n° 17122 | Fiche technique | 51180 caractères | 51180Temps de lecture estimé : 29 mn | 18/11/15 corrigé 07/06/21 |
Résumé: Après la publication du récit de notre rencontre, nous avons décidé avec Rachel de revenir en arrière et de faire partager aux lecteurs nos expériences réciproques passées. | ||||
Critères: fh ff hplusag jeunes alliance profélève hépilé piscine école voir init confession | ||||
Auteur : Amateur de mots et de... (Enfin le temps de m'essayer à l'écriture.) Envoi mini-message |
La découverte de Revebebe il y a quelques semaines a été pour moi un véritable catalyseur. Admirateur et lecteur de la littérature coquine du XVIIIe et du XIXe siècle, je n’avais jamais imaginé, jusqu’à ce jour, que l’écriture puisse être une telle source de plaisir, mais aussi d’angoisse. La parution de mon premier texte a été suivie de quelques messages d’encouragements tant de la part des inscrits que des non-inscrits. La dizaine de mails reçue est, une fois passée une naturelle petite bouffée de fierté, autant de raisons de continuer, mais surtout de remettre vingt fois mon ouvrage avec modestie sur le métier.
La relecture d’un texte, une fois publié, est également un exercice d’humilité salutaire. Que de regrets ! À la différence des légères imperfections des corps féminins qui sont, à mon sens, une source inépuisable d’émotions, celles d’un texte livré au jugement des lecteurs m’apparaissent comme de véritables difformités. Gageons que les conseils prodigués seront l’occasion profitable de progresser. Je feuillette depuis, avec délice, les pages de la Summa Revebebetica. Que de perles ! Que de talents ! Et je voudrais avant de soumettre un nouveau texte à votre amical tribunal, saluer l’auteure qui, sous le nom de Patricia, m’a plongé dans un régal de lecture. Il m’a semblé que je trouvais là cette moitié de moi-même dont Aristophane parle dans un de ses textes sur l’origine du désir. Je cesserai là l’hommage que je souhaitais rendre aux créateurs de ce site avant que de devenir assommant ou, au pire, flagorneur. Ce nouveau texte m’a été inspiré par une expérience vécue par Rachel, avec qui nous partageons une discrète et érotique complicité. Un texte à quatre mains en quelque sorte où mes mots vont tenter, sous la dictée de ma cousine par alliance, d’habiller ou de déshabiller, à la première personne, les souvenirs de ma jeune complice.
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J’avais environ dix-neuf ans quand cet épisode s’est déroulé et, après l’avoir raconté à Patrick, je lui ai demandé de bien vouloir tenter de le mettre en mots. La nature m’ayant favorisée à mon insu, je reconnais qu’au moins sur le plan scolaire et universitaire, je poursuivais à l’époque un cursus sur lequel certaines de mes amies peinaient davantage. Fille d’un marin pêcheur et d’une professeure de lettres, j’avais été élevée sans pression ni exigences démesurées dans un milieu où la curiosité intellectuelle et le travail scolaire étaient placés au rang de priorités. Mais si, sur ce dernier plan, je cueillais sans effort quelques modestes lauriers, reste à reconnaître que sur le plan de l’éducation sentimentale, voire sexuelle, je me sentais un peu moins favorisée. La reconnaissance du corps comme source de plaisir et, plus encore, l’exultation des sens, n’étaient pas placées par précellence au rang des matières obligatoires dans mon éducation.
C’est à l’issue de mon baccalauréat que mon intégration en classes préparatoires m’a heureusement permis de découvrir, d’abord à travers les nouvelles d’Anaïs Nin et de Vivant Denon, puis par le hasard de situations et de rencontres, l’heureuse volupté des corps, l’audace des désirs, les parfums de la sensualité.
C’est avec un mélange de curiosité et d’anxiété que j’avais franchi les portes de l’honorable établissement parisien où j’entrai pour la première fois en qualité de pensionnaire. Nous étions loin des internats que me décrivaient mes parents, de ces longs dortoirs de collège de province où s’alignaient au cordeau une quarantaine de lits.
Les élèves jouissaient ici du privilège d’être hébergées par chambre de deux et, le hasard du tirage au sort, m’avait désigné Sophie comme coturne. Plus âgée que moi de deux ans, plus libre sur bien des sujets, je dois reconnaître qu’à son contact j’ai découvert un monde insoupçonné. En échange de ses précieux conseils et de ses confidences, voire de sa complicité, je mettais à sa disposition mes facilités sur le plan scolaire. Sophie était probablement mon exact opposé. Brune autant que j’étais blonde, déliée autant que je me sentais empruntée par le poids d’une éducation assez janséniste, elle m’apportait avec espièglerie et patience un air tout nouveau de liberté.
J’avais pourtant la réputation d’être une jeune fille enjouée, joviale parfois légère, mais ces qualités naturelles n’étaient en réalité que l’expression d’une grande naïveté. Dès les premiers jours alors qu’elle défaisait sa valise, j’avais été surprise par la palette arc-en-ciel de sa garde-robe qui tranchait avec le bleu marine, le gris, le blanc et le vert anglais qui dominaient mon maigre trousseau. Petit à petit, nous nous sommes apprivoisées et je m’étonnais de moins en moins de la liberté et du naturel avec lesquels elle se faufilait dans la vie, rieuse, insouciante, épanouie. C’est à son contact quotidien que j’ai appris progressivement à me libérer de la pudeur pour ne pas dire la pruderie dans laquelle on m’avait élevée.
Dès le premier soir, alors que pour la première fois je devais me mettre en chemise de nuit dans une chambre partagée avec une inconnue, je fus surprise de la voir sortir de la douche commune entièrement nue, une simple serviette de toilette nouée sur la tête comme un improbable turban d’odalisque. Avec autant de naturel que si elle avait été seule, elle s’assit en chantonnant sur le lit en face du mien. Écartant les jambes avec une totale et candide ingénuité, elle agitait d’une main un flacon de vernis tandis que de l’autre elle s’était saisie d’un de ses pieds qu’elle avait posé sur sa cuisse opposée. J’étais véritablement tétanisée, autant par l’impudeur de la scène que par l’air de tranquille innocence qu’elle affichait. Elle dut s’en apercevoir, car elle leva les yeux vers moi et partit d’un grand éclat de rire.
Je tâchai de masquer ma surprise et pris l’air faussement désabusé de la jeune fille libérée que j’étais loin d’être.
Sous l’effet du mensonge et de la surprise, sentant une bouffée de chaleur empourprer mon visage, je me réfugiai entre les portes ouvertes de mon armoire feignant d’y chercher un improbable je-ne-sais-quoi. Derrière mon dos, Sophie continuait à rire, mais sans réelle moquerie.
Je ravalai ma gêne et me tournai vers elle avec un air faussement détaché.
Joignant le geste à mon apparente décontraction, je défis les boutons de mon cardigan. Sophie s’était replongée dans sa délicate et méticuleuse opération de vernissage d’orteils. Tout en défaisant mon chemisier, je l’observais discrètement. Absorbée par sa tâche minutieuse, elle m’offrait avec une totale candeur une vue improbable sur son intimité. Ses jambes largement écartées laissaient apparaître un sexe entièrement rasé aux lèvres fines surmontées d’une petite touffe parfaitement soignée de poils aussi foncés que sa chevelure. Avec le même naïf détachement, tout en se penchant pour souffler sur le vernis, elle avait glissé sa main à l’intérieur de ses cuisses pour en chasser je ne sais quelle démangeaison. Sous l’effet conjugué du mouvement de son corps vers l’avant et de la pression de ses doigts qui cherchaient à calmer un picotement au creux de l’aine, je voyais pour la première fois le sexe d’une autre fille bailler légèrement dévoilant la carnation brillante de son intimité. La curiosité de mon regard fut balayée par un soupçon de gêne et, profitant de ce que je croyais être une indifférence de sa part, je redoublai de vitesse pour me débarrasser de ma jupe. En culotte et en soutien-gorge de coton rose, j’entendis la voix de ma voisine de lit.
Je ne pus retenir la violente poussée de rougeur qui enflammait mes joues et feignant de n’avoir rien entendu je m’empressai de défaire d’un air faussement détaché l’agrafe de mon soutien-gorge et de me débarrasser de ma culotte en me faufilant derrière le rideau opaque qui fermait la douche. L’eau qui ruisselait sur ma peau me rafraîchit m’apportant un peu de répit et de calme. Comment réagir, après les remarques taquines de ma nouvelle voisine ? M’enfermer dans le mutisme le plus total ? Me draper dans ma fierté de vierge effarouchée ? J’optai, après réflexion, pour l’attitude qui me semblait la plus à même de me sortir de cette situation. Je rassemblai mes cheveux dans une serviette que je nouai comme elle autour de ma tête et décidai de continuer à jouer le jeu du naturel et de la fausse décontraction. Après avoir pris une profonde respiration, j’écartai le rideau et me présentai devant Sophie aussi nue que le jour de ma naissance. Elle avait à peine levé les yeux de son ouvrage. Je me dirigeai avec la même aisance feinte vers le lavabo puis branchai mon sèche-cheveux.
Ma voisine venait probablement de lever les yeux et je sentis ou plutôt j’imaginai son regard détailler mes épaules, mon dos mes fesses, mes jambes. C’était la première fois que je me présentai complètement nue devant une autre personne à l’exception faite de ma maman et de notre médecin de famille et encore. La seule fille que j’avais vue nue était une cheftaine qui était aux guides avec moi. Comme une fulgurance, il me revint le souvenir d’une scène qui obsédait mes rêveries les plus secrètes. À l’occasion d’un camp d’été dans le Vercors, nous avions construit des douches en assemblant des tiges de noisetier sur lesquelles était tendue de la toile de jute. Alors que je me glissai sous l’arrosoir dont l’anse était enfilée sur une branche et qui, en tirant sur une ficelle, laissait l’eau couler en pluie, j’avais remarqué que la toile était légèrement déchirée. Poussée par une curiosité toute naturelle d’adolescente je m’étais approchée et avait glissé mon regard à travers l’interstice.
Ma voisine de douche était Isabelle, une cheftaine qui était venue renforcer la maîtrise pour la durée du camp. Entièrement nue, elle était occupée à savonner ses cheveux. Voyant ses yeux clos j’en avais profité pour détailler le corps de ce que je considérai comme celui d’une vraie femme. J’étais alors très jeune et la vision de ses seins me fascinait. Ils étaient lourds et gonflés comme des fruits mûrs avec de larges aréoles et des mamelons sombres. Je ne pouvais détacher mon regard de cette scène et reculai sans faire de bruit quand je la vis rincer ses cheveux courts. Immobile, tentant de maîtriser ma respiration j’écoutai l’eau couler sur le caillebotis de bois puis le bruit de la serviette qui frottait sa peau. Un mélange de honte et de curiosité s’agitait en moi et me pétrifiait. Mon souffle retenu me sembla faire le bruit d’un soufflet de cheminée et je restai sans bouger, imaginant que le moindre mouvement allait trahir ma présence.
Je n’avais pourtant aucune raison de rester ainsi immobile, les pieds nus sur le bois glissant, et tentai au milieu des sentiments contradictoires qui s’opposaient en moi d’imaginer une porte de sortie. J’avais l’impression d’être en faute et d’en avoir déjà trop vu. Je n’osais pas bouger quand j’entendis comme une légère plainte de l’autre côté du tissu. Je m’approchai à nouveau avec précaution et collai, intriguée, mon œil sur le bord la fente du rideau. Je restais saisie de surprise et d’interrogation. Isabelle s’était accroupie comme si elle faisait pipi et je voyais sa main s’agiter entre ses cuisses. Mon regard était comme magnétisé par la scène.
Isabelle tenait sa brosse à cheveux dans sa main et je distinguai maintenant parfaitement le manche qu’elle introduisait entre ses cuisses. Son dos était appuyé contre un poteau, elle avait rejeté sa tête en arrière et, les yeux fermés, le souffle haletant, elle semblait concentrée sur le manche rond de plastique bleu qu’elle faisait coulisser entre ses lèvres tout en caressant un de ses seins de l’autre main. Je m’étais enfuie avec précipitation et avais rejoint ma tente, bouleversée par cette première vision du plaisir charnel. Je ne parlai à personne de cette scène entraperçue à travers l’interstice d’un tissu, mais l’image de cette jeune fille accroupie, tout abandonnée à son plaisir, fut pendant longtemps l’objet de bien des fantasmes puis le support de mes premières caresses.
La remarque de Sophie, ma nouvelle coloc, avait réveillé en moi ce souvenir secret. Sa voix m’arracha à mes rêveries.
Je tentai de répondre en imposant à ma voix la tonalité la plus naturelle possible, mais aucun son ne put franchir de mes lèvres.
Dans la glace au-dessus du lavabo, déformée par la buée, je vis Sophie se lever et s’approcher. Elle s’arrêta derrière moi, les yeux visiblement fixés sur mes fesses. J’essayai de ne pas ralentir le mouvement de la brosse, tirant et lissant avec application les cheveux que je portais un peu plus longs à l’époque. Je ne pus dissimuler le frisson qui parcourut mon corps quand je sentis sa main se poser sur ma peau. Sa paume suivait la courbe de mes fesses et de mes cuisses comme pour en apprécier la rotondité.
Sophie continua de caresser mes fesses avec un naturel déconcertant. J’avais posé le sèche-cheveux et la brosse sur l’étagère et séparai mes cheveux en deux pour les nouer.
Sophie s’était emparée des deux longues gerbes blondes et commençait à les tresser avec virtuosité. Je sentais le souffle de sa respiration sur mon cou et mes épaules. Je serais incapable aujourd’hui de me rappeler le flot idées et d’images qui s’entremêlèrent dans mon esprit comme la natte qu’elle tramait. C’était la première fois, en dehors de ma maman, qu’une femme s’occupait avec autant de soin de ma chevelure ; et encore, celle-ci était nue. Immobile, je me laissais passivement faire, et chassai les premiers instants de gêne en laissant la curiosité et une pointe de désir se nouer au creux de mon ventre.
Par moment, je sentis la pointe de ses seins effleurer mon dos et me laissai envelopper par cette sensation nouvelle d’intimité. Je crois qu’à deux ou trois reprises j’ai même provoqué ce contact entre nos deux peaux en me reculant imperceptiblement. Je me laissais bercer par la gentillesse et la douceur de ma nouvelle partenaire de chambre qui apaisait mes premières pudeurs et les émotions de cette nouvelle situation de pensionnaire.
Je restais silencieuse devant cet aveu inattendu. Sans attendre de réponse, Sophie continua :
Ayant appliqué une légère tape sur mes fesses, elle posa ses mains sur mes épaules et me retourna.
Elle se pencha légèrement et déposa un baiser effleuré sur la pointe de mes seins en laissant éclater un rire cristallin.
En un bond elle avait sauté sur son lit et s’était allongée avec la même impudeur rieuse. Elle avait saisi une lime à ongles en carton et s’attaquait maintenant à une savante manucure.
J’avais rejoint mon lit en face du sien et, convertie par la sensuelle complicité qu’avait su créer Sophie, je m’allongeai dans la même tenue qu’elle avec la fierté d’une nouvelle adepte de la sororité. Malgré mon apparent abandon, je veillai consciencieusement par un reste naturel de pudeur à maintenir mes cuisses serrées pour éviter l’exhibition de mon petit trésor.
Henri, qui est maintenant mon mari pour le meilleur comme pour le pire, était un ami d’enfance avec lequel je sortais depuis deux ans. Quand je dis que nous sortions ensemble, je dois préciser pour être honnête que nous flirtions. Promis l’un à l’autre de manière informelle par nos familles respectives, nous ne nous étions jamais posé la question de savoir quelles étaient les raisons profondes qui avaient présidé à nos premiers baisers, ni à nos premières caresses. En matière de caresses, Henri était encore plus prude que moi, mais le temps et le désir croissant, nous avions progressivement laissé nos mains découvrir nos corps.
Avec une curiosité mêlée d’une certaine fierté j’aimais sentir le désir durcir son ventre qu’il collait au mien quand il caressait, pour ne pas dire malaxait, mes seins. Je n’étais pas une oie blanche au sens où certains citadins pourraient le penser. Élevée à la campagne, la sexualité animale avait depuis longtemps balayé les interrogations naïves sur la question de savoir si les garçons naissaient dans des choux et les filles dans des roses. Nos voisins, éleveurs passionnés de chevaux, avaient naturellement et inconsciemment, répondu aux questions sur les mystères de la reproduction chez les mammifères. Leur étalon en rut à l’heure des saillies ne m’avait laissé aucun doute sur l’usage de cette immense excroissance de chair noire et rose qui balançait sous son ventre. Mais, en matière de coït, j’avoue que nous n’étions jamais allés jusqu’à la pénétration avec mon « fiancé ». Les dernières caresses partagées dans le creux des dunes au cours de l’été qui précédait mon départ pour Versailles m’avaient fait découvrir avec une véritablement fascination l’éjaculation masculine, et cette dernière image me hantait d’un désir trouble.
Je mentis en lançant cet aveu et me réjouis qu’elle ne pût, de sa position, voir le rouge qui empourprait mon front et mes joues.
Je profitais, pendant mes premiers mois de pension, des confidences et des conseils de Sophie. Une certaine complicité s’était même nouée entre nous. Je savais m’éclipser et prétexter d’aller au cinéma quand Séfanit, son amoureuse d’origine éthiopienne, venait passer la soirée dans notre piaule. Notre entente de connivence était même allée jusqu’à accepter la présence son amante toute une nuit. Alors que je rentrai d’une soirée « pot+cinéma » avec des amis, j’avais trouvé nos deux tourterelles endormies dans les bras l’une de l’autre visiblement épuisées et comblées de bonheur. Sans bruit, j’avais allumé ma lampe de chevet en tâchant de ne pas troubler leur sommeil et m’étais couchée.
Il régnait dans la chambre une forte odeur d’intimité partagée et je me laissais aller à la contemplation des deux corps enchevêtrés dans un langoureux et impudique abandon. La couleur d’ébène du corps fin et musclé de Séfanit emmêlé à celui plus pâle et moelleux de Sophie, tranchait avec la blancheur des draps. À mesure que je caressai du regard ces deux corps enlacés, il se noua au creux de mon ventre et de mes reins cette petite boule de désir que les femmes connaissent si bien, annonciatrice d’une vague plus profonde et plus impérieuse. Attentive à ne pas réveiller les deux endormies, je laissai une main glisser sur mes seins tandis que l’autre se faufilait sous l’élastique du pyjama avant de s’enfouir au creux de mes cuisses.
La manière dont je perdis mon pucelage avec un étudiant en histoire, sur la banquette arrière d’une voiture à la lumière blafarde d’un éclairage de parking de grande surface, un soir de beuverie estudiantine ne mérite aucun souvenir. Le lendemain, en émergeant des miasmes alcoolisés, seul souvenir de ma soirée avec les contractures qui endolorissaient mes cuisses, je me surpris à me réjouir d’être enfin débarrassée de cette petite membrane que l’usage de tampons avait déjà largement détendue et, à défaut de me sentir davantage femme, me permettait de ne plus rougir quant aux questions sur ma virginité.
Tout en restant officiellement fiancé à Henri, je profitais de cette relative et nouvelle liberté pour aller plus avant sur la carte du tendre et j’eus deux nouvelles aventures. De celles que les garçons appelaient « baise hygiénique ». Je préfère là aussi ne pas garder de souvenirs de ces exercices acrobatiques, mais une rencontre restera cependant à jamais marquée dans mes souvenirs.
Depuis mon arrivée en classe prépa, je m’étais inscrite dans un club de natation. La pratique bihebdomadaire de la piscine me permettait d’évacuer le stress inhérent à l’exercice intellectuel soutenu et, du moins je l’imaginais, de raffermir un corps que je trouvais, malgré sa jeunesse, un peu avachi. Je rêvais de la fine musculature de Séfanit, l’amie de ma coturne, et de la fermeté de son corps que j’avais pu admirer. Je n’étais pas vraiment mollassonne. Patrick vous en a dit assez sur mon corps dans un précédent texte et je ne retire rien à ses observations. Mais ma carnation de blonde et la solide structure corporelle héritées d’un père athlétique marin pêcheur me complexaient. Je n’imaginais pas encore que la douce mollesse d’un corps féminin puisse être source de désir et, à défaut du regard de mon mari, c’est celui de mon amant qui me le fit découvrir plus tard. J’étais très complexée par mes hanches et mes jambes.
J’acceptais (j’en étais même fière, je l’avoue) ma poitrine pâle saupoudrée de petites tâches couleur de son et des fines arabesques bleuâtres qui sillonnaient ma peau diaphane, mais je faisais une fixation sur mes jambes et surtout mes chevilles. Je reconnais aujourd’hui, en partie grâce au texte de Patrick, que pour mes fesses et mes hanches je n’avais aucune raison de m’effrayer ; restaient mes jambes et mes chevilles. Les femmes qui liront ce texte comprendront la gêne jusqu’à l’obsession que peut faire naître la prise de conscience d’une imperfection corporelle. Mes jambes n’ont pas le galbe et la finesse photoshopés de celles des mannequins qui s’étalent quotidiennement dans les magazines comme l’œil dans la tombe regarde Caïn.
Les cuisses, je l’avoue, se sont raffermies par la pratique de la natation puis plus tard du kayak de mer ; restent les genoux, les mollets et les chevilles. Sous le genou un peu rond, le mollet n’est pas précédé de ce creux poplité ou jarret que j’admire chez les autres femmes, mais, plus encore, c’est l’épaisseur de mes chevilles qui m’obsède. Sous le mollet, pas de courbes filiformes, mais la continuation solide d’une structure qui, sans évoquer celle d’un tube, manque un peu de ces creux qui affinent de manière si féminine le pied quand ils portent des escarpins à bride. À défaut de devoir porter en permanence des pantalons et des bottes, je m’étais imaginé que la pratique de la natation allait amincir cette attache. Peine perdue, il me faudra accepter cette imperfection qui fait mon charme, si j’en crois un rédacteur qui m’est très cher. Un corps est un ensemble non seulement de membres et de particularismes physiques, mais l’émanation d’une personnalité. Avoir accepté cette caractéristique me permet de pouvoir dire à toutes les femmes, mais aussi les hommes qui me liront : si vous n’aimez pas vos imperfections, laissez les autres les aimer pour vous.
Je me plongeais donc dans le bain deux fois par semaine avec l’enthousiasme qui, paraît-il, me caractérise. J’enchaînais sous la férule de notre moniteur les longueurs de brasse, de brasse coulée, de crawl et autre nage papillon pour laquelle j’avoue une certaine nullité congénitale. Pierre, notre moniteur était un homme d’environ quarante-cinq ans, très athlétique, ancien champion régional reconverti dans le monitorat. Plutôt sûr des avantages de son physique et de son éternel sourire, assez charmeur je l’avoue, il avait la réputation d’avoir un certain succès auprès de femmes et le faible pourcentage d’homme à ses entraînements du soir accréditait cette notoriété. La rumeur lui prêtait un nombre incalculable de conquêtes tant chez les plus jeunes que les plus âgées de ses élèves, et je soupçonne maintenant que les petites minauderies de certaines femmes, lorsque dans les vestiaires on évoquait son physique, masquaient au mieux un fantasme inavoué au pire une liaison passée et discrète.
Fille de la mer, je ne me sentais jamais aussi apaisée et calme que quand, en fin de séance pareille à une volée de moineaux les autres filles filaient se changer pour ne pas rater le feuilleton à la télévision, je laissais mon corps porté par l’eau. Je m’étais habituée à l’absence de cette odeur d’iode et d’algues si caractéristique de mes côtes natales et à celle plus âcre et obsédante du chlore. Entre deux eaux, je laissais flotter mon corps à la limite de l’endormissement. Un soir, alors que je me laissais envahir par la douce torpeur de la sensation d’absence d’apesanteur, c’est la voix de Pierre qui me tira de mes rêveries.
Je rejoignis le bord du bassin et remontai l’échelle d’aluminium. Pierre se tenait appuyé sur les arceaux. Je repris mon souffle, passai ma main sur les yeux pour en chasser l’eau chlorée, et saisis les rampes quand, levant les yeux, mon regard vint buter sur l’image de son maillot de bain. En un regard fugace, je devinai à quelques centimètres de mon visage, peut-être à cause de l’éclairage qui avait été partiellement éteint, la forme ombrée de son sexe sous le tissu. L’arrondi de la verge reposait sur la masse de ce que je devinais être ses testicules dont je ne remarquai que l’arrondi déformant le fond du maillot. Pierre esquissa une rotation pour me laisser sortir et je rejoignis en trottinant les vestiaires du club.
À la différence des vestiaires publics, parfaitement étanches entre sexes opposés, ceux du club, plus collectifs, étaient composés de cabines individuelles que fermait une porte. Je me glissai dans l’une d’elles et m’empressai de me déshabiller, sans prendre la peine de fermer la porte à clef. Je pensai que Pierre était parti faire sa ronde de fin de cours et la porte baillait d’un faible interstice. Je venais d’ôter mon bonnet et allai me débarrasser de mon maillot quand j’entendis sur le carrelage humide un pas alerte et un sifflotement que je devinais être ceux de notre moniteur. Je m’apprêtai à tirer la porte quand je le vis se diriger sous la douche et d’un geste rapide et machinal faire glisser son maillot. Il était légèrement de dos et je ressentis immédiatement monter en moi ce sentiment mêlé de gêne et de curiosité que j’avais connu au cours de ce camp à l’adolescence. Pierre venait d’ouvrir le robinet et, à travers le rideau de fines gouttelettes qui s’écrasaient en gerbe sur sa peau, je le vis se baisser pour saisir le flacon de shampoing à ses pieds.
Il avait semble-t-il quelques difficultés à en dévisser le bouchon et s’accroupit légèrement pour accompagner son effort. Dans cette position mon regard glissant comme l’eau sur son dos et ses fesses vint s’accrocher à ces parties que j’avais devinées sous le tissu. Les lourds testicules pendaient entre ses cuisses, ronds, lisses, sur lesquels l’eau coulait jusqu’à former un petit filet. J’avais déjà vu au cours de mes premières aventures amoureuses, le sexe de mes partenaires, mais jamais je n’avais eu le loisir de les regarder sans l’excitation du désir qui d’habitude me tenaillait dans ces cas-là. Mon observation était d’autant plus attentive que c’était la première fois que je voyais le sexe d’un homme entièrement rasé. Lisses comme la peau de deux petits brugnons, les testicules balançaient lentement au gré des efforts de leur propriétaire.
Visiblement parvenu à ses fins, Pierre pressa le flacon et commença à s’enduire de gel. Après avoir parsemé son corps de produit moussant, il éteignit le jet et commença à se savonner en reprenant son sifflotement. Poussée par l’aiguillon de la curiosité, j’oubliai le temps et restai les yeux fixés sur ce corps offert par accident à ma vue. Pierre avait commencé par la tête qui se couvrit rapidement d’une mousse blanche. Avec une acuité qui ne se trouve que chez les chasseurs, qu’ils soient d’images ou de gibier, je bénis inconsciemment le savon qui, coulant sur ses yeux l’obligeait à fermer ses paupières.
Ses mains avaient quitté son corps et frottaient maintenant énergiquement ses hanches et ses fesses. Je suivis leur parcours comme pour en sentir moi-même les sensations.
L’une d’entre elles venait de se faufiler mécaniquement entre ses fesses pendant que l’autre se glissait sous une de ses aisselles. Je ne le voyais toujours que de dos et en vins à espérer qu’il se retournât. Il en est ainsi, je suppose, de tous les voyeurs occasionnels ou obsessionnels de ne pouvoir se satisfaire totalement de l’image volée ou surprise. Un angle doit en précéder un nouveau, une révélation doit en prévenir une nouvelle. Comme s’il avait voulu répondre à mon attente, Pierre se retourna et présenta le côté face espéré. L’ensemble de son corps était rasé, totalement dépourvu du moindre poil, souvenir probable de ses années de compétition. Comme tous les nageurs professionnels, ses épaules étaient larges et puissantes et ses pectoraux impressionnants. Il portait d’habitude un tee-shirt pendant les cours, mais, dans cette tenue, il révélait sans ambiguïté les années de fréquentation du bassin.
Semblant profiter de cet instant de détente, ses mains caressaient lentement son corps, suivant la courbe de chaque muscle qu’il faisait machinalement rouler sous la peau. Mais ce qui retint mon attention, c’est évidemment son sexe que je n’avais que deviné jusqu’alors. Long, plutôt fin (mais je n’avais pas beaucoup d’éléments de comparaison ou de référence), il reposait mollement sur ses testicules dont je devinais les formes débordant de chaque côté. Ses mains qui venaient de quitter son torse enduisaient maintenant de produit savonneux l’objet de ma curiosité. Il avait posé sa main gauche à la base de son pubis tandis que l’autre se saisissant de la verge en décalottait le gland qui apparut oblong, rose foncé au sommet duquel je devinai la fente du méat légèrement dilatée par la pression de la peau tendue. La toilette intime ne dura que quelques minutes et il rouvrit le robinet pour se rincer.
Je restais immobile, retenant mon souffle, excitée par la scène et épuisée par la tension générée par la crainte inconsciente d’être prise sur le fait. Il fallait maintenant que je rattrape le temps perdu et, alors que je tentai de saisir ma serviette posée sur mon sac, je fis glisser le trousseau de clefs posé sur mon pantalon.
Je reculai, pestant intérieurement contre ma maladresse et, au lieu de manifester ma présence par un toussotement, j’essayai en vain et bêtement de me faire oublier.
Entre le moment du cliquetis des clefs sur le carrelage et l’ouverture de la porte, il ne se déroula pas plus de trois à quatre secondes. La lumière crue des néons du vestiaire inonda ma cabine et je me rendais alors compte que j’étais depuis tout à l’heure dans l’obscurité.
Dans le carré de lumière qui envahit subitement la petite pièce, la silhouette de Pierre se découpait, massive, inquiétante à la hauteur du sentiment de culpabilité qui montait en moi comme une bouffée de chaleur. J’étais tétanisée, serrant contre moi ma serviette en boule. Je vis son bras s’étendre et le néon de la cabine s’alluma par secousses. Il était devant moi, ruisselant d’eau, entièrement nu. Un léger sourire se dessinait sur ses lèvres.
Je devais avoir l’air abrutie, et tentai de balbutier je ne sais quoi.
Il souriait et son visage exprimait non pas de la menace, mais une joie non feinte, cette satisfaction du chasseur qui vient de trouver sa proie qui se croyait bien à l’abri des vues.
J’essayai à nouveau de prononcer quelques paroles d’explication, mais tout se brouillait dans mon esprit.
Prise, comme une enfant, la main dans le pot de confiture, et inconsciemment ravie de la situation, je laissai échapper bien malgré moi un petit « oui » comme une plainte.
Je répétai machinalement un nouveau « oui » à peine plus audible que le premier.
Il se tenait dans la lumière blanche qui maintenant éclairait toute la cabine. Totalement nu, lisse et brillant comme un bronze antique. Malgré son âge – mais est-ce à partir de ce moment-là, qu’est né mon fantasme pour les hommes plus âgés ? – il était éblouissant de beauté.
Tout en parlant, il avait pris délicatement entre ses doigts la serviette que je serrais contre moi et l’avait reposée avec autant de lenteur sur le banc de bois. Il se saisit avec la même douceur de ma main et la posa, paume ouverte sur un de ses pectoraux.
Nous nous taisions, sachant qu’une seule parole pouvait rompre l’équilibre fragile du charme insolite qui nous enveloppait. Il amorça un lent mouvement de caresse en guidant ma main comme dans une danse nouvelle et lente. Il accompagna quelques minutes ce délicieux ballet puis me sentit apaisée, conquise, il posa ses deux paumes ouvertes sur mon visage. La fraîcheur de sa peau apaisa la rougeur qui m’avait envahie, et calma le feu qui incendiait mes joues. Je fermai les paupières, m’abandonnant à ses caresses.
Ses pouces vinrent effleurer mes paupières closes, puis après avoir suivi l’arête de mon nez, s’attardèrent sur ma bouche en en dessinant le contour avec une douceur consommée. Tout devenait possible et il dut le sentir quand une de ses mains se détacha des courbes de mon visage et vint se poser sur la mienne qui caressait lentement le mamelon qu’elle avait dressé. Avec la même douceur, il la fit descendre vers son ventre. Je devinai la destination finale de mon guide et n’eus aucune réaction de surprise lorsqu’il la referma sur son sexe palpitant. Sous la douceur de la peau lisse, douillette comme celle d’un nouveau-né, je sentis le tressaillement saccadé des pulsions du désir qui l’animaient lentement. Je refermai avec un peu plus de fermeté ma main sur ma prise et entamai une lente caresse mesurée. Le sexe vivait dans ma paume. Je le sentis vibrer, lentement grossir et se délover comme un orvet s’étirant pour tenter d’échapper à la prise qui le retient. Domptée, rassurée, j’ouvris les yeux. Dans la lumière crue du néon qu’amplifiait le carrelage blanc, je posai mon regard sur ce sexe offert à ma curiosité.
Il avait maintenant presque triplé de volume. Je serais incapable, même aujourd’hui, de dire aux curieux amateurs de ce genre de compétition s’il était plus gros, plus trapu, plus épais, plus je ne sais quoi qu’un autre. Quand les hommes auront compris que, sauf accident de la nature, la taille du sexe est la dernière chose qui met les femmes en émoi, ils auront fait d’énormes progrès dans la connaissance de leurs partenaires féminines. Gros ou pas, il était là, entre mes mains, tiède, souple, tendu, gorgé de plaisir et de désir.
À chaque fois que ma main tirait vers le bas la tendre peau qui l’enrobait, le gland apparaissait dans sa splendeur triomphante. Rose foncé, presque rouge, j’en caressais du pouce la peau diaphane. Affranchie maintenant de tout frein, je laissais libre cours à ma curiosité. Pierre, les yeux clos, comme pour apprécier davantage ma caresse, avait posé ses mains sur mes épaules et jouait avec mes cheveux dénoués. Je m’appliquais, laissant mon regard satisfaire toute sa curiosité. J’étais fascinée par la douceur de cette excroissance de chair tiède, objet de tant de convoitise et de fantasmes chez les femmes qui en sont naturellement dépourvue. Elle vivait, respirait au gré de mon désir. Une légère pression sur mes épaules fut le signe qu’une autre caresse devait remplacer celle de mes mains.
Je m’agenouillai et approchai pieusement mes lèvres du sexe que j’abaissai d’une légère pression. Ma langue prit le relais de mes doigts. Je n’étais pas vraiment très, très expérimentée en matière de fellation, mais ma bouche devinait naturellement les caresses immémoriales que seule l’intimité partagée rend agréable. J’avalai le gland comme on gobe une boule de glace l’été et laissai mes mains parcourir les parties accessibles du corps de mon amant inattendu. Les bourses qui s’étaient légèrement rétractées semblaient des fruits mûrs et juteux. La douceur due à l’épilation totale que j’avais d’abord soupçonnée, était encore plus fascinante et séduisante que je l’avais imaginée. Je sentis sous le velouté du grain de la peau rouler les testicules comme deux petites boules prises dans un sac de soie. Je lâchai mes mains avides à la découverte du ventre musclé puis des fesses qui s’offraient à ma jeune et curieuse gourmandise.
Ma bouche avançait et reculait le long de la tige de chair, alternant les aspirations et les succions friandes. Ma langue en parcourait la longueur, en dessinait le moindre sillon jusqu’à agacer le méat, ce qui déclenchait à chaque fois chez Pierre comme une décharge électrique. Bientôt je cessai mes mouvements de nuque et ses reins prirent le relais. Dans un long branle, lent et contrôlé, il pénétrait avec douceur ma bouche comme s’il lui faisait l’amour. Aucun brusquerie, chaque mouvement était contrôlé évitant la sensation d’étouffement qu’il m’était arrivé de ressentir avec des partenaires plus jeunes, plus empressés et peut-être moins attentifs à mon plaisir qu’à la satisfaction égoïste et brutale du leur.
Pierre se retira lentement de ma bouche, se pencha et glissa ses mains sous mes aisselles moites. Cela peut paraître surprenant pour un homme, mais, malgré mon plaisir et mon abandon, un éclair de lucidité me traversa l’esprit et je regrettai de ne pas m’être épilée. La sensation de ses mains fouillant les poils humides de mes aisselles fit renaître un léger sentiment de honte qui fut rapidement effacé, une fois debout, par sa langue qui caressait avec une douceur recueillie mes lèvres enfiévrées. J’aspirais goulûment sa langue avec la même ardeur, la même dévotion que s’il s’était agi de l’objet que je sentais battre contre mon ventre.
Je n’ai plus de souvenir exact du moment où il fit rouler le tissu synthétique qui me servait de maillot. Je me souviens de sa bouche sur mes seins, de mes doigts dans ses cheveux, de mon ventre que je projetai contre le sien à la recherche de son désir tendu. Avec une facilité étonnante, moi qui me pensais plus lourde, il me prit dans ses bras et me déposa sur le banc de bois qu’il avait, probablement d’une main et à mon insu, recouvert de ma serviette. Agenouillé sur le carrelage, alors que mes doigts fouillaient sa chevelure, il se pencha vers mon ventre. Le souffle qui balayait mon pubis et descendait vers mon sexe humide me parut une douce torture. Sous l’emprise du plaisir qui me nouait le ventre et les reins, j’appuyai sur sa tête pour guider ses lèvres vers mon intimité. J’écartai mes cuisses et tentai de nouer en vain mes jambes autour de ses reins. Avec délicatesse, il s’était saisi de mes chevilles (je sais, ces fameuses chevilles que je déteste jusqu’à l’obsession) et avait lentement replié mes cuisses contre ma poitrine. Je m’offrais en toute impudeur. Ouverte, palpitante de désir, j’exposai à l’hommage de ses lèvres, de sa bouche, de ses dents, mon intimité que je sentais moite de désir retenu. La première caresse que je sentis comme la morsure de l’extrémité d’un fouet fut ce que je devinai être la pointe de sa langue sur mon anus.
C’était la première fois que quelqu’un se permettait cette privauté et, malgré mon désir, j’eus un mouvement de recul. Il m’était arrivé au gré de mes caresses solitaires et nocturnes d’aventurer mes doigts vers cette contrée mystérieusement honteuse au regard de l’interprétation que j’avais faite de mon éducation, mais je n’avais jamais osé aller plus loin. Je soupçonnais que ce petit orifice pût être la source de bien des plaisirs, mais il me faudra attendre quelques années, et la rencontre avec Patrick, pour laisser, voire désirer, qu’un homme puisse l’ajouter au nombre des claviers sur lequel il pouvait faire ses gammes.
Pierre avait dû sentir ma réaction et, avant qu’un sentiment de rejet puisse prendre le pas, il avait appliqué toute la largeur de sa langue sur mon entrecuisse. Je dus projeter inconsciemment mes reins vers l’avant sous l’effet du plaisir. Je sentis la pointe de ses dents écraser mon clitoris et sa langue s’enfoncer entre mes lèvres humides. Une onde de plaisir dénoua mes reins. Tandis qu’il extrayait délicatement de son capuchon le bouton qui se nichait à la fourche de mes petites lèvres, comme je l’avais pour son gland, je sentis comme un flot tiède envahir mon vagin. Pierre continuait à jouer avec mon clitoris qui me paraissait avoir pris une taille démesurée. J’haletais, à la recherche d’une goulée d’air lorsqu’il se releva et libérant mes cuisses, il reposa mes mollets sur ses épaules avant de s’enfoncer lentement en moi. La sensation d’envahissement, associée à celle de liberté ressentie par la profonde inspiration qui remplit alors mes poumons, décupla mon plaisir. Je sentais le poids de son ventre contre le mien, prolongé par cette colonne de chair qui remplissait mon ventre. Il commença un lent et puissant mouvement de reins provoquant à chaque pénétration un bruit de cloaque spongieux qui en toute autre situation m’aurait paru honteux ou tout du moins gênant.
Concentrée sur le plaisir que je sentais monter en moi comme une bouffée incontrôlable de fièvre, j’avais l’impression de délirer. Pierre s’était saisi de mes seins et avec une délicate pression faisait rouler les mamelons entre ses doigts. Je ne souviens plus si j’ai crié, mais au moment où, submergée par le plaisir je laissai exploser mon orgasme, il posa sa main sur ma bouche et se retira malgré moi de mon ventre. Les yeux fixés sur mon sexe béant, il agita violemment son sexe d’une main et éjacula en de longs spasmes de sperme nacré qui s’écrasèrent sur mon clitoris, mon ventre et mes seins.
Sous l’effet de la violence de l’orgasme qui m’inonda par vagues successives, je me mis à pleurer. Les longs sanglots se mêlaient au rire irrépressible qui m’agitait. À travers mes larmes, je vis le regard exténué et inquiet de Pierre. Je le saisis entre mes bras et l’attirai à moi avec une force insoupçonnée, murmurant en hoquetant je ne sais quels mots de remerciements et d’excuses. Rassuré, il parsemait mon visage de tendres baisers essayant, malgré mes dénégations, de m’expliquer qu’il ne savait pas si je me protégeais et c’est pour cela qu’il s’était retiré aussi violemment.
Les hommes auront entre autres incompréhensions beaucoup de mal à concevoir qu’une femme puisse pleurer sous l’effet du plaisir. Eux ne pleurent pas ou presque plus. « Dans les Évangiles, écrit Gabriel Matzneff, le Christ pleure, chez Plutarque les rudes légionnaires romains pleurent, mais nos contemporains, dressés à jouer la comédie, à juguler leurs émotions, leurs passions, à vivre masqués ne pleurent pas ». *
Je prends pour la première fois la plume en conclusion de ce texte écrit par Patrick sous ma dictée et qu’il a habillé de ses mots. Je ne retrancherai ni ajouterai rien. Nous savons tous deux qu’il est impossible – ou seulement difficile par manque d’expérience et de talent – de faire partager avec des phrases la complexe alchimie du mélange de sensations et de sentiments qui m’ont alors agitée.
Le tout est de tout dire, et je manque de mots
Et je manque de temps, et je manque d’audace,
Je rêve et je dévide au hasard mes images
J’ai mal vécu, et mal appris à parler clair. » (Paul Éluard)
Le peu d’originalité des situations pourra à nouveau nous valoir quelques remarques, mais c’est le propre des souvenirs et de la réalité que de n’être originaux que pour ceux qui les ont vécus. Peut-être nous faudra-t-il un jour nous essayer au récit des fantasmes qui nous agitent, mais notre complicité n’en est pas encore à ces aveux réciproques. Ce retour en arrière sur ces souvenirs a fait se nouer au creux de mon ventre et de mes reins ce profond désir annonciateur que je connais maintenant parfaitement. Je vais retirer mes mains du clavier et laisser Patrick vous envoyer ce texte. Je sens son souffle au creux de ma nuque alors que, penché au-dessus de mon épaule, il lit ces derniers mots. J’ai très envie de faire l’amour avec lui et il n’avait pas besoin de ces phrases pour le deviner.
* Gabriel Matzneff, Les Émiles de Gab la Rafale, roman électronique. Éditions Léo Scheer.