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Temps de lecture estimé : 8 mn
27/12/14
corrigé 09/06/21
Résumé:  Pour retrouver la plénitude, elle est prête à toutes les audaces.
Critères:  2couples double échange humour
Auteur : Samuel            Envoi mini-message
Androgyne party

Premier jour



Ce soir-là alors qu’il y avait indubitablement pénétration, elle me dit : « Reste. » Je restai donc en elle, mais combien de temps voulait-elle que ça dure ? Pour me faire patienter en douceur, elle me raconta toute l’histoire.


« À l’origine, il y avait trois sexes : les mâles, les femelles et les androgynes. Ils étaient tous très puissants, ayant chacun quatre bras, quatre jambes, deux cœurs, deux têtes, etc. Si puissants qu’ils conçurent l’idée saugrenue d’aller déloger les dieux. Évidemment, tu connais Zeus, cela l’a irrité au plus haut point. Il a pris son meilleur sabre et il a coupé tous les êtres en deux. Depuis, le mâle recherche son autre mâle, la femelle recherche son autre femelle et les androgynes recherchent l’autre sexe avec frénésie. Ainsi toi, par exemple, tu me poursuis parfois dans tout l’appartement, le sexe à la main pour que nous retrouvions la plénitude de l’androgyne. Eh bien, en ce moment divin, nous avons retrouvé cette plénitude. Nous ne formons plus qu’un seul être. »


C’est bien joli comme histoire, mais il faut avouer que ce n’est pas très pratique si on veut faire autre chose que l’amour. Pour tout dire, je n’étais plus très loin de la crampe, mais elle me tenait si fort qu’il m’était impossible de déloger de là. Finalement, je débandai et notre plénitude avec. Elle semblait fort déçue, et la soirée se passa dans une ambiance un peu maussade.




Deuxième jour



Alors que je l’invitais courtoisement à la copulation en faisant brusquement descendre sa culotte aux chevilles, elle me dit : « Cette fois, je veux que nous restions l’un dans l’autre le temps qu’il faudra pour reconstituer l’androgyne de l’origine. » Toujours cette idée fixe. J’aurais préféré qu’elle me dise : « Tu vas me prendre sur la table de la cuisine au milieu des épluchures. » Mais non, il fallait qu’on retourne à la plénitude… Je m’arrangeai néanmoins pour trouver une position confortable puisque visiblement ça allait durer. De son côté, pour maintenir le plus longtemps possible mon érection, elle agaçait mes testicules et mon anus d’un doigt subtil. En même temps, elle dissertait sur Platon et Aristophane, ce qui à la longue m’endormit. Elle me réveilla brutalement : « Si c’est tout l’effet que je te fais quand on baise ! » Je voulus m’excuser en lui récitant le poème d’Apollinaire qu’elle aime tant, mais impossible de m’en souvenir. D’ailleurs, je me demande s’il est d’Apollinaire. Bref une soirée mi-figue (ou abricot), mi-raisin de la colère.




Troisième jour



Toute la journée, je retournais la question : comment satisfaire une telle exigence ? Pour être honnête, je suis aussi allé chez Lucile parce que, c’est bien beau la philosophie, mais il faut bien éjaculer à un moment donné. Lucile est toujours entre deux amants et on peut passer sans prendre rendez-vous.


Elle m’a ouvert et je me suis ouvert à elle également. Elle n’avait jamais entendu parler de ces androgynes, elle n’en avait d’ailleurs rien à battre, mais elle m’a confié des jolis olisbos ou sextoys. « Comme ça, me dit-elle, tu te retires quand tu as autre chose à faire et tu lui laisses ces petits objets pour l’occuper jusqu’à la jouissance. J’imagine que tu ne satisfais pas ses désirs qui doivent être importants, parce que, moi, je prends mon pied avec toi. Ta queue n’est pas très longue, mais elle remplit bien. »


Un peu vexé par cette remarque, je lui expliquai qu’il s’agit d’une position philosophique, et non érotique. Je la fais jouir autant que toi, mais elle veut autre chose… Toujours est-il que le soir je substituai à ma raideur une érection en bois d’acajou, et elle sembla s’en satisfaire sur le moment. Mais dans la nuit, ses yeux se tournaient vers moi comme l’œil dans la tombe de Caïn.




Quatrième jour




Elle avait effectivement l’air d’une tigresse. Je rendis tout son matos à Lucile en échange d’une petite pipe amicale et je me creusai la tête. Le soir venu, j’entamai le débat.



(Je ne savais pas qu’elles se téléphonaient.)



Le soir, je fis un nouvel effort. Je restai en elle jusqu’à ce qu’elle s’endorme. Puis je m’endormis à mon tour. Malheureusement, je rêvai de Lucile en train de me prendre avec les sextoys et j’éjaculai, rendant le lit impraticable pour quelques minutes. Elle se leva pour prendre une douche, pour changer les draps. Je ne savais quelle attitude adopter. Il me semblait que son sexe me faisait la moue. Le mien était tout penaud.




Cinquième jour



C’est Lucile qui me laissa un message. Elle avait une idée. Un de ses ex était d’accord. D’accord pour quoi ? Je ne comprenais pas de quoi il retournait. Je la rappelai.



Je me demandais s’il fallait parler de cette idée farfelue, mais le soir il s’avéra que notre fiasco devenait de plus en plus patent et qu’il fallait tenter quelque chose. J’insinuai qu’il pourrait y avoir une solution, mais qu’elle n’était pas sans risque et qu’il fallait y réfléchir à deux fois. « Non, me dit-elle, y réfléchir à une seule fois est suffisant. La nuit porte conseil. » Elle me tourna le dos et se mit à ronfler.




Sixième jour



Éric est un bel athlète qui connaît par cœur la biographie de Franck Ribéry, né en 1983 à Boulogne-sur-Mer. Lucile lui avait expliqué le cas, mais en omettant soigneusement de parler du dialogue de Platon. Le soir, il est venu pour dîner en apportant un bouquet de tulipes et des chocolats bavarois. La conversation fut animée, mais de bon thon à la catalane. Après les platitudes, il fallut passer à la plénitude. Nous avions prévu le scénario suivant : je faisais l’amour en premier, et Éric était prêt à intervenir en cas de crampe ou de débandade. En attendant, il pouvait suivre en direct à la télévision le match Bayern Munich-Manchester City.


Je m’évertuais à résister le plus longtemps possible et puis, la rage au cœur, je me résignai à faire appel à mon remplaçant. C’est alors que je l’entendis du salon « Putain, tu peux encore tenir un petit moment, on en est à la 85ème minute ! Fais un effort, merde alors ! Surtout que ça fait 2-2 ! » Ce n’est pas ce qui était convenu, mais je tins correctement ma place jusqu’à la fin du match. Il me remplaça pour le restant de la nuit. Je m’endormis sur le canapé du salon.




Septième jour



Elle me prend à part : « Nous sommes proches de la grande réussite à laquelle nous aspirons depuis l’antiquité grecque. Il reste un petit problème, tout bête à résoudre. Je n’aime pas du tout le moment où tu te retires. Je ressens une angoisse avant que l’autre me pénètre. Aussi, ce soir, c’est lui qui commencera et toi tu me prendras ensuite par le petit trou avant qu’il ne se retire. Ainsi, j’aurai toujours au moins un de vous en moi, et plus ce sentiment de vide, de mal à l’âme. »


Il a bien fallu obtempérer. C’est donc moi qui ai regardé la télévision. Heureusement il y avait sur Arte Le soulier de satin de Paul Claudel. Ça dure six heures. D’ailleurs quand il m’a appelé, j’ai un peu protesté : « Diantre ! Nous en sommes au dernier acte… Ayez l’amabilité de tenir votre position quelques minutes encore, et je saurais si Marie des Sept-Épées va atteindre le bateau de celui qu’elle aime, Jean d’Autriche, le futur vainqueur de Lépante. » Mais Éric ne voulait rien savoir. Je les vois accouplés remarquablement et je me prépare pour qu’il puisse quitter son poste et changer de chaîne. Seulement, ce que nous n’avions pas prévu, c’est ce que Brassens chante avec justesse :


« …j’admets que ce Claudel

Soit un homme de génie, un poète immortel

J’reconnais son prestige

Mais qu’on aille chercher dedans son œuvre pie

Un aphrodisiaque, non, ça, c’est d’l’utopie »


Et voilà que je n’assure pas un cake. Impossible d’obtenir une érection digne d’une sodomie. Le Éric s’énerve : « Mais enfin, c’est pas sorcier ! » Évidemment, lui ne risque pas d’être ému par un soulier de satin. Une bien malheureuse soirée en vérité.

Éric est parti sans que je le raccompagne et en disant : « Si vous voulez, je peux vous trouver un mec qui assure. »




Huitième jour



Je pensais que j’aurais droit à une soupe à la grimace dès le lever du jour. Mais elle m’accueille au contraire avec un petit déjeuner pour grandes circonstances. Je laisse fondre un croissant tout chaud entre mes dents et elle s’explique. Oui, elle sexe plique :



La soirée se déroula donc comme elle l’avait prévu. Éric la baisa tumultueusement. À l’entendre jouir, je me sentais dans mes petits souliers de satin. Mais Lucile me rassura pendant que nous suivions le débat télévisé Le réchauffement climatique va-t-il entraîner un échauffement érotique ? Pendant que la déléguée climatico-clitoridienne parlait des conséquences avantageuses des nouvelles températures relevées dans les petites culottes, elle parcourait d’un orteil distrait la courbe de mes fesses, frôlait d’un ongle incarnat le velours de mes testicules, irritait plaisamment une verge sans vergogne.


Minuit. Éric demanda qu’on se prépare. Lucile entra dans la chambre et le vif du sujet. Elle lubrifia l’anus patient et résigné, puis elle me suça comme une artiste de variétés, car elle connaissait tellement de variantes qu’on avait l’impression qu’elle avait plusieurs bouches. Quand elle sentit les premiers soubresauts avant-coureurs, elle introduisit avec délicatesse le dard dare-dare dans l’œillet souillé de vaseline. Éric obtint alors la permission de se retirer. La plénitude ne subit aucun contretemps. Nous ne formions plus qu’un seul être mythologique, un androgyne divin, alors que dans la pièce à côté Lucile et Éric baisaient comme des porcs.