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n° 16707Fiche technique12105 caractères12105
Temps de lecture estimé : 8 mn
15/03/15
Résumé:  Après la litanie de récits idéalisés de premières fois en club que j'ai vu passer en tant qu'évaluateur, voici le seul texte réaliste sur le sujet !
Critères:  fhhh fagée sauna voir pénétratio partouze init nonéro
Auteur : Liam      Envoi mini-message
Errances

Une ville de province, quelque part. La solitude des déplacements professionnels, d’hôtel en hôtel, de chambre en chambre, de lit en lit…

Des promenades solitaires, aux heures où les derniers bus ramasseraient quelques attardés, s’il y avait des bus… Sur le pavé des ruelles mal éclairées, mes souliers dérangent le silence ouaté où seuls quelques bruits de voitures cohabitent avec les portes qui se verrouillent et les volets qui se ferment de ci, de là. J’essaie de me convaincre que je marche sans but, mais c’est peine perdue…


En fait, c’est la troisième fois que je repasse devant l’entrée du sauna libertin dont l’enseigne bleutée attire et repousse mes pas fébriles. Y aura-t-il encore une voiture arrêtée au feu ? L’homme qui fumait sur le trottoir sera-t-il rentré chez lui ? C’est la première fois que je me rends dans ce genre d’établissement. Et dans cette ville que je ne connais pas et où personne – normalement – ne me connaît, j’éprouve des hésitations d’adolescent.


Cette fois-ci, la voie semble libre. Prenant une grande inspiration, je pousse la porte en espérant que celle-ci s’ouvre immédiatement sans que j’aie besoin de sonner et d’attendre sur le trottoir. Heureusement, point de tout cela, et en l’espace d’une seconde me voilà dans l’antichambre du purgatoire. Enfer ? Paradis ? Cela ne dépend plus de moi…


En guise d’accueil, un petit guichet sur la gauche, et derrière lui une femme plantureuse exhibant sa poitrine ridée à la faveur d’un décolleté aguicheur me salue.



Sa voix est suave. La mienne ne l’est pas alors que je lui réponds par la négative.



Je la remercie et me dirige vers les vestiaires. Dans un coin, un homme se rhabille. Tout en commençant à ôter mes vêtements, je me demande s’il a trouvé ce qu’il était venu chercher. Est-il hétéro ? Homo ? Bi ? Y a-t-il des couples à l’intérieur ?


Désormais, je suis nu sous ma serviette, comme souhaité par la tenancière. Je glisse le bracelet numéroté à mon poignet et quitte les vestiaires par la porte donnant vers le bar. Assis sur les tabourets, deux hommes regardent le fond de leur verre. Aucune présence féminine, si ce n’est la barmaid. Tout en retenant machinalement ma serviette, je me dirige vers le bar sous les regards curieux – voire inquisiteurs – des deux hommes. Derrière le bar, je retrouve la femme qui m’a accueilli.



Je commande un café et m’assieds à mon tour sur l’un des tabourets. J’en profite pour explorer l’endroit du regard en commençant par l’écran qui diffuse un film porno. Rien d’étonnant à cela dans un tel lieu, mais ça ne réchauffe pas l’atmosphère pour autant. Sur toute la longueur de la pièce, des fauteuils vides attendent eux aussi qu’une paire de fesses vienne les recouvrir. Au milieu de la salle, une barre de pole dance équipée de menottes pleure d’ennui sous les jeux de lumière.


Je termine mon café et décide d’aller explorer les entrailles de cette étrange bête qui se nourrit de la perversion humaine. Je traverse un petit hall desservant d’un côté les douches, le sauna et le jacuzzi, et de l’autre un escalier menant à l’étage. Mes pas me mènent tout d’abord en direction des jeux d’eau et je constate rapidement que je suis la seule âme qui vive dans cette partie du club. Sur la droite, le jacuzzi bulle pour rien. J’ouvre la porte de la cabine sauna et la referme aussitôt : comment peut-on respirer là-dedans ? Sans se brûler les poumons, s’entend !


Je décide de poursuivre mon exploration à l’étage. L’obscurité déjà prononcée du rez-de-chaussée se fait plus oppressante. Seules quelques faibles lumières rouges permettent de distinguer les différentes pièces qui se profilent de part et d’autre d’un long couloir qui serpente. À certains endroits, des ouvertures placées à une hauteur évocatrice exposent leur vacance de chair en vomissant la lumière diffuse de l’intérieur des chambres.


Je ne suis pas le seul à hanter les lieux. À cet étage, d’autres hommes-serviettes déambulent en jetant des regards indiscrets dans l’entrebâillement des portes. La première fois que je les croise, ils me regardent comme des loups regardent un autre loup venant rejoindre la meute. Dans ce monde de silence où les regards et les gestes semblent être le seul langage, nous n’échangeons aucune parole.


Arrivant dans l’un des innombrables recoins engendrés par les méandres du couloir, je perçois un gémissement aigu et continu, comme la longue plainte de quelqu’un qui se serait coincé les doigts dans une porte mais n’aurait pas la présence d’esprit de la rouvrir. En me rapprochant, je distingue un attroupement d’hommes-serviettes devant une large fenêtre donnant sur l’une des pièces. À l’intérieur de celle-ci se trouve l’origine non pas du monde, malgré le tableau qui s’offre à moi, mais du cri dont j’avais suivi les résonances.


Sur la paillasse, une femme d’une soixantaine d’années aux cheveux blonds délavés et au corps overdosé d’ultra-violets se fait saillir en levrette sous le regard dégoulinant de désir de trois hommes qui se masturbent. Parfois, l’un d’entre eux a la bonne idée de fourrer son sexe dans la bouche de la femme, ce qui stoppe pour quelques secondes le hurlement plaintif et repose ainsi mes oreilles.


Au bout de quelques minutes, je vois que le mouvement s’accélère. L’homme responsable de cette étrange jouissance perpétuelle sort alors son engin de la vieille chatte aux lèvres pendantes, retire sa capote et la jette dans un seau déjà rempli d’emballages de préservatifs et d’essuie-tout. Immédiatement, l’un des trois autres vient prendre sa place et une scène identique à la précédente commence. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la plainte lancinante se fait à nouveau entendre et je me demande alors combien de queues sont déjà passées ce soir dans ce sexe insatiable, et combien d’autres viendront encore. La seule chose dont je suis sûr est que la mienne restera au chaud sous sa serviette, loin de cette orgie répugnante qui ne trouverait même pas sa place dans un film porno.


Je laisse donc les autres hommes-serviettes continuer de s’astiquer les yeux avec la vision décapante de cette scène surréaliste et décide de retourner voir si un corps mijote dans le jacuzzi. Au bas des escaliers, je croise un autre homme-serviette s’en allant sans doute grossir le casting du mauvais film qui se déroule en haut. Nos yeux se croisent, nos corps s’évitent.


Arrivé devant le jacuzzi, je constate que celui-ci est toujours désert. Et si, quitte à être là, je profitais un peu des installations ? Je suspends ma serviette à l’une des patères, et après un passage sous la douche me voilà barbotant dans les eaux agitées et bruyantes de cette grande baignoire à qui l’éclairage bleuté donne l’allure d’une soucoupe volante. L’effet massant est agréable, et je soupçonne que l’on puisse s’endormir, bercé par le clapotis des bulles. Alors j’évite de fermer les yeux, autant pour ne pas sombrer dans les bras de Morphée que pour regarder en direction du couloir les allées et venues éventuelles.


Au bout d’un moment, un homme d’une cinquantaine d’années vient me rejoindre. Après un rapide passage sous la douche, il entre dans le jacuzzi et vient se positionner juste à côté de moi. Nos jambes flottent côte à côte. Parfois, son bassin se lève et je peux distinguer son sexe, partie émergée de ce gros iceberg ventripotent. Nous n’échangeons pas un mot. Assis dans ce tepidarium des temps modernes, je repense à mes cours d’Histoire et m’imagine en Romain barbotant aux côtés de Néron ou d’Auguste dans les eaux bienfaisantes des thermes dioclétiens.


Un contact sur ma peau me fait sortir de ma rêverie. La jambe de l’homme présent à mes côtés vient de toucher la mienne. Est-ce fortuit ? Volontaire ? Mon regard se porte à nouveau sur son sexe, et je constate qu’il commence à grossir. Sans attendre une autre confirmation, je me lève et quitte le jacuzzi avant que la situation ne devienne franchement gênante.


Après un nouveau passage sous la douche, je récupère ma serviette et recommence mes déambulations. Un rapide passage à l’étage pour constater que le gang-bang marathon n’est toujours pas terminé, puis je redescends et décide d’aller me rafraîchir au bar en me disant qu’ainsi je serai aux premières loges pour voir arriver d’éventuelles nouvelles têtes.


Tandis que je sirote un Coca en consultant distraitement les revues porno qui traînent sur le bar, deux hommes font leur apparition. À leur façon de saluer la patronne, j’en conclus qu’il s’agit là d’habitués. J’en ai la confirmation lorsque la serveuse leur explique que « ça chauffe » à l’étage. Ni une, ni deux, les deux hommes-serviettes se dirigent vers l’escalier et vont alimenter la sirène d’alarme qui se fait fourrer au premier.


Mon verre de Coca est vide, désormais, et une envie de m’échapper de ce lieu me prend. Je me dirige donc vers les vestiaires afin de retrouver mes vêtements, et avec eux un semblant de dignité.


Quelques instants après que ma serviette soit tombée sur le sol, un couple d’une trentaine d’années fait son apparition. Lui est bien bâti, habillé avec style. Elle est plutôt jolie. Brune, un corps dessiné par de belles courbes et vêtue d’une robe noire d’où sortent de longues jambes finement galbées.

Évidemment, je pourrais faire marche arrière, remettre ma serviette… et retourner grossir la troupe des hommes-serviettes qui vont immanquablement suivre le jeune couple dans les méandres du club en une grotesque farandole, avec pour seul espoir d’être cordialement invités par monsieur à baiser madame… Mais je n’en fais rien. Au lieu de ça, je me rhabille tranquillement, sans un regard pour les nouveaux arrivants, avant de rendre à l’employée les effets du club.


Reste une dernière difficulté : réussir sa sortie… C’est-à-dire franchir la porte du club sans tomber nez-à-nez sur une famille revenant de la soirée de préparation au baptême se tenant au presbytère de l’église d’en face ! Pour ce faire, une seule technique : ouvrir rapidement les portes en comptant sur sa bonne étoile et marcher d’un pas rapide et sûr dans la direction où il semble y avoir le moins de monde…


Mais après cette escapade hors du temps, j’ai oublié où je me trouvais…

Dehors, il n’y a plus âme qui vive, et les rares attardés, pressés de rentrer chez eux, roulent bien trop vite pour prêter la moindre attention à cet homme qui sort du sauna.


Bientôt le coin de la rue, et mon hôtel est en vue. Personne ne m’a remarqué, sans doute parce qu’il n’y a rien de remarquable dans ce que je viens de faire… Je n’ai heurté personne, si ce n’est ma conscience qui me rappelle que je dois téléphoner à ma femme dans cinq minutes. Il me faut me hâter : les murs feutrés de la chambre d’hôtel doivent envelopper mes mensonges de leur silence rassurant.


Demain, avec un peu de chance, peut-être croirai-je avoir rêvé…