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n° 17195Fiche technique11952 caractères11952
Temps de lecture estimé : 8 mn
27/12/15
Résumé:  J'aurais tout aussi bien pu intituler mon récit : « La pipe ». Le rapport entre pipe et engrenage ? Il y en a un chez moi, que je vous laisse découvrir. Bonne lecture.
Critères:  fellation nopéné
Auteur : Evelyne63  (Un délire inspiré de la mésaventure d'une amie)            Envoi mini-message
L'engrenage

Tomber amoureuse d’un homme marié est la pire chose qui puisse m’arriver. Six ans que j’attends qu’il quitte sa femme, six ans qu’il me mène en bateau, six ans que je passe mes weekends seule ou en famille à supporter ma mère.



Il y a encore deux ou trois ans, j’inventais n’importe quoi pour me tirer d’affaire, maintenant je ne prends même plus cette peine, je fais le dos rond et ne réponds rien, mais j’ai le cœur gros. Le moment venu, je m’en ouvre à Damien.



Je ne vous raconte pas la suite, elle est du même tonneau. C’est toujours la même chose, je connais. La vérité est que la situation lui convient et qu’il n’a pas envie d’en changer. Il lui faudrait renoncer à son confort, ses enfants, la moitié de son affaire, et je ne sais quoi encore, qu’il énumère quand on fait les comptes. Il ne m’affronte jamais, il louvoie, mais je devine que la perspective que je lui promets est infiniment moins souriante que le statu quo. Aujourd’hui, j’en ai ma claque, mon exaspération est à son comble, il le sent et croit prudent de changer de sujet. Il me donne un os à ronger.



Évidemment que je suis partante, et il le sait. Depuis quinze jours, je le harcèle pour qu’il se libère afin qu’on y aille ensemble.



Le taxi me dépose juste en face de l’entrée. Damien n’est pas là. Agacement ! J’attends. Il est peu probable qu’il soit déjà rentré, c’est moi qui ai les invitations. Quoiqu’il en soit, j’en ai marre, l’irritation me pousse à bouger, qu’il se débrouille, j’entre. Je dépose mon manteau et mon étole au vestiaire. Je ne garde que ma pochette, elle est assortie à ma tenue. J’ai fait des folies, je me suis payée une robe de soirée, courte, taillée dans une étoffe souple, stretch, infroissable, de couleur noire, la couleur à la mode. Le tissu est légèrement smocké. Le dos est nu, et le décolleté plongeant. La base est croisée, dévoilant par intermittence un peu plus la cuisse jusqu’à la lisière des bas, un jeu coquin que je trouve du plus bel effet. J’avance à pas prudents, soucieuse de préserver mon équilibre sur mes talons interminables. J’ai privilégié des bas autofixants, plus simples. J’aurais pu m’en passer, il ne fait pas froid, la soirée est même plutôt chaude pour un mois d’octobre, mais je trouve cela plus classe.


Beaucoup de monde autour du buffet, d’autres déambulent dans les salles. Des petits groupes s’agglutinent face à certains tableaux. Quelques connaissances ici et là, avec lesquelles je m’attarde un moment, mais pas de Damien. Je sais qu’il craint d’être vu en ma compagnie. Il lui faut être inattaquable, me dit-il. A-t-il même lancé la procédure de divorce ? J’en viens à douter. Je suis lasse des simagrées, je veux vivre au grand jour, sans faux semblants.


L’attente m’énerve de plus en plus, je me décide à téléphoner, et découvre que j’ai un sms. C’est un message de Damien. Il y a une bonne demi-heure que je l’ai reçu, j’imagine que c’était avant ou pendant que j’attendais le taxi. J’ai pu ne pas entendre l’alerte, elle est discrète. Damien m’avise qu’il ne peut venir. Je suis furax, et le suis plus encore quand je l’aperçois parmi la foule. Sa femme est à son bras. Lui aussi m’a vue.


Nouvel sms : Rejoins-moi aux toilettes.


Je le vois s’éclipser, je prends le même chemin, mon état d’esprit est belliqueux, j’y vais pour cracher mon venin. Je n’ai que faire de ses explications ressassées. Je n’y échappe pourtant pas. Sa logique est implacable, elle m’écrase, et accroît ma détresse. Je n’en peux plus.



Je m’enfuis et me retrouve sur les quais, malheureuse et misérable. J’ai fui pour ne plus l’entendre. Je n’ai pas même eu l’idée de récupérer mon manteau au vestiaire, et ne me sens pas d’y retourner, pas tout de suite. La nuit a pourtant fraîchi, je frissonne, mais je m’en fous. J’erre sur le quai, le long du Rhône, ressassant mes griefs assaisonnés de vitriol, les larmes coulent sur mes joues.



La question me surprend, l’homme est seul, il fume. J’ai croisé mes bras sur ma poitrine, et je tasse mes épaules dans un geste frileux. Je frissonne, mais ne prends pas la peine de lui répondre.



Je ne fume pas d’ordinaire, mais ce soir, j’en ressens le besoin que l’opportunité rend plus impératif encore. Il me tend son paquet et la flamme de son briquet. Son visage apparaît un instant dans le halo, il est plus vieux que moi, trente-cinq, quarante ans. L’homme range ses cigarettes et son briquet. Il s’approche, puis enserre mes épaules.



Encore un emmerdeur, il a vu que je chiale, et s’imagine pouvoir profiter de ma faiblesse.



Je n’avais pas dit cela méchamment. Il semble pourtant l’avoir mal pris, sa réplique est mauvaise. Je suis sur le point de tourner les talons quand il me vient une idée idiote.



Je ne joue pas avec le feu, j’ai réellement le désir de m’avilir. Une pulsion pour rendre ma décision de quitter Damien irréversible. Je me vois jeter à la face de mon amant : «Je t’ai trompé avec le premier venu. » Je le sais jaloux, et pour le coup, je dévalorise la marchandise, et deviens inconsommable. L’autre est interloqué, il hésite en se demandant si c’est du lard ou du cochon.



Il réfléchit quelques secondes, puis se lance.



Merde, ce n’est pas grand-chose, je m’estimais à mieux, même si mon maquillage est défait et que le rimmel a coulé. Dans le même temps, je prends conscience de ma connerie et suis un peu moins volontaire. Encore que la situation m’émoustille confusément, j’en oublie presque Damien. Si ce type n’est pas une lumière, il n’en a pas moins l’air baisable. J’hésite entre tout envoyer balader ou jouer à la roulette.



Merde alors ! Je n’ai jamais eu de pot dans les jeux de hasard. La marge de rétractation est désormais très réduite, si tant est que je veuille en user. À toutes fins utiles, je décide d’ôter mes escarpins, je me vois mal courir avec des talons de douze centimètres. Je les tiens à la main, lui tient mon bras, je n’avais pas prévu…



La prise est ferme, je me sens coincée. Encore que je pourrais m’échapper, mais l’effet de surprise serait nul. Je dois décider, l’enjeu n’est pas anodin. Les arguments défilent, les rationnels et ceux qui le sont moins, on rejoint quelque part le marais de mes fantasmes. Je n’avais pas imaginé que le jeu puisse être aussi enivrant.



Il exerce une torsion sur mon bras. Je devine qu’il m’invite à me mettre en position, à genoux.



La force du type est telle que je ploie le genou, mais si je me laisse aller et que j’y reste c’est que je le veux. Le sol pavé est rude, ma position est inconfortable, mes genoux écopent, mais je n’en ai cure. J’ai posé au sol ma pochette et mes escarpins. Mes pensées sont confuses, contradictoires. L’illusion d’être avec mon homme n‘est pas absente et pourtant je sais que je vais sucer un inconnu. Il n’est plus temps d’en chercher la logique, je ne m’y essaie pas et me rends aux forces lubriques. Je les laisse m’envahir, prendre possession de moi, comme je prends possession de la queue que l’autre brandit sous mon nez. Elle est d’une dimension fort honorable, déjà bandée, et légèrement odorante, mais ce n’est pas désagréable.


Je l’ai en main et dégage le gland. Elle est légèrement cambrée vers le haut et bandée à l’extrême. Son désir me flatte. J’ai senti le sursaut de vigueur quand je m’en suis saisi. Je ne parviens pas à faire qu’il se reproduise, bien que je le branle. De mon autre main, je manipule ses bourses. Je sais que je vais l’emboucher. C’est la première fois que je taille une pipe à un inconnu, la chose n’est pas évidente, il m’y faut une certaine préparation mentale.


Encouragé par mes bonnes dispositions le bonhomme relâche. Moi, ce serait plutôt l’inverse, j’en suis encore à reculer l’échéance du moment où je vais le prendre en bouche. L’autre s’impatiente, il a le tort de vouloir franchir les étapes en force, il me bouscule et je me retrouve avec son gland au fond de la gorge à m’écraser la luette. Fatal que je réagisse, je m’étrangle, mais si je mords, ce n’est pas volontaire, ou pas vraiment, juste un réflexe. Il me flanque une baffe qui m’envoie sur le cul.



Il brandit sa queue sanguinolente d’une main et de l’autre me balance une nouvelle torgnole à m’arracher la tête. J’en vois trente-six chandelles, mais ne suis pas aveugle pour autant. Il s’apprête à recommencer. Tout va très vite, je ramasse une godasse et lui plante le talon dans la cuisse, puis je décampe sans demander mon reste. Plus tard, je m’arrête à bout de souffle. Il ne m’a pas suivi. Ouf ! Mon soulagement est immense. C’est seulement à ce moment-là que je prends conscience que j’ai le goût de son sang dans la bouche.


Le lendemain, le commissariat m’avise qu’une plainte a été déposée contre moi. Ma pochette et mes escarpins sont entre leurs mains. Je suis instamment priée de donner ma version des faits. J’y vais puisque j’en suis priée. Je me défends naturellement. Que le type soit ensuite soupçonné de viol est une retombée que je ne voulais pas, mais les mailles du filet ne m’ont pas laissé d’échappatoire. Le violeur sera inculpé si le crime est avéré, m’a-t-on dit. Si je me rétracte, c’est moi qui risque de l’être pour faux témoignage et agression. Où va-t-on ?


Damien a appris ma mésaventure, il se sent merdeux et veut absolument me représenter. L’affaire prend des proportions qui me dépassent. Elle n’aurait pas été si loin, si l’autre n’avait enclenché l’engrenage. Qu’aurais-je dû faire ? Que dois-je faire ? Il me souvient d’avoir déjà posé cette question, il y a quelques mois, en d’autres circonstances, sur ce site.