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n° 16969Fiche technique7985 caractères7985
Temps de lecture estimé : 6 mn
25/08/15
Résumé:  J'ai couché avec un homme, enfin !
Critères:  hh init -hhomo
Auteur : Igitur            Envoi mini-message
Enfin !

Certainement subsiste une présence de minuit. Le remugle lourd d’un long corps à corps, une atmosphère chaude et humide, des taches de sperme séché qui dessinent sur le drap un archipel mystérieux où le temps est arrêté. La pendule bat le rythme de leurs rêves sur une de ses îles. La pendule bat le rythme du temps qui a séparé les corps, sur le lit, de part et d’autre de l’archipel onirique qu’ils avaient dessinée à l’heure où étaient jetés les dés.


Un bras pendant hors du lit, le sexe mollement posé sur sa cuisse en direction de la porte, Marc dort. Un bras pendant hors du lit, le sexe mollement posé sur sa cuisse en direction de la fenêtre, Luc dort. Ils ne se sont rien promis. Ils ont descendu ensemble les escaliers du plaisir humain, cherché leur orgasme au tréfonds d’eux-mêmes pour le faire jaillir à la lumière de minuit, en archipel.


Un léger goût de sperme qui persiste dans sa bouche, l’odeur de la présence d’un autre corps, Marc flotte sur les eaux incertaines d’un rêve qu’abolit lentement la réalité d’un jour nouveau qui approche. Il se revoit dans un château qu’il ne connaît pas, une chandelle à la main, au milieu d’une foule de convives sans visage, débarrassant un nouveau venu de son manteau et le découvrant entièrement nu. Il ressent le frôlement d’un bras, alors qu’une tablée joyeuse fête bruyamment quelque vie ou quelque mort, il n’arrive pas à définir si le centre de toutes les attentions est un homme, une femme ou un cadavre en putréfaction. Il a à ses côtés un être fascinant, un homme jeune, comme lui, qui a placé petit à petit, au cours du repas, sa jambe contre sa jambe, son bras contre son bras, et qui en lents mouvements l’entraîne dans une danse inaccoutumée.


Et les voilà tournoyant dans un nuage au-dessus de la mer, enlacés peut-être, nus sans doute, car dans le rêve ce n’est qu’un rêve et le rêveur en a conscience. Il se réveille et revient à sa réalité. Il ne sait que faire de ces attouchements longs et appuyés qui se multiplient, de bras, de jambe, de pied. Il ne sait que penser de ce cœur qui s’emballe comme un cœur de débutant, le sien. Il soulève son visage au-dessus du pupitre, et voit, de l’autre côté de la classe, cette jeune fille qu’il ne regarde jamais sans rougir, à laquelle il ne parle jamais sans bafouiller. Elle s’approche de lui, la classe, le maître, les élèves disparaissent, ils sont seuls enfin, elle lui prend la main, lui baisse les yeux et voit la petit jupe légère à carreaux soulevée par l’érection d’un sexe d’homme de plus en plus long, de plus en plus gros qui dépasse de la jupe et se dresse devant lui. Et d’autres sexes, des vits, des bites, des flamberges, des dards, des gourdins, des pieux font la ronde autour de lui.


Une voix chaude et posée lui murmure « N’aie pas peur ». Et le revoilà au dîner se donnant une contenance un verre de vin à la main, souriant à l’inconnu qui vient d’entamer une conversation avec lui en s’approchant si près que leurs cuisses sont collées l’une à l’autre. La conversation est comme un murmure, un chant à voix close dont il ne comprend rien. Et pourtant l’homme ne cesse de parler, comme pour l’envoûter, et lui ne peut que l’envelopper de son regard, comme pour se l’approprier.


Et autour d’eux, au rythme lent des paroles incompréhensibles de la voix chaude de l’homme, les pénis se remettent à faire la ronde. Chacun raconte une histoire. Le premier film pornographique partagé en cachette avec des copains, tous y allaient de commentaires sur les seins, les chattes, les clitoris, pendant que lui restait hébété devant les bites et les testicules. Et puis il y eut ce gros paquet fascinant, palpitant, juste couvert par un léger maillot de bain, observé à la piscine, dont le propriétaire s’avéra tellement repoussant, hideux, vulgaire. Et la classe de nature, les dortoirs, les douches, quelques regards, quelques gestes anodins. Et le voisin bedonnant aperçu nu un soir sortant de sa douche en érection. Et cette main qui s’était égarée un moment, ces doigts qui farfouillèrent entre ses cuisses d’adolescent dans la foule d’un métro. Et la première masturbation maladroite. Et tous ces sexes inconnus entrevus à la dérobée dans des urinoirs publics. Jusque-là ces images ne formaient pas un désir assumé.


Le rêve se fait de plus en plus léger et la réalité de plus en plus prenante lorsque Luc dit à Marc « je crois que nous avons assez fait honneur à Isabelle, éclipsons nous », en lui caressant la cuisse si haut que sa demi bandaison incertaine devient une violente érection. Oui, Marc revoit Isabelle, leurs baisers, leurs caresses, ses seins, son sexe. C’est lorsqu’il couchait avec elle qu’il a découvert le plaisir de lécher le petit sphincter anal caché au creux de la raie des fesses, la pratique à la longue lassait Isabelle qui ne concevait l’acte qu’allongée sur le dos les cuisses écartées. Il revoit comme en gros plan, en cinémascope, cette seule fellation qu’elle lui avait prodiguée, qui avait laissé sur son prépuce une large trace de rouge à lèvres, risible. Insensiblement Isabelle fait place à Luc, sa bouche délicate et attentionnée, partie à le recherche du plaisir de Marc le long de sa bite et autour de ses couilles, et ces premières cajoleries offertes par une langue à son trou du cul dont aucune femme n’a jamais voulu même approcher un doigt.


Cette fois, Marc se réveille, du rêve ne restent que quelques lambeaux disloqués, un vague bruit de conversation dans le lointain, des verres qui s’entrechoquent, Isabelle et son trou de balle inodore et sans saveur qui se transforme en froide poupée gonflable figée cuisses ouvertes, une foule d’hommes qui se pressent pour essayer de toucher son sexe à travers son pantalon. Tout s’évapore rapidement. Marc bande, bandaison du matin apportée, renforcée par le rêve et la réminiscence d’avoir osé glisser sa main dans le caleçon d’un homme et d’y avoir trouvé une bite aussi heureuse que lui de cette rencontre.


Marc se retourne sur le lit, Luc est là, vraiment là. « J’ai couché avec un homme, bel homme » pense-t-il en jouant avec son érection alors que leur nuit tout entière lui revient en mémoire avec ses premières caresses acceptées et données timidement, avec ce premier sexe d’homme palpitant de désir entre ses doigts, avec le déferlement des étreintes. Il perçoit à nouveau les embrassades, les succions, les lapements, les pénétrations. Il frissonne au souvenir précis des parfums, des saveurs qu’il est allé dénicher dans les recoins les plus intimes de cet homme qu’il connaît à peine. Connaît-on mieux un homme à qui l’on a léché l’anus pense-t-il en riant. Il se rappelle la palpitante découverte de l’autre, la recherche du plaisir qu’on peut lui donner et l’excitante satisfaction d’avoir inventé une nouvelle zone érogène à embrasser, à caresser, à lécher ou à sucer pour faire vibrer son partenaire. Il revoit le visage de Luc crispé, le sperme qui jaillit accompagné d’un cri violent, libérateur, les halètements entrecoupés de rire. Il revoit son propre orgasme tellement similaire. Il revoit leur longue, si longue étreinte et entend leurs rires lorsque voulant se dégager le sperme a collé leurs deux torses l’un à l’autre. Il revoit les reflets de lune sur les perles de sueur, de leurs deux corps terrassés au bord de l’archipel.


« J’ai couché avec un homme, enfin ! » conclut-il en engloutissant délicatement le sexe de Luc dans sa bouche pour le réveiller en douceur et s’enivrer à nouveau du bouquet épicé de l’entrejambe de ce premier amant.