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Temps de lecture estimé : 17 mn
05/04/15
Résumé:  Je ne me sens pas femme infidèle. J'aime mon mari. Mais je ne suis plus une femme fidèle. Je suis entre les deux. Je ne savais pas que ça pouvait exister. Maintenant, je sais. Ça ne bouleverse pas la vie. Ça l'améliore.
Critères:  fh fplusag extracon cadeau vacances sport froid hotel pénétratio fsodo confession
Auteur : Xavier2      Envoi mini-message
Un long couloir

Février dernier, vacances au ski. Pour la première fois, Denis n’est pas avec nous. Il vient de changer de job, et ne peut déjà prendre de congés. D’habitude, on loue un deux-pièces. Là, comme je suis seule avec les filles, j’ai pris l’option Club Med. Un peu cher, mais les filles sont ravies.


Denis nous a accompagnées depuis Paris. Il a passé la nuit avec nous, dans notre chambre du club. Et ce matin, a repris la route. Un petit pincement au cœur de le voir partir. Une semaine sans lui, c’est la première fois depuis notre mariage. Si ça n’avait tenu qu’à moi, j’aurais renoncé à cette semaine au ski pour rester avec lui à Paris. Mais les filles y tenaient tant…


Constitution des groupes, en ce dimanche matin. Les filles frétillent de joie à se retrouver avec des enfants de leur âge. Moi, j’ai pris le niveau « moyen ». Presque que des femmes dans mon groupe ; deux hommes seulement. Le moniteur arrive. L’archétype du moniteur de ski : bronzé bien sûr, environ 35 ans, cheveux mi-longs, pas très grand mais trapu, les cuisses épaisses moulées dans un collant noir, blouson rouge. Et très sûr de lui, évidemment. Dans le genre moniteur de ski, il est plutôt pas mal, avec une assez belle gueule. Même son prénom est raccord : Jérémy. Mais je le laisse à d’autres. J’en vois déjà, plus jeunes que moi, qui rient et se trémoussent à la moindre de ses blagues. J’aurais sans doute fait comme elles, quand j’étais célibataire. Alors ça m’amuse d’essayer de deviner laquelle finira la semaine à son bras.


Première montée en télésiège. Jérémy s’assied à côté de moi. On parle un peu. Je lui dis que je suis venue seule avec mes deux filles. Sitôt cette phrase sortie de ma bouche, je réalise son ambiguïté. Avec mes gants, il ne voit pas mon alliance. Pour dissiper toute équivoque, je précise que mon mari est resté à Paris et reviendra nous chercher le vendredi. Il me répond n’avoir pas d’enfants, mais y songer : sa petite amie dirige le syndicat d’initiative d’une autre station, dans la vallée voisine. Durant la saison de ski, ils ne se voient que le week-end. Sa discussion est agréable et fait passer plus vite la montée.


Dans la descente, j’observe de nouveau le manège de deux ou trois femmes autour du moniteur. Pas les plus moches du groupe, évidemment. Elles s’arrangent pour skier juste derrière Jérémy, lui demandent des conseils, plaisantent avec lui en attendant le reste du groupe. L’une d’elles a même descendu la glissière de sa combinaison rose-fuchsia pour laisser voir la naissance de sa poitrine. Prometteuse, je dois le reconnaître. Il y en a qui ne perdent pas de temps, et osent vraiment tout. Mais après tout, si elles sont libres et veulent se taper un beau moniteur, grand bien leur fasse. J’ai passé l’âge.


De nouveau, au moment de prendre le télésiège, Jérémy sort de la file et vient s’asseoir à côté de moi. Là, je ne comprends plus. Aussitôt, il dissipe mon inquiétude :



J’éclate de rire. Jérémy est plus malin que je l’avais cru. Plus sympathique aussi.



Le regard que me jette la combinaison fuchsia à ma descente du télésiège me récompense de mon choix : colère et hostilité. Et elle m’examine de la tête aux pieds. Elle est jolie femme, genre brune tonique, moins de 30 ans. Sincèrement, ça me fait bicher qu’elle puisse penser que le beau Jérémy en pince pour moi. Qu’est-ce qu’elle croyait ? Qu’une femme de 43 ans est forcément condamnée à ne plus plaire aux hommes ? J’aime bien lui donner une petite leçon, même si elle est fictive. Et puis, si Jérémy m’a proposé d’être sa « fiancée de la semaine », c’est que je suis crédible dans ce rôle. Je trouve ça flatteur.


Les premiers jours de la semaine se passent ainsi, paisiblement. Les filles sont heureuses. Elles ont un tas de copains et copines. Leurs journées sont bien remplies. Ski matin et après-midi, activités le soir dans le « junior club » où elles préparent le spectacle de fin de semaine. Je les récupère juste pour le goûter. Puis retour dans la chambre vers 21 h 30, coup de téléphone passé à Denis, et elles s’endorment, épuisées.


Moi ? Rien de particulier. Je progresse en ski puisque Jérémy, conformément aux rôles que nous avons décidé de jouer, s’intéresse particulièrement à sa « fiancée de la semaine ». La combinaison fuchsia s’est fait une raison. Plutôt belle joueuse, finalement. Son hostilité a cessé. Elle est même plutôt amicale envers moi. Et je sens à mon égard une sorte de respect du reste du groupe ; plutôt agréable : pour les autres femmes, je suis celle qui a séduit le moniteur de ski. Quand on s’arrête prendre un café dans un bar d’altitude, elles laissent naturellement une place libre à côté de Jérémy, qui m’est destinée. D’ailleurs, la nouvelle a dû se propager. Le soir, au dîner ou quand je redescends après avoir couché les filles, les hommes célibataires gardent leurs distances : pour eux, je suis « chasse gardée ». Ça me va très bien. Denis peut dormir sur ses deux oreilles.


Juste un petit trouble, quand même, à force de prendre le télésiège à côté de Jérémy. Je sens sa cuisse contre la mienne, son épaule, sa chaleur. Une sorte de complicité est née entre nous. Nous parlons très librement, de nos couples, de notre passé. C’est agréable de partager cette intimité amicale avec un homme, sans ambiguïté ni arrière-pensée, en toute confiance. C’est rare. Et le fait qu’il soit bel homme ne gâte rien.


Mardi soir. J’ai fait goûter les filles, les ai douchées. Il est 19 heures. Elles viennent de redescendre au junior club où elles dîneront. J’irai les y chercher à 21 h 30. Maintenant, j’ai une heure pour moi, rien que pour moi, avant d’aller à la cafeteria du club. Comme tous les soirs, j’en profite, je m’occupe de moi, je me délasse après cette journée de ski, je prends un long bain bien chaud. Je ferme les yeux.


Des coups frappés à la porte me sortent de ma rêverie. Ils sont insistants. Tout de suite, je pense aux filles. Il leur est peut-être arrivé quelque chose. Affolée, j’enfile en vitesse un peignoir et vais ouvrir. Jérémy. Il n’est plus le gentil moniteur de ski que je côtoie depuis trois jours. N’est plus habillé comme un moniteur : un jeans, un pull. Et son regard est dur, un regard d’homme. Je ne me sens plus protégée comme pendant la journée. Nous sommes seuls. Et je suis nue sous mon peignoir. Je suis tellement interloquée que je recule. Il pénètre dans la chambre, claque la porte derrière lui de son pied. Je ne sais comment réagir. Crier ? Ce serait ridicule. Lui parler ? Les mots ne sortent pas. Mon cerveau est figé. Il avance un bras vers moi. Je recule encore, bute contre le rebord du lit. D’une poussée de la main, il me fait tomber et s’allonge sur moi. Il est fort, il est lourd. Je détourne le visage. Sa bouche embrasse mon cou, ses cuisses séparent les miennes, je sens sa main déboutonner sa braguette, libérer un sexe dur et le diriger vers mon vagin. C’est allé trop vite. Je ne réalise pas. Ce n’est pas vrai. Pas moi, pas lui, pas dans cette chambre où dorment mes filles.


Mais son sexe est en moi, au fond de moi. Et il me tient, de ses mains, avec son poids. Je me sens faible, prise. Ma seule défense est de rester inerte, de regarder le plafond, de ne pas penser. Comme ça, je pourrai me dire que je n’y suis pour rien, que je ne l’ai pas voulu, que je n’ai pas vraiment trompé Denis. Mais une sorte de torpeur m’envahit, de chaleur aussi. À mon âge, une femme se connaît. Son sexe coulisse en moi maintenant, lentement, profondément, facilement. Ça signifie que mon vagin est humide, qu’il accepte ce sexe. À quoi bon résister mentalement puisque mon corps a déjà dit oui ? Je m’abandonne.


Il l’a senti. Ses mains passent sous mon dos, saisissent mes épaules et me projettent vers son sexe quand il s’enfonce en moi, violemment. Je pose ma bouche dans son cou pour ne pas gémir. Il se redresse, se met à genoux, défait la ceinture de mon peignoir, en écarte les pans, place une main sous mes reins, les soulève pour que je vienne m’empaler sur son sexe, m’embrasse les seins, en étire les mamelons avec ses dents. Je veux mettre mes mains devant ma bouche. Il me prend les poignets de son autre main et les cloue derrière ma tête. Mon premier gémissement de plaisir ; c’est ma reddition. Les autres suivent : je cambre ma poitrine pour aller au-devant de sa bouche, noue mes jambes dans son dos pour aller au-devant de son sexe. Je ne suis plus une femme mariée, je ne suis plus la mère des deux petites filles qui étaient une demi-heure plus tôt dans cette chambre. Je suis une femme qui fait l’amour.


Il me demande de le regarder. J’ouvre les yeux : son regard est conquérant, un regard de loup. Il me fait basculer dans le plaisir. Je vais jouir, je le sais maintenant, mais je ne veux pas jouir comme ça. Ce serait trop. Mes mains lui échappent, vont vers lui, l’attirent. Son torse se couche sur le mien, je le serre, de mes bras, de mes jambes ; je perçois de nouveau sa chaleur sur moi, son poids. Je ne me sens plus seule. Désormais, je peux jouir. Je ne cherche pas à retenir le long gémissement qui s’échappe de ma bouche, le tremblement de mon corps quand des vagues de plaisir le recouvrent, se retirent, et reviennent. La houle se calme. Elle me laisse curieusement apaisée, tendre et reconnaissante. Je veux rendre ce que j’ai reçu, accueillir son plaisir. J’écarte encore plus mes jambes, attire son corps en moi, suis fière de le sentir jouir en moi.


Le retour sur terre est brutal. J’ai encore envie de la chaleur de son corps, de son poids. Je l’embrasse dans le cou, me frotte contre lui. Et en même temps, je suis triste. Je pense à mon mari. L’émotion, le relâchement nerveux, la culpabilité, j’éclate en larmes tout en continuant à embrasser cet homme qui m’a mise à nu, dans tous les sens du terme, mais ne s’est même pas déshabillé. Je me trouve ridicule. Il faut que je lui dise :



Il se redresse, échappe à mon étreinte. Heureusement pour moi, son regard est doux. Je n’aurais pas supporté le regard satisfait d’un homme repu, comme j’en ai connus quand j’étais jeune. Ses gestes le sont aussi. Il soulève la couverture et le drap, me fait entrer dans le lit, s’allonge contre moi, caresse gentiment mes cheveux.



J’acquiesce. Il se lève, remet son sexe dans son jeans. Un rapide baiser sur les lèvres. Et il s’en va. Je retrouve mes réflexes de mère. Pas de traces de sperme sur le dessus de lit, ni sur les draps. J’ouvre la fenêtre pour aérer la chambre. Je prends une douche. Je me regarde dans la glace. Mes yeux sont rougis, battus. Une tête de femme adultère. Je me maquille pour effacer les dégâts, me rhabille. Vite, descendre au junior club pour récupérer mes filles. Elles m’accueillent avec joie, me racontent ce qu’elles ont fait, la préparation de leur spectacle de vendredi. Retour dans la chambre. Appeler Denis. Les mots habituels: je t’aime, dors bien. Je lis une histoire aux filles, leur dis que je descends au bar prendre un verre, les embrasse. Et pendant tout ce temps, je fais semblant, pour ne pas penser.


Un gin-tonic, j’en ai besoin. Je sors fumer une cigarette, pour ne parler à quiconque. Le froid me fait du bien. Ainsi, c’est si facile de devenir une femme adultère, après seize ans d’absolue fidélité, sans même l’avoir vraiment voulu. Un peu triste, non ? Mais je sais aussi le plaisir que j’ai ressenti. C’était… différent. Je ne trouve pas d’autre mot. Plus violent, plus dérangeant. Une sensation qu’il me semble avoir connue, il y a longtemps, avec Denis et d’autres avant lui, et que j’avais perdue, progressivement, sans m’en rendre compte. J’en deviens cynique. Mes filles dorment. Denis est loin. Jérémy est là, tout près, chambre 12 A. Bien sûr que je m’en rappelle. Et il m’attend. De toute manière, c’est fait. Je ne suis plus une femme fidèle. Alors pourquoi ne pas continuer encore un peu ?


Je frappe à sa porte, doucement. Il me dit d’entrer. Il est couché, il lit. Il est en tee-shirt et caleçon. Ses jambes sont puissantes, ses bras musclés. Et je le trouve beau. Le désir me mord le ventre. Mais je ne veux plus qu’il me prenne, je veux qu’on fasse l’amour. Je sais faire, moi aussi, et j’ai envie de le lui montrer.


Je me déshabille devant lui. Sans gêne : je suis fière de mon corps. Je n’ai plus les seins de la combinaison fuchsia ; ils tombent un peu, mais mon ventre est plat, mes jambes sont longues. Je lui enlève son tee-shirt, son caleçon. Ses abdominaux et ses pectoraux sont bien dessinés. Son sexe lui ressemble : pas très grand mais épais, même au repos. Il veut m’attirer vers lui, je le repousse du plat de ma main posée sur son torse. Je descends vers le sexe qui m’a transpercée tout à l’heure. Je l’embrasse, le renifle, le caresse, le regarde grossir avant de le prendre dans ma bouche. Je le suce, l’aspire et le lèche du mieux que je sais faire, en allant de mes doigts jusqu’à sa racine, en griffant doucement ses testicules. Et ça me plaît, beaucoup.


Je ne veux pas qu’il jouisse dans ma bouche. Il n’est pas l’homme que j’aime, il est un amant. Je veux son sexe planté en moi. De la main, je vérifie que je suis prête. Je le suis. Au-delà de ce que je pensais. Je suis trempée. Je ne me souviens pas l’avoir autant été. Encore une chose que j’avais perdue, avec Denis.


Je remonte le long de son corps, le chevauche, place son sexe à l’entrée de mon vagin et m’empale lentement sur lui. Je veux jouer la forte, celle qui sait faire l’amour à un homme, le baiser comme il m’a baisée tout à l’heure dans ma chambre. Mais je ne sais plus. Ça fait trop longtemps. Le plaisir me fait perdre le rythme. Mes mouvements deviennent désordonnés. Il se redresse. Je ne résiste pas quand il me fait basculer sur le lit. Il me prend. Il a gagné.

J’y pense à nouveau un peu plus tard quand on se repose. Il a éteint la lumière. Je suis allongée contre lui, mais plus bas que lui sur le lit. J’ai la tête sur sa cuisse. Elle est dure, large. Je me dis que c’est normal qu’il ait gagné, qu’elle part peut-être de là, sa puissance. Je suis bien.


Je le suis moins quand je traverse les couloirs déserts. Une femme mariée qui regagne au cœur de la nuit sa chambre où dorment ses enfants, après s’être fait baiser par un moniteur de ski au prénom idiot, plus jeune qu’elle, mais aux cuisses d’acier. Je me dis que ça s’appelle une salope.


Pas très fière non plus le lendemain matin quand je retrouve mon groupe de ski. J’ai les traits tirés. J’efface moins, avec l’âge. Impossible de récupérer, le matin ; je devais préparer les enfants pour leur cours, les emmener au petit déjeuner. Jérémy arrive, démarche chaloupée, skis à l’épaule, sourire de moniteur. Il fait la bise aux femmes, main virilement claquée pour les hommes. Je me tiens en retrait. Je ne sais pas quelle attitude observer. Jérémy m’a gardée en dernier, et choisit pour moi :



Main plantée derrière ma nuque, il me pose un baiser sur les lèvres. Rapide, mais en plein milieu. Comme ça, si les autres n’avaient pas deviné, maintenant ils savent. Ça doit jaser devant nous sur le télésiège, puisque Jérémy passe le dernier. Donc moi aussi. Il parle de la montagne pendant toute la montée, me montre plein d’endroits, me cite leurs noms dont je n’ai rien à foutre. Sur ma cuisse, il y a sa main, bien ouverte, en propriétaire. Le voient-ils, les autres, de là-haut quand on arrive ? De toute manière, je n’en suis plus à ça près.


L’assemblée me semble un peu hostile au début. Les hommes, sans doute parce qu’il y a eu du sexe et que ce n’était pour eux. Les femmes, parce qu’elles redeviennent vertueuses quand une autre femme a cédé à un homme qu’elles regardaient. C’est fou, tout ce qu’on voit quand on refranchit la barrière, surtout seize ans après.

Si j’étais restée de l’autre côté, j’aurais certainement joué la vertueuse, moi aussi, à l’égard de celle qui a fauté. Mais ça s’arrange dans la journée. Je suis devenue l’officielle du moniteur, du chef, après tout. Alors dans le groupe, c’est un rang, ça me vaut quelques égards.


L’après-midi glisse tranquillement. À la main sur ma cuisse pendant les montées en télésiège, j’ai ajouté ma tête sur son épaule. Je suis fatiguée ; c’est agréable, et ça ne change rien. De retour au club, Jérémy précise les règles :



Je réponds oui. Ça non plus, ça ne change rien. C’est fait, tout le monde le sait. Alors quoi qu’il arrive, ça leur plaira de regarder mon mari samedi matin quand il viendra nous chercher. Il reste deux nuits avant son arrivée. Le mal est fait, la pénitence sera la même. Autant profiter de cette petite parenthèse dans ma vie de femme bien mariée, bien rangée.


Deux nuits de baise encore. Il n’y a pas d’autre mot. Deux nuits où après avoir couché les enfants, je le rejoins dans sa chambre. Il pilonne, moi j’écarte les jambes et je reçois. Deux nuits où son sexe me fouille, méthodiquement, profondément, me fait gémir quand je monte vers le plaisir et crier pendant mon orgasme. Je pourrais être plus discrète. Mais je ne cherche pas à me retenir. D’autres femmes non plus, à ce que j’entends. « C’est l’étage des moniteurs » me dit Jérémy, comme si c’était parfaitement normal. Alors moi aussi je crie : j’en ai le droit, puisque je me fais baiser par un moniteur. Le plaisir me rend cynique et détachée. Avant, quand j’étais jeune, ça me rendait amoureuse. J’ai vieilli… Il m’a même fait rire, Jérémy, quand il m’a parlé de sa tactique pour lever une femme au club. Attendre l’heure où ses enfants sont au junior club. Aller devant la porte de sa chambre dont il a demandé le numéro à une des filles de la réception. Écouter le bruit de sa douche. Frapper à la porte quand il s’arrête, en sachant que la femme sera nue sous son peignoir quand elle ouvrira sa porte. Le reste, il n’a pas besoin de me le raconter, je le sais. « Bien joué. » C’est que j’ai pensé, ce que je lui ai dit. Après tout, tant qu’à succomber à un homme, autant qu’il soit habile, ça atténue la faute.


Je ne cherche plus non plus à lui faire l’amour. Ses cuisses sont trop puissantes. Je me sens battue d’avance. Et ça me va très bien d’être fouillée, jambes écartées, de me laisser faire. Ça change. Ça détermine une sorte de frontière entre mon mari et Jérémy. Avec Jérémy, je suis une autre femme que celle mariée à Denis. Ça m’arrange. J’ai moins l’impression de tromper mon mari. Pas si cynique que ça, finalement. Un peu hypocrite, mais c’est moins grave.


Deux nuits où je retraverse les vilains couloirs tout blancs et mal éclairés de l’immeuble du club en sens inverse pour rejoindre la chambre des mes enfants, rhabillée rapidement, pas complètement, avec l’odeur de Jérémy en moi, le corps engourdi par le plaisir. La première fois, j’avais honte à l’idée de croiser quelqu’un. Plus maintenant. Je m’en fiche. Je ne connais personne ici, je serai bientôt partie, revenue dans ma vraie vie, ailleurs. C’est terrible de constater combien les convenances sociales déterminent le comportement. Ou plutôt, combien l’anonymat efface le souci du respect des convenances.


À Paris, je suis une femme mariée. Ici, quand je fais ce même chemin pour aller voir Jérémy, je suis une femelle qui va se faire saillir par un mâle. C’est simple : trois étages, un long couloir. Quand je reviens deux heures plus tard, je suis une femelle saillie, donc contente. Et lui, un mâle repu. Tout va bien. La dernière nuit, je n’ai même pas remis mes chaussures. J’aime bien voir mes pieds vernis, sentir le contact de la moquette. J’avais emmené un flacon de vernis en me disant que j’aurais le temps de m’occuper de moi. J’en ai mis pour Jérémy. Je trouve, dans ce couloir, que ça va bien avec mes pieds nus sur la moquette et la légère douleur que je sens dans mes fesses, cette impression d’avoir été « rouverte ».


Il y a très longtemps que je n’avais pas fait ça avec mon mari. Des années. Je n’ai jamais été une grande fan de la sodomie. Je l’ai fait parce que j’ai toujours eu de belles fesses. C’est même sans doute ce que j’ai de mieux : hautes, musclées, cambrées. Alors il y avait de la demande. Parfois, j’ai accepté. Une sorte de cadeau accordé à ceux qui me semblaient le mériter, et avaient la patience de savoir me préparer. Denis, bien sûr, mais d’autres aussi, avant lui. Jérémy le méritait, à sa manière. Et puis j’en avais envie. Tant qu’à tromper son mari, autant le faire jusqu’au bout. Ce n’est même pas une douleur. Une sorte de présence dans mes fesses, qui me rappelle ce que j’ai fait avec Jérémy, la femme que j’ai été avec lui.


Le lendemain soir, elle me dérange davantage. Mon mari va arriver. Elle est toujours là, pas Jérémy. Il est redescendu dans la vallée le vendredi après-midi, juste après le cours, pour prendre son jour de repos auprès de sa fiancée, la vraie. Pas de violons ni de larmes quand le cours s’est terminé. On savait tous les deux à quoi s’en tenir : il est fiancé, j’ai un mari. Il m’a juste demandé mon numéro de portable, m’a dit qu’il passerait par Paris à la fin de sa saison, qu’il m’appellerait. Je le lui ai donné, en pensant qu’il devait avoir un tas d’autres numéros dans son portable, des femmes mariées, de Paris et d’ailleurs, venues passer la semaine au ski avec leurs enfants, sans leur mari resté travailler.


En le lui donnant, je savais ce que je faisais : je changeais de camp, je passais dans celui des épouses infidèles. Ça n’était plus un accident de parcours, un coup de folie passager dû aux circonstances. Ça devenait quelque chose de conscient, répétitif, accepté par avance. J’étais pourtant heureuse, sincèrement heureuse, quand Denis est arrivé. Il était deux heures du matin. Il avait quitté Paris en fin d’après-midi, à peu près au même moment que Jérémy a quitté le club pour redescendre dans la vallée. L’un partait, l’autre arrivait. Très bien. Denis venait nous chercher. Il était dans son rôle de mari, et moi dans mon rôle d’épouse en l’embrassant. Les enfants dormaient à côté de notre lit, je sentais encore la marque du passage de Jérémy dans mes fesses. Denis ne m’a pas fait l’amour. Tant mieux. Ça me donnait un jour de répit, un jour supplémentaire de transition.


Le lendemain matin, nous sommes partis vite. Je ne tenais pas à m’attarder sur les lieux du crime. Trop de regards curieux ou amusés sur Denis lors du petit déjeuner. Pas grave. Des hommes et des femmes que nous ne reverrons plus jamais, lui comme moi.


Plus d’un mois a passé depuis notre retour du ski. Aucune nouvelle de Jérémy, pas un SMS pour me demander si j’étais bien rentrée. Ça m’aurait fait plaisir ; mais après tout, il a raison de me rappeler les règles : du sexe, rien d’autre.


Avec Denis, tout va bien : je l’aime, il m’aime, rien n’a changé. Au lit non plus. C’est toujours très agréable, tendre, harmonieux. On se connaît parfaitement. Je sais où je vais avec lui, il m’y emmène à chaque fois, et je sais aussi comment son corps fonctionne. Mais c’était plus fort avec l’homme aux cuisses d’acier, plus bouleversant, plus profond. Je peux vivre sans. Je préfèrerais vivre avec, de temps en temps. Je n’ai aucune intention d’avoir d’autres aventures, et encore moins un amant. J’aime mon mari, je ne regarde pas les autres hommes. Mais Jérémy est passé par là. Il n’était pas attendu. Il s’est invité. S’il veut repasser, je lui ouvrirai à nouveau mes jambes.


Il est encore un peu tôt, la saison n’est pas terminée. À partir du printemps, je sais que j’attendrai un message de lui. S’il vient à Paris et m’appelle, je le rejoindrai quelque part. Je ne me sens pas femme infidèle. Mais je ne suis plus une femme fidèle. Je suis entre les deux. Je ne savais pas que ça pouvait exister. Maintenant, je sais. Ça ne bouleverse pas la vie. Ça l’améliore.