n° 16774 | Fiche technique | 25000 caractères | 25000Temps de lecture estimé : 14 mn | 24/04/15 corrigé 09/06/21 |
Résumé: Emma Bovary, une charmante ingénue, se fait tringler par son amant Rodolphe en forêt. | ||||
Critères: fh forêt amour pénétratio init exercice pastiche | ||||
Auteur : Laure Topigne Envoi mini-message |
Nous étions, Annaëlle et moi-même confortablement installées dans le salon de Nathan et échangions avec lui des réflexions sur les mérites et les méfaits réciproques des écrits érotiques et pornographiques. Aidés par d’abondantes rasades d’un excellent Gewürztraminer, sélection de grains nobles, nous avions épuisé le stock des banalités coutumières concernant ce sujet quand Nathan nous déclara :
Annaëlle obtempéra et Nathan disparut dans son bureau dont il ressortit très vite agitant une liasse de feuillets.
Avant que je ne m’attelle à cette lecture, une courte introduction est nécessaire pour bien resituer le contexte. Dans Madame Bovary, l’héroïne de Flaubert finit par céder aux empressements de Rodolphe, pas plus pressants que les siens propres d’ailleurs. La scène est décrite comme suit :
« Le drap de sa robe s’accrochait au velours de l’habit, elle renversa son cou blanc, qui se gonflait d’un soupir ; et, défaillante, tout en pleurs, avec un long frémissement et se cachant la figure, elle s’abandonna. Les ombres du soir descendaient ; le soleil horizontal passant entre les branches, lui éblouissait les yeux. »
Dans le blanc séparant les deux phrases il faut imaginer la scène d’amour. Selon l’aveu de Flaubert et le témoignage de Louis Bouilhet, le tableau aurait été originellement développé par l’auteur puis supprimé sur l’insistance des participants au « gueuloir » brandissant le risque d’un procès. On sait que cela ne suffit point et que Flaubert n’en subit pas moins les foudres de la justice sous prétexte d’atteinte aux bonnes mœurs et de promotion de l’adultère. Personne ultérieurement ne retrouva trace de ce passage sulfureux dans ses nombreux brouillons.
Notons cependant à propos de ladite scène d’amour que Rodolphe n’aime pas plus Emma que celle-ci ne l’aime. Ils sont chacun à la poursuite de convoitises différentes certes, mais foncièrement égoïstes en lesquelles l’autre n’a que peu de place. Que la littérature romantique dissimule l’acte charnel peut se comprendre, mais ces pudeurs conviennent mal au réalisme de l’auteur. Ce blanc n’est pas dépourvu de charme, répond sans doute aux tartuferies de l’époque, peut-être même à l’hypocrisie de la nôtre mais est indigne de la verve enflammée de Flaubert. J’aurais aimé lire cette page et à défaut de la retrouver, avec bien moins de talent, l’ai réinventée pour la livrer en ces termes :
Rodolphe la sentit s’alanguir sur son épaule dans un subit relâchement des tensions qui, quelques instants plus tôt, la rebellait encore dans un farouche mais fléchissant refus. Il la souleva pour l’asseoir, au bord de l’étang, tout contre lui, sur un énorme bloc de granit que les éléments avaient taillé et poli en forme tabulaire, que la végétation avait couvert d’un tapis de mousse drue et qui émergeait là, prédestiné à héberger leurs premiers enlacements.
Sa suffisance de mâle conquérant l’avertit que dorénavant elle lui appartiendrait, et lui, si pressé précédemment, s’en trouva décontenancé. Cette anxiété, à l’orée d’une reddition tant attendue et espérée, le déconcertait. En dépit de sa superbe, il avait quelquefois douté du succès de cette intrigue, et maintenant qu’il touchait au port, sa victoire le consternait, le laissait perplexe et il s’apeurait à l’idée qu’en un dernier sursaut, elle ne se récuse encore.
Bien d’autres femmes, pour la plupart mariées, dont certaines, toujours pleine d’innocence et de délectable candeur quoique vouées à un avenir de fredaines, lui avaient accordé leurs complaisances, mais il ne s’agissait alors, pour le moins, que de demi-mondaines soit par les mœurs, soit par la caste, toutes issues de milieux qui se divertissaient de ces marivaudages.
S’il avait pu, avec elle, jusqu’à ce jour user de stratagèmes éprouvés, il pressentait qu’à l’avenir ces finasseries émoussées seraient insuffisantes et qu’il lui faudrait manœuvrer plus habilement. La biche aux abois tremblait, ébranlée tant par ses passions que par des effarements qu’il lui revenait d’apaiser. Il découvrit doucement son visage, le frôlant de la voilette qu’il releva, s’évertuant d’inscrire en ce geste les prémisses d’une caresse. Ses paupières étaient closes comme si elle se refusait à percevoir l’inéluctable, mais ses narines frémissaient d’une respiration oppressée et forte qui secouait divinement sa poitrine. Elle tendait la pulpe délicate et vermeille de ses lèvres vers de mystérieuses espérances et dans un souffle, sans hâte inconvenante, il vint y poser l’hommage des siennes.
Contre toute attente elle n’esquissa pas le moindre geste de résistance et ce fut avec une vraie ferveur qu’elle s’empara, elle, de sa bouche. Tout en prolongeant son embrassade il défit furtivement les boutons du corsage de sa robe. Il savait que chacune de ces nacres dégrafées la lui attachait plus fermement et rendait sa sujétion irrévocable. Sans conduire cette entreprise à son terme, il s’éblouit de la lactescence veloutée de sa gorge tranchant sur le jais du col désormais largement ouvert, puis fit glisser l’incandescence de ses baisers vers son cou, jusqu’à son sein, qu’hérissait un frisson de fièvre. Elle se trémoussait légèrement, agitée par de petits rires convulsifs qui émanaient des tréfonds de son corps. Bien qu’elle ralentit sa triomphale conquête, la raide barrière du corset l’aiguillonna, mais par bonheur cette cuirasse se laçait sur l’avant et il s’escrima à défaire la faveur écarlate qui comprimait des éclats de peau blafarde entre les pans de coutil et le fin ruban rouge.
Rodolphe n’entendait pas plus se contenter d’une étreinte précipitée qu’il ne souhaitait s’empêtrer dans les falbalas de sa belle. Il la voulait dévêtue pour régaler ses concupiscences, et afin surtout que sa capitulation consommée soit irrémédiable.
Quand il libéra ses seins, dans un reflux de pudeur elle fut tentée de les dissimuler de ses mains mais se fit violence pour ne pas paraître empruntée. Sans se l’admettre, elle trouvait Rodolphe bien compassé et s’agaçait de ses prudences timides. Depuis qu’elle était résolue à s’offrir, elle avait chassé toute réserve de son esprit, balayé l’imposture des convenances et s’impatientait de couronner ses aspirations par ce fatal épilogue, présagé dès les comices, et peut-être avant. Elle regrettait la persévérance de ses atermoiements et mesurait la puérilité de ses rebuffades passées, face à ce qui s’imposait dans la simplicité de l’évidence à présent, face à cet envoûtement qui la condamnait à céder.
Pourquoi donc s’amusait-il avec sa voilette ? Elle s’indigna de cette conduite, y décelant un chipotage indélicat qui l’attrista. Sa moustache par contre l’irrita délicieusement, suscitant des picotements agaçants, chargés de volupté, surtout quand elle vint, accompagnée d’une haleine torride, flatter la sensibilité exacerbée de ses mamelons. Elle aurait aimé qu’il écrase maintenant son torse dur et rêche contre sa poitrine palpitante qui appelait effrontément cette accolade. Lorsqu’une main s’insinua sous la chape obscure du drap de la robe et vint enfin effleurer la soie de son bas, elle tressaillit en émettant une gémissante roucoulade. L’homme y perçut un acquiescement car sa main se fit pressante et grimpa posément le long de la jambe, puis du pantalon, en une reptation tantôt insistante et appuyée, tantôt preste et adroite.
Contournant le sanctuaire de ses plaisirs, elle s’appesantit sur la douceur ductile d’un ventre en lequel elle s’efforça d’éveiller de profonds émois et d’assurer la sourde résonance de leurs échos. Puis elle se figea, dans une pause perplexe, affrontée au nœud obstiné qui fixait le fragile vêtement autour de la taille et barrait le chemin de ses convoitises. Emma hésita à l’assister car, il était clair qu’il ne disposait pas des dextérités d’une chambrière, mais se contint, estimant qu’une telle manifestation de ses empressements serait dépourvue et de dignité et d’élégance. Elle restait pétrifiée dans l’attente d’un impétueux tant qu’heureux dénouement et vibrait comme la corde trop tendue d’un violon sous l’archet de cette ultime câlinerie précédant l’embrasement final.
Une seconde, elle se remémora les brumes laiteuses qui nappaient la vallée et s’évaporaient progressivement pour livrer le paysage aux feux du soleil. Ne partageait-elle pas semblable fortune, s’exposant à son étoile au fur et à mesure que celle-ci dispersait sa vêture et dissipait ses craintes et remords ? La main maintenant s’introduisait sous la batiste et redescendait sur les chairs, entraînant le fin tissu dans sa caresse. Emportée par une pléthore de sensations, Emma manqua défaillir et ses cuisses d’abord se contractèrent puis, insensiblement accueillirent la paume brûlante qui s’insinuait entre elles en dispensant de suaves enchantements. Elle qui ne s’était adonnée à l’acte charnel que honteusement, dans l’ombre protectrice d’une alcôve, se sentit, ici, dans le cœur fécond de cette nature fertile, les témérités d’une nouvelle Ève mais, à son opposé, bien décidée à accéder au jardin défendu et ses béatitudes, non à s’en faire répudier.
L’homme jusqu’alors si prévenant s’empara d’elle avec une fougue brutale insoupçonnée et elle l’en gratifia en distillant les larmes abondantes d’un divin plaisir. Elle n’imaginait pas qu’on puisse subir pareil ébranlement de toutes les fibres de son être… Elle ignorait tout de cette bourrasque qui emporte le corps tant que l’esprit, les précipite dans des extases inouïes puis les dépose, haletants et pâmés, gorgés de trop brève félicité, au seuil d’une exquise agonie. Elle s’était bercée, sans presque les entendre, de ses ahanements essoufflés dont elle lui savait gré et voulut, pour l’en remercier, hurler « encore » mais il s’écartait hâtivement en se réajustant. Elle constata qu’il s’était borné à ouvrir le haut de son pantalon et à retirer sa veste qu’elle découvrit soigneusement pliée à côté.
Languide, égarée dans les effluves de ses bouleversements, elle ne pouvait ni ne voulait abandonner aussi précipitamment des sommets si chèrement conquis et pas plus tôt entrevus que déjà évanescents ; il lui fallait savourer ce sacre, se repaître des émotions vécues, de l’euphorie qui les prolongeait mais s’estompait avec une odieuse promptitude. Elle se contenta de rabattre sa robe qu’elle enroula autour de ses jambes, les enserrant dans un étroit fourreau sombre qui s’évasait au niveau de ses chevilles. Ainsi équipée et portant ses rêves en diadème, s’appuyant sur un bras tendu, la tête rejetée en arrière pour mieux déployer son magique cou de cygne et pointant ses seins d’albâtre toujours dénudés que barrait une lourde tresse ébène, elle apparaissait, telle une pensive sirène.
À deux pas Rodolphe la contemplait en se disant « Quelle charmante maîtresse elle me sera, je ne suis pas près de m’en lasser, et ce serait bien le diable que je ne parvienne à m’arroger ses trésors les plus intimes et à mes fantaisies l’amadouer. »
Elle aussi se mirait dans l’onde de l’étang agitée par un paisible clapotis qui brouillait insensiblement les contours de son reflet, le rendant plus éthéré, et elle s’émerveilla de cette image qui, se disait-elle, rassemblait les composants d’un tableau romantique et fantasmagorique. Elle songea encore à celles, évanouies déjà, de ses extases que les vases du fond devaient à présent celer.
Voilà la lubricité d’un lecteur contemporain assouvie. Franchement, j’en doute. Entendez cette phrase : « L’homme jusqu’alors si prévenant s’empara d’elle avec une fougue brutale insoupçonnée et elle l’en gratifia en distillant les larmes abondantes d’un divin plaisir. »
Elle est presque aussi creuse que ne l’était le blanc de Flaubert, empreinte certes d’allusions suggestives mais tout aussi dénuée de détails et de révélations explicites. Pour pallier cette dérobade, je vous propose de lui substituer ce qui suit :
Elle s’attendait à ce qu’il abaisse simplement son pantalon mais il ne voulut pas s’encombrer de cet oripeau qu’il lui arracha complètement, accrochant et déchirant dans sa précipitation la légère batiste au talon crotté de ses bottines. Ainsi dépouillée, la vivacité de l’air frôlant ses cuisses la fit trembler, à l’égal de cette caresse qui se perdait dans l’ombre complaisante de sa toison secrète, et elle se mordit violemment les lèvres pour étouffer le geignement qui s’y pressait déjà. Elle referma ses yeux pour ne pas être témoin de la délectable humiliation qui livrait sa nudité aux braises des regards de son amant, mais s’étonna de cette immodestie qui, loin de la révulser, l’exaltait au lieu de l’accabler. Confusément, elle se devinait et belle et désirable ainsi, s’offrant dans cet absolu don de soi, présent inestimable dont il devait se réjouir.
Quand une phalange habile força son intimité pour pressurer sa capsule d’amour, elle éprouva une sublime déflagration comme si la quintessence de son être et de ses désirs qui s’y était réfugiée et condensée se trouvait brusquement distendue et délivrée. Puis l’épieu de chair roidi vint masser sa peureuse déhiscence qui s’ouvrit tel un fruit mature, épanchant des nectars onctueux. Elle, qui dans ses pauvres émois sensuels antérieurs s’était toujours montrée réservée sinon passive, ici, dans une impulsion subite, d’un seul geste, noua ses bras autour du cou de l’homme, lui ceintura les reins de ses jambes et projeta son bassin en avant avec une ardeur si violente qu’elle s’en effara. Lui, obnubilé par la seule satisfaction de ses appétences, la ravageait sans le moindre ménagement, avec une brutalité qu’elle n’aurait soupçonnée de la part d’un gentilhomme mais qui la transportait dans un crescendo de saisissements.
Soudain, elle sentit qu’elle s’épanchait d’une effusion jusqu’à ce jour inconnue et il lui sembla fondre et se liquéfier sur le pal qui la transperçait. Elle voulut se ressaisir, bien en vain… le monde à l’entour vacilla. Elle libéra le cou de son bienfaisant tourmenteur et, vrillant la forêt d’un piaulement strident, elle s’affala sur le dos en fouettant impétueusement l’air de ses bras comme si elle tentait, dans un prodigieux effort, de s’évader. Et en effet, elle s’envola…
Soulevée par une ascendance irrésistible elle s’éleva, aspirée par les nues, caracola, charriée par de chaotiques turbulences et s’évanouit dans l’infini de l’azur, chancelante de ses ivresses. Enfin elle s’abîma dans le gouffre sans fond creusé par son jubilatoire vertige avant d’être tordue et submergée par la trombe qui l’emportait. Ce suprême égarement la contracta sur la verge qui l’inondait et qu’elle étrangla dans un spasme souverain.
Cela vous convient-il mieux ? Je crains que « L’épieu de chair roidi vint masser sa peureuse déhiscence qui s’ouvrit tel un fruit mature, épanchant des nectars onctueux. » ne reste bien trop générale et abstraite, subsumant des actes et des outrances qui vaudraient d’être précisés. Selon le même traitement je vous propose de le convertir en :
Rodolphe, rompu à ces exercices, adroit à titiller les réceptivités de ces dames, s’enorgueillissait de la voir réagir aussi vivement à ses stimulations et ne sut se retenir de musarder interminablement en leurs hospices. Il adorait la voir se galvaniser en réaction à ses attouchements puis, imperceptiblement se détendre avant d’à nouveau se contracter tandis qu’une houle ténue froissait l’ivoire de son ventre, le parcourant de fugitives ondes de contentement. Il la mignota longuement, mais pressentant l’imminence de sa jouissance, cessa subitement, s’émerveillant de son désappointement et murmurant entre ces dents « Tu aimes ça, petite garce ! » Alors que la luronne jetait vers lui un sexe quémandeur, fébrile et suintant de tendresse, il le dédaigna quelques secondes afin de laisser mûrir ses frustrations. Il n’en affirmerait que mieux ensuite sa domination et se poserait dans un incontestable statut de maître. Renonçant à poursuivre ses ratiocinations stratégiques, il se cantonna dès lors à la quête exclusive de ses propres assouvissements et, faisant fi de toute autre galanterie, se montra brutal, agressif autant que possessif, selon son véritable tempérament.
Emma, elle, s’enfonçait dans son extase, brouillard enchanté qui, dérobant la réalité sordide de ses repères, ne laissait émerger que l’âpreté de son désir et la silhouette nébuleuse de son amant. Comment avait-elle pu vivre aussi longtemps éloignée des enivrements de la passion ? Les doigts de l’homme l’avaient envahie, la sondaient en effleurements experts qui lui révélaient des replis inexplorés de son corps, et elle était stupéfaite de constater que les jardins mirifiques qu’ils lui découvraient ne fleurissaient pas plus loin qu’en elle-même.
Elle aurait souhaité que parfois ils s’attardent en des lieux spécialement sensibles où naissaient des tumultes qui la portaient, haletante, au bord d’indicibles défaillances, mais à l’instant décisif où ils allaient exaucer ses émois, ils s’écartaient comme pour la maintenir pantelante et la spolier d’une apothéose à peine soupçonnée bien qu’ardemment briguée.
Quand les doigts dispensateurs de ces douces alarmes quittèrent son sexe attisé de mille flammes et noyé de larmes, elle subit ce retrait à l’instar d’une fourbe désertion à laquelle vinrent heureusement bientôt suppléer les assiduités d’une virilité insistante qui ambitionnait de leur succéder. Elle ne sut s’interdire de jeter un coup d’œil à l’arme roide qui allait l’écarteler et fut fière des vigueurs qu’elle lui avait insufflées car, assurément, cette distension était son œuvre.
Mais très vite elle renonça à cette curiosité pour s’enfermer dans l’acuité d’une cécité attentive aux impressions qu’allait lui infliger cette sensuelle incursion. Elle la présageait douloureuse, il en avait été ainsi à chaque fois, avec Charles ; elle l’exigeait telle, bien persuadée que souvenirs et chairs s’empreignent davantage de leurs afflictions que de leurs liesses.
L’assaut initial fut en effet hargneux, abrupt et cruel, tant l’homme s’abstint de tout égard lorsqu’il fouilla sauvagement ses entrailles avec l’intention délibérée de la meurtrir. « Il me prend comme une fille… » s’angoissa-t-elle, ne sachant trop s’il fallait s’en glorifier ou s’en blâmer et tout en s’efforçant de réprimer une amère plainte qui la suffoquait.
Pendant qu’il poursuivait sa charge féroce, poussant toujours plus avant, son tourment se mua rapidement en débordante plénitude, effaçant cette vacance qui depuis l’adolescence l’oppressait. La colonne qui la déchirait bien plus vigoureusement que la frilosité de son époux, l’introduisait à de virulentes allégresses, lesquelles n’étaient cependant que révélatrices d’autres émotions qui, pour être bien plus raffinées, n’en étaient pas moins profondes et puissantes. Ainsi, elle jubilait d’accéder à ces plaisirs inédits, pleinement consentis que n’entachait nulle fausse honte. Ceux-ci lui divulguaient cette part ignorée d’elle-même, cette volonté d’être jusqu’à l’anéantissement et lui faisaient entrevoir que c’était seulement en jouant sa vie, la suspendant au-dessus du précipice de la dissolution, qu’on la vivait pleinement. En un éclair elle se sentit métamorphosée, pour de bourgeon racorni s’épanouir en la majesté d’une somptueuse mais éphémère corolle.
Quand le pilon reflua, il ouvrit en son sein un vide en lequel elle s’absorba, une béance qui n’était point elle mais en laquelle elle se retrouvait, et la tentation de cet abîme la fascina et l’éblouit jusqu’à l’aveuglement.
Puis à nouveau, il l’envahit et la défonça tandis qu’elle succombait.