n° 16924 | Fiche technique | 29125 caractères | 29125Temps de lecture estimé : 17 mn | 25/07/15 |
Résumé: Passionné de photo, c'est mon épouse qui a réussi à m'en faire vivre en prenant ma promotion en main. | ||||
Critères: fh fhh couleurs travail cérébral voir photofilm fmast intermast fellation pénétratio | ||||
Auteur : Tito40 Envoi mini-message |
La lumière noircit le chlorure d’argent. Cette intuition des alchimistes a permis au père de l’optique moderne de mettre au point la photographie. Prendre une photo, c’est finalement fixer la réalité d’un instant, une réalité que l’œil ne voit qu’en continu. À l’origine, il fallait rester immobile devant l’objectif, la photographie obtenue étant plus proche d’un travail de peintre. Aujourd’hui, la vitesse d’ouverture des objectifs et la technologie numérique permettent vraiment de capturer l’instant, de figer le temps.
Je me suis pris de passion pour la photo assez tard. J’avais une trentaine d’années. C’est un photographe professionnel qui m’a en quelque sorte transmis le virus et m’expliquant les particularités de tel cliché, l’histoire de tel autre, la genèse de ses créations, les subtilités du métier.
D’abord avec du matériel de base, puis équipé de façon de plus en plus complète à mesure que mes moyens me le permettaient, j’ai pris des paysages, des natures mortes, des orages, des compétitions sportives, des rues pleines de passants, des poissons, des fleurs, des immeubles… J’ai fait des photos sur la route 66, en Amazonie, en Chine, au Laos, en Amérique centrale, dans les Balkans, beaucoup en France aussi bien sûr.
Dans les années 2000, je me suis mis au portrait. Je rechignais jusque-là à m’y risquer, puis convaincu par un ami, j’ai relevé le défi. Capturer les émotions, figer les gestes, fixer les regards, décrypter les couleurs, tout ça demande du travail, de la perspicacité, de l’opiniâtreté. Entre le cocktail visible dans l’objectif et le rendu, il y avait, au début, des écarts déprimants. Une ombre qui m’avait échappée, une lumière trop crue, des yeux fermés, des regards inexpressifs, des clichés sans relief ni intérêt. Et petit à petit, c’est venu. J’ai ressenti enfin ce que ressent un artiste en découvrant son œuvre : un sentiment de perfection.
Une galerie a voulu m’exposer, ce qui n’était pas mon objectif initial. Je photographiais pour moi, pour mon épouse aussi. Pas pour me montrer. Mais j’ai quand même accepté pour faire plaisir à Karine qui me trouvait un talent exploitable et voulait ne pas me garder pour elle seule. Elle s’est faite mon promoteur, mon agent, mon aiguillon.
En 2007 j’ai réalisé à sa demande une galerie de portraits. C’est un exercice extrêmement compliqué. Choix du sujet, mise en scène, datation, éclairage, expression, regard, objets périphériques, ordre des images. Karine voulait réaliser un album sur lequel des textes d’auteurs seraient venus se greffer, mettant en valeur mes clichés, en expliquant la genèse, une sorte de « La photo-portrait pour les nuls ».
J’ai capturé le regard usé de vieillards dans le parc de leur maison de retraite, de bébés tenus sous les aisselles battant des pieds dans les premières vagues au printemps, d’étudiants devant le panneau des résultats du concours de médecine, d’un VRP au restaurant, d’un écrivain sur son PC, de femmes en tenue légère sous les premiers soleils de mai, de cyclistes après l’effort. Des milliers de photos, pas toutes réussies, dans lesquelles Karine avait du mal à faire un tri.
Ce premier album fut une réussite totale. Les librairies spécialisées ont commandé du réassort assez vite, confirmant le choix judicieux de la cible. Aux anges, Karine s’est mis en tête de réaliser un second opus, plus intimiste, plus centré, plus ciblé. Elle voulait un florilège de beautés humaines, une recherche à la Courbet, quelque chose de sensuel, voire même d’érotique. Ce registre ne me tentait pas trop, mais elle m’a vite convaincu d’essayer. Nous avions convenu qu’au moindre doute de ma part, nous passerions à autre chose. Elle n’a pas voulu me forcer, juste me faire tenter l’expérience, exalter mon sens de l’observation, me révéler à moi-même mon regard acerbe.
Elle m’a proposé plusieurs modèles que nous avions les moyens de rémunérer. Les agences de mannequins ont vite compris notre demande et nous ont proposé des dizaines de modèles. Des brunes, des blondes, des rousses, des maigres, des rondes, des jolies, des quelconques, des femmes aux seins laiteux, des femmes aux seins discrets, des fesses rondes, des fesses plates, des grandes, des petites. Derrière mon objectif, je tentais de faire ressortir leur âme, ce qu’elles avaient de plus beau. Davantage motivé lorsqu’elles n’étaient pas d’une beauté parfaite, mes choix se sont orientés de plus en plus consciemment vers des mannequins plus âgés, des femmes plus mûres, des femmes aux rides naissantes, des femmes déjà mères, des veuves, des déçues de la vie. J’adorais fixer leur beauté ultime, comme si ma fantasmagorie se révélait au travers de leurs yeux tristes soudain pleins de sens, comme si j’extirpais de leur cœur la flamme qui y était cachée. Beaucoup m’ont remercié en voyant les épreuves, pleurant parfois en découvrant sur le papier mat le reflet d’une réalité, la leur, qu’elles avaient enfouie.
Karine fut surprise de la profondeur de ces clichés travaillés à l’énergie vitale, pleurant parfois elle aussi en réalisant à quel point ces femmes d’apparence quelconque pouvaient savourer au travers de mon objectif un renouveau salvateur, une autre vie jusque-là cachée.
Alors que nous discutions de ses envies pour son anniversaire, Karine m’a demandé des photos d’elle. Cadeau tout simple, facile à réaliser pour moi, peu coûteux, mais qu’elle désirait par-dessus tout. J’avais rendu ces femmes tellement belles qu’elle voulait elle aussi que je puisse la voir autrement, sous une lumière parfaite, dans des positions inattendues, dans des situations burlesques, sous un angle nouveau. J’avais peur de l’exercice, peur de ne pas parvenir à la rendre plus belle qu’elle n’était déjà. J’avais, j’ai la femme la plus belle du monde, et la magnifier me semblait illusoire, impossible, chimérique.
Mes premiers essais ont tourné au fiasco. En tout cas vu de ma fenêtre. Karine trouvait formidables des clichés que j’aurais volontiers jetés. Non seulement l’image que je capturais n’était pas plus belle que celle que mes yeux voyaient, mais je trouvais ces clichés vides de sens, sans âme, inutiles, vains et vides.
Karine en était dépitée. Pas de la qualité des photos, mais de mon regard contrit. Elle m’a proposé un soir de la laisser faire, de m’offrir des angles et des postures sans écouter mes consignes. Le jeu était simple. Elle pouvait bouger, se déplacer, parler, faire ce qu’elle voulait. À moi de concevoir les éclairages et les reflets, de capturer les instants magiques si j’en découvrais, de me laisser aller.
Ce fut une soirée magnifique. Elle avait eu raison sur toute la ligne. J’avais shooté sans calcul, sans volonté primaire. Elle s’était mue sans contraintes, libre, aérienne. Elle s’était habillée, déshabillée, pliée, tournée. Des centaines de photos d’une Karine nouvelle sont sorties de la mémoire de mon reflex, dévoilant par transparence sa nudité émoustillante, saisissant un regard amoureux, exaltant une posture cambrée qui m’avait échappé. Elle était belle. Belle plus encore que ce que mes yeux pouvaient voir. Ses fesses, ses seins, ses cheveux, ses mains, sa bouche, ses yeux, son regard, ses mouvements lestes et agiles, ses pieds menus, son ventre plat et vibrant, son cou précieux, son nez aquilin, son menton volontaire, mes clichés avaient tourné à l’étude de détails, des détails tous plus magnifiques les uns que les autres, malgré quelques soucis d’éclairage ou de netteté. La plus belle des photos, selon mon regard avisé, la représentait alors qu’elle me tournait le dos, nue, le visage tourné vers le côté. On y voit un mouvement souple, un pied légèrement avancé. Ses mains sont à mi-hauteur, comme en appui sur l’air. Le talon se sa jambe gauche est légèrement relevé. Ses fesses, très hautes, bombées, semblent bouger un peu. Les muscles de sa fesse gauche, légèrement plus haute, sont gracieusement tendus par l’effort. C’est une pause qu’un sculpteur adorerait obtenir, mais pour lui c’est impossible de figer cet instant unique. Un sculpteur, il aurait aussi voulu saisir le sujet de face, découvrir ses seins, son visage, l’avant de ses cuisses, son ventre, ses cheveux. Un sculpteur, il aurait réalisé avec ce sujet un objet de désir à l’état brut, un fantasme d’homme ou de femme épris de beauté pure. Seule la photo permettait de capturer cet instant, gardant secrète la face du sujet, et créant ainsi la possibilité à celui qui regarderait le cliché d’imaginer ce qu’il ne pouvait voir. Et en toute certitude, je savais que ce qu’il imaginerait serait infiniment moins beau que le corps magnifique de Karine.
Surmotivé par cet épisode, j’ai continué à écouter ses envies, à me plier à ce qui n’était finalement pas des caprices. J’ai figé son corps de face, de côté, debout, allongé, cambré, penché, sous toutes les coutures. Emportée par son élan, elle a offert son intimité à mon objectif, se prêtant à un jeu exhibitionniste dont nous n’avions pas évoqué la possibilité jusque-là. L’espace d’une soirée, elle a laissé libre cours à ses envies et à ses fantasmes. J’étais le photographe d’une star qui se dévoile, d’une femme libérée qui écarte ses lèvres vaginales et se caresse sans ambages, d’une femme qui se donne du plaisir en caressant ses petits seins érectiles, d’une femme qui jouit en regardant l’objectif, d’une femme qui, à genoux, se passe une main entre les cuisses pour enfouir des doigts dans son vagin brûlant, d’une femme qui fait l’amour seule devant mon objectif, pensant à ce qu’elle veut, du moment que je puisse fixer ces instants uniques.
À aucun moment de cette soirée je n’ai, à proprement parler, été excité. Professionnel, concentré, attentif, mais pas homme. Ce n’était pas pour moi une scène de sexe, mais un tableau vivant dont je devais tirer une substantifique matière, éphémère, et qui ne se produirait qu’une fois, là, dans le millième de seconde qu’il ne fallait pas rater.
Mais quand tout ça m’est revenu à l’esprit alors que la séance était terminée, j’ai eu l’impression de faire l’amour à une autre femme. Nous faisions l’amour de façon conventionnelle, classique, sans beaucoup d’originalité. Ça m’allait très bien. Mais la revoir à genoux, ou sur le dos les cuisses écartées et les doigts effectuant un travail précis sur son clitoris, m’a révélé des fantasmes particulièrement excitants, me conduisant très vite à une éjaculation que je n’ai pas pu contrôler.
Karine n’a pas répondu. Elle s’est reculée, le dos contre les oreillers, a écarté largement ses cuisses en plaçant ses talons contre ses fesses, a disjoint ses lèvres d’une main, et de l’autre s’est mise à caresser son petit bouton tout doucement. Je pouvais voir dans son regard une réelle satisfaction. Peut-être avait-elle eu envie de faire ça avant, de se donner en spectacle devant moi, mais malgré toutes ces années passées ensemble, n’avait-elle simplement pas osé. En tout cas la vision de cet onanisme torride m’a rendu hystérique. Je me suis mis à rebander alors qu’habituellement je devais attendre le lendemain. Je me suis laissé aller à me masturber en l’admirant, ce qui a eu pour effet de décupler encore son excitation. J’ai vu ma femme jouir en criant, se tordre sous les tensions qui se relâchaient soudain, et j’ai joui moi aussi, sans retenue, laissant mon sperme s’écouler sur les draps.
Nous nous sommes embrassés longuement, heureux de cet épisode inattendu de notre vie, remplis d’images que je n’avais pas fixées sur pellicule mais que nous garderions quand même à jamais. En goûtant sa salive abondante, je me demandais comment rendre ces sensations palpables au travers d’un cliché, comment rendre compte des odeurs, des bruits, des tensions intérieures, des plaisirs purement physiques, de l’extase, de l’irruption des semences. Pris dans un tourbillon mental intense, je me demandais aussi comment fixer l’osmose, la fusion des sens, la communion des corps, l’empire de la luxure. Je ne me suis même pas aperçu que ma verge reprenait de l’ampleur dans la main de Karine.
C’est en sentant le feu qui couvait dans son vagin que j’ai compris que nous ne faisions plus qu’un, dans un accouplement bestial. Fiché dans sa chatte, m’activant pour la contenter, je rêvais de la voir tout entière prise avec force, bousculée, pénétrée profondément, décollée du sol, soulevée par des spasmes de plaisir. En la baisant avec vigueur, je me voyais au-dessus de nous-mêmes, capturer de mon reflex Nikon ses yeux révulsés par le plaisir, ses cuisses écartées à l’extrême pour me recevoir tout entier. Puis mon corps a disparu. Un homme devant mon appareil s’occupait de la rendre belle, de faire exulter ses sens dans un acte d’amour total, un partage de jouissances infini, une extase longue et douloureuse.
Nous avons joui ensemble dans une explosion totale, un renversement des pôles subit et violent. Il ne me restait qu’une angoisse : celle de n’avoir pas pu garder la pellicule de nos ébats, les premiers de cette intensité, les premiers à ce niveau de partage, les premiers durant lesquels j’avais l’impression qu’aucun de nous deux ne s’était privé de quoi que ce soit, ni n’avait retenu ses envies.
Nous nous connaissions bien, Karine et moi. Souvent, elle était capable de terminer mes phrases, comme j’étais capable d’imaginer les siennes. Quand nous avons reparlé de cette nuit magnifique et que je lui ai dit à quoi je pensais alors que je coulissais avec vigueur entre ses cuisses, elle a compris que j’étais attiré par l’idée de la photographier avec un autre. Cette idée lui faisait peur. Elle craignait de ne pas oser se mettre nue, laisser la peau d’un étranger toucher la sienne, dévoiler aux yeux d’un inconnu ce qu’elle me réservait. La promiscuité l’effrayait, mais l’idée l’excitait tout de même. La lutte entre ses réticences et ses envies s’est soldée par une victoire de l’envie d’essayer, de se jeter dans le vide, de livrer son impudeur à mon appareil photo, et de laisser l’histoire s’écrire des clichés que j’allais prendre.
Karine s’est occupée de sélectionner quelques modèles auprès de l’agence. Des beaux jeunes hommes, musclés, bronzés, tatoués, avec des gueules d’anges ou des tronches de voyous. Nous avons fait plusieurs séries stériles, où la présence de deux corps magnifiques ne suffisait pas à créer quelque chose d’unique. Il manquait de l’envie, de la proximité, de la complicité. Les photos les plus belles, je les ai prises avant les poses. Quand elle se déshabillait, gênée, regardant son partenaire du coin de l’œil, jaugeant ses qualités esthétiques. Ou bien quand le modèle se mettait nu, j’ai saisi les yeux de Karine parcourir son corps, évaluer son complice de pose. Mais une fois mes sujets en place, je ne trouvais plus rien à pimenter. Tout juste quelques attouchements qui auraient pu déraper, me laissant espérer des regards gourmands, des images de sexe mouillé, de chairs qui se détendent, de bouches qui s’ouvrent. Mais rien. Un modèle s’est retiré de l’objectif parce qu’il avait une érection. C’était un pro. Il ne pouvait pas se permettre de se montrer ainsi. Karine était toujours aussi belle, attirant la lumière, transmettant ses émotions à ma focale, mais elle était seule, désespérément seule sur les photos.
Nous allions renoncer quand l’idée nous est venue de tenter l’expérience avec un amateur, quelqu’un qui n’aurait pas l’habitude de poser, et qui du coup serait plus naturel, plus humain, plus sauvage.
Le bouche à oreille a fonctionné, et nous avons eu beaucoup de candidats. Karine et moi voulions quelqu’un de naturel, exempt d’une sophistication superficielle qui aurait rempli la scène, empreint de naïveté, espiègle et enjoué, enthousiaste et patient. Le tri a été finalement assez vite fait. Une personnalité tout à fait originale s’est proposée : un jeune homme d’origine cubaine, mince et musclé par des sports d’endurance, à la peau sombre sans être noire, tatoué sur tout le côté gauche du corps avec un cœur rouge sur le cœur, et des dessins tribaux pour le reste. Ses yeux pétillaient. Son allure désinvolte et quelque peu nonchalante nous a immédiatement séduits.
Sylvio savait qu’il s’agissait de photos dénudées et n’avait aucun souci avec ça. Il était même, nous a-t-il dit, tout à fait à l’aise avec son corps. Tout juste craignait-il de se trouver devant l’objectif avec une femme nue elle aussi. Il avait peur de ne pas oser, d’être perturbé, d’être un peu timide.
La première séance s’est déroulée dans mon studio. C’est un lieu froid, dénué de décoration, fait de blanc et gris. Le matériel y occupe une bonne place, ce qui lui confère un aspect de laboratoire.
J’ai laissé Karine guider notre modèle qui, une fois nu, avait du mal à ôter ses mains qu’il tenait devant son sexe. Il a fini par les lever, après quelques blagues qui l’ont mis à l’aise. Les poses ont pu débuter.
D’abord des clichés à la volée, simple prise de contact avec leurs corps. À mesure que le temps passait, je voyais Sylvio se détendre et regarder Karine de plus en plus tendrement. Ses yeux pétillants en devenaient transparents. Sa bouche s’ouvrait légèrement comme s’il allait lui parler ou l’embrasser. J’ai shooté sans réfléchir, saisissant chaque instant. Le fond blanc donnait à mes clichés une luminosité constante, mais froide et dénuée d’émotion. J’ai terminé avec des clichés de Karine et Sylvio se tenant dos à dos, les mains le long du corps qui se rejoignaient. Les seins de Karine, très hauts, semblaient érigés. Sylvio se tenait trop droit, trop figé. Il rentrait un peu le bassin, dans une posture guindée. Nous avons tout de même convenu de faire une nouvelle séance le lendemain.
Cette fois j’ai posé mon matériel sur la terrasse. Avec les logiciels de retouche, j’aurais toujours la possibilité de masquer ce qui pourrait gêner dans le paysage. La lumière du matin était parfaite. Une petite brise faisait voler les cheveux légers de Karine, comme la voile des parasols.
Karine a choisi le canapé de jardin pour commencer. C’est un grand canapé d’angle, fait de fibre naturelle, et recouvert de coussins blancs épais. Karine allongée sur le dos, Sylvio à genoux à côté d’elle qui la regarde. Karine relevée sur un coude, montrant au loin quelque chose à Sylvio qui est debout devant elle, de son doigt tendu. Karine qui rit à une blague. Sylvio qui s’allonge à côté d’elle. Karine qui se tourne vers l’objectif, un bras pour lui soutenir la tête. Son visage sur ma gauche, à l’opposé du soleil, est éclairé de façon idéale. Sylvio se collant à elle, dans la même position. Je lève un pouce pour leur dire que j’aime cette pose. Je ne vois plus le visage de Sylvio, mais l’objectif capture ses tatouages le long de sa cuisse et sur le côté de son torse. Le contraste avec la peau blanche de mon épouse est saisissant.
J’ai cliqué vingt fois au moins, alors qu’ils ne bougeaient quasiment pas. J’aurais pu cliquer encore et encore à mesure que le soleil s’élevait et changeait les lumières perçues par mon appareil. Mais Karine en a décidé autrement. Elle a passé sa main gauche derrière elle pour saisir celle de Sylvio et la passer autour de son bassin. Elle lui a fait comprendre en plaquant sa main sur son ventre qu’elle voulait qu’il la caresse doucement. Il a semblé se crisper, mais a finalement fait ce qu’elle attendait de lui. J’ai capturé ce que je pouvais des émotions fugaces que traduisaient le regard éblouissant de Karine. Sylvio décrivait des cercles sur son ventre, un peu mécaniquement. Karine a à nouveau saisi sa main pour la remonter vers ses seins, et là il a compris qu’elle en voulait davantage pour la photo. S’il avait été gauche jusque-là, il est devenu agile et précis, caressant à pleine main puis pinçant ses tétons, revenant sur son ventre pour faire se languir ma femme qui commençait à ruisseler de sueur, et reprenant ses seins avec vigueur.
Dans l’objectif, j’ai vu la tête de Sylvio sortir du dos de Karine pour venir lui lécher le cou. Il ne s’occupait plus de moi. Tant mieux. Je voyais l’excitation gagner mon épouse tremblante. Elle a passé à nouveau sa main gauche derrière elle pour caresser le flanc de Sylvio, décrivant des petits cercles sur sa peau tatouée. Elle a fini par lui attraper une fesse, à bout de bras, mais ce n’était pas pour la caresser ; c’était pour qu’il s’approche d’elle, qu’il se colle complètement. Puis sa main est descendue entre leurs corps. J’ai compris à ses mouvements qu’elle devait lui toucher le sexe, peut-être le masturber. Je me suis empêché de penser pour concentrer toute mon attention sur mon travail, ma tâche. Je devais ne rien manquer des reflets, des lumières, des émotions qui passaient par le corps et par les yeux.
Sylvio a passé son bras droit sous le corps de la déesse qui crevait mon objectif, sa main cherchant le bas de son ventre. Karine a plié la jambe gauche et reposé son pied contre son genou droit, libérant l’accès à cette main qui l’explorait. Il l’a plaquée sur le pubis de Karine, puis descendu ses doigts pour chercher l’humidité, en sentir la chaleur, en tester la sensibilité. Mon appareil crépitait, stockant tout ce qu’il pouvait de cet érotisme torride que je ne pourrais apprécier réellement qu’une fois mon travail terminé. La bouche de Sylvio cherchait celle de mon épouse, qui gracieusement a tourné la tête et accepté sa demande, accueillant sa langue dans sa bouche et ses doigts dans sa vulve. Il n’a alors plus été question de pose, ni de pause d’ailleurs. Leurs sens se sont enflammés comme un fétu de paille, leurs sueurs se sont mêlées quand leurs corps s’emmêlaient, ne faisant plus qu’un. J’ai capturé chaque seconde de leur étreinte torride, débridée. Leurs deux corps si différents s’égaillaient dans un ballet si gracieux, si naturel, si inattendu et si sensuel qu’ils ne pouvaient qu’exulter et se laisser aller.
Je m’étais préparé à photographier une simulation de coït, un fac-similé de copulation, mais pas une scène de sexe brut totalement obscène et dénuée de tabous. Ils se sont embrassés avec fougue, se réclamant l’un et l’autre un total abandon, se criant leur plaisir charnel en oubliant l’objectif. Tel un matador, Sylvio a possédé Karine à genoux sur le canapé, lui claquant les fesses avec force en lui arrachant des cris aigus. Je la voyais se cambrer pour le prendre plus au fond, sentir le bassin de Sylvio la percuter. Il lui tirait les cheveux pour lui faire relever la tête et venait la lécher avant de reprendre ses assauts sauvages. Je n’en étais pas encore à me demander ce que je ferais de ces photos, mais l’idée m’a traversé l’esprit que je ne pourrais peut-être pas les regarder, tellement la femme que je voyais là dans ma mire était dans un état de transe indescriptible, un état que sans doute jamais je ne pourrais lui offrir, et qu’elle aurait sans doute envie et besoin de connaître à nouveau.
Elle a réclamé sa semence, s’affalant sur le ventre alors qu’il se lâchait. Ils ont continué de s’embrasser et de se caresser jusqu’à ce que Karine redonne de la vigueur à Sylvio en le suçant avec application. J’ai changé ma carte mémoire pour saisir et figer la suite de leurs ébats imprévus, mais si intenses. Ils m’ont oublié et ont oublié mon matériel, se donnant complètement l’un à l’autre sous la lumière qui devenait, comme eux, de plus en plus chaude. J’ai saisi de nombreuses fois le visage de Karine quand elle jouissait, les yeux révulsés, les lèvres tremblantes. En déclenchant en rafale je me disais que je pourrais lire sur ses lèvres ses déclarations bestiales au sauvage qui la sautait sans retenue.
Je les ai photographiés endormis, enlacés, puis au réveil, un réveil tendre fait de caresses douces et de baisers profonds. La bestialité du début s’est mue en tendresse, en subtilité. Mon appareil ne voyait plus de sexe mais de l’amour, pur et fort. Il est venu sur elle, et sans quitter sa bouche qu’il léchait et embrassait, il s’est introduit doucement en elle pour la baiser tout doucement, lentement, profondément. Karine le serrait dans ses bras pour qu’il reste bien collé à elle, pour le sentir l’envahir et la combler. Les mouvements imperceptibles du bassin de Sylvio forçant le passage de sa queue raide faisaient tressaillir Karine à chaque poussée. C’est dans cette position que j’avais imaginé un autre sur ma femme, lui faisant l’amour avec tendresse, cherchant à atteindre ensemble le maximum de plaisir. C’est dans cette position que j’avais joui en elle, les yeux fermés, ressentant mon plaisir presque par procuration.
Leurs corps tendus par l’orgasme, ensemble, je les ai capturés. Ne me manqueront que les odeurs de sueur et de sperme, et surtout leurs râles, leurs cris, leurs souffles. Le talent du photographe, c’est d’être capable de montrer encore plus que ce que l’œil voit, et de faire dire son histoire propre à chaque photo.
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Nous continuons à créer des revues sur différents thèmes, Karine étant d’un excellent conseil à la fois pour le choix de ces thèmes et pour leur mise en valeur auprès des distributeurs spécialisés. Nous faisons également des portraits, classiques, et des reportages divers sur commande. Les photos de Sylvio et Karine ne seront jamais diffusées. Elles sont trop fraîches, trop parfaites, trop intimes. Nous avons diffusé des nus – parfois équivoques – mais jamais de sexe explicite. Les critiques ont toujours vanté mes qualités de mise en scène dès lors qu’un homme et une femme se dévoilent devant mon objectif, mais ils n’ont jamais eu l’occasion de voir des scènes parfaites, où personne ne simule.
Karine m’a avoué avoir pris un plaisir immense à faire l’amour pour moi avec Sylvio, et n’aurait pas insisté si j’avais décidé de ne pas reproduire ce type d’expérience. Mais il se trouve que moi aussi j’avais adoré ça, sur l’instant pour ce que cette scène avait d’inspirant, puis après, quand je regardais les photos, tentant de vivre leur plaisir à mon tour. Alors nous avons recommencé, plusieurs fois, souvent, dans différents endroits, avec différentes personnes. Avec un homme seul, mais aussi avec deux hommes. Puis avec une femme, une femme et un homme. Nous cherchions la perfection de la prise de vue, et nous vivions la perfection des sens, l’aboutissement des fantasmes les plus obscènes.
Quand nous faisons l’amour, je ne peux pas m’empêcher de m’imaginer derrière elle avec mon œil greffé au reflex, à saisir ses fesses bouger, ou à détecter son humidité s’étendre entre ses cuisses. Karine aimerait que quelqu’un nous photographie ; elle est persuadée qu’encore plus d’amour et de plaisir transparaîtrait dans les clichés qui seraient faits de nos corps en action. J’y songe. Reste à trouver l’artiste ; et comme je suis un peu prétentieux, ça prendra du temps.