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n° 16762Fiche technique8273 caractères8273
Temps de lecture estimé : 6 mn
16/04/15
Résumé:  Un homme lit aux cabinets quand un huissier de justice vient le déranger.
Critères:  nonéro humour
Auteur : Brodsky      Envoi mini-message
Le corbeau et le renard

J’aime aller aux chiottes, surtout le matin…


Enfin, au réveil, habituellement sur le coup des onze heures, c’est mon petit matin à moi. Et au réveil, personne n’échappe à la règle des trois C : café, clope, caca. Ce matin-là, les mômes étaient en cours, et côté michetonne, c’était la disette depuis plusieurs semaines. Brenda était partie en claquant la porte et en hurlant qu’elle en avait marre d’entretenir un bon à rien comme moi, qui préférait passer ses nuits à écrire des obscénités plutôt que de la baiser. Elle n’avait pas tort. Son gros cul de baleine espagnole me donnait la nausée, et ses gémissements m’étaient devenus insupportables.


Elle faisait partie de ces presque vieilles qui, sentant arriver la ménopause, se mettaient à avoir au plumard des exigences de jeunes athlètes, sauf que son corps flasque ne donnait plus envie de se lancer dans un match en trois sets gagnants, et que sa chatte était devenue si large à force de se faire tringler qu’on ne savait jamais si on s’y trouvait encore après avoir limé plus de cinq minutes.


Bref, j’étais seul, j’avais la paix, et je décidai après mon café de terminer ma règle des trois C en allumant ma clope, le cul posé sur la cuvette, en prenant bien soin de déposer un cendrier à mes pieds, et sans oublier de prendre un bouquin avec moi afin de prolonger ce merveilleux moment.


Je dois préciser que j’ai installé une étagère dans mes chiottes, avec plein de bouquins à disposition des visiteurs : Lire aux cabinets d’Henry Miller, les Contes fantastiques d’Edgar Poe, toute la saga du Trône de fer, ainsi que quelques magazines de cul subrepticement volés sous le matelas de mes enfants pour les temps comme ceux que j’étais en train de traverser. Voler ce genre de littérature à ses ados plutôt qu’en librairie a ceci de jouissif que personne n’ose vous demander d’où provient le fruit du larcin, hé-hé…


Après un quart d’heure de pure poésie inspirée par le Vieux dégueulasse, je me décide à lever le camp, lorsque je m’aperçois que le rouleau de papier cul est vide et qu’aucun autre n’est à disposition dans la petite armoire qui se trouve derrière moi. Putain de mômes ! Me voilà donc obligé d’entreprendre une expédition jusqu’au placard de la salle de bain et de partir en quête du Saint Rouleau. Je me déplace à petits pas de bagnard, les chevilles entravées par mon jean, et une colère sourde s’emparant de la totalité de mon âme immortelle. Je suis à peu près à mi-chemin lorsqu’on sonne à la porte et que le clebs se met à hurler :



Je fais donc demi-tour direction la porte d’entrée, toujours dans le même état. Arrivé devant la lourde, je crie :



Tant pis, je remonte vite fait mon froc et boucle ma ceinture en oubliant de refermer ma braguette. J’ai la chemise au-dessus de pantalon. J’ouvre la porte… et mon connard de chien saute sur le corbeau pour lui souhaiter la bienvenue.



Je me rends dans la chambre de mes mômes, et je trouve cinq euros dans le tiroir du bureau.



Je sors finalement mon chéquier du tiroir de la commode, et je prends mon air le plus surpris…



Ben tiens, enfoiré, va… En temps normal, j’aurais certainement été plus coriace ; mais avec la crotte au cul et les démangeaisons qui allaient avec, il fallait vraiment que j’abrège l’entretien. J’ai rédigé le chèque et augmenté mon découvert bancaire… Le corbeau avait récupéré son fromage ; il était content, il s’est tiré. J’ai regardé Néron d’un œil torve… Putain, si j’avais eu un doberman à la place d’un caniche, l’autre se serait tiré vite fait. Au lieu de ça, je vis avec un crétin qui croit que tous les abrutis qui sonnent à la porte sont les bienvenus chez moi !


Je suis allé prestement chercher un rouleau de PQ dans le placard… RIEN ! Juste l’emballage plastique déchiré que les mouflets n’avaient pas eu le courage de jeter à la poubelle. Je me suis alors décidé à sacrifier quelques mouchoirs en papier mentholé que je gardais au fond des poches de mon blouson. J’imaginais déjà avec angoisse comment j’allais avoir le feu au cul lorsque je suis passé devant la bibliothèque et que mes yeux se sont posé sur… le dernier BHL, qu’un soi-disant intellectuel m’avait offert pour mon anniversaire en me disant que, quand même, ce mec écrivait bien et ne racontait pas que des conneries, et qu’heureusement qu’il était là pour défendre les droits de l’Homme et les valeurs universelles de Saint Germain-des-Prés, qu’il était l’égal de Sartre, voire de Voltaire… Je lui avais répondu que ça m’allait bien comme comparaison, vu que Sartre était un imposteur et Voltaire un enfoiré, le premier montant sur un tonneau pour encourager les prolos à la révolte alors qu’il était pété de thune, et le second écrivant contre les lettres de cachet tout en demandant au roi de France de bien vouloir faire enfermer ses contradicteurs.


J’eus alors un sourire et poussai un soupir de soulagement. Je pris le bouquin avec moi pour l’emporter aux chiottes, et éviter le feu au cul qui m’angoissait…