Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 16770Fiche technique8654 caractères8654
Temps de lecture estimé : 6 mn
22/04/15
corrigé 09/06/21
Résumé:  Qu'est-ce qui se passe ? C'est pas sérieux ? Depuis quelque temps, les gens sont heureux d'aller bosser...
Critères:  nonéro humour sf
Auteur : Brodsky      Envoi mini-message
Les Ombres de la nuit

Depuis trois jours déjà je m’éclate au boulot

Déchargeant en chantant mes caisses et mes cageots

Je suis fier d’être utile à notre économie

Et heureux quand je vois le patron qui sourit



« Mais c’est nul… Carrément, c’est de la merde ! C’est… dramatique. »

Je sais, les mecs…



___________________________




On est tous les trois assis à la terrasse du troquet, Bob, Henri et moi. Et on est complètement atterré… Ça fait trois jours qu’on se lève heureux d’aller au taf, tous les trois. Une sorte de délire collectif, de folie vicieuse qui s’est emparée de nous. Pas que de nous, d’ailleurs… Même Momo, qui a toujours voué la même haine que nous au travail, s’est mis à décharger les camions en prenant les caisses trois par trois. Et l’autre soir, on a vu rappliquer Marco qui avait pris sa retraite il y a dix ans pour supplier le boss de lui filer un petit mi-temps. Marco, le plus fier d’entre nous, le plus grand, qui a décidé de sacrifier ses poésies du matin pour décharger en sifflotant ces putains de caisses de patates et de salades… Y a malaise, que j’dis…


Et puis ça dure comme ça toute la journée, jusqu’à passé 18 heures, voire un peu plus… Et on va jusqu’au bout, au-delà des horaires prévus, tout en sachant bien que les heures sup’ seront pas payées. Et quand l’autre soir le contremaître nous a lancé, comme ça, que la boîte allait être dans l’obligation de réduire les salaires, c’est Val, la déléguée syndicale qui a répondu en se poilant « T’en fais donc pas pour ça… » Et on a tous rigolé en chœur…


Après, vers les 20 heures, on a comme la gueule de bois… On se rend compte qu’il y a forcément quelque chose qui cloche. On est en rogne, conscient qu’on s’est fait enfler… Et puis le lendemain, le réveil sonne, et on saute du pieu tout guilleret, heureux de retourner au bagne. Pas normal tout ça, que j’dis…



Le soir même, on a monté notre opération commando. On s’est introduit dans la tour qui n’était gardée par personne, et Bob a trouvé l’armoire électrique. Y avait bien un fil rouge et un fil vert, comme prévu. Il les a intervertis, et on s’est tiré fissa… On venait de donner naissance au commando des « Ombres de la nuit ». Après, on est parti se pieuter en espérant très fort que ça allait marcher.



___________________________




5 heures du matin…


Mon réveil a sonné pour la dernière fois. Je me suis dressé d’un bond et je l’ai empoigné façon maboul avant de le jeter sur le mur en hurlant « TA GUEULE, ENFOIRÉ ! PLUS JAMAIS PERSONNE ME FORCERA À ME LEVER! »


Le résultat dépassa toutes nos espérances… Ce matin-là, personne ne se rendit sur son lieu de travail. Désespérés sans doute, les manitous manipulateurs décidèrent d’augmenter la puissance des ondes. Sauf que l’inversion des fils avait également inversée nos réactions… Sur le coup des 11 heures, une foule de feignasses en rogne fit irruption dans les locaux de la boîte et s’en prit à la direction du personnel. Le contremaître et le boss furent éventrés et pendus avec leurs propres viscères à un réverbère. Le DRH tenta de fuir, mais ses secrétaires s’occupèrent de son cas : il fut décapité après avoir été torturé avec les agrafeuses. Sa tête fut promenée au bout d’une pique sous les hourras de tout le personnel, et tous les salariés finirent par se mettre à poil et se déchaînèrent dans une partouze géante improvisée.


Les ondes s’étant mises à balayer toute la ville, ce fut la même pagaille partout en même temps. Les employés municipaux s’emparèrent du maire et de ses adjoints et leur firent subir le supplice du pal avec les horodateurs du parking de la mairie ; les flics du commissariat enlevèrent la sous-préfète et la fusillèrent après lui avoir fait subir les derniers outrages… Quant à Bob, Henri et moi, nous décidâmes de monter la garde près de l’antenne en nous relayant pour aller chercher les packs de bières et les sandwiches. Mais nous nous aperçûmes rapidement que cela n’était pas nécessaire : toute personne entrant dans la ville et ses environs était soudainement frappée d’une formidable envie de ne plus rien foutre de sa putain d’existence.


NOUS ÉTIONS LIBRES, ENFIN !


Une liberté chèrement acquise… Plus question de se soumettre, ni de se laisser manipuler par qui que ce soit.



___________________________




Quelque part dans l’espace, un satellite américain intercepta une communication à laquelle personne ne comprit rien :