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n° 16903Fiche technique25382 caractères25382
Temps de lecture estimé : 15 mn
13/07/15
corrigé 07/06/21
Résumé:  Une femme, la quarantaine, se retrouve dans une impasse affective. Elle cherche une échappatoire.
Critères:  fh école fmast pénétratio -couple
Auteur : Nooz            Envoi mini-message

Série : La métamorphose

Chapitre 01 / 07
La rentrée



Marie s’exaspère. Tous les matins, sa fille, pourtant âgée de huit ans, reste un temps infini dans la salle de bain. Ce matin, elle est plus pressée que les autres jours : enseignant-chercheur en mathématiques à l’INSA, c’est la rentrée des étudiants. Une petite brunette, le cartable en bandoulière, les yeux rieurs, sort enfin. Elle embrasse son mari Marc, qui lui aussi traîne et sort avec ses deux enfants.



Les enfants embrassés, elle prend la direction du campus. Elle retrouve ses collègues dans l’amphithéâtre n°1 où le recteur, devant un tableau projeté, se lance dans une logorrhée qu’elle écoute d’une oreille. Elle repère Cécile et se place à ses côtés.



Cécile est blonde, petite, aux formes harmonieuses ; mais pour une raison qui lui échappe, elle n’arrive pas à se fixer. Elle ne manque pas d’amants ; et même, un soir de beuverie, elle lui a avoué avoir couché avec plusieurs hommes. Mais elle n’arrive pas à s’attacher, et souvent c’est elle qui les quitte après quelques semaines de relation.


La réunion est terminée, et ce soir nous nous retrouverons pour la soirée organisée par le recteur. Tous les enseignants sont conviés, pratiquement obligés de venir. Nos partenaires technique et financier sont disponibles : des contrats pour l’année sont parfois négociés dans cette soirée.


Arrivée au bureau, elle reprend son travail de recherche fondamentale sur la conjecture de Poincaré et, le soir arrivant, elle se dépêche de rentrer pour un brin de toilette et une tenue plus appropriée pour la soirée. Elle se regarde nue dans la psyché de la chambre. « Presque quarante ans, pense-t-elle ; je ne suis pas si mal que ça encore… » Les seins ont souffert des deux maternités, et ils n’ont plus le tonus de jadis ; les deux adorables monstres qui les ont maltraités n’ont pas été si méchants. Grâce à la salle de sport, son corps, bien qu’un peu empâté, est toujours agréable à l’œil, même si elle aimerait perdre une ou deux tailles de pantalon ; mais elle préfère ses fesses, qu’elle trouve plus rondes et plus bombées que dans sa jeunesse. Le seul point noir, pour elle, ce sont ses cuisses : elles ont perdu leur galbe. La musculature est toujours là, mais enrobée dans une couche de graisse qui ne fond plus, même en pratiquant du rameur de façon intensive en salle.


Ses doigts effleurent ses seins ; un frisson la surprend, ses tétons s’érigent. Elle est surprise, mais elle continue et saisit les pointes et les pince ; elles durcissent, et les frissons reprennent, plus fort, plus ciblés aux creux de ses reins. Elle se couche sur le lit. Ce n’est pas la première fois qu’elle se caresse, bien sûr ; souvent, le soir, dans son lit, alors que son mari dort, elle se livre aux plaisirs solitaires. Mais comme cela, juste en se regardant dans la glace, jamais. Elle déplace sa main entre ses cuisses ; son index écarte ses grandes lèvres et plonge en son ventre. Un deuxième, puis un troisième le rejoignent et, la bouche ouverte, elle imagine un monstrueux sexe la pilonnant, infatigable. Elle ne résiste pas à la vision très longtemps ; elle écarte ses cuisses et enfonce ses doigts au plus profond de son intimité, déclenchant un violent orgasme.


Elle est encore bouleversée quand elle appuie sur le bouton de l’interphone de Cécile. Comme elle ne conduit pas, elle vient la chercher.



Cécile court dans le salon, uniquement vêtue d’un string. Ses petits seins sautillent alors qu’elle fouille dans son armoire à la recherche de la tenue la plus adéquate pour la soirée.



Soudain elle reste en arrêt et la dévisage.



Marie rougit. Elle lâche d’une petite voix :



Devant le désarroi de son amie, elle remplace le ton goguenard par une voix douce et inquisitrice :



Elle secoue négativement la tête.



Elle a fini de s’habiller pendant la conversation.



Elle la scrute sérieusement sous toutes les coutures.



Marie s’offusque. Elle coupe court :



Quand elles arrivent dans la salle, le recteur, sur son piédestal, lance la soirée. Pour une fois, son discours n’est ni long ni roboratif. Cécile amène deux mojitos et les pose sur la table basse.

La première partie de la soirée est classique : buffet, contact avec les mécènes et les futurs clients. Elle est approchée par le responsable d’un fabricant de poids lourds, Gérôme Lancin, et après échange de cartes, elle retrouve Cécile en grande conversation avec un jeune homme, plus intéressé par la jupe fendue que par les hautes compétences en mécanique des fluides de son amie. Puis la musique monte en intensité et les groupes se séparent et s’installent autour des tables et sur les fauteuils disposés dans les coins de la salle.



Marie n’est pas à l’aise ; ses seins libres sous son bustier la gênent.



Elle se lève et se dirige directement vers lui. Grand, svelte, habillé de façon décontractée mais très soignée, il dépasse Cécile d’une bonne tête, ce qui lui donne une sorte de fausse condescendance. Elle engage la conversation, et finalement elle le dirige – ou plutôt le pousse – vers leur table. Un peu gêné, il s’assoit en face de Marie.



Il lui tend la main ; la poignée est franche et délicate.



Elle remarque que les yeux d’André plongent dans le décolleté ; elle se sent rougir.



Cécile arrive, chargée de boissons alcoolisées. La discussion reprend. D’autres personnes s’agrègent au trio, des hommes et des femmes, et les boissons défilent. La chaleur monte et les inhibitions tombent. Son amie s’est désintéressée rapidement d’André pour jeter son dévolu sur un jeune homme qu’elle drague éhontément. Ils dansent ensemble, et le déhanché de Cécile allié à ses positions subjectives obtiennent l’effet escompté.


Marie se lève ; sa tête tourne. Elle commence à bouger en cadence au centre de la piste improvisée. Les yeux se croisent ; certains sourires sont parfois salaces. Elle sent même une main qui traîne sur sa hanche. La densité augmente encore et les corps se rapprochent, les odeurs de transpiration mélangées aux différents parfums sont entêtantes. Bloquée au centre de la piste, elle se trouve encadrée d’hommes et de femmes ; la musique est forte, et les corps se déhanchent. Par intermittences, un frôlement atteint ses fesses : une braguette, possible. La chaleur et l’alcool absorbé la poussent à une action qu’elle n’aurait jamais pensé exécuter : elle se cambre plus, et le contact est plus fort. Dans un mouvement, elle arrive à se retourner. Ses yeux croisent une personne, la cinquantaine dégarnie, bedonnante : elle reconnaît Gérôme Lancin. Son pantalon est fortement déformé par une belle érection. Il sourit niaisement. Un éclair de lucidité la saisit : elle fend la foule pour retourner à sa table. Elle se retrouve seule devant son verre, cherche son amie, mais ne la discerne pas dans la cohue. Elle est plongée dans ses pensées quand André s’assied à côté d’elle, un nouveau verre plein en main.



Elle se rend soudain compte de la tenue indécente qu’elle renvoie : le bustier humidifié par la transpiration ne cache que partiellement les larges aréoles des seins, et les pointes – sans doute encore excitées par le contact du membre gonflé qui tout à l’heure frottait ses fesses – pointent à travers le tissu. Elle sent la honte empourprer son visage. Désespérément, elle cherche une échappatoire à cette situation ; la seule qu’elle trouve, c’est la fuite. Elle se lève et se dirige vers les toilettes.

Devant le miroir, elle se trouve pathétique : son maquillage est en déroute, et ses seins sont honteusement visibles. « Quelle idée d’enlever le soutien-gorge… À quoi je ressemble, maintenant ? » Elle en est à cette constatation quand Cécile entre.



De retour à table, le jeune homme qui tout à l’heure conversait avec Cécile s’est incrusté à notre groupe. Enfoncée dans son fauteuil, Marie observe son amie, nageant sans difficulté entre le jeune homme et un collègue. Les deux hommes sont de plus en plus entreprenants, et des mains furtives explorent les formes offertes sans que Cécile ne s’en offusque. Elle est ébahie par l’aisance et l’absence de gêne de son amie. André, un portable vissé sur l’oreille, s’approche de la table, sourit à Marie.



Elle est étonnée par la mine déconfite de son collègue. Sur le trottoir, l’air frais lui redonne une certaine lucidité.


Il est plus de minuit quand elle se glisse le lit conjugal. Son mari ne s’est même pas rendu compte de son retour, il dort profondément. Couchée sur le dos, elle n’arrive pas à dormir. Les événements de la soirée se bousculent dans son esprit. Elle se souvient de l’excitation qu’elle a suscitée sur la piste de danse, et d’André ; elle ne pensait plus susciter d’intérêt pour un homme. Elle regarde son mari tourné vers le mur. Pourquoi, depuis un an, n’éprouve-t-il plus de désir pour elle ?


Sa tête retombe sur l’oreiller. Elle ferme les yeux, mais toutes les images bouleversent son esprit, et son corps demande des caresses. Sa main effleure ses mamelons ; son cœur s’accélère et son souffle est court. Elle se fige soudain : son mari vient de grommeler. Elle reste statique bloque sa respiration ; le souffle régulier de son partenaire reprend. Sa main se glisse entre ses jambes. « Mon Dieu… Ma toison est toute trempée ! » Son index trouve le clitoris. Elle serre les dents, les pupilles dilatées, les lèvres pincées. Son index frotte avec frénésie le petit morceau de chair turgescent. Malgré le contrôle de son corps, elle ne peut laisser échapper un petit cri et une forte secousse qui balaie son corps lors de la délivrance ; des vagues de plaisir irradient dans tout son corps.


La semaine se termine, et tous les enseignants ont retrouvé leurs classes et leurs travaux universitaires. Elle a croisé plusieurs fois André dans les couloirs, mais juste un bonjour, bonsoir, sans plus. Rentrée à la maison, son mari lui rappelle qu’il part pour l’Angleterre pour une semaine. Le soir, les enfants couchés. Comme d’habitude, après une soirée canapé, ils se retrouvent au lit. Sagement couchée sur le côté, elle commence à somnoler quand une main débute des caresses molles et mécaniques. Comme d’habitude, elle feint de ne se rendre compte de rien. La main progresse, dépasse l’élastique de la culotte et force le tissu. Elle enlève sa culotte, se place sur le dos et attend. Ce soir, il est pressé : après un doigt pour contrôler l’humidité de sa femme, il lui impose une levrette. Il la pénètre. Ce pourrait être agréable, son sexe est de bonne taille, mais la saillie ne dépasse généralement pas les deux minutes. Une fois de plus, elle reste sur sa faim et, la tête appuyée sur l’épaule de son mari, elle sent sa semence couler entre ses cuisses. Il s’endort. Elle est submergée par une tristesse qui se transforme en rage.


Au matin, devant le bol de café, sa rage n’a pas disparu. Son mari est parti à l’aube, et le week-end risque d’être long. Ses enfants dorment encore. Elle ouvre son ordinateur, vérifie ses mails. Une heure s’égrène ; elle n’a pas envie de faire le ménage. Elle saisit son téléphone, appelle Cécile. Une sonnerie, deux, trois. Une voix embrumée de sommeil décroche.



Elle entend des froissements, puis une porte qui se ferme, et dans un murmure :



Elle reste bouche bée, puis une vague de tristesse la submerge, et d’une voix atone elle s’excuse du dérangement et raccroche. Elle jette de rage son téléphone sur le canapé, et des larmes coulent sur ses joues. Elle reste prostrée, dans un état de misère psychologique. Elle se dirige vers son bureau et, un crayon à la main, elle reprend son travail sur la conjecture de Poincaré, mais elle n’arrive pas à se concentrer. Elle jette le crayon et tape sur son moteur de recherche « trio, sexe, vidéo ». Une avalanche de sites apparaît sur l’écran ; elle clique sur le premier venu, et trois jeunes gens s’ébattent dans un sauna. Pas de scénario. La femme est une bombe siliconée, et les hommes, totalement épilés, sans un gramme de graisse. Des érections monstrueuses besognent la jeune femme avec une bande-son pleine de gémissements même pas synchronisés. Elle clique sur une autre vidéo : même situation, mais cette fois-ci dans une piscine. « C’est consternant ; rien de réaliste : juste bon pour traumatiser les gamins qui tombent sur ces vidéos. »


Elle change de mots-clés : « club libertin, région lyonnaise ». Là encore, une foule de sites dont un qui retient son attention : c’est un annuaire qu’elle ouvre. Une fois paramétré, une liste des établissements avec des notes et des appréciations. Les noms sont évocateurs ; tous possèdent un lien sur le site du club. Les premiers bien notés ne l’accrochent pas. Un nom différent des autres attire son attention : Carpe Diem. Du latin de cuisine, mais au moins cela change. Les notes sont moyennes, mais la critique est assez intéressante. Elle clique sur le lien.


C’est un petit établissement qui ne ressemble en rien aux usines qu’elle a déjà visitées. La philosophie du club semble simple, et en adéquation avec le nom du club. « Tiens, il y a des photos des soirées. » Malheureusement, il faut être membre. Elle hésite, puis saute le pas ; elle se crée un pseudonyme et remplit tous les items. Elle reçoit la validation, et elle entre dans l’onglet désiré. Ce ne sont que des photos où les protagonistes sont floutés, mais les personnes sur l’image ne sont pas des professionnels : tous les âges sont représentés, et les physiques aussi. Elle reste captivée, déroulant tous les albums disponibles. Elle ressent une sorte d’intérêt envers l’établissement ; certaines images sont équivoques : elles respirent le plaisir sans entrave entre les personnes. Elle compulse, comme hypnotisée par les images qui se déroulent sur l’écran. Elle navigue sur les profils des membres : certaines photos de couples et leur présentation correspondent à ses fantasmes.



Lætitia se trouve juste derrière elle. Paniquée, elle éteint l’écran. Le cœur battant, la honte aux joues et la voix chevrotante, elle se retourne :



À la hâte, toute tourneboulée par ce qui s’est déroulé, elle place la table. Baptiste, son fils, arrive dans la cuisine. « Je m’occupe de mes enfants, et puis je vais vite me désinscrire. »


La journée se déroule entre sorties au parc de la Tête d’Or et saucisses-purée à la cafétéria. Son seul souhait : rentrer à la maison et en terminer avec cette pulsion ridicule.


Devant l’ordinateur, elle tape fébrilement le nom du site, insère ses identifiants. Un message se trouve dans sa boîte ; elle hésite, puis l’ouvre. Ce sont les gérants de l’établissement. Ce n’est pas un message engendré par un ordinateur lui souhaitant la bienvenue, mais une vraie missive. Le style et l’orthographe sont parfaits :


« Chère Christianne,

Nous vous remercions de votre inscription. À l’examen de votre profil, il nous semble que vous êtes une personne novice, et nous avons peur que vous soyez effarouchée par une première expérience qui peut être difficile quand on ne connaît pas tous les codes. C’est pour cela que nous vous conseillons de nous contacter par téléphone, à l’heure qui vous convient, pour que nous puissions vous présenter le club et sa philosophie.

En espérant avoir rapidement de vos nouvelles,

Orianne et Pierre. »


Elle pose le curseur de la souris sur « désinscrire » ; elle fouille le canapé et ressort le téléphone, compose le numéro du Carpe Diem. Une voix féminine répond, énonçant le nom du club.



Devant le mutisme que lui renvoie le téléphone, elle continue :



Elle raccroche. Son esprit erre… Elle repousse : « Je me déciderai… Oui, demain ! »