- Nervous breakdown -
Salut les branleurs, salut les branleuses, ici Brodsky pour votre chronique hebdomadaire « Et toi bébé, à quoi tu rêves ? ». Je sais que vous attendiez toutes et tous notre rendez-vous, et je vous avais préparé une chronique culturelle vachement chiadée, mais certains événements récents m’ont forcé à revoir ma copie. Place à l’actualité… Et comme toujours, aux règlements de comptes.
Je ne suis pas content !
En parcourant les textes de notre bien-aimé site, je suis tombé sur des lettres adressées au Père Noël plutôt indécentes. L’auteur y manquait profondément de respect à l’envers comme à l’endroit du Boss Suprême de l’Univers qu’il affublait d’un surnom scandaleux.
Moi, je suis tolérant, je suis pour la liberté d’expression, je suis Charlie, tout ça, tout ça… Mais bon, y a des limites à tout. S’en prendre au Tout Puissant Dabe qui s’occupe de faire tourner le cosmos, faut pas charrier… C’est la porte ouverte à toutes les fenêtres un truc comme ça, on peut pas laisser passer.
J’ai donc pris mon portable, et je L’ai appelé sur sa ligne directe. Je vous rapporte le dialogue…
- — Fêlé de la cafetière ?
- — Oui, Maître…
- — Il m’a vraiment appelé comme ça ?
- — Oui…
- — Et… on peut savoir pourquoi ?
- — À cause de la pub Nespresso.
- — Nespresso ?
- — What else ?
- — Pardon ?
- — Ah oui, c’est vrai, Vous ne regardez pas la télévision, Seigneur.
- — Je regarde KTO.
- — Moi aussi Seigneur…
- — Et il s’appelle comment ce Monsieur ?
- — Il se fait appeler Lacducoucou.
- — Sur quel forum ?
- — Euh…
- — Ne me fais pas perdre mon temps, Brodsky.
- — Je voudrais recevoir Votre absolution avant, Seigneur… S’il Vous plaît.
- — Allons Brodsky, tu sais bien qu’en tant qu’agent de mes services de renseignements tu bénéficies de l’Immunité Divine et du Pardon Éternel. Alors, quel forum ?
- — Rêvebébé.
- — Ah… Le fameux forum des obsédés…
- — Oui Seigneur…
- — Je ne comprends pas bien Brodsky. Tu es sur un site où toutes les perversions du monde sont étalées, et tout ce que tu trouves à dénoncer, c’est un vieux cochon qui jalouse mon petit « djooooj »?
- — On peut retenir contre lui les charges d’incitation à la débauche, de détournement du mythe du Père Noël, d’adultère, de blasphème, d’incitation à l’homosexualité, et de sorcellerie… Ce n’est pas rien quand même… Selon le Manuel de l’Inquisiteur de Nicolas Eymerich, ce gars est coupable à cent pour cent et mérite le bûcher.
- — Ici, oui… Mais tant qu’il est en bas, je ne peux rien faire, hélas…
- — On pourrait le dénoncer…
- — À qui ?
- — Au gouvernement… On pourrait faire ça finement. Laisser entendre par exemple qu’il a organisé en loucedé les réceptions du Carlton de Lille.
- — Mouais… Ça se tient. Il faudrait trouver un ou deux témoins compromettants…
- — Et puis, il y a sa maîtresse…
- — Explique…
- — Elle s’appelle Dominique, ce qui est une insulte à Sœur Sourire. Parce que là, quand on chante Dominique nique nique, ça n’a soudain plus le même sens…
- — Bien vu Brodsky…
- — Et puis Dominique, c’est aussi le prénom de Dodo la Saumure.
- — C’est quand même un peu tordu… On va avoir du mal à trouver un avocat pour plaider tout ça.
- — J’ai tout prévu Seigneur… On peut proposer à Vergès de le sortir de l’enfer en échange de sa collaboration.
- — Vergès, tu es fou, il n’acceptera jamais… Il est de toutes les partouzes du vieux bouc. Non, Isorni à la rigueur, ou Tixier-Vignancour.
- — Ouais, mais là, on va passer pour des fachos…
- — Merde, c’est vrai… Et puis, quand même, le dossier n’est pas très épais.
- — On pourrait mouiller ses admirateurs pour complicité. Favasso par exemple, qui lui a mis un 15 et qui dit aux inscrits : «Lisez-le si vous voulez savoir, bande de cloches ».
- — Hum… Ils se connaissent sûrement.
- — Et Vous ne connaissez pas les correcteurs du site. Ils prétendent que c’est pour assurer que seuls des textes de qualité seront diffusés. Mais en réalité, Seigneur, c’est juste pour pouvoir lire avant tout le monde toutes les cochonneries que les autres écrivent. J’ai entendu dire (mais ça reste à vérifier) qu’ils ont formé le gang des papis pervers.
- — Oui, je vois… Une véritable association de malfaiteurs. Mais dis-moi, Brodsky, il y a vraiment des récits maléfiques qui sont édités ?
- — Si Vous saviez, Seigneur…
- — Eh bien justement, je veux savoir.
- — C’est tellement affreux… Je ne peux pas…
- — Tu sais, j’ai vu tellement de choses depuis la création, tu ne risques pas de m’impressionner.
- — Eh bien, il y a un certain Samuel qui raconte ce qu’il fait à ses partenaires dans les toilettes d’un café craignos, et puis le célèbre Radagast qui nous explique comment grimper sa gonzesse au restaurant… Une horreur je vous dis… Et je passe sur les histoires de sodomites, qui, comme Vous nous l’avez enseigné, sont « une abomination ». Franchement, ce n’était pas la peine de détruire Sodome et Gomorrhe pour en arriver là… Moi, je dis ça, je dis rien, mais si Vous balanciez un éclair ou deux pour foudroyer ces malfaisants, après, on pourrait les juger tranquillement ici.
- — Le problème, Brodsky, LE Grand Problème, c’est que je ne peux pas. La liberté d’expression, tu as entendu parler ?
- — Mais… Seigneur ! Enfin ! Ils se fichent de Vous et de la Sainte Église Catholique.
- — Ils en ont le droit.
- — Qui leur a accordé ce droit ?
- — Moi… Tu sais, moi aussi, quelque part… Je suis Charlie.
- — QUOI ?
- — Ils ne font pas de mal à grand’ monde tes gugusses. Ce n’est pas une bande de queutards qui va mettre en péril la Création.
- — Mais enfin… Ce sont des fornicateurs fous, on ne peut pas les laisser continuer comme ça.
- — Pourquoi ?
- — Mais… La morale ! Et le Catéchisme de l’Église Catholique qui affirme clairement que…
- — Foutaises…
- — Quoi foutaises ?
- — Écoute Brodsky, tu commences à me les briser menues, là… Je vous ai donné l’ordre de croître et de multiplier. Et crois-moi, plus il y aura de quéquettes qui croîtront, et plus on multipliera.
- — Sauf que ceux-là, ils mettent des préservatifs ou prennent la pilule. Tout ce qui les intéresse, c’est la fornication. En plus, la Terre est surpeuplée, y a des Chinois partout maintenant, dans les cafés, dans les sexshops, des Turcs plein les kebabs, des Indiens dans les boîtes d’informatique et des travelos dans les boîtes de nuit à un point tel qu’on ne sait même plus qui est qui. On sera bientôt plus de dix milliards sur cette putain de planète. Mais bien sûr, Vous vous en fichez, Vous. Y a de la place ici… Vous pouvez accueillir toute la misère du monde. Mais en bas, putain, c’est l’enfer… Rien qu’hier, j’ai dû faire le tour du quartier trois fois pour garer ma bagnole. Alors bon… Multiplier, multiplier, c’était bon quand ils étaient deux ou trois sur Terre. Maintenant, faut arrêter tout ça… Stop ! Faut contrôler les naissances, sélectionner les meilleurs, et faire le tri sélectif. J’suis écolo moi…
- — T’es surtout très con Brodsky. Et teigneux, voire facho, limite raciste…
- — Et allez, ça y est, tout de suite, les grands mots sont lâchés… C’est toujours pareil ! Moi, je viens comme ça, dénoncer discrètement un type qui s’en prend à Vous, juste pour rendre service, et vlan ! On me traite, on m’insulte, on m’injurie, on me déshonore, on me rabaisse, on m’avilit, on me dégrade, on se moque… Oh, mais ça va pas se passer comme ça, c’est moi qui vous le dis. Je vais leur régler leur compte à ces dégénérés, moi, les dingues je les soigne, je vais leur faire une ordonnance, et une sévère… J’vais leur montrer qui c’est Raoul…
- — Allons Brodsky, calme-toi cinq minutes, et explique-moi ce qui te bouleverse comme ça…
- — Je Vous l’ai dit… Lacducoucou Vous a insulté. Et ça, c’est peut-être à cause que je suis trop émotif, mais je supporte pas. Je peux pas… C’est plus fort que moi… Ça me fout en rogne… je sens que je suis au bord de la nervous breakdown.
- — Brodsky !
- — …
- — La vérité !
- — Je Vous l’ai dit, Seigneur, je…
- — BRODSKY !
- — C’est pas juste…
- — Qu’est-ce qui n’est pas juste ?
- — Il a un putain de talent d’écrivain cet enfoiré…
- — Et alors, qu’est-ce qui te gêne ? C’est plutôt bien, non ?
- — Ouais, bien sûr… Mais il fait de la provoc, et la provoc’, c’est à MOI, c’est MON créneau, c’est chasse gardée, c’est ma marque de fabrique. Enfin, je croyais… Mais depuis que je lis leurs machins, je me rends compte que je suis plus tout seul…
- — Tu te croyais à ce point unique ?
- — Ben oui… D’habitude, quand j’écrivais mes histoires, y avait toujours toute une bande de têtes de nœuds qui se mettait à aboyer, à hurler, à trépigner. On m’insultait, on demandait ma tête, voire même des fois, on me priait de partir, et pas toujours poliment. Et ça, ça me faisait jouir, j’avais l’impression d’emmerder les cons, l’impression d’exister. Et là, non seulement ils se montrent gentils avec moi, mais en plus, ILS FONT MIEUX. C’est carrément insupportable !
- — Bref, tu es jaloux…
- — Jalmince ? Bien sûr que je le suis… Je sais pas si Vous vous rendez compte qu’en plus, ils sont capables de raconter des histoires à plus de 7000 signes. 7000 signes, putain, mais faut travailler comme un chien pour arriver à pondre un texte aussi long. Et eux, ils vous pondent des histoires à 18000 voire 30000 signes des fois, quand moi, je suis obligé de tricher et de coller des points de suspension à chaque ligne.
- — Aaaaah, c’est pour ça, les trois petits points à presque chacune de tes phrases…
- — Ben oui, pourquoi ?
- — Tu me rassures… Je croyais que tu avais viré Franc-Mac’.
- — Franc-Mac’ ? Non mais ça va pas la tête ? Vous me voyez avec une équerre et un compas à la main? Le compas… Quelle connerie ce truc. À part pour faire des rosaces à la con, qui donc s’est servi d’un compas après avoir passé son bac ? C’est vraiment LE truc par excellence qui sert à rien.
- — Bon eh bien je ne vois qu’une solution à ton problème Brodsky.
- — Ah oui Seigneur, laquelle ?
- — Ça ne va pas te plaire…
- — Oh vous savez, moi, je suis prêt à tout. Même à les dessouder… Ad Majorem Dei Gloriam, bien entendu.
- — Tu ne dessouderas personne, espèce de crétin. Tu vas juste bosser un peu plus tes textes, c’est tout.
- — Bosser ?
- — Oui, bosser, travailler, turbiner, toi y en as comprendre ?
- — Oh non… Putain…
- — Tu n’as pas le choix mon petit bonhomme… Bosser, et faire preuve d’humilité.
- — Ah non, pas ça… Pas l’humilité… C’est trop difficile…
- — Ben oui, mais en même temps, tu n’as pas le choix…
Et voilà, comme d’habitude, ça s’était encore retourné contre moi. Je suis donc retourné devant ma bécane et je me suis mis à taper comme un dingue sur mon clavier d’ordinateur, en ronchonnant, bien sûr. Me revenaient en mémoire ces vers de la Thébaïde de Racine :
J’espérais que du ciel la sagesse infinie
Voudrait prendre parti contre la tyrannie
Et que lassé de voir répandre tant de sang
Il rendrait à chacun son légitime rang
Mais puisque ouvertement il tient pour l’injustice
Et que des criminels il se veut le complice…
- — BRODSKY !
- — Oui Seigneur ?
- — Arrête de râler et bosse, espèce de feignasse !
- — Oui Seigneur…
*
Tout ça c’est la faute à Lilas… C’est elle qui m’a ramené ici… Jamais j’aurais dû l’écouter… Mais je vais vous en écrire des textes moi, z’allez voir… z’allez vous la taper ma prose… z’allez voir les prochains concours… Moi, quand on m’en fait trop je correctionne plus, je dynamite, je disperse, je ventile…
Voilà, c’était Simon Brodsky à l’antenne des studios Rêvebébé… Il est temps de rendre l’antenne. Et maintenant, foutez-moi la paix : JE BOSSE !
À la semaine prochaine !