n° 16901 | Fiche technique | 34578 caractères | 34578Temps de lecture estimé : 20 mn | 12/07/15 |
Résumé: Alicia, devenue lesbienne à quarante ans et en mal d'affection, rêve de séduire à son tour une autre femme. | ||||
Critères: ff fbi inconnu sport forêt campagne massage cunnilingu init | ||||
Auteur : Nokta (La magie de la séduction) |
Alicia se tenait là, debout, toute droite, sur le seuil de sa porte ouverte. Elle contemplait avec une avidité non dissimulée la beauté des couleurs du crépuscule. Peut-être imaginait-elle pouvoir prolonger ce moment bucolique en savourant chaque seconde. Pour Alicia, cela faisait partie de ces moments à la fois réparateurs et mélancoliques qui jalonnaient sa triste existence de femme seule. Son compagnon disparu depuis déjà bien longtemps, sa fille construisant sa propre vie dans un pays lointain, il ne restait plus grand-chose qui soit source d’énergie et de motivation au quotidien pour elle. Il y avait bien sûr son travail qui lui permettait de vivre confortablement et de soutenir sa fille dans sa prise d’indépendance, mais ces occupations mises de côté, les journées et la notion du temps devenaient bien volatiles.
Alicia avait aussi ses rêves et ses fantasmes. Elle se souvenait d’une jeune fille qui, quelques mois plus tôt, l’avait séduite le jour de ses quarante ans. Alicia n’arrivait pas à oublier cette expérience qui l’avait radicalement libérée, même transformée. À l’heure où la majorité des femmes étaient en proie à l’amertume suscitée par la perspective du vieillissement, elle avait l’impression de recommencer une nouvelle vie. Dans le feu de cette première expérience avec Aline, cette jeune fille, elle s’était sentie pousser des ailes comme le phénix renaissant de ses cendres, et elle était à présent bien décidée à profiter de chaque opportunité qu’allait lui offrir la vie.
Alicia avait néanmoins été déçue par celle qu’elle se complaisait à appeler sa « petite amante », car cette dernière lui avait laissé un étrange message d’adieu sur lequel elle avait pu lire : « 16 juin Le Passage 20 h ». Si dans un premier temps elle avait pris un certain plaisir à s’imaginer retrouver sa jeune amante lorsque ce jour viendrait, elle avait été forcée d’admettre par la suite qu’elle n’avait aucune idée de l’endroit auquel elle avait fait allusion. Les villages, les lieux-dits s’appelant Le Passage ne manquaient pas, et Alicia n’avait pas réussi à trouver le moyen de contacter Aline. Cela allait donc sûrement rester du domaine du rêve, un mirage, une image fugitive…
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Les semaines passèrent, le mois de juin arriva rapidement, et le seizième jour se leva un beau matin. Alicia s’était préparée psychologiquement à ce qui allait se passer : ce serait une journée parfaitement ordinaire et il valait mieux bien la remplir pour ne pas aller se coucher pleine de regrets, pensait-elle. Et la journée se passa, se remplit, et vers la fin de l’après-midi, Alicia ressentait toute la satisfaction de n’avoir pas perdu son temps à chercher l’introuvable et d’avoir bien avancé dans ses travaux domestiques. Il était à présent cinq heures et demie, le soleil était encore très haut dans le ciel et frappait très fort ; elle décida donc de marquer une pause, posa ses outils de jardinage et s’assit sur un petit banc qu’elle gardait dans un coin ombragé du jardin. Elle examina attentivement la blessure qu’elle s’était faite à la main un peu plus tôt dans la journée. Une épine de rosier lui avait en effet laissé une vilaine trace encore quelque peu sanguinolente. Mais Alicia ne se sentait pas maladroite pour autant : le plus important pour elle était de ne pas avoir malmené et abîmé cette fleur qui, même recouverte d’épines, n’en était pas moins fragile et délicate. À cette pensée elle sourit spontanément ; après tout, n’était-ce pas une espèce de blessure de guerre, comme une décoration bien visible, que l’on porte et dont on peut se vanter ?
Ce soir-là, alors qu’elle s’était juré de ne pas le faire, Alicia regarda une fois encore le papier sur lequel figurait cet étrange message que lui avait laissé la jeune fille avant de disparaître. Elle comprit alors qu’une fois le repas terminé elle devrait aller se changer les idées à l’extérieur et ne pas succomber à la tentation de s’enfermer dans la mélancolie pour le restant de la soirée. Elle irait marcher, se dégourdir les jambes dans son petit village de campagne dont elle connaissait trop bien les rues et les sentiers. Et dans ce catalogue de promenades idéales en fin de journée pour s’oxygéner et se rafraîchir, elle savait exactement où aller pour flâner tranquillement. Aussitôt son plan limpide dans l’esprit, elle enfila sa tenue spéciale pour les bols d’air, sauta dans sa voiture et parcourut les quelques kilomètres qui la séparaient de son havre de paix.
Quand elle arriva sur place, elle ne fut pas le moins du monde surprise de voir qu’elle n’était pas seule à avoir eu cette idée. Il y avait au moins une quinzaine de personnes rien qu’à l’entrée du sentier. Les gens garaient leur véhicule puis, par groupe d’amis, en couples ou seuls, se promenaient en bavardant de tout et de rien ; certains avaient même décidé de courir. Alicia, de son côté, voulait simplement marcher et ne plus penser à rien, juste se vider la tête du labeur de la journée.
Elle se plaça donc légèrement en retrait du groupe qui s’était formé et commença à cheminer derrière ces gens qu’elle ne connaissait pas. À mesure que le sentier faisait redécouvrir à Alicia l’odeur enivrante du pétrichor qui parfume le vent des soirs d’été, elle avait l’impression d’être enfin en paix, loin de ses préoccupations, de sa routine, loin de toute réalité oppressante. Elle se sentait légère, libre, elle-même. Soudain, des bruits de pas précipités et un soupir exaspéré vinrent la perturber dans ses flâneries.
Alicia se retourna. C’était bien une voix de femme. Une femme en sueur qui avait apparemment dû ralentir la cadence de sa course. C’était bien à cause des autres flâneurs qui, tels un troupeau en pleine transhumance, bouchaient le passage et forçaient les joggeurs à piétiner l’accotement pour contourner l’obstacle. Alicia considéra un instant la joggeuse : une femme aux longs cheveux noirs, visiblement proche de la trentaine, élancée, mince, le teint presque blafard et aux yeux d’un bleu particulièrement perçant, dérangeant, presque insolent. Ainsi, lorsque celle-ci croisa le regard d’Alicia, la fragile et timide blonde, désormais quadragénaire, se sentit assez mal à l’aise. Elle pensa en son for intérieur « Quelle gourde ! Il est encore plus désagréable de l’écouter elle tout seule que de supporter le brouhaha de ceux de devant ! » La joggeuse avait en un éclair repris sa course et essayait à présent de se faufiler entre les groupes de promeneurs, bousculant au passage ceux qui ne s’écartaient pas assez vite. Parmi eux, un jeune adolescent, plus tête brûlée que les autres, lâcha une insulte que tout le monde entendit à des dizaines de mètres à la ronde ; mais la joggeuse ne se retourna pas pour répliquer et resta impassible. En moins d’une minute elle était déjà bien loin.
Alicia se rapprocha alors d’un homme assez âgé qui marchait avec sa canne, une dizaine de mètres derrière elle. Lui aussi semblait s’être calqué sur la cadence du groupe compact qui les devançait d’une vingtaine de mètres ; elle connaissait bien ce retraité pour l’avoir croisé régulièrement aux petits commerces du village. Alicia prit de ses nouvelles puis lui demanda :
Alicia se contenta de hocher la tête en signe d’approbation. Même si elle ne pouvait nier ce que le petit retraité lui racontait, elle avait du mal à imaginer cette femme qu’elle venait d’apercevoir en train de saluer, et encore moins de sourire à qui que ce soit. Puis une petite voix se mit à résonner dans sa tête : peut-être réagissait-elle de cette façon parce qu’elle était tout simplement jalouse de voir une autre femme, non seulement plus jeune qu’elle, mais aussi plus à l’aise dans son corps et dans son esprit. Elle eut soudain le sentiment que la vision de cette sauvageonne bousculant les autres et se fichant de leur regard allait la contrarier de plus en plus si elle ne faisait pas vite l’effort de passer à autre chose. Elle fit ainsi la conversation à son vieux voisin pendant une bonne trentaine de minutes alors que le groupe qu’ils suivaient s’enfonçait dans les sous-bois. Bientôt, ils arrivèrent à hauteur d’une jolie clairière abondamment éclairée par le soleil crépusculaire. Le groupe s’arrêta.
Tous ou presque s’arrêtèrent en effet et allèrent se reposer sur les bancs et tables de pique-nique mis à disposition des randonneurs. Le retraité attrapa le bras d’Alicia et lui expliqua qu’il allait à présent rebrousser chemin, en raison de son âge qui lui rendait peu recommandable de marcher plus d’une heure. Ils prirent congé l’un de l’autre et Alicia alla s’asseoir à une table restée libre. Elle ôta son petit sac à dos où elle gardait de quoi se désaltérer et contempla la vue qui s’offrait à elle.
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La lumière jaune dorée du soleil donnait au paysage une teinte cuivrée. L’air commençait légèrement à se rafraîchir, indiquant ainsi que la soirée avançait à grand pas. Alicia consulta l’heure et se rendit compte qu’il était maintenant vingt heures. Elle ne put s’empêcher de repenser au petit mot mystérieux sur lequel étaient écrits cette heure et ce jour précis. Qu’allait-il se passer maintenant, tout de suite ? « Rien du tout ! » pensa Alicia qui continuait de balayer du regard les groupes de promeneurs attablés et ceux qui continuaient leur chemin. Ayant pratiquement vidé sa petite bouteille d’eau, elle comprit aisément que tous venaient davantage pour échapper à la canicule et profiter de l’air frais du soir que pour pratiquer une activité physique.
C’est alors qu’une silhouette apparut furtivement entre les arbres jusqu’à se rapprocher de l’aire de repos. C’était cette même joggeuse qui s’était montrée si brusque quelques instants plus tôt. Arrivant de loin, certains randonneurs tournèrent la tête plus ou moins discrètement pour l’observer. Alicia aussi l’observait avec attention : elle portait un petit débardeur rouge, un short, une paire de baskets de randonnée, un petit sac à dos léger et un élastique dans les cheveux. Elle s’assit à la dernière table libre, non loin d’Alicia, prit le temps de reprendre son souffle, but d’un trait la moitié de sa bouteille d’eau et versa le reste dans le creux de sa main pour se rafraîchir le visage. « Elle a dû déjà parcourir une bonne boucle ! » se dit Alicia en la regardant éponger d’un geste la sueur qui perlait de son front. Elle regardait avec envie les performances manifestes de cette femme au regard si glacial. Car leurs regards se croisèrent un court instant ; la joggeuse fixa Alicia pendant quelques secondes, puis lui fit comprendre d’un signe indiscret de la main qu’elle se demandait ce qu’elle avait à la dévisager comme ça.
Alicia baissa les yeux immédiatement et eut l’impression qu’elle allait rougir de honte. Elle s’efforça de regarder ailleurs et de l’ignorer, jusqu’à ce que la brunette élancée arrive face à elle. Elle fixait Alicia de ce regard dédaigneux, se laissa tomber sans gêne sur le banc, esquissa un sourire narquois et lui chuchota :
La joggeuse avait prononcé ces derniers mots tout en faisant un petit clin d’œil à la fois malicieux et provocateur, comme pour lancer un défi. Elle se releva tranquillement, prit soigneusement le temps de se retourner et montrer sa silhouette à son admiratrice secrète, et retourna à sa place. Alicia, quant à elle, resta comme sonnée, hébétée, encore sous le choc des mots. Elle sentit un nœud dans sa gorge la serrer de plus en plus et les larmes lui monter aux yeux. « Pourquoi fait-elle ça ? » se dit-elle en essayant de réprimer son besoin soudain de pleurer. Elle n’arrivait pas à comprendre ce qui avait pu se passer et pour quelle raison cette femme avait eu envie de la blesser. Elle ne put que regarder cette joggeuse de dos, ces belles cuisses minces et fermes, s’éloigner lentement.
Alicia parvint finalement à se calmer. Son nœud dans la gorge finit par se dénouer, et dix minutes plus tard elle se leva en même temps que la plupart des autres groupes et se remit à cheminer à leur rythme, derrière eux. La rude femme au débardeur rouge, elle, était encore assise lorsque la majorité des promeneurs disparut à nouveau dans les sous-bois. Alicia tentait de se redonner de bonnes raisons de profiter du moment ; elle se disait « Il commence à se faire tard, mais au moins, avec tout ce beau monde sur le sentier, il ne pourra rien m’arriver ; profitons ! ». Soudain elle entendit les foulées de sa mauvaise rencontre la rattraper ; le petit débardeur rouge lui fit presque mal aux yeux lorsqu’il passa près d’elle. La joggeuse se faufila une nouvelle fois entre les marcheurs, ne bouscula personne, et commença à prendre de la distance. Sentant cette couleur rouge lui monter à la tête jusqu’à l’obsession, Alicia arrêta soudainement de se morfondre. Elle ne pensait plus : elle ressentait. Et instinctivement, elle se mit à trottiner, et bientôt elle franchit à son tour cette barrière humaine entre elle et ce monde caché dans lequel elle désirait retourner plus que tout.
Alicia eut beaucoup de mal à rattraper la joggeuse qui avait une capacité d’endurance bien supérieure à la sienne. Lorsqu’elle parvint finalement à sa hauteur, elle se rendit compte que son souffle était trop court pour pouvoir aligner plus de deux ou trois mots. Elle n’arrivait pas à ouvrir la bouche pour parler et ne savait même pas ce qu’elle allait dire. Néanmoins, elle était maintenant sûre d’une chose : Aline lui avait fait découvrir la magie de la séduction et, à présent, elle sentait cette même magie, cette énergie qui lui donnait la sensation d’être capable de survivre à toute la haine du monde. Elle voulait maintenant, purement et simplement, s’emparer de ce diamant brut qu’elle convoitait. La joggeuse, qui l’avait sentie sur ses talons, ralentit légèrement la cadence et se mit à rire :
En effet, Alicia sentait que ce n’était plus qu’une question de secondes avant que son point de côté ne la force à abandonner la course. Elle décida de tenter le tout pour le tout :
Alicia était alors certaine que la joggeuse allait amorcer un sprint pour la semer et l’humilier mais, à sa grande surprise, cette dernière commença à ralentir sérieusement sa cadence. Les deux femmes étaient à présent en train de trottiner. Alicia boitait légèrement à cause de la douleur et continua à ralentir encore jusqu’à reprendre un rythme de marche. La joggeuse lui fit signe de s’arrêter, et toutes deux s’appuyèrent contre deux arbres qui indiquaient que le sentier bifurquait et qu’un chemin plus étroit et tortueux pénétrait plus profondément dans les bois. Au bout de longues minutes, les groupes de marcheurs finirent par les rattraper et les dépasser, continuant leur route sur la grande artère de la promenade. Alicia reprit lentement son souffle et regarda le visage de cette femme imperturbable qui la considérait alors avec des yeux perplexes. Voyant que son admiratrice avait retrouvé son souffle, elle lui dit :
Alicia ne se laissa ni impressionner, ni blesser une seconde fois. Elle prit la voix la plus suave possible et s’efforça de sourire :
La joggeuse se contenta de lâcher un soupir d’exaspération, tourna le dos et commença à suivre le petit sentier. Elle resta totalement impassible lorsqu’elle entendit la voix d’Alicia juste derrière elle.
Le décor était désormais de plus en plus sombre à cause du feuillage des arbres qui, plus dense que la canopée, laissait rarement percer la lumière rouge du soleil couchant. Cependant il faisait plus chaud à l’intérieur même du bois car le vent de la nuit tombante avait bien du mal à forcer le barrage des arbres et atteindre les deux aventurières.
Alicia commençait à désespérer. Cela faisait maintenant près d’une heure qu’elle poursuivait son nouveau mirage sur ce petit chemin tortueux qui longeait un cours d’eau très accidenté. Elle s’égratigna par trois fois sur des ronces, et lorsqu’elle se tordit la cheville après être mal retombée, la joggeuse, qui la devançait de quelques dizaines de mètres, se retourna et revint à sa hauteur :
Pour la première fois l’intéressée parut touchée par les paroles qu’on lui adressait.
Alicia sourit intérieurement. Appuyée contre un rocher, faisant tourner sa cheville endolorie et écoutant le clapotis du ruisseau, elle se délecta encore une fois de la silhouette de Sarah qui avait daigné s’approcher d’elle plutôt que de lui crier ses remarques de loin. Elle la regarda se baisser pour fouiller dans son petit sac à dos et en sortir un gilet qu’elle noua autour de sa taille. Alicia chercha dans ses propres affaires deux sucreries ; elle mangea la première puis tourna la tête vers la joggeuse, ressemblant plus maintenant à une vraie randonneuse, qui repartait déjà :
Sarah ne répondit pas oralement mais fit un signe des mains pour signifier un oui. Alicia lui lança la friandise et se remit en marche à son tour.
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Tout bascula lorsque le long de ce même cours d’eau, les deux femmes durent sauter d’une berge à l’autre. La longueur du saut à faire ne présentait pas de danger, mais le dénivelé n’était pas négligeable. Aussi, lorsque Sarah arriva la première sur le bord rocheux, elle se tourna vers la retardataire et lui dit :
Mais à l’instant fatidique, le pied d’appui de Sarah glissa légèrement ; elle passa sans problème le ruisseau, mais ne parvint pas à retomber en équilibre. On entendit ainsi un bruit de craquement lorsque sa cheville dut amortir le poids de sa chute. Alicia manqua lui donner un coup de pied en retombant à côté d’elle.
Sarah lâcha une série de jurons sous l’effet de la douleur. Elle était là, le visage crispé et durci, tentant de se relever et de se tenir à un arbre pour rester debout. Alicia n’osait pas lui demander comment elle se sentait, convaincue qu’elle obtiendrait une insulte comme seule réponse. Plutôt que de risquer de l’énerver par des remarques malvenues, elle s’approcha prudemment et lui proposa de s’appuyer sur son épaule et d’aller tremper le pied dans l’eau froide pour calmer la douleur. Sarah accepta, et une fois parvenues à un endroit bien moins accidenté, plus en aval du ruisseau, Alicia, l’aida à s’asseoir au bord de l’eau et à tremper le pied qui commençait à enfler. Elle voyait bien que Sarah regrettait à présent d’avoir emprunté ce chemin. Cette dernière poussa un profond soupir de fatigue et d’exaspération.
Au bord des larmes, elle leva les yeux vers une Alicia médusée.
Sarah esquissa un sourire, et Alicia se laissa happer par ses yeux bleus et ne put s’empêcher de lui faire remarquer :
Sarah lui lança un regard dubitatif, puis elle détacha et enfila le vieux gilet à capuche qu’elle portait autour de la taille. Elle s’emmitoufla à l’intérieur comme pour se cacher et s’endormir à l’intérieur de cette chrysalide. Elle se mit à frissonner mais garda ses pieds dans l’eau fraîche du ruisseau ; elle restait silencieuse, et Alicia ne tarda pas à comprendre qu’elle se laissait bercer par le bruit de l’eau ruisselante et que donc, à moins de la forcer à se relever, elle passerait la nuit ici même.
Alicia plongea alors sa main dans l’eau pour se saisir délicatement du pied endolori de la jeune trentenaire ; mais à peine avait-elle eu le temps de l’effleurer qu’elle entendit un grognement désapprobateur. Autour des deux femmes, la pénombre commençait à s’installer, et du soleil on ne voyait plus que quelques cumulus rouge vif.
Sarah resta silencieuse. Elle semblait de plus en plus évasive, égarée dans ses propres pensées, comme si elle était en train de réfléchir à mille choses en même temps.
Sarah hocha la tête et Alicia sortit avec délicatesse le pied enflé. Elle l’examina longuement, puis se mit à masser un bref instant la peau devenue très froide. La souffrante sortit de l’eau peu de temps après son autre pied, et elle allongea dans l’herbe ses longues jambes sveltes.
Sarah sembla une fois encore faire semblant de ne pas avoir entendu la question. Sa bienfaitrice, de son côté, avait à ce moment-là comme réussi à lire dans ses pensées. Elle savait qu’en face d’elle était allongée une femme au caractère bien trempé, forte et impétueuse. Mais elle avait aussi ressenti que c’était une femme amoureuse de la vie, qui ne supportait pas le goût fade de la routine, et qui était aujourd’hui pleine d’amertume. En somme, une femme à la recherche de nouvelles sensations. Alicia savait qu’elle n’allait pas pouvoir faire de miracle pour permettre à Sarah de remarcher immédiatement. Mais à la faveur de cet accident, elle savait qu’elle avait l’occasion de refermer une autre plaie, plus profonde, qui avait du mal à cicatriser dans le cœur de cette femme. La question, désormais, était de savoir jusqu’où Sarah se laisserait guider.
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Elle commença par masser avec la plus grande délicatesse les pieds de Sarah, pour ne pas risquer de raviver la douleur de l’entorse. La jeune femme n’était pas chatouilleuse, ce qui facilita grandement la tâche de la quadragénaire. Cette dernière sentait monter en elle cette même chaleur, cette même excitation qui l’avait plongée dans un état de transe la nuit où Aline l’avait charmée. Elle s’efforça de caresser avec toujours plus de tendresse et de sensualité les chevilles de Sarah, qui avait fermé les yeux et semblait s’être endormie. La nuit était désormais pratiquement tombée, et bien qu’il fût encore possible de distinguer sans mal les formes et les obstacles, l’idée de reprendre le petit chemin tortueux n’avait plus lieu d’être.
Alicia continua de remonter très lentement vers les jambes de la belle insolente. La peau de ses jambes était lisse, douce, chaude, et à son toucher sa bienfaitrice s’en mordit les lèvres de plaisir. Elle laissa ensuite ses mains caresser les mollets durement éprouvés de la jeune femme, passa dans le creux des genoux et ainsi de suite pendant de longues et intenses minutes. Elle essayait d’imaginer ce que la petite sauvageonne pouvait bien ressentir de son côté. « A-t-elle envie d’aller plus loin ? » n’arrêtait pas de se demander Alicia. Elle savait que même si Sarah avait une force de personnalité plus importante, c’était à elle de l’emmener dans ce monde dont elle voulait lui faire découvrir les merveilles. Elle se décida finalement. Elle laissa un instant ses doigts réaliser leur petite danse sensuelle sur les rotules de Sarah. Puis, après une longue minute d’hésitation, les mains commencèrent à conquérir les cuisses. Alicia sentit cette douceur, cette fermeté, cette chaleur enivrante, et se remit à masser sa protégée avec plus de passion que jamais.
Quant à Sarah, elle demeurait immobile, paisible, peut-être bel et bien endormie ou juste somnolente ; Alicia ne le savait pas. La pénombre régnait à présent, la nuit était claire, et Alicia n’avait aucun mal à distinguer son visage dont elle essayait d’interpréter le moindre changement d’expression. Elle arriva enfin jusqu’en haut de ses jambes élancées : elle pouvait sentir le tissu du short qu’elle portait. Elle fit alors glisser ses doigts vers l’intérieur des cuisses. L’excitation devenait de plus en plus intense, la libido rendait de plus en plus difficile toute pensée raisonnable. Les doigts tentaient de se frayer un chemin entre les cuisses qui s’écartaient lentement mais sûrement ; la peau devenait de plus en plus chaude, de plus en plus douce, de plus en plus fine. Les caresses, elles aussi, devenaient de plus en plus sensuelles à mesure que les petits doigts délicats se rapprochaient de l’entrejambe. Puis, en une fraction de seconde, il y eut comme une explosion. Les doigts avaient d’abord touché un tissu doux, mais humecté, puis une secousse terrible suivie d’une douleur très vive : Sarah s’était redressée et avait giflé Alicia.
Alicia, quelque peu sonnée, se ressaisit aussitôt et alla aux côtés de sa protégée avant que cette dernière n’ait eu le temps de se remettre debout. Elle lui prit la main, la regarda dans les yeux et essaya de la rassurer.
Sarah restait encore silencieuse. Alicia la prit dans ses bras sans la brusquer et la fit allonger.
Après un nouveau silence de Sarah, elle se jeta à l’eau.
Elle coucha sa tête juste à côté de la sienne, lui caressa la joue, et ajouta simplement :
Cette dernière resta d’abord passive, le regard perdu dans celui de sa bienfaitrice. Puis, sans quitter Alicia des yeux, elle commença à ouvrir lentement le gilet qui lui tenait chaud. Alicia retroussa bientôt le débardeur rouge, laissant ainsi apparaître la silhouette et les gracieuses courbes de sa petite protégée. Sarah lui adressa un dernier regard et lui dit simplement :
Alors Alicia laissa toute sa libido s’exprimer, et elle se mit à honorer cette femme si imprévisible et curieuse. Elle commença par l’embrasser avec la langue pendant un long moment tandis que de sa main elle lui caressait alternativement le cou, les seins et le clitoris. Lorsqu’elle commença à percevoir les gémissements de plaisir de sa partenaire, elle couvrit de baisers la poitrine de Sarah, caressant de sa langue les tétons et le cou. Puis, sans pouvoir repousser davantage l’attente, elle ôta les sous-vêtements qui restaient et dévora frénétiquement son entrejambe jusqu’à ce que la jeune femme devienne complètement raide et referme l’étau de ses cuisses sous l’effet de l’orgasme. Sarah ne cria pas, mais continua de laisser échapper ces petits cris intimes et secrets que seule Alicia pouvait entendre, lesquels exacerbaient toujours plus sa volonté de la faire jouir et de la conduire plus haut qu’on ne l’y avait jamais emmenée.
Lorsque l’incendie arriva à son apogée, Alicia relâcha lentement la pression sur l’élue de son cœur, puis s’allongea à ses côtés, la tête à nouveau dans l’herbe fraîche où commençait à perler la rosée du lendemain. Face contre ciel, elle réussit à deviner quelques étoiles que le feuillage des arbres ne cachait pas. Elle sentit alors la main de Sarah courir sur son corps, se glisser entre ses cuisses et caresser son propre clitoris. Elle se laissa ainsi masturber pendant un long moment, puis supplia sa partenaire de la pénétrer, comme elle l’avait fait lors de sa première expérience lesbienne.
Tout était à présent clair pour Alicia. Elle ne savait pas quelle personne elle trouverait à son réveil quelques heures plus tard, là en pleine nature. Allait-elle trouver une parfaite inconnue que l’on croise un jour pour l’oublier le lendemain ? Une nouvelle complice qui allait l’aider et la soutenir dans la vie ? Ou alors avait-elle trouvé une amante passionnée prête à partager un bout de chemin avec elle ? Alicia ne savait pas quoi en penser. Et lorsque toute cette effervescence dans sa tête lui ôta sa dernière once d’énergie, elle se blottit contre le corps chaud de Sarah, déposa un baiser dans son cou et s’endormit.