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n° 16818Fiche technique11608 caractères11608
Temps de lecture estimé : 8 mn
16/05/15
Résumé:  Un vieil homme se prend d'affection pour sa voisine, étudiante en lettres classiques...
Critères:  fh ff voisins fsoumise cérébral humour
Auteur : Samuel            Envoi mini-message
Un auditeur libre

Ils avaient cogné toute la nuit. Enfin, on pouvait le supposer, c’était le lit qui frottait contre le mur. Et puis quelques cris qu’ils avaient voulu étouffer dans les plumes de l’oreiller, mais qui étaient parvenus comme des appels à la jouissance. Cela avait duré, s’était interrompu, puis avait repris au petit matin.


Clément Legendre n’avait pas dormi beaucoup, mais de toute façon, à 71 ans, il avait le sommeil difficile. Il s’endormait parfois vers les trois heures pour se réveiller deux heures plus tard. Dans la journée, une somnolence continuelle le prenait. Il fermait les yeux devant son téléviseur, espérant mourir un jour avec cette placidité. Ses nouveaux voisins, il ne les connaissait pas encore. À peine les avait-il aperçus dans l’escalier. Des jeunes, étudiants apparemment. Le seul point commun, c’est qu’ils étaient aussi désargentés que lui pour vivre dans ce pauvre appartement.


Clément Legendre avait souri en entendant la scène d’amour qui se déroulait derrière la mince cloison. À aucun moment il n’avait ressenti de colère ou d’impatience, même quand ils avaient repris leurs jeux sexuels. Il n’aurait jamais pensé donner un coup de poing dans le mur pour leur faire comprendre qu’ils exagéraient. Au contraire, une douce émotion l’avait envahi, et il leur souhaitait du fond du cœur tout le bonheur possible. Il n’avait pas non plus collé son oreille pour profiter davantage de leurs ébats. Non, il avait pris cela comme on prend dans les narines au printemps la forte odeur du lilas qui vous monte à la tête.


Le matin, Clément Legendre avait l’habitude de prendre son café sur le minuscule balcon, seul luxe de ce logement bien dégradé. Hiver comme été, il dégustait son breuvage avec une infinie lenteur pour retarder encore l’entrée du jour dans la journée.


Et ce matin-là, la porte-fenêtre voisine s’ouvrit et une jeune fille sortit elle aussi sur son balcon. Elle portait une robe de chambre verte un peu démodée qu’elle avait nouée à la taille par un ruban rouge. Elle salua le vieil homme, et la conversation s’engagea. Juline était effectivement étudiante en lettres classiques. Au moment de se quitter, elle hésita un peu puis demanda :



Juline avait laissé passer une semaine, et un matin elle alla frapper à la porte de son voisin. Elle portait toujours cette affreuse robe de chambre qui ne l’enlaidissait même pas.



Quand Clément Legendre revint avec les deux tasses de café, Juline s’affairait et passait en revue tout le contenu du carton. À un moment, son visage s’éclaira, elle fit un effort et du bout des doigts, le visage illuminé, elle brandit le livre recherché. Mais elle s’était tellement contorsionnée pour ce faire que le ruban rouge se dénoua et que la robe de chambre s’ouvrit, découvrant ses seins en poire et sa petite toison brune. Elle descendit calmement de l’escabeau pour récupérer le ruban qui gisait sur le tapis et referma sa robe de chambre. Elle regarda son hôte avec un petit sourire contrit.



Inutile de préciser que le café fut avalé dans une bien belle humeur. Et ils se quittèrent en riant, quand Juline ajouta :



La complicité joyeuse entre le bonhomme et l’étudiante ne se démentit pas. Elle avait compris qu’il n’y avait aucune lubricité dans ses yeux doux et avenants. Il avait tout de suite vu qu’elle était fraîche et sans duplicité. Il l’aida maintes fois pour ses traductions, la conseilla pour ses choix de lecture et suivit son évolution, mais sans aucune insistance, répondant seulement à ses interrogations. Un jour pourtant, il la trouva en pleurs.



Juline a noté cette phrase dans son petit carnet, et quelques jours plus tard elle rompait. Elle se jeta dans les études de grec avec délectation. Et elle venait dîner parfois chez Clément en célibataire. Et puis, un jour, elle entra dans la chambre aux réminiscences classiques avec un regard amusé.



On frappa à la porte. Gabriel se présenta courtoisement. Il remercia Clément Legendre pour toute l’aide qu’il avait apportée à Juline, qui laissa définitivement son éternelle robe de chambre et son ruban rouge dans l’appartement témoin de sa nudité resplendissante. Gabriel ne voulut pas qu’elle se rhabille et il l’emmena dans la chambre voisine qui se mit à résonner de vibrations peu équivoques. Clément Legendre pleura avant de s’endormir.