar garée au niveau du carrefour. Elle ouvre la portière et monte. Elle avait remis son chemiser et sa jupe du matin. C’était ses meilleurs vêtements.



Omar retient sa respiration et démarre le moteur. D’Ettadhamen, il roule vers le lac, en évitant de passer devant les barrages des patrouilles mobiles. Mais arrivé au lac, il continue tout droit vers La Marsa, prend à gauche pour aller à Gammarth.

Se rendant compte de la manœuvre, Ouarda fait mine de ne pas comprendre.



Ouarda sourit du bout des lèvres et se laisse aller.



L’hôtel Le Résidence est l’hôtel le plus étoilé de tout le pays ; c’est là que sont accueillis les missions officielles, les grands hommes d’affaires, et parfois même les présidents étrangers.


En se présentant à l’accueil, Omar reconnaît le directeur de la réception, Si Mansour. Il le prend en aparté et lui demande discrètement deux chambres mitoyennes. Il lui montre aussi Ouarda qui était restée un peu en retrait, et lui donne pour consigne de la faire monter dans la deuxième chambre un peu après lui. Si Mansour a l’habitude de ce genre de situation : les hommes importants comme Si Omar sont très connus et ne doivent pas être soupçonnés d’adultère qui est, de surcroît, interdit et passible d’emprisonnement.


Une fois installés tous les deux dans leur chambre, Omar appelle Ouarda.



Omar lui ouvre sa porte, la laisse entrer et referme la porte aussitôt.



Elle pose son sac à main légèrement entrouvert sur la commode, à côté de la télé et se tourne vers Omar.



Elle tient le bout de la cravate et le tire vers elle. Il résiste légèrement tout en se laissant conduire. Sa bouche se rapproche ; elle la colle contre la sienne. Il sent ses jambes et ses bras frémir, il tente de l’interrompre.



Elle le pousse sur le grand lit cinq places. Il se laisse tomber sur le dos, elle continue à le dépouiller de ses vêtements. La chemise s’envole d’un côté, le pantalon de l’autre, le slip s’atomise, la queue émerge, toute timide. Ouarda comprend qu’elle doit accomplir son grand jeu pour lui faire dépasser ses craintes. Elle regarde derrière elle, constate que son sac n’est pas tout à fait dans la bonne direction. Tout en gardant Omar prisonnier de son regard, elle fait quelques petits pas en arrière jusqu’au sac. Elle sort son paquet de cigarettes et son briquet, contrôle l’appareil caché et remet la lentille scopophile dans le sens du lit.


Elle revient vers Omar, la cigarette allumée à la bouche. La fumée monte en filets. Omar n’a pas bougé. Son corps gît sur le lit, haletant et transpirant.

Ouarda se sent chauffée. Elle se rapproche d’Omar, ôte sa jupe moulante. En dessous, elle porte un string rose. Elle s’expose à Omar. Ses jambes sont sublimes, ses fesses sont superbes. Elle prend une taffe de sa clope et disperse la fumée sur Omar. Il l’aspire, sans réagir. Elle déboutonne son chemisier blanc qui lui colle au torse, en commençant par les poignets. En se libérant, ses seins semblent se gonfler.


Elle laisse tomber le chemisier sur le lit et approche ses seins savoureux des yeux d’Omar. Sublimé, il manque d’oxygène. Une dernière taffe, la cigarette est écrasée dans un cendrier. Ouarda vient se mettre sur Omar, un genou de chaque côté, la chatte écrasée contre son torse nu. Elle joue avec ses propres seins. Elle les soulève puis elle les lâche ; en se libérant, ils retombent avec un rebond délectable. Omar regarde attentivement, il sent du sang chaud lui irriguer le corps. Les aréoles sont légèrement oblongues et les mamelons sont dressés. Leur couleur légèrement plus sombre contraste sensuellement avec le reste de la peau. Partout, sa peau lisse et satinée est tout simplement superbe. Deux grains de beauté ornent le dessous d’un sein et rajoutent à sa sensualité.


Il la regarde, fasciné, comment elle lève les bras au-dessus de sa tête et attache ses cheveux en queue de cheval. Ce mouvement gracieux soulève ses seins et les secoue délicieusement. L’apparente indifférence d’Omar atteint ses limites ; son « muscle » entre les jambes remue légèrement, puis il se redresse carrément. Ouarda, qui l’observe régulièrement, sait ce qu’il lui reste à faire. Elle soulève d’un doigt le chemisier laissé de côté, le roule sur lui-même et en fait un bandeau qu’elle dépose sur les yeux d’Omar.


Fermant les yeux, Omar s’abandonne. Il sent Ouarda se pencher sur lui et prendre son sexe dans sa bouche. Des ondes de plaisir lui traversent le corps pendant qu’Ouarda suce et cajole son arbre turgescent. Puis il sent sa bite glisser hors de la cavité buccale et Ouarda venir au niveau de sa taille se placer sur son pénis. Elle le prend de ses deux mains et s’ajuste sur lui en plongeant profondément. Omar se croit voyager dans un monde céleste de volupté. Il aurait tant aimé faire durer ce délectable voyage, mais la chaleur autour de son érection l’amène rapidement à l’orgasme. Ouarda s’écroule sur son torse, lui avale la bouche.


Elle laisse Omar allongé sur le lit et va inspecter la caméra dans son sac. Constatant que l’enregistrement est bon, elle arrête la caméra et prend une autre cigarette. Pendant ce temps, Omar savoure son récent souvenir et tente d’échapper aux remous qui l’assaillent de partout. Il veut croire que c’était sa femme, Khadija, qu’il vient de baiser et qu’Ouarda n’était qu’un substitut.




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Six mois après, fin mars. Il fait beau aussi, légèrement plus frais. Une Mercedes s’arrête au bout de la rue du Lac Montana, à quelques mètres du quai ensoleillé et fleuri du lac de Tunis. Les deux portières avant s’ouvrent, deux hommes descendent. Le premier en costume gris, chemise Lacoste bleu ciel, sans cravate. Le deuxième a presque la même taille, en costume noir, chemise gris-charbon et sans cravate. Les deux hommes sont au milieu de la quarantaine, les cheveux gris, et ils font plus que leur âge. De loin, même ceux qui les connaissent bien les confondent. Dès qu’ils mettent les pieds à l’intérieur du café Chiche Khan, le patron braille :



Omar Jabeur et Omar Mattou ont pris l’habitude de venir ensemble au Chiche Khan tous les mercredis après-midi siroter une chicha et bavarder tranquillement au bord du lac de Tunis. Rares sont les mercredis où ils manquent à cette habitude devenue rituelle depuis plus de vingt ans.


Les chichas arrivent, accompagnées des thés à la menthe et aux pignons. Omar et Omar se mettent à pomper, et au bout de quelques minutes la fumée fait un nuage au-dessus de leur tête. Pas de grand sujet de discussion ce jour-ci ! À peine un doucereux papotage et quelques échanges de poésie classique.



Une jeune fille arrive à leur table ; elle boîte légèrement d’un pied. Elle a de grosses lunettes noires. Une épaisse couche de fond de teint sur sa peau laisse croire qu’elle a des meurtrissures un peu partout sur le visage. Omar Jabeur croit la reconnaître et se trouve mal à l’aise.



Les deux amis se regardent, puis Omar Jabeur lui dit :



Omar Jabeur réfléchit un instant, inspecte Omar Mattou du coin de l’œil. Tout compte fait, ce n’était qu’une incartade d’une soirée. Il acquiesce d’un petit mouvement de la tête.



Déjà, il est envahi par la peur, et plusieurs scénarios travaillent dans sa tête.



Lotfi avait failli tuer Ouarda au Shéhérazade lorsqu’il avait appris qu’elle s’était trompée de victime ; alors les flics étaient intervenus et ils l’avaient pris.


Quant au film, il est chez Lotfi, personne ne sait où. Il compte le diffuser prochainement sur YouTube, chaîne Revebebe.