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15/12/15
Résumé:  La quarantaine un cap difficile.
Critères:  fh hplusag extracon boitenuit noculotte préservati fdanus fsodo fouetfesse -fsodoh
Auteur : Evelyne63  (Des délires parsemés de quelques pépites de vérité)            Envoi mini-message
Quarante ans

Quarante ans ? Un cap fatidique. On me l’a dit, je confirme. La veille de mon anniversaire, je m’accroche à l’idée que je fais encore partie des jeunes ; le lendemain je compte mes rides, et Dieu sait si j’en ai. Il est vrai que je suis fatiguée, on a pas mal fait la fête à cette occasion. Tous nos amis sont là, Julien, Isabelle, Philippe, Eva, Yannick, et tous les autres. On a bu, ri, dansé à n’en plus pouvoir. Il me revient des moments pénibles comme quand Serge me serre, et que sa main tend à s’égarer où il ne faut pas. Je n’ai d’abord rien dit, puis je l’ai planté. L’alcool n’y est pas pour rien, il a trop picolé. Moi-même j’ai ma dose, je ne suis pas la dernière à faire la folle et à rebours je ne donne pas tort à Damien de m’avoir rappelée à l’ordre quand je pousse le chahut jusqu’à faire du gringue à Rachid et m’asseoir sur ses genoux. L’humiliation n’en est pas moins cuisante, ça m’a dégrisée, et après j’en ai gros sur la patate. Je fais la gueule pendant deux jours. Je rage d’autant plus que la jalousie de mon conjoint n’est pas justifiée. Rachid n’est rien pour moi, juste un jeune collègue, avec lequel j’ai poussé le jeu trop loin, c’est tout.


Si j’ai fait des accrocs au contrat, c’était il y a longtemps, il y a prescription. Du reste je n’en ai pas fait beaucoup, deux ou trois, tout au plus. Je reste à dessein dans le flou, cela fait meilleur genre, sinon vous pensez bien que je ne suis pas cruche au point de ne pas savoir si c’est deux ou bien trois, et à bien y regarder ça pourrait tout aussi bien être quatre. Quoi qu’il en soit, ils ne sont pas foule ; cela aurait-il été le cas, j’aurais prétendu ne pas avoir compté. De toute façon, que le total soit deux, trois, quatre, ou plus, la faute est consommée. Dans certains pays on lapide pour moins que ça, châtiment terrible, insensé… Damien n’a jamais rien soupçonné.


Il n’y avait pas de témoins, mais si tant qu’il y en aurait eu, depuis le temps ils ne se souviendraient plus. Moi-même j’ai presque oublié. Mes gamins étaient encore au collège. La dernière fois que j’ai dérapé, c’était avec un collègue, ma fille était dans sa classe. Elle a vingt ans maintenant, c’est vous dire si c’est loin. Aurélie est désormais une belle plante. Elle est plus belle que je ne l’étais à son âge et sans me vanter on me disait canon. Tous me disent : « c’est toi tout craché, elle a juste un peu moins de chien », mais je sais que c’est pour me flatter. Aurélie m’a envoyé un SMS pour mon anniversaire. Mon garçon non plus n’était pas là, il n’a pas pu venir, il suit les cours d’une école d’ingénieur à Paris. Lui aussi va bientôt fêter son anniversaire, il va avoir vingt et un ans, j’avais tout juste dix-neuf ans quand je l’ai mis au monde. Nous sommes scorpion tous les deux, lui du troisième décan, moi du premier.


L’année suivante j’accouchai d’Aurélie ; deux gamins à moins d’un an d’intervalle, ça jasait dans le quartier. Damien était encore salarié. Depuis il a fait du chemin, il a racheté l’entreprise qui l’employait et fait désormais travailler trois fois plus de monde, dont deux ingénieurs. Je dis chapeau ! Parmi ses clients, il compte des grosses pointures à Bordeaux, Toulouse, Clermont-Ferrand, et même à Lyon, je suis fière de lui.


Ses affaires marchent bien, et moi-même je gagne bien ma vie, on serait mal venus de se plaindre. Que demande le peuple ? La santé d’abord. On l’a ! Alors ? On aimerait voir les enfants plus souvent. Je m’ennuie d’eux, de l’époque où ils étaient petits, de celle où ils étaient ados, de mes vingt ans, de mes trente ans… J’ai pourtant un boulot intéressant et prenant, mais le spleen, ça se commande pas ; le sentiment du temps qui passe, des choses que je n’ai pas menées à terme, de celles que je n’ai pas faites… Est-ce cela la crise de la quarantaine ?


Je n’ai pas le souvenir que Damien était autant perturbé pour ses quarante ans. C’est loin, je ne me rappelle plus. Il frise la cinquantaine, c’est aussi un cap difficile. En ce moment, il subit une sorte de retour d’âge. Il y a un mois, il m’a parlé d’un fantasme, il me voit partager mon lit avec une autre.



Pardi ! Il m’aurait fallu être sacrément conne pour ne pas voir le message. Je suis promue entremetteuse : quel âge la fille ? Vingt-cinq ou trente ? Brune ou blonde ? Et les yeux ? Je n’ai rien demandé, vous pensez bien, mais n’en pense pas moins. J’ai fait celle qui ne comprend pas. J’en suis à me poser des questions, est-ce qu’il me trompe ? Ça se pourrait après tout, il est devenu lubrique, et demandeur, j’ai du mal à fournir.


Il me voudrait plus sexy. Il s’imagine que je peux encore m’habiller comme les gamines, et porter des jupes ras-la-moule, sans être ridicule. J’ai quand même fait un effort. Avec ma copine Brigitte on a écumé les boutiques, et raflé ce qui est mettable, jean moulant, short mini, jupe courte, fourreau sexy, tout fait ventre, on s’est éclatées, crédit illimité, c’est Damien qui paye. Après ça, je ne peux plus rien lui refuser. Il m’a demandé de lui tailler une pipe, ça fait un bail que je ne l’ai pas fait, je me suis forcée, je n’allais quand même pas faire la fine bouche. Il a ensuite voulu me sodomiser, j’ai encore accepté parce que je vois bien que sa libido surchauffe et lui met la tête à l’envers. J’avais oublié combien ça fait mal, même avec la vaseline, puis la brûlure s’atténue. Pour un peu j’y aurais presque pris du plaisir, en plus de celui de lui en donner.


Pour ma soirée anniversaire, il a encore eu une autre lubie, il aurait bien vu que je ne mette pas de dessous. L’idée l’excite, il m’imagine déjà à poil sous ma robe ; j’ai failli lui donner ce plaisir. J’ai bien fait de n’en rien faire vu ce qui s’est passé. Je ne suis même pas sûre qu’il se rende compte de son ambivalence ; libertin et jaloux, un drôle de cocktail quand même. Je fais avec, il est mon mari, le père de mes enfants, vingt et un ans de vie commune, globalement heureuse. Ce n’était pas gagné au départ, mais j’ai un certain talent pour les compromis et j’ai appris à faire des concessions.


Malgré tout, j’aimerais qu’il se calme. En ce moment c’est tous les soirs, et des fois le matin aussi, ça finit par faire routine. « Faut faire face, ma vieille ! » que je me dis, sinon il pourrait bien lui venir l’envie d’aller voir ailleurs. S’il ne s’agissait que d’hygiène, à la rigueur je pourrais admettre, mais des fois il est tellement naïf. Je n’ai aucune envie de laisser entrer le loup dans la bergerie.


Mon obsession refait surface de temps à autre. Je fais comme tout le monde, joue l’hypocrite, et épluche son portable et ses mails quand j’en ai l’occasion. Ce n’est pas que je sois jalouse, mais je me monte le bourrichon, et ça me bouffe la tête. À la réflexion, peut-être que je suis jalouse, et quand bien même, qu’est-ce que ça change ? En ce moment je focalise sur le projet de déplacement qu’il envisage de faire à Toulouse. Cela fait un bon mois que le sujet est sur la table. Au départ il envisage de faire l’aller et retour dans la journée. Il parle maintenant d’étaler sur deux ou trois jours. L’inflation n’est pas sans susciter mes soupçons. J’ai tort, je le sais, mais je ne peux pas m’en empêcher.


D’habitude mes ruminations ne vont pas plus loin, elles s’étiolent et tombent dans l’oubli une fois la cause digérée. Le destin a voulu que cette fois soit différente ; le sort se manifeste sous couvert de Geneviève, une vieille copine de fac. On a fait les quatre cents coups ensemble quand on était jeunes, mais depuis des années je n’avais plus de nouvelles d’elle. Elle a repris contact à l’occasion de mon anniversaire ; elle a été alertée par ces messages automatiques qu’on reçoit depuis Facebook, Trombi.com, Skype, et d’autres encore. Nous avons renoué le dialogue via Skype. Elle m’apprend qu’elle réside à Montauban avec son mari et sa fille, et qu’elle est sur le point d’être hospitalisée au CHU à Toulouse pour une opération importante. Est-ce la chaleur de l’amitié retrouvée, ou bien le prétexte pour aller à Toulouse, un peu des deux, je crois, toujours est-il que je m’entends faire la promesse d’aller la voir. J’allais écrire que je l’ai faite sans réfléchir, c’est idiot, comment peut-on faire une promesse sans réfléchir, c’est pourtant un peu ça, j’ai cédé à la pulsion.


Après coup, je cogite. Le projet ne colle pas avec mes obligations professionnelles, trois jours d’absence, le proviseur va faire la gueule, mais pas question de renoncer, j’ai promis… Au vrai, j’avais plus ou moins présumé les ennuis en faisant ma promesse. Et dans l’affaire, le proviseur n’est pas seul que je vais mettre devant le fait accompli, Damien aussi… Et s’il n’était pas d’accord pour que je l’accompagne ? Auquel cas il me faudrait changer mon fusil d’épaule. Cela dit, je ne vois pas pourquoi il ne le serait pas, à moins qu’il n’ait des intentions coupables, auquel cas il me faudrait voir à en tirer la leçon.


Rien de tout cela n’est fondé, je me fais du cinéma pour rien, Damien m’encourage au contraire. Il lui vient des idées, il tire des plans… Je l’écoute la tête ailleurs, en train de prendre la mesure de ma folie, trois jours perdus pour des lubies.




xxx




Nous sommes à Toulouse dans la soirée. Le lendemain Damien me laisse la voiture, je le dépose au pied de l’immeuble, à l’adresse de son rendez-vous. Je ne le reverrai que très tard dans la soirée, auréolé de gloire, contrat en poche. Mais là j’anticipe. En attendant, ma matinée est tristounette. Après avoir déposé mon époux, je me dirige vers un centre commercial proche, j’y erre deux bonnes heures le nez au vent, mais je n’ai besoin de rien, si bien que je finis par revenir à l’hôtel et m’y morfonds. Dans l’après-midi je rends visite à mon amie, les retrouvailles sont chaleureuses. Il y a déjà plusieurs jours qu’elle a été opérée. Elle se rétablit à merveille. Sa fille est avec elle, nous parlons, de sa famille et de la mienne, de ses projets et des miens, du temps passé et des folies d’autrefois.


Il fait nuit quand je décide qu’il est temps de partir, sa fille nous a quittées depuis longtemps. Notre séparation est quelque peu larmoyante, il me faut promettre de ne pas attendre autant d’années avant d’à nouveau donner de mes nouvelles. Je suis heureuse de l’avoir revue et ne regrette plus les trois jours perdus. Hypocrite que je suis, comme si elle était en cause, je sais très bien à quoi m’en tenir, si j’ai perdu trois jours je n’ai qu’à m’en prendre à moi-même.


Damien n’est pas à l’hôtel. Il arrive beaucoup plus tard, un poil éméché. Je n’ai pas le cœur à le tancer, je comprends qu’ils ont arrosé l’accord conclu. Sa joie et son enthousiasme sont communicatifs, je m’en voudrais de le doucher.



Il veut fêter son succès, je m’en doutais. J’ai moi-même prévu ce qu’il faut, un fourreau léger, agréable à porter, élégant, sans doute un peu trop sexy, mais c’est l’option entre nous, sinon j’ai également plus sage en réserve pour le cas où… Le cas où n’étant plus à considérer, il n’y a donc que lui et moi, dans une ville où on ne connaît personne, alors je me lâche.


La robe me dessine un cul d’enfer, et l’avant-veille j’ai passé l’après-midi chez l’esthéticienne. Je peux montrer mes jambes et même le reste, tout est nickel chrome, comme disent certains. Quant à la toison n’en parlons pas, il n’y en a plus ; c’est égal je sais, mais c’est pour dire, j’en ai profité le temps que j’y étais. La perspective de la sortie me grise un peu, j’espère que nous irons danser, j’adore danser, mais avec mon zèbre rien n’est sûr, il danse comme un manche à balai.


Dernière vérif avant la générale, je me trouve encore très présentable malgré mes quarante balais, juste un peu trop de ventre, mais ça je crois qu’il faudra que je m’y fasse. Ça fait cinq ans que je lutte sans résultat, il s’est installé, et bien installé, mais ça reste encore raisonnable. Quand j’ai fait ma valise, l’idée m’a traversé l’esprit d’acheter une gaine, puis je me suis dit que ça serait con de commencer. Maintenant je regrette, le miroir me renvoie la vérité en pleine figure, la rondeur est visible au-dessus de l’empreinte de mon string, elle-même nettement tracée sur le tissu de ma robe, plus qu’il ne faudrait, plus que je ne voudrais, je déteste.


Je ne peux quand même pas enlever le string, et encore moins gommer le ventre. Certes je parviens à le rentrer, mais il n’est pas imaginable de garder mes abdominaux contractés très longtemps. Je pourrais changer de tenue, l’autre ne prête pas tant à controverses, mais elle est tellement plus banale et je me fais une telle joie de surprendre mon homme. Et puis… je peux vous le dire, j’ai un peu l’impression de revivre comme à vingt ans. Foin des tergiversations, je garde celle que je porte. Que d’audace ! N’ai-je pas tort ? Je fais vraiment pute ; les atermoiements à nouveau. Marre ! La valse-hésitation m’épuise, je demande à mon homme de trancher. Il ne tarit pas d’éloges. J’aime cet homme, je l’aime à mourir ; la télé est allumée, Louane chante la chanson de Cabrel. Que la musique est douce à mon oreille. Stop ! Pas d’attendrissement, sinon mon rimmel va couler.




xxx




Le restaurant a du style, lumières tamisées, tapisseries damassées, bois cirés, alcôves individuelles, bougies sur les tables. Tout est fait pour donner l’impression d’intimité. Quatre ou cinq alcôves me semblent occupées sur la douzaine que je décompte. C’est peu, mais il est tard et il est tout à fait possible qu’il existe d’autres salles, les allées et venues des serveurs accréditent cette thèse. Damien a réservé, le garçon nous conduit à notre table, l’alcôve voisine est occupée par trois hommes, je les ai remarqués, comme on fait, machinalement en passant. Ils parlent fort, nous les entendons depuis notre loge. « Des gars du BTP », me chuchote Damien qui est le plus proche d’eux et dont l’oreille est sans doute plus exercée dès lors qu’on aborde un sujet qui le concerne. Tout au long du repas, il n’aura de cesse d’espionner les conversations de nos voisins, au prétexte qu’elles ont un rapport avec son activité. Il m’agace. Son attitude frise la goujaterie, vis-à-vis d’eux sans doute, mais surtout à mon encontre. Je finis par me fâcher.


Après le dessert, Damien s’offre un café et un digestif. Je ne prends rien, et en profite pour m’échapper direction les toilettes. J’ai un réel besoin, que le fait de bouger rend pressant, mais je me garde néanmoins d’accélérer le pas, je me dois de paraître le temps de défiler devant nos voisins. Je ne les avais pas bien vus à l’aller, et ne les vois pas mieux cette fois-ci non plus, je suis trop contractée. Malgré tout, je capture un peu mieux la photo, virtuelle s’entend, de celui qui me fait face. Il doit être grand, il paraît élégant, les traits respirent une certaine sévérité, de la cruauté même, l’ensemble dégage néanmoins une impression de distinction. Je lui donne la soixantaine, mais il m’est difficile d’être précise. Il me regarde tandis que je passe. Je devine qu’il continue de le faire alors que je les ai dépassés. Les fourmillements que je ressens à la base de ma colonne ne me trompent pas. J’ai un beau cul, je le sais désirable et n’en ai pas honte.


Au retour, je vois mieux les deux autres, plus jeunes, des cadres sans doute, mais à n’en pas douter des larbins. Le premier est le patron, je ne sais d’où me vient mon intuition. Je l’entraperçois du coin de l’œil. Pas besoin de le regarder, je sais que j’ai encore droit à son regard chargé d’adrénaline, le genre de regard qui raidit ma démarche et me fait frissonner. Peu d’hommes me font cet effet, c’est d’autant plus ridicule qu’il est vieux et que je ne le connais pas.


Nos voisins partent avant nous, nous les entendons quitter la table. Damien est en train de régler le compte avec le garçon. Ce départ ne me laisse pas indifférente, mon sentiment est confus, un mélange de regrets et de soulagement. Depuis que je suis revenue des toilettes, le personnage m’obsède. Le magnétisme qui émane de ce type perdure au-delà du raisonnable, si tant qu’il y aurait une limite qui définirait ce qui est raisonnable et ce qui ne l’est pas ; je sais c’est confus, mais mon sentiment est indéfinissable. J’ai l’intuition qu’il est mauvais, cruel, et pervers, tout ce que je déteste, mais en même temps il a de la gueule, et de la prestance, et un je ne sais quoi qui me fascine. Je sais qu’il m’a remarquée, cela me flatte de la part d’un tel personnage. J’aurais aimé mieux le connaître, si on en avait eu l’occasion. C’est ridicule, je le sais, je me morigène. Le trouble que je ressens m’agace prodigieusement. Qu’un inconnu exerce un tel ascendant sur moi m’insupporte. Je ne me souviens pas d’avoir jamais rien ressenti de la sorte.


Mon agitation fait que je me montre distraite et finalement plus conciliante envers Damien que je n’aurais probablement été sans cela. Son offre n’est pas ordinaire, il me propose de prolonger la soirée dans un club libertin, pas moins. « Juste pour voir », qu’il me dit ; je cède, sans trop me faire prier. Il m’avoue dans la foulée que le club est abrité dans le même immeuble, il jouxte le restaurant. Le salaud ! Ça pue la préméditation, j’hésite entre me fâcher ou rire. Mon humeur est joyeuse, je m’esclaffe. Il a vraiment bien caché son jeu, ce salaud ! Ne vous trompez pas mes exclamations sont affectueuses.


Ce soir je suis décidément indulgente. J’accepte tout, même de me séparer de mon string parce que la promo du jour prévoit l’échange de ce modeste linge contre les consommations gratuites. Le bonus pèse cependant infiniment moins que la charge de mon conjoint. Je ne me sens pas de lui refuser une nouvelle fois, moins d’un mois après ma soirée anniversaire, mais surtout, je suppute en moi-même que l’expérience pourrait être excitante. Les situations limites me titillent toujours quelque part, j’ai l’âme d’une aventurière, et le goût du risque. A contrario, je ne crains pas grand-chose, sinon la honte d’être démasquée par une personne connue, ce qui est peu probable ; des autres je m’en fous. L’employée en charge des entrées attache un lien de couleur à mon poignet gauche. La marque distingue théoriquement la bénéficiaire du bonus. Sur le moment, je ne réalise pas que le repère sert à plus d’un titre.


Il y a pas mal de monde dans la salle où on nous introduit, une grosse majorité d’hommes. C’est une soirée ouverte aux célibataires, nous a appris l’ouvreuse. Trois couples dansent sur la piste au rythme d’une musique lascive. Un garçon nous conduit jusqu’à notre table ; il apporte ensuite les consommations. Une jeune femme nous rejoint peu après, elle est belle, jeune, sexy, Damien la dévore des yeux tandis qu’elle nous fait l’article du club.



Damien lui explique innocemment que nous ne sommes pas du coin, juste de passage. L’aveu aurait-il démobilisé la jeune femme ? Serait-ce autre chose ? Comment savoir, toujours est-il qu’elle bafouille une excuse, puis s’éclipse. Nous n’aurons pas droit à la visite guidée. Mon homme est quelque peu dépité, je le lis sur son visage. Je l’entraîne sur la piste. Je sais qu’il n’aime pas trop, mais moi j’aime, et après tout c’est lui qui nous a conduits dans cette galère.


Au retour, nous constatons que nous avons des voisins. La table d’à côté est occupée par quatre hommes, les trois du restaurant plus un autre. Je ne suis pas seule à les reconnaître, Damien aussi. Le monsieur à la crinière blanche nous a également reconnus. Il m’adresse un sourire et me salue d’un mouvement de tête. Son salut connaît chez moi un écho disproportionné, je souris en retour, en essayant de dissimuler mon allégresse. Je ne sais pourquoi, mais j’ai l’intuition qu’il a deviné mon émoi.


Fatal que nos tables fusionnent, les gens du BTP forment une confrérie dont les membres se reconnaissent entre eux. Je suis la seule dans le lot à ne pas en être. Je les laisse discourir bétons compensés et garde pour moi les bourdes de mes élèves. Encore que le monsieur à la crinière blanche, il s’appelle Alain, ne déteste pas m’écouter conter mes anecdotes pendant que les autres font des inventaires ou comparent les mérites respectifs de tels ou tels matériaux. Je l’ai méjugé, les horreurs que je lui prêtais ont fait place à l’affabilité, à la capacité d’écoute. Certes, il est parfois un peu cassant et j’entraperçois de la rudesse, mais rien qui ne me paraisse anormal eu égard à la stature du personnage. J’avais deviné que le monsieur avait du coffre, mais je n’imaginais pas qu’il était PDG d’une boîte d’envergure nationale, pas loin d’être cotée au CAC40. On admet qu’à ce niveau, la sélection élimine les plus faibles ; lui je le sens implacable et je veux croire qu’il l’est. Ceci dit, il sait aussi se montrer aimable, séducteur même, Alain est marié, père de trois grands enfants, grand-père qui plus est.


Les gens qui sont avec lui sont des collaborateurs, le dernier arrivé est son neveu, lequel de surcroît se trouve être le frère de la gérante de l’établissement. Celle-là même qui nous a accueillis, et plantés. Elle est donc la nièce de l’honorable monsieur qui me flatte de son attention. Lui-même possède des parts dans ce bastringue, dont son frère détient la majorité. À rapporter tout cela, je me rends compte qu’il m’en a beaucoup dit sur lui, ce qui à rebours, m’étonne assez, vu le caractère du monsieur, on ne l’imagine pas en train de se lâcher avec la première donzelle venue. C’est que je ne suis pas la première donzelle venue ; disons plutôt que j’ai un peu réfléchi depuis et, je pense, j’en suis arrivée à me croire…


Durant notre échange, je ne ressens pas ce sentiment. Ma curiosité est excitée, et plus il m’en dit, plus j’en demande. Il me répond naturellement, puis m’interroge à son tour. Notre conversation me semble normale, comme son invitation du reste. Courtois, il sonde Damien :



Une formalité bien superflue, je suis déjà debout en chemin vers la piste. Un excellent danseur, sa façon de danser est cependant très sensuelle, on le pressent chaud lapin. Au demeurant, j’en ai le pressentiment depuis un moment déjà. Pour sûr, c’est un homme à femmes. Malgré tout, je ne boude pas mon plaisir et la fois suivante, c’est encore avec joie que je prends la main qu’il m’offre, à la manière des hommes galants, pour me signifier qu’il m’invite à revenir sur la piste. Notre conversation reprend sur le mode badin.



Mais cette fois, l’échange va prendre un tour que je n’attends pas.



Qu’il me sache nue sous ma robe me trouble assez. Probable qu’il a conscience de mon émoi, il en profite, sa main dans mon dos part à l’aventure. Elle progresse lentement, précautionneusement, vers la chute de reins. Il stoppe et fait du surplace juste avant d’aborder les fesses. L’extrémité de son petit doigt s’immisce et s’agite à l’amorce de la raie, je le sens. Vais-je réagir ? Je n’en ai pas envie, pas encore, il sera temps de le faire quand la licence sera avérée. Le climat de Toulouse est spécial, il me porte à l’indulgence… L’attente est grisante.


L’homme ne franchit pas la ligne de démarcation. Qu’aurais-je fait s’il l’avait fait ? Aurais-je salué l’exploit ou bien disqualifié l’audacieux ? Je ne sais… La tentation existe de me laisser aller, je m’imagine moi et ce type. En même temps je suis une honnête femme depuis si longtemps, j’en ai pris les habitudes et il me plaît d’en garder l’illusion. Je suis néanmoins lucide, ma morale est élastique, et ma fidélité n’est pas chevillée au corps, j’ai l’intuition qu’aujourd’hui il n’en faudrait pas beaucoup pour me faire trébucher.



L’offre ne vise que moi, je le sens. Il me vient à l’esprit d’inviter Damien, mais je n’en fais rien. J’ai le pressentiment que mon interlocuteur n’apprécierait pas, et je ne veux pas lui déplaire. Il y a plus d’une manière d’interpréter la proposition, j’en suis consciente. L’endroit, le moment, et la situation me portent à entrevoir des sous-entendus coquins, auxquels étrangement je donne plus d’attention qu’au sens littéral. Je peux refuser, mais le refus me demande une grande volonté, tandis qu’il ne m’en faut pas pour me laisser aller. J’accepte, pas du tout innocente, je connais les risques, et quand je franchis la porte de séparation je ne suis déjà plus une femme tout à fait honnête, si tant est que je ne l’ai jamais été.


Nous visitons des salles de torture, l’une est déserte, dans l’autre, une femme vêtue de cuir manie le fouet et frappe les fesses nues d’un monsieur en position. Un autre est écartelé, pieds et mains attachés aux quatre angles d’un gibet. Il est aveuglé par un masque borgne, et sa verge molle et cerclée à la base des bourses, pendouille au travers d’une échancrure taillée à cette fin dans sa culotte de cuir. Nous poursuivons, un peu plus loin, deux saunas, tous les deux occupés, couplés avec une immense salle de bains. Celle-ci est équipée d’un grand jacuzzi circulaire, dans lequel trois hommes et deux femmes se détendent et discourent. À l’étage, des chambres, la plupart fermées, deux sont ouvertes laissant voir des couples qui s’ébattent. Le spectacle des corps nus, en plein exercice, n’est pas de nature à me remettre dans le droit chemin. Je sais que nous aussi, nous allons faire l’amour.


Je me demande comment il s’y prendra pour ouvrir les hostilités. Ne voyez pas dans le dernier mot une gesticulation belliqueuse, c’est simplement l’expression d’un reste d’appréhension. Elle me porte à grossir le trait. Certes, il subsiste toujours du doute. Rien n’est encore irréversible, et à tant attendre je commence sérieusement à augurer défavorablement de la suite. Le climat d’incertitudes n’est pas sans saveur.


Au fond du couloir, un mini attroupement, trois hommes stationnent. Nous les rejoignons. Ils sont face à une alcôve ouverte. La séparation est juste marquée par un comptoir assez bas par-dessus lequel on a vue sur l’intérieur de la pièce. Plutôt un recoin, du reste. On devine qu’il a eu d’autres usages autrefois. Il n’est pas très grand, un matelas posé à même le sol occupe la quasi-totalité de sa surface. Sur ce lit improvisé ou tout proche, six personnes, entièrement nues, pas un slip, pas une chaussette. Cinq mâles sont à la peine, deux ont déjà pénétré la fille, un autre se pâme tandis qu’elle s’affaire sur son sexe des mains et de la bouche. Deux hommes sont debout, ils semblent attendre leur tour, ils entretiennent les feux, imprimant de lents va-et-vient sur la hampe de leur sexe tout en matant la chorégraphie des quatre autres. À l’extérieur de l’enceinte symbolique, les trois hommes habillés contemplent comme nous le spectacle. L’un est adossé au montant sous le chambranle qui marque l’entrée, deux sont accoudés au comptoir, côté couloir. Nous avons pris place comme eux, à la suite, face à l’emplacement laissé libre, en retrait d’un bon pas cependant.


Nous sommes côte à côte, nos hanches presque à se toucher, immobiles, silencieux, à admirer le ballet. À moment donné, les acteurs du ballet permutent, le jeu des chaises musicales. Mon partenaire choisit ce moment, il m’enlace, m’attire à lui. Sa main caresse ma chute de reins, puis mes fesses. Ma robe remonte ; c’est son défaut, il faut souvent la réajuster. Je ne réajuste pas, et le laisse faire. Je laisse faire tout pareil quand il glisse la main sous le tissu, et achève de dénuder mon auguste postérieur. Pas seulement au demeurant, le devant n’est pas épargné, mon triangle, heureusement soigneusement épilé, est mis à nu, mon ventre aussi, il apparaît, plus rond que je ne voudrais. Je ne cherche pas à le dissimuler, et l’offre à la vue du voisin le plus proche, lequel me fait l’insigne honneur d’oublier un instant le tableau qui l’absorbait. Je suis à mon tour l’objet de sa contemplation. Sa cible est précise, il fixe, précisément, intensément, puis lève les yeux, et croise les miens. Je devine, plus que je ne lis, une étincelle de convoitise, peut-être de l’admiration. Ce n’est pas seulement son œil, la moue de ses lèvres, et les traits de son visage me disent aussi que je lui plais quand bien même j’aurais du ventre. Sait-il le plaisir qu’il me donne ? Je suis ravie. Rien que son regard m’aurait encouragé à poursuivre mon exhibition, si tant est que j’aie été maîtresse de mon sort. Je ne le suis pas, un diable malin a anesthésié mes derniers neurones.


Je m’abandonne et m’en remets entièrement à mon compagnon. J’attends qu’il m’embrasse, et plus généralement qu’il procède aux préliminaires auxquels je suis habituée, qu’il caresse mes seins, par exemple. Je les ai plutôt menus, mais ils sont restés bien ronds et fermes malgré l’âge et deux bébés nourris de mon lait. Je suis assez fière de ma poitrine, il me serait agréable et facile de la lui montrer. Il ne demande rien de tout cela, je comprends qu’on va en venir derechef au vif du sujet, il m’invite à prendre la position de la levrette, les avant-bras en appui sur le comptoir, puis il remonte complètement le tissu de ma robe qu’il roule en boudin jusqu’au niveau de ma taille. Ma croupe est nue, j’imagine le tableau que je lui offre. J’en suis là de mes pensées quand je reçois la première fessée. Elle est sonore, cuisante, il l’a assenée avec force, je ne m’y attendais pas. Naturellement, je rouspète, et tente de me redresser, mais son autre main me maintient fermement dans ma position. La deuxième frappe tombe, tout aussi sonore et cuisante. Mon voisin regarde, l’autre aussi, une curiosité goguenarde marque leurs traits, ils ricanent, mais je ne comprends rien de ce qu’ils se disent. Les larmes brouillent ma vue, le feu irradie dans mon ventre, dans mon sexe, mes gémissements se font plus lascifs.


Je ne sais quel miracle est à l’œuvre, mais la jouissance percole sa félicité. Est-ce l’exhibition, je me sais une inclination, ou bien le traitement musclé, dont la chaleur diffuse une sorte de bien-être jubilatoire. Lequel sublimerait la douleur quand il ne l’effacerait pas ? Les hypothèses fusent, toutes plus farfelues les unes que les autres, toujours est-il que je me découvre un penchant que j’ignorais. À la fin du traitement, mes fesses sont très sensibles, mon partenaire les effleure d’un doigt léger. Il les embrasse, les lèche aussi. Il est tombé à genoux, psalmodiant une sorte d’incantation mystérieuse, accompagnée d’attouchements sublimes. Ses lèvres et sa langue tracent des arabesques magiques. Le baume occulte le mal, je ne ressens que du bien. Je plane et m’aperçois qu’il en a terminé quand il plante le nez dans ma fente. Bonne poire, j’écarte les cuisses pour lui donner meilleur accès.


Les autres dans l’alcôve s’activent, ils n’ont pas interrompu leur cavalcade. Ont-ils même eu conscience des frappes sonores ? Probablement non, ils ont d’autres chats à fouetter. Encore que les deux qui n’ont pas de rôle, autre que de se branler, me jettent parfois une œillade rapide. Je le vois, comme je vois le tableau que me donnent à voir ceux qui sont sur le lit. J’ai le cul de l’enculeur sous le nez, et en partie celui de la fille, percé par le dard. Quant à l’homme, qu’elle chevauche, je ne vois que ses jambes qui s’agitent et son sexe, emmanché comme il se doit. La fille et l’homme au-dessus d’elle, écartent les cuisses, et m’offrent une vue de premier plan. Les pistons entrent et sortent, l’un coulissant dans le cul, l’autre dans le con. Une mince pellicule de sueur couvre les corps, je la vois luire sous la lumière. Des odeurs parviennent à mes narines, doucereuses, aphrodisiaques. Je les imagine baignant dans le stupre. L’homme qui la couvre accélère soudain, je regarde le membre entrer et sortir à une allure soutenue. Le spectacle m’hypnotise et pendant ce temps, la langue continue de fouiller ma fente. L’un et l’autre contribuent à ma fièvre, la langue sans doute plus que le spectacle.


Les lèvres de l’homme emprisonnent mon clito, il l’aspire, le gobe, le roule, le mordille aussi parfois. Il enfle, je le sais, jusqu’à tripler ou plus de volume et ne plus pouvoir rentrer dans son logement, pauvre petit bout ultra-sensible, exposé à toutes les vicissitudes. De temps en temps, mon tortionnaire appelle ses doigts à la rescousse, il a l’art de faire durer le supplice. Pauvre clito écrasé dans l’étau, entre le pouce et l’index. Il arrive que ce dernier doigt s’égare en d’autres lieux, en quête du fameux point G. Le trouve-t-il ? C’est possible, le résultat est proprement diabolique. Mon bassin s’octroie l’autonomie, sinon l’indépendance, il devient frénétique, frémit, frétille même, et pousse, « han, han », comme pour s’empaler sur ce doigt qui le fouille. Tout mon être appelle la saillie.


C’est la première fois que je m’offre à un inconnu. J’écris inconnu à dessein, mais il ne l’est plus vraiment depuis une heure ou deux. En tout état de cause, je ne le perçois pas comme tel, j’ai l’impression de le connaître depuis toujours. Mon désir a atteint une telle intensité qu’il en est douloureux, je suis impatiente qu’il me prenne. Je n’en oublie pas pour autant la prudence, aussi suis-je rassurée quand je le vois habiller son membre. Il m’a pour cela délaissée un moment, j’ai regardé. Je n’aurais pas accepté de baiser sans préservatif. Encore qu’avec le recul, maintenant que je rapporte cet épisode, je ne suis plus très sûre, il m’a tellement mis la tête à l’envers. Je me rappelle que j’attendais le bon moment pour lui en parler, je ruminais sans savoir comment introduire la chose…


Il reprend ensuite le jeu avec ses doigts suscitant encore plus de sécrétion qu’il répartit du bout de son index. Je sens le doigt remonter le long de ma fente et du périnée, jusqu’à mon anus, dans lequel il introduit une phalange avec délicatesse, laquelle y dépose sa charge lubrifiante, en même temps qu’elle œuvre pour assouplir le muscle, tant et si bien qu’avant longtemps le majeur peut rejoindre l’index. Les deux doigts pénètrent mon rectum dans toute leur longueur. J’ai deviné quel va être mon sort, il va me sodomiser. Ce n’est pas trop ma tasse de thé, j’aurais préféré du classique, mais j’ai tellement envie, et je suis tellement engagée qu’il n’est plus question de reculer, qu’il y aille si c’est son choix, mais par pitié qu’il y aille vite. Si j’avais affaire à Damien, je l’aurais déjà bouffé tout cru, avec ce monsieur un restant de pudeur me retient, je piaffe, dévorée par l’envie de le recevoir, quand bien même ce serait par la petite entrée.


Ma sagacité est prise en défaut, il vise l’entrée principale. Il a positionné son gland, et tâtonné un instant, pas longtemps avant de me pénétrer. Il l’a pratiquement fait d’une seule poussée, jusqu’à arriver en butée sur mes fesses. Il profère en même temps des grossièretés.



Je ne suis pas trop habituée, je tique, d’abord tentée de mal réagir, puis mes velléités de rébellion s’évaporent à mesure que mon ventre accapare mon attention, le plaisir prend le dessus. Lui poursuit ses déclamations, mais à tout prendre, je crois que les obscénités ajoutent à ma satisfaction, comme les claques qu’il a reprises. Le feu sur ma fesse fait écho aux horreurs qu’il profère ; la combinaison enrichit le terreau sur lequel mon plaisir prolifère.


Le raffut n’a pas manqué d’attirer l’attention, il y a foule autour de nous, certains la queue en main. Les sybarites dans leur loge ont interrompu leurs ébats, peut-être ont-ils terminé, je ne saurais dire. La fille et un homme sont tous deux à genoux sur le lit, fesses sur les talons, face à moi, ils m’observent. Je les regarde à mon tour, essayant de décrypter le sourire qu’ils m’adressent, puis je baisse le nez, ferme les yeux, et m’isole, indifférente à l’environnement, soucieuse de faire moisson des sensations qui me submergent. Je me sens partir, plus rien ne compte, que d’engranger les plaisirs du voyage jusqu’à ce nirvana vers lequel je vogue.


Il suffisait d’un rien et j’y étais, mais mon amant ne l’a pas voulu, il choisit le mauvais moment pour changer de logement. Il s’est retiré du premier, et envisage d’intégrer le second. Auparavant il vérifie l’état des lieux. Mes sphincters sont souples, mais il estime que la lubrification pourrait être meilleure, et entreprend d’enduire l’œillet avec sa salive, jusqu’à satisfaction. Ceci fait il m’invite à apporter ma pierre à l’édifice. Je me fais complaisante, et comme recommandé, maintiens mes fesses bien disjointes pendant qu’il introduit son membre turgescent, et pousse jusqu’à l’enfoncer dans son intégralité dans mon fondement.


Je ne sais ce qu’il en est pour les autres femmes, mais pour ma part je n’accepte pas la sodomie avec n’importe qui. Depuis que je suis mariée, c’est-à-dire plus de vingt et un ans, personne n’a plus emprunté cette voie, en dehors de mon époux. Si j’exclus ma moitié, Alain est le premier. Les impressions que j’éprouve sont étranges, très différentes d’avec mon mari ; c’est comme si je me donnais totalement, intégralement, sans réserve aucune, je lui remets les clés de mon corps. Il en fait usage, et lime méchamment, avec bestialité, il poursuit son plaisir. Il est vrai que mon égoïsme n’est pas moins grand, ma quête de plaisir se nourrit de la sienne. Je le veux ainsi, sauvage et brutal. Par bonheur, le comptoir est un point d’appui solide.


Je n’aurais pas cru possible de jouir du cul, mais la tension de plus en plus forte ne peut me tromper. L’orgasme est proche, ma fébrilité en témoigne, elle monte en puissance. Elle culminera avec l’explosion et s’annihilera dans l’euphorie qui prendra la relève, je le sais. J’anticipe déjà les plaisirs dans ma tête.




xxx




Ce n’est pas que l’envie me manque d’inventer une fin cavalière, mais outre que je manque d’imagination, je souhaite m’en tenir aux faits. La vérité est prosaïque, un appel sur son portable écourte nos ébats, et quand je saurai de quoi il retourne, je ne suis pas la moins pressée. « Ton mari rapplique », m’a-t-il annoncé. Nous filons sans demander notre reste, comme des enfants pris en faute, par des chemins détournés afin de ne point croiser les autres.


Quand ceux-ci sont de retour, nous avons repris nos places depuis un moment déjà, j’ai eu le temps de me rafraîchir, de me recoiffer et me remaquiller. Je suis à nouveau tout à fait présentable, semblable à la femme que j’étais il y a moins d’une heure, avant que je ne franchisse les portes de l’antre des plaisirs, c’est son nom, je n’invente pas. Damien s’étonne, nos balivernes le laissent perplexe.


Il ne demande qu’à être convaincu, mais le doute persiste néanmoins. Toute la nuit, ou ce qu’il en reste, il rumine l’hypothèse de ma perfidie ; le feu de la jalousie le ronge. Celle-ci se traduit par une gaule rare dont il use pour me châtier. Au matin, je suis vannée, lessivée, moulue. Tous mes orifices sont inondés de son sperme, j’en ai jusque dans les narines, mais je n’ai rien avoué, pas question, jamais, car je pressens que le lion féroce se transformerait en hyène odieuse dès lors que le doute deviendrait certitude.