Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 16739Fiche technique62247 caractères62247
Temps de lecture estimé : 37 mn
03/04/15
Résumé:  On sait aujourd'hui, grâce à Dali, que la gare de Perpignan est le centre du monde. Apprenez de même que toute pizzeria est un lieu d'excellence pour la réception des ondes cosmiques et la circulation des fluides magnétiques.
Critères:  fh copains grosseins caférestau fête toilettes vengeance dispute fellation init portrait
Auteur : Le père Hamptoire      Envoi mini-message
L'augure

Les examens une fois terminés, les résultats tombés, je ne sais plus qui lança l’idée d’une petite bouffe traditionnelle, histoire de fêter ça. Traditionnelle au sens où pour fêter la fin d’une année, qu’on ait réussi les examens ou pas, on en arrivait toujours là. Je n’étais pas enthousiaste, encore que l’idée d’une pizza communautaire ne fût pas désagréable en soi, mais je n’avais pas trop envie de me retrouver avec ces gens-là. Bon, il faut peut-être que je vous explique.


Dans un groupe dominé par deux garces qui s’y entendent fort bien à transformer leurs charmes en pouvoir absolu, les autres filles sont réduites à pas grand-chose, les garçons à rien du tout. Les deux duchesses auxquelles je pense, deux demi-sœurs en fait, magnifiques chacune dans son genre, massivement friquées, dûment socialisées dans la sphère supérieure, toujours solidaires, du moins en public, entretenaient à l’époque une petite cour où des filles moins gâtées tentaient de copier leur style et de capter leur amitié pour détourner un soupçon d’influence à leur profit ; à la périphérie, des garçons sans dignité faisaient les beaux en attendant qu’on leur balance un sucre. Or moi j’ai toujours refusé d’être un caniche juste bon à donner la papatte et à être baladé en laisse.


Vous voulez que je vous dise ? Tous ces super canons dotés des avantages qui plaisent à tout le monde et que tout le monde veut, ce sont des pièges à mecs, des arnaques ambulantes. En réalité elles ne travaillent jamais qu’à leur profit exclusif. Moi, ça me met en rogne et c’est plus fort que moi : dès que je vois une Barbie qui rapplique en faisant valoir des accessoires qui font loucher les filles et baver les mecs, je me ferme aussi sec et je vire de bord. Bon, passons.


Curieusement, les deux pétasses en question ne semblent pas avoir d’amoureux attitrés. Non, personne dans leur vie, du moins personne que nous, on connaisse. Comme elles sont vraiment désirables et qu’elles n’ont qu’à donner un coup de pied dans un réverbère pour faire tomber douze prétendants, il y a comme qui dirait quelque chose qui cloche, mais allez savoir…


Donc ce soir-là, qui se trouve à table ? À tout seigneur, tout honneur commençons par Charlène, une grande fille blonde, solidement bâtie, un tantinet trop ronde, avec des seins d’un volume extravagant. Comme elle n’a pas peur des mouches, ce soir ils sont superbement mis en valeur dans un petit top noir moulant assorti à un cache-cœur rose bonbon en tricot vaporeux, le tout sur un jean superbement rempli. Elle a dû choisir un soutien-gorge du genre impalpable, car le moindre mouvement fait imperceptiblement batifoler ses nichons.

Charlène est une extravertie ; elle est souriante, parle et rigole tout le temps. Elle te laisse toujours croire qu’entre elle et toi, il y aurait comme un petit lien privilégié. Elle te parle souvent d’un peu trop près, posant sa main sur ton avant-bras. Les mecs avalent goulûment l’appât et se laissent prendre au piège, s’imaginant avoir un ticket. Ils persistent dans cette illusion parce que Charlène est une maîtresse dans l’art de les embobiner.


Juste à côté il y a Pauline, née d’une autre mère. Plus jeune d’un an et demi, un peu plus petite que sa sœur, plus menue aussi, brune, cheveux courts, mince mais avec toutes les rondeurs féminines souhaitables, en quantité modérée mais dans une qualité exceptionnelle. Au vrai, elle est admirablement faite et flatte sa merveilleuse silhouette en usant et abusant de minishorts et autres micro-jupes sous lesquels elle porte des leggings arachnéens. Celui de ce soir est lie-de-vin très foncé. Ah, Pauline… Il y a peu de filles qui aient des cuisses et des jambes aussi longues, aussi bien galbées et d’une rondeur idéale.

Avec les gens elle est plus discrète que sa sœur. Elle fait moins dans le tapage relationnel, mais je la soupçonne d’être encore plus redoutable que l’autre, moins honnêtement manipulatrice, plus secrètement retorse.


Bref, Charlène et Pauline, c’est la chair au féminin, dans toute sa gloire. Seulement tout ça c’est du bluff, un paravent, un trompe-l’œil au-delà duquel s’activent deux intelligences brillantes qui n’ont qu’un objectif : la volonté de puissance. Et toutes deux s’entendent à merveille pour avoir à leurs bottes le petit monde qui les courtise.


À côté de Pauline il y a Léonie, une grande fille douce et pas mal du tout. Elle garde les cheveux longs pour cacher ses oreilles décollées, mais ils sont trop raides et les oreilles passent au travers. Ça ne suffit pas à me la rendre antipathique et j’ai souvent été à deux doigts de lui proposer un MacDo, histoire de se changer du restau U. Car au fond elle est mignonne Léonie, du genre qu’il faut regarder deux fois. Elle n’a pas l’air comme ça, mais elle très bien foutue. En plus elle paraît vraiment gentille, alors moi je me dis que ses oreilles, ce n’est pas si grave. Et puis ça peut s’arranger, elle n’a qu’à les faire opérer.


En face il y a Rachel, une petite brunette à cheveux fous, toujours habillée mini, en dépit du fait que ses jambes soient trop courtes, ses hanches trop larges et ses cuisses trop rondes. Pourtant le tableau est assez sensuel et dans son genre elle serait plutôt motivante. Non, ce qui me décourage avec elle, ces sont ses petits yeux myopes, planqués derrière des hublots qui ont tout du verre blindé. Je sais, c’est injuste. C’est même dommage parce que cette fille est mignonne et adorable, mais la vie est ainsi faite.


N’oublions pas Justine, mince, jolie, les yeux d’un bleu lumineux, sympathique, souriante, qui me semble avoir une vie compliquée. J’en aurais bien fait mes dimanches de la Justine, mais dès qu’elle a eu 13 ou 14 ans un certain Mario lui a mis le grappin dessus. Il est con, il est moche et il lui rend la vie impossible avec sa jalousie. Il est d’ailleurs là, ce soir, à tous nous regarder par en dessous, veillant sur son bien, mauvais comme la gale. Il aurait bien aimé qu’elle laisse tomber la fac et pour lui faire plaisir cette andouille l’aurait fait, mais là ce sont les parents de Justine qui ont tenu bon et qui ont menacé de couper les vivres à leur fille, donc au jeune couple. Du coup, ça l’a calmé le parasite ! Mais Justine est intoxiquée, elle s’imagine qu’elle vit une vraie histoire d’amour et on dirait qu’il n’y a pas d’autres mecs sur terre que ce salopard. Elle ne montre donc aucune intention de s’en séparer.


Enfin à ma droite il y a Sophie, une fille sans grand attrait, taille moyenne, poids moyen, visage moyen, cheveux mi-longs, toujours vêtue sans recherche et sans aucun effort de mise en valeur : jamais rien de court ou de moulant, jamais de maquillage, éternelle queue de cheval basse. On dirait qu’elle s’acharne à briser dans l’œuf tout désir masculin. Elle m’intrigue Sophie. Elle m’attire en fait ; peut-être plus comme individu que comme femme. Il y a autour de cette nana comme une odeur de mystère. À première vue elle aurait un petit air vulnérable, en réalité elle respire la force et l’équilibre.


Du côté des garçons il y a donc l’enflure à sa Justine, front bas et bouche amère, puis Quentin, un grand blond sportif un peu hautain qui vient de se faire plaquer par sa copine parce qu’il sortait discrètement avec une autre. Curieux que la nouvelle ne soit pas là d’ailleurs… Les deux l’auraient-elles plaqué en même temps et pour le même motif ?


À ma gauche, assis sur une fesse, mon pote Dominique, un petit brun du genre pince-sans-rire qui suit attentivement les conversations. C’est un malin le Domi ! Quand il aide son père charcutier en servant à la boutique, il en met toujours un peu plus sur le plateau en demandant à la cliente « Je laisse ? » Mais si je suis là ce soir, c’est grâce à lui. Personne ne m’avait tenu au courant des festivités. Je lui ai d’abord dit que je ne viendrai pas. Il m’a répondu sur un ton doucereux :



Oui, moi c’est Bébert ! Parce qu’en plus, il a fallu que mes géniteurs m’appellent Albert ! Du coup, je suis venu. Et me voilà en bout de table en train de m’appliquer à prendre mes distances, parce qu’il est exclu que je laisse du mou aux deux gonzesses. Je vous entends cogiter. Vous vous dites « En s’y prenant comme ça, il ne risque pas de les baiser ! » OK, vous avez raison, mais les autres ne les baiseront pas davantage ! Alors ma satisfaction, c’est de ne leur donner aucune satisfaction ! Pigé le topo ?

Elles, elles l’ont bien compris d’ailleurs. On m’a rapporté que j’étais pas sympa, que j’étais un ours, un butor, un attardé et dernièrement que j’avais tout du blaireau. Il paraît même que je suis ringard et prétentieux. Match nul : un partout ! J’ai pas gagné mais au moins j’ai pas perdu.


En ce moment, la conversation dérape côté cul. Ça vient toujours de Charlène qui adore se la jouer dévergondée. Quel est le fin du fin de toute garce tant soit peu en beauté ? S’afficher baiseuse de grande classe sans rien accorder à personne, du moins à personne chez les présents. La vertu n’a rien à y voir, cherchez plutôt du côté de la quête du pouvoir : « Tant que tout le monde me désire et que personne ne me possède, je règne. »


Le cirque a commencé avec les desserts. En voyant la maxi-glace dont Charlène allait ballonner son courageux estomac déjà bien alourdi par un apéro plein de sushis, suivi d’une pizza modèle fort descendue à l’aide d’une grande bière, Justine lui a glissé :



Justine rigole. Un peu soucieuse, Pauline intervient :



Et à sa sœur qui se lève déjà :



Elle se lève et disparaît en direction des toilettes, tortillant outrancièrement des fesses dans son jean moulant.

À Justine qui lui lance gaiement :



Charlène répond sans se retourner, par un doigt d’honneur. Le temps d’en rigoler et de se demander ce qu’elle a en tête, elle réapparaît. Quelqu’un lance :



Sereine, innocente, tranquille comme si de rien n’était, Charlène trimbale ses énormes seins sans aucun soutien. Elle adopte la même démarche chaloupée que tout à l’heure et ils ondoient majestueusement à chacun de ses pas, dans le léger cache-cœur qui ne fait que les envelopper. Elle ne tente d’ailleurs rien pour atténuer leurs mouvements et navigue au contraire le dos bien droit pour les projeter vers l’avant. Ils sont spectaculaires les nichons de Charlène !


Quand elle arrive à notre table, on devine les larges aréoles sous les mailles un peu lâches. À dire vrai, ils sont déjà un peu victimes de leur poids et la gravité ne leur fait de cadeau. Mais enfin, compte tenu de leur volume, je dois reconnaître qu’ils ne s’étalent pas tant que ça. À mon corps défendant, j’avoue que j’y mettrais bien les mains.

Elle ouvre son petit sac, y prélève d’abord un débardeur qu’elle largue sur la table avant de sortir de la dentelle noire et de négligemment laisser choir un joli soutien-gorge aux bonnets démesurés. Aussitôt Domi essaie de s’en emparer :



Mais Charlène, plus rapide que lui, récupère aussi sec le sous-vêtement :



Elle s’appuie alors des deux mains sur la table et sans avoir l’air d’y toucher, nous fait son cinéma. Elle se penche en avant, comprimant ses grosses mamelles entre les bras, avant de les libérer d’un coup. Et ce n’est pas le doux écrin de laine rose qui les empêche de danser…



Et elle se dirige vers le bar avec la même démarche de fille complètement délurée. On voit qu’elle discute un moment… Elle baisse le regard… Manifestement, le barman lui parle de ses seins. Un serveur arrive, puis un autre… Ça rigole… Elle se laisse toucher par le plus vieux à travers la laine, juste un geste rapide, façon « oui, effectivement c’est du naturel » tandis que Pauline se cache le visage. Charlène revient avec un grand plateau dans les mains :



Pauline réfléchit, se lève, fait quelques pas, revient et s’adresse à Justine :



La ceinture à la main, trottant sur ses escarpins avec l’énergie de la fille en pétard, Pauline disparaît à son tour dans les toilettes. Quand elle revient, le tableau est à tomber à la renverse. Elle, c’est le débardeur qu’elle a gardé. En dessous elle porte juste son legging à moitié transparent qui moule comme une seconde peau ses formes délicieuses. La ceinture élastique de Justine assure la jonction entre les deux. Elle a viré tout le reste. Elle est impressionnante avec sa silhouette impeccable, une taille ultrafine et des rondeurs parfaites, des petits seins toniques, des hanches arrondies, façon amphore sans pour autant être très larges, un ventre délicat, idéalement galbé. On distingue nettement son sexe moulé sous le maillage très fin, bien dessiné, partagé en deux, manifestement glabre, plus nu que nu.

En arrivant, sans l’ombre d’un sourire, elle largue short, soutien-gorge et blouson en jean sur la table. Extrayant à moitié de son sac à main un bout d’étoffe noire, elle ajoute :



Sans attendre la réponse, la voilà qui s’en va vers le comptoir. C’est là qu’on mate ses adorables petites fesses dessinées au compas, charnues juste ce qu’il faut, qui vibrent avec sensualité au rythme de ses pas. Tous les mecs présents dans le restau, éberlués, suivent des yeux cette déesse dont on perçoit l’entière nudité sous la fine pellicule sombre qui épouse les lignes impeccables de son corps. Quelques compagnes protestent en ricanant, en grognant ou en balançant ostensiblement des coups de pied sous la table, mais toutes fusillent du regard la compétitrice déloyale.

Pauline revient avec une bouteille de mousseux et des verres sur un plateau :



Domi prend un ton faussement consolateur :



Le parallèle est tellement inattendu que, le temps de comprendre, tout le monde s’esclaffe autour de la table, même moi. Charlène ajoute alors :



Elle n’a pas tourné les talons que l’infatigable Charlène reprend le crachoir :



L’évidente cruauté de la suggestion nous rend tous muets. Qu’est-ce que la pauvre Sophie pourrait bien érotiser ? Il n’y a pas plus étrangère qu’elle à ce genre de démarche ; à cause de son physique, certes, mais aussi à cause de sa mentalité. Comment une fille aussi terne pourrait-elle seulement envisager quelque chose d’aussi flamboyant qu’une conduite érotique ? Seulement personne ne peut dire à Charlène « Elle est sans intérêt et tu le sais, alors fiche-lui la paix ! » Oui, comment dire ça ? Donc tout le monde la boucle et laisse Sophie se dépêtrer de cette situation. Mais moi, je me promets de lui venir en aide à la première perche tendue.



Est-ce là pure naïveté de ma part ? Il me vient le fol espoir que Charlène n’agit pas pour écrabouiller Sophie mais qu’à sa manière, elle cherche peut-être à l’aider à sortir de sa coquille.



Je lève le nez, scandalisé, mais comme tout le monde rigole en me regardant, même Domi, je réalise qu’ils sont tous d’accord avec elle. Je me limite donc à indiquer ma poitrine de l’index en écarquillant les yeux, sur le mode « plus innocent que moi on trouverait pas dans une crèche » avant de regarder Sophie avec un petit sourire coincé, haussant les épaules et écartant les mains en signe d’impuissance.

D’abord Sophie me regarde sans rien dire, puis elle a un petit sourire énigmatique. Il me semble que son silence dure une éternité. Alors elle lâche un truc qui me sidère :



Elle se lève au milieu des cris de joie, va vers le comptoir, en rapporte trois gobelets opaques et un sachet de M&M’s.



Le silence s’est fait autour de la table ; même Charlène est bouche bée. Quand Pauline revient, elle nous trouve dans cet état cataleptique.



Sophie insiste froidement en me regardant :



Sans la quitter du regard, je lui lance :



Domi me cède sa place pour que je sois juste en face d’elle et Sophie place une confiserie jaune sous un gobelet retourné. Tandis qu’elle les fait circuler sur la table, je m’applique à garder le contact visuel avec le gobelet fatidique. Quand elle arrête son petit jeu, elle me dit : « Alors ? » Je suis sûr de ne rien avoir perdu des gestes de Sophie et j’indique celui de droite. Elle le soulève lentement… Rien. Au contraire elle soulève celui du milieu, prend la boulette jaune et la croque.



Cette fois, la petite boule est verte. Je suis le parcours du bon gobelet, déjà nettement moins sûr de moi que tout à l’heure. Elle les aligne.



Il me semble que c’est celui du milieu… perdu.

Je n’en reviens pas. Elle croque à nouveau le M&M’s et en replace un dernier, un rouge.



Elle a juste un petit sourire cynique, avant de faire glisser les gobelets sur la table.



Soyons logiques, j’ai à nouveau bien suivi le gobelet couvrant le petit chocolat et il va m’arriver la même chose parce que le M&M’s ne sera pas là. Écartons donc celui du milieu, restent deux. Une chance sur deux, lequel choisir ? Moi, je ne sais pas pourquoi, mais je prendrais celui de droite. Oui, je sens que c’est celui de droite. Ça devient une certitude qui enfle en moi et c’est le signe que j’attendais, je choisis l’autre…



Sophie ne dit rien, plisse un peu les yeux en les levant vers moi. Qu’est-ce qui fait briller son regard ? La colère ou l’amusement ? D’une chiquenaude elle envoie balader le gobelet :



Cette fois, c’est moi qui me saisis du M&M’s et qui le croque.



Elle se lève aussi sec :



Soudain paniqué, je suis sur le point de dire que le M&M’s me suffit et que la plaisanterie a assez duré.



Elle ne répond rien, elle est là, elle attend, main tendue, que je mette la mienne dans la sienne. Je sens tous les regards fixés sur moi… Nom d’un chien qu’est-ce que j’aimerais être ailleurs ! Mais qu’est-ce qui m’oblige aussi ? Je croise le regard moqueur de Charlène. Rien d’étonnant ! Pauline, elle, regarde au plafond, caressant un bouc imaginaire… Je m’en vais foutre le camp et abandonner ce petit monde de merde à son triste sort…


Au moment où j’allais me tourner pour fuir, je rencontre le mal-être de Justine, avec ses yeux baissés. Comme elle aimerait être ailleurs, elle aussi ! Et Domi ? Il me regarde d’un air exaspéré. Que se passe-t-il donc ? Quand je me tourne vers Sophie, il y a dans son regard un appel tellement misérable… Et je comprends.

Quel imbécile ! Une fille qui donne tout par défi, pour une fois au moins limer les dents aux deux vedettes, et le mec qu’elle choisit justement pour son hostilité à leur encontre se dégonfle et se barre pour se terrer, une fois de plus, à l’abri de sa solitude. Et elle reste là avec sa bravade, son corps potentiellement offert et sa main tendue… La pire humiliation qui soit… Un soupçon de machisme suffira-t-il à effacer mes si peu viriles tergiversations ?



Le temps que je tourne autour de la table, elle saisit ma main et m’entraîne vers les toilettes avec la même démarche que Pauline tout à l’heure. On entre chez les hommes ; les lavabos en entrant, les urinoirs à gauche, quatre cabines à droite, c’est très propre, le sol encore un peu humide, le nettoyage vient de donner un coup de frais. On a une sacrée chance.



Elle ouvre la cabine du fond :



Et elle referme la porte sur nous.



Elle est déjà à genoux, en train de s’attaquer nerveusement à ma ceinture. Désespéré je n’ose plus l’arrêter, mais moins excité que moi, il faudrait aller chercher dans une salle de comas dépassés. Comment vais-je me tirer de ce pétrin ? Elle baisse mon slip…



Elle m’observe d’en bas, la bouche en O, sidérée :



La mort dans l’âme je soupire, remonte mon jean, sors et me dirige vers les lavabos, quand un gros bonhomme pousse la porte d’entrée. Il se dirige vers les urinoirs, moi je commence à me laver les mains. Quand il lave les siennes j’en suis au séchage. Et pendant qu’il les sèche, je fais quoi ? Je ressors ? Mais les autres risquent de me voir. Alors je fais comme les nanas ; des doigts, devant un des miroirs, je remets de l’ordre dans ma coiffure. En partant, le mec me regarde pour tout de bon. Il doit se demander si j’en suis, mais il ne lui vient aucune idée à ce propos, ou alors je ne lui plais pas.



Elle ressort mon engin. Elle le dégage bien, le manipule, lui fait des petits bisous, lui adresse quelques léchouilles et l’absorbe tout entier. Comme c’est chaud, comme c’est doux, comme c’est bon ! Ça n’a rien à voir avec la veuve poignet ! En même temps elle me pratique un léger massage des testicules. Je serais censé réagir vigoureusement, non ? Eh ben que dalle, l’inertie absolue !



Et on pouffe de rire tous les deux ; ça me fait du bien. À ce moment, plusieurs voix mâles résonnent dans les lieux et on tente d’ouvrir notre porte. On a tous les deux la main devant la bouche pour s’empêcher de rigoler, on se regarde, nos yeux rieurs qui se rejoignent inaugurent notre complicité.

Elle se met debout, attire ma tête à elle ; pour la première fois de ma vie une fille m’embrasse tendrement tandis qu’au dehors, des hommes inconnus daubent joyeusement sur le PSG. Mes mains osent partir à l’assaut de ses fesses, leur doux confort me surprend. Elles sont pleines et charnues, pas comme je l’imaginais ; au toucher l’effet est saisissant. Mes mains sont pleines du postérieur de Sophie, mes doigts se crispent dans sa chair tendre, sa langue envahit ma bouche, quel délice ! Derniers bruits d’eau, dernier séchage, dernier claquement de porte, le silence retombe autour de notre refuge…


Sophie a libéré ses cheveux. Ils sont mi-longs, châtain clair, lavés de frais, légèrement flous. Je me prends à scruter le bleu de ses yeux quand elle les lève vers moi, je vois la parfaite rectitude de son petit nez ; ses lèvres restent pulpeuses et douces, même distendues par leur va-et-vient autour de ce gros machin qui n’avait jamais connu aucune femme avant elle. Cette fois je bande : une vraie barre de fer. C’est chaud, c’est délicieux, en même temps sa main tourne autour de la base en serrant légèrement et je me rends compte que c’est exactement ce qu’il me faut.


Elle n’est pas mal du tout Sophie. Un soupçon de maquillage, une coiffure moins passe-partout, des vêtements aguicheurs et on la verrait de loin. Mes mains sont dans ses cheveux mais je ne la dirige pas, elles ne font que suivre le mouvement sa tête. Je la regarde opérer, fasciné. Je dégage ses oreilles, j’avise sur ses tempes des tortillons de petits cheveux follets, c’est adorable, mignon tout plein.

Vous voulez que je vous dise ? Cette fille en connaît un rayon sur les hommes ! Je sens que ça vient, je le lui dis, elle ne fait que lever la tête pour me regarder jouir. Pas besoin de Kleenex, mais j’ignore encore le prix du pain et je ne sais rien du cadeau qu’elle vient de me faire. Elle se relève, me caresse la joue, me donne un baiser.



J’ai aussi envie de lui dire que je suis tout fier de ce qu’elle m’a dit, qu’elle a débarqué dans ma vie juste au moment où j’en avais tellement besoin, mais elle s’est déjà détournée, a renoué ses cheveux et a commencé à pousser la porte. Elle se ravise :



Elle me scrute un instant.



Elle me fait une dernière petite caresse sur la joue puis on sort et elle me pousse, moi devant, elle derrière.


Dire qu’ils m’ont assiégé serait un euphémisme. Elle avait raison ; c’est à moi qu’ils ont posé les questions. Et « Raconte-nous » et « Pourquoi tu veux rien dire ? » et « Au fond, toi, qu’est-ce que t’as à cacher ? » Le tout suivi des inévitables déclarations faciles, gratuites et provocatrices « Ouais ben y n’ont rien fait du tout ! » « Du flan tout ça ! » « C’est seulement histoire de nous bourrer le mou ! » « …à lui pour un coup de dé ? Tu parles ! Comme si une fille allait s’abaisser à ça ! »

Mon silence entériné, Charlène reprend la main. Je note que pendant notre absence, elle est allée remettre son soutien-gorge.



Autour de la table, la proposition de Charlène déclenche l’enthousiasme féminin :



Là, je commence à m’inquiéter, d’autant que du coin de l’œil, je vois Sophie froncer les sourcils.



Et allez donc, pourquoi se priver ? Tout le monde s’esclaffe !



Et voilà le piège refermé ! Cette fille est vraiment d’une habileté démoniaque. Si Sophie et moi on s’embrasse tant soit peu longuement et tendrement, on avoue tout. Si on le fait à la va-vite ou si on se lève pour partir, on avoue le contraire. Mais en l’occurrence, la vérité importe peu. Ce que veut Charlène c’est nous coincer, elle y a réussi. Chapeau bas.


À la sauvette, car je ne veux pas risquer de trahir quelque relent de complicité, je croise le regard sombre de Sophie. Elle a tout compris elle aussi. Qu’est-ce que je vais faire ? Je pense surtout à elle : comment nous tirer de ce guêpier ?



Je me redresse et réfléchis à ce que je viens de dire.



J’ignore superbement cette lâche tentative de déstabilisation. Voyons… Leur parler, capter leur attention en leur disant des choses qui les intéressent…

Ce qui se passe en ce moment, voyez-vous, c’est que je me retrouve projeté dans mon enfance et mon adolescence. Je viens de me rappeler ce qui distrayait tant ma mère et ses copines, pour ne pas parler d’autres bonnes femmes qui se passionnaient pour la chose et payaient parfois pour ça… Mais vais-je savoir le faire ? Oui, je pense que je me souviens de l’essentiel. Je demande une pause à l’ennemi, me lève, vais au bar et reviens.



Un peu perplexe, elle se pose juste où j’ai dit. Devant elle, je déroule un tapis vert sur la table et dessus, je place un jeu de 32 cartes.



Méfiante, elle m’observe par en dessous en mélangeant mollement les cartes.



Donc elle n’a pas encore compris.



Je lui étale complètement les cartes sur le tapis.



Je m’empare de sa coupe, c’est un 10 de pique.



Et là, d’un geste, je lui étale le jeu en ligne devant elle.



Je retourne la cinquième puis méthodiquement, en comptant chaque fois-cinq cartes, je les retourne jusqu’à la dernière.



Mais, renfrognée dans son coin, elle se tait. Pour retourner les cartes que vient de déposer Pauline, je procède de la même façon.



Je n’en reviens pas de la facilité avec laquelle Pauline est entrée dans mon jeu.



À ce point Charlène proteste :



Elle s’exécute mais quand je retourne les cartes, aïe ! Est-ce que je vais oser lui dire ce que je vois ? Ce ne sont quand même que des bouts de carton et c’est une grosse responsabilité de dire des trucs désagréables qui sont peut-être complètement fantaisistes. Je décide de m’en tenir à la partie sans danger :



Et là, c’est du jamais vu, les filles du groupe intiment le silence à Charlène qui se remet à bouder dans son coin.



Quand je les retourne, je soupire, mais c’est involontairement. Ce que je vois n’est pas réjouissant. Mais encore une fois, faut-il le prendre au sérieux ?



« Mon vieux Bébert, pas le choix, il faut y aller. »



Quitte ou double ! Mais Pauline vient de pâlir affreusement.



Elle a un regard si terrifié que je suis tenté de mettre les pouces.



Je remets donc le couvert et lui demande de couvrir son homme de cœur. Je n’ai rien précisé. À mon avis celui-là est le seul qui compte, mais il y a toute une équipe qui tourne autour de la belle Pauline.

Vous me direz qu’il n’y a rien de surprenant et qu’on n’a pas besoin d’art divinatoire pour s’en douter ; je suis d’accord avec vous. Le problème est que j’ai dit « un homme plus âgé » pour rester dans le vague. Mais à mon avis, il est tout simplement « âgé ». Voilà bien les filles ! Offrez-leur des beaux garçons, elles préfèrent coucher avec du charisme plutôt qu’avec des muscles et des queues vigoureuses !


J’ai vu d’autres choses aussi, dont je n’ai pas encore parlé ; la première est certaine, mais tout aussi prévisible. La seconde m’est venue à l’esprit tandis qu’elle se dessine tout doucement. À côté du roi de pique sort une dame de pique. À gauche un sept de cœur, sur le roi un as de cœur. Pauline couvre les quatre cartes…



La dame de trèfle arrive enfin, sur le neuf de carreau, le valet de pique revient à côté.



Plus morte que vive, la pauvre Pauline sort un neuf de cœur, un neuf de pique et un sept de carreau. Nos regards se croisent, elle est verte et dans l’angoisse, ses yeux se sont comme étrécis. Elle me lâche :



C’est que, voyez-vous, j’ai un doute que j’aimerais vérifier. On remet la dame de trèfle, Pauline couvre. Ce qui sort en premier, c’est la mort sur un amour trahi ; au deuxième tour il y a de quoi éveiller mes soupçons, au troisième, de quoi les confirmer, le tout à associé à une démarche pleine de carreaux. Ça va drôlement discuter ! Et sur ce sept de pique… ça va même sérieusement s’engueuler ! Il y a du conflit dans l’air chez elles, et du lourd ! Mais qu’est-ce que je peux bien lui dire ?



Je soupire et la regarde. Grands dieux, qu’est-ce que j’ai fait ?



Je lui fais un petit sourire convaincu.



J’ose ? J’ose pas ? Bon, j’ose, mais je ne peux pas lui sortir ça devant tout le monde. Je lui fais signe d’approcher et lui murmure quelques mots à l’oreille. Cette fois elle se redresse vivement, se lève en faisant tomber sa chaise en arrière, les yeux en larmes, mais ce sont des larmes de colère. Pauline est dans une rage folle.



Et vous savez quoi ? Elle m’envoie une gifle magistrale. Comme je ne m’y attendais pas du tout, je la morfle en plein et j’aime autant vous dire que ça claque méchamment. Ensuite elle se tourne vers sa sœur, l’index accusateur :



Et la voilà qui, sans achever, se tourne et se barre à grands pas furibonds.



Charlène sort de table, lui court après, revient avec ses gros seins en bataille qui n’ont plus rien d’érotique. Elle fouille dans son sac, jette 50 euros sur la table et, sans nous dire un mot, trotte sur ses escarpins – « clip-clop ! clip-clop ! » – à la poursuite de sa sœur : « Mais Pauliiiine… » tandis que je sens ma joue qui chauffe et vire à l’écarlate.



Tout le monde paie sa note et s’en va, mais je note que l’un dans l’autre, on est plutôt froid avec moi. Il n’y a que Sophie qui reste.



On est là, à siroter notre café en se regardant sans rien dire, mais je vois bien que Sophie a envie de rigoler. Moi je pense à Pauline à qui j’ai demandé à l’oreille si elle n’avait jamais oublié de prendre sa pilule. Enceinte d’un homme marié, mûr, bien mûr même ; sans doute un proche de ses parents… Il va y avoir une décision à prendre… Mais que de complications en perspective ! La pauvre ! Non, les pauvres ! Parce que son vieux beau ne doit pas être bien fier…



Soudain, Rachel réapparaît :



Dans mon idée, c’est rien qu’une blague ! Un de ces trucs qu’on dit aux filles qui savent très bien qu’on sait qu’elles savent, comme on sait aussi qu’elles vont répondre « OK, je t’apporte du chocolat ! » Mais Rachel a juste un petit hoquet de surprise. Elle toise un instant Sophie et me lance, ses petits yeux myopes tout rieurs derrière les verres épais :



J’en suis resté bouche bée. Une fois Rachel partie avec son rendez-vous, Sophie a hoché la tête avec un petit sourire contrit :



Au bout du compte on a eu du mal à se quitter mais à la fin, Sophie s’est levée pour partir.



Au contraire elle s’approche et dépose un baiser appuyé sur ma tempe en me soufflant :



Ça sentait fort son adieu. Bizarre… Inquiétant même !

À l’époque j’ai commencé à franchement me demander dans quoi elle avait pu s’embarquer.


J’ai fini par l’apprendre bien plus tard, en recevant une invitation pour une cérémonie au Puy-en-Velay. Après quelques années de noviciat et un doctorat en droit canon, Sophie allait prononcer ses vœux à la cathédrale. Léonie et moi on s’est débrouillé pour y aller avec notre bébé, qui a des oreilles bien collées, comme sa maman.


Nous tenions à l’honorer et à l’assurer de notre amitié. Moi je voulais aussi lui faire sentir ma gratitude, en souvenir d’une soirée mémorable où elle m’avait forcé à sortir de ma tranchée. Mais je me suis longuement interrogé. En effet je savais qu’elle n’avait rien d’une mite de sacristie. C’était tout sauf une oie blanche qui entrait dans les ordres ! Donc elle le faisait en connaissance de cause et en ayant goûté à la vie à laquelle elle renonçait.

C’est pourquoi, je l’avoue, son choix et sa détermination m’ont terrifié.