Ce récit est une suite fortuite de l’histoire intitulée « La photo ». On y avait fait la connaissance de deux collègues de travail dont on sait maintenant qu’ils s’appellent Julie et Lucas. À son retour du voyage effectué avec sa compagne, Julie rencontra Lucas au détour d’un couloir, alors que celui-ci avait pu parcourir peu avant leurs photos de vacances. Une de celles-ci montrait Julie marchant sur la plage dans une tenue plutôt dépouillée. S’apercevant de l’émoi de Lucas provoqué par la photo, Julie le pénétra d’un regard intense jusqu’au plus profond de ses pensées intimes. S’ensuivit chez chacun d’eux l’explosion du fantasme d’une relation charnelle enflammée. Au sortir de leur aventure mentale, Julie et Lucas, troublés, poursuivirent leur chemin, après s’être donné rendez-vous à la porte de la cafète pour manger ensemble.
Dingue, complètement dingue. Et il faut que cela m’arrive avec lui, Lucas, mon collègue de travail ! Incroyable. C’est bien les mecs ça. Ils ne peuvent pas voir une photo un peu légère sans s’exciter l’esprit, et un peu plus. Bon, c’est vrai que c’était une jolie photo de moi, presque à poil, qui s’était offerte à son regard avide sans que je le sache. Merci la copine qui lui a montré le cliché qu’elle avait pris avec autant de talent ! Quand j’ai compris qu’il avait apprécié, le mot est faible, les charmants appas de la créature se promenant sur la plage, cela m’a allumée. Je me suis laissée aller à profiter du don, de cette faculté, de pouvoir m’introduire dans le subconscient d’autrui. J’avais pu découvrir et expérimenter cela en vacances avec mon amie. Sans doute parce que nous sommes très entichées l’une de l’autre. Je ne m’attendais pas à ce que je puisse vivre cela avec Lucas. Apparemment oui. J’ai laissé mon regard envahir ses beaux yeux, en impressionner les rétines par surprise, se faufiler dans les méandres de son cerveau pour y rechercher le centre de tous ses plaisirs. Là, je n’ai pu m’empêcher de provoquer l’envol simultané de nos fantasmes entremêlés.
Je me souviens parfaitement du caprice de mon esprit, de ses fantaisies charnelles, dans les moindres détails, jusqu’à l’explosion des sens. Tout cela s’est passé dans un court moment d’égarement commun, alors que nous étions dans ce couloir, lui sur le chemin de la cafète, moi me dirigeant vers mon bureau. Quelques secondes, quelques minutes ? Je ne sais combien de temps cela a duré. Ce dont je me rappelle, c’est de m’être séparée des arcanes de son esprit avec la sensation que mes jambes ne me portaient plus, que j’aurais voulu qu’il me retienne, me prenne, me pénètre. Il s’en est fallu d’un cheveu que je lui grimpe dessus. Je me suis contentée de le frôler de mes seins, d’effleurer du dos de la main une tension qu’il ne pouvait ni maîtriser, ni totalement dissimuler sous sa ceinture.
Ce qu’il ne sait pas, c’est qu’en me retirant de ses pensées, j’ai pu emporter son délire à lui, en fait pas très éloigné du mien, mais guidé chez lui par ses désirs de mâle séduit. Vite, j’ai hâte de retourner à mon bureau pour m’y enfermer et vivre en pensée les sensations que son rêve devait me procurer sur cette plage où nos corps se sont trouvés.
M’y voilà. Je m’assieds dans mon fauteuil. J’incline au maximum le haut dossier. Bien à l’aise. Prête à me laisser accaparer maintenant par son fantasme. Prête à m’abandonner.
Délicieuse la caresse de son souffle sur mes mamelons qui se raidissent. Mais quelle frustration de ne pas l’avoir fait suivre d’une caresse de ses mains. Comme cela aurait été bon de les sentir me pétrir les seins. Je laisse les miennes le faire maintenant, comme je l’entends, comme j’aurais voulu qu’il le fasse. Agréable.
Pas déplaisant le chemin pris par sa caresse aérienne, jusqu’à faire une petite incursion plus intime que mon bikini bridge lui permet de tenter. Cette fois, il a compris que mon corps, que ma peau, attendent une main plutôt qu’un filet d’air. Elle se glisse sous mon string pour mignoter ma toison dissimulée. Ah, il sait y faire le canaillou. Il a l’air d’y prendre un certain plaisir. Autant que moi qui sens une bouffée de chaleur s’emparer de mon visage qui exhale une envie de plaisir.
Ooh comme j’ai besoin de vivre ce que sa main a vécu sur mon petit mont chevelu ! Je fais glisser la mienne sous ma ceinture. C’est un peu étroit, mais je ne vais quand même pas baisser jean et slip dans mon bureau. Suffirait que quelqu’un entre sans frapper… C’est déjà arrivé. Mes doigts s’allongent sur mon pubis, le câlinent. Étonnement, ravissement de découvrir que les doigts recueillent plus de sensations que la peau pubescente. Pas de doute, je comprends pourquoi il s’est attardé à cet endroit.
Retour au trip. Il veut que son regard puisse découvrir ce que sa main recouvre encore. Je l’en empêche en repliant la cuisse sur mon bas-ventre. Avant qu’il ne puisse contempler le trésor toujours caché, je veux pouvoir apprécier sa virilité, être sûre qu’elle pourra me combler. Je l’amène donc à retirer la serviette nouée à sa taille. Je ne suis pas déçue. La chaleur de mon visage se répand partout en moi, irradie mon intimité encore inaccessible, y éveille un essaim de petits insectes volages, y fait sourdre la source d’une liqueur onctueuse. Je rallonge ma jambe, mon bassin se tend vers le ciel. Je me laisse dévêtir. Je m’offre à son regard, nue. Cette jouissance-là me suffirait déjà.
Lui, non, cela ne lui suffit pas. On peut comprendre. Je souris en voyant ses yeux fous voyager sur tout mon corps. Je ris même franchement en les voyant se poser tout à tour sur mes nez, nénés, nénette. Cela le travaille vachement, la vision de ma nudité qu’il convoite. Je savoure cette montée en puissance de ses envies exhibées sous sa ceinture. L’engin me semble très comestible. Je laisse ma main remonter jusqu’à lui, jusqu’au-dessous du gland dilaté. Je m’avance pour le goûter, le flatter, l’exciter, de mes lèvres, de ma langue, de ma salive. Ma main redescend vers deux beaux bijoux ronds et durs, doux et sensibles, les roule amoureusement.
Je sens monter l’envie de m’abandonner à lui, de lui laisser l’initiative. Je me tourne sur le ventre et dévoile une autre facette de mes attraits. Je le devine conquis. Il insinue un genou entre les miens. J’ai hâte qu’il pose ses mains sur mes fesses. Il les met sur le haut de mes cuisses. Je l’invite à les mener plus haut en contractant quelque peu mes muscles rebondis. Message bien reçu, ses mains prennent vigoureusement possession de ma croupe et la traitent comme je l’espérais. Que c’est bon. Surtout qu’il ne s’arrête pas. J’ondule de plaisir.
Ah le traître, il suspend ses rudes caresses. Ses mains entourent ma taille, s’ajustent un instant sur mon dos, remontent jusqu’aux épaules. Se joignant au mouvement, son genou engagé entre mes jambes vient se presser contre ma vulve. Je ressens une délicieuse décharge de suc intime s’écoulant le long de ma fente, entre les lèvres gonflées. Et pendant que ses mains massent, roulent, pincent la base de ma nuque, ma fourche se dandine sur sa cuisse, l’enveloppe, la barbouille, comme j’ai l’habitude de le faire avec ma compagne. Je me cambre, replie une jambe sous moi, puis l’autre, relève la croupe, mais contrairement à ce que celle-ci ressent d’habitude, elle se heurte à une mâle paire de couilles dodues. J’apprécie.
Et bien sûr, il doit le faire exprès, il tue mon moment d’extase alors qu’il recule sa jambe pour empoigner mes hanches de ses mains. Le dénouement est proche. Son sexe s’engage dans mon intimité, doucement, dilatant l’anneau de mon ouverture féminine. Quelle sensation divine. Il est urgent que je me procure cette sensation maintenant dans mon fauteuil. Je veux avancer plus bas ma main figée sur mon pubis pour engager mes doigts dans ma vulve béate et béante. Mon jean est trop serré, trop tendu par mon GSM enfoncé dans la poche. Je l’extrais de mon autre main. Je peux enfin me pénétrer et soumettre tout mon sexe à un mouvement tournoyant, à l’intérieur, à l’extérieur.
Tout mon corps se tend dans l’attente insoutenable de l’envol ultime. Je n’ai plus qu’à crisper un peu ma main pour… Mais… c’est quoi ça ? Mêêêrde, un appel sur mon GSM. Quel est le con qui fait vibrer ma main, alors que l’autre main allait faire vibrer mon con ! Pûûûtain…
oooooooooooooooooooo
- — Salut, Lucas !
- — Ah qui voilà ? Cela fait la deuxième fois qu’on se voit aujourd’hui.
- — En effet. Tu attends quoi pour aller manger ?
- — Figure-toi qu’après que tu m’as montré tes photos de vacances ce matin, j’ai croisé Julie dans le couloir alors que je me rendais à la cafète. Elle m’a proposé de l’attendre à l’entrée pour manger ensemble. Mais cela fait maintenant un petit quart d’heure que je glande ici. Je ne sais pas où elle traîne.
- — Ah bon. Écoute, je vais l’appeler pour savoir quoi.
Pas de chance, si la copine se retrouve à table, ce ne sera pas possible de parler tranquillement avec Julie de ce mystérieux moment de folie qu’elle a provoqué en moi. Tant pis, ce sera pour une autre fois.
- — Allo, Julie ?… Dis, je suis à la porte de la cafète avec Lucas. Il me dit que tu comptais manger avec lui. Comme tu n’arrives pas, il se demande quoi… oui… bien… à tout de suite alors.
La copine referme son GSM, interloquée.
- — Julie me dit qu’on ne doit pas l’attendre. Elle a quelque chose sur le feu, qu’elle doit absolument terminer maintenant. On peut aller manger sans elle. Elle nous rejoindra pour le café. C’est bizarre, elle n’avait pas sa voix habituelle. On y va ? Qu’est-ce que tu veux manger ?
- — Bof, je n’ai pas très faim ce midi. Une petite salade, un verre de vin, et ce sera bon.
- — D’accord, va pour la salade. Il n’y a pas trop de file au comptoir des plats froids… Et toi Lucas, ça va ? Tu m’as l’air tendu.
- — Oui. Enfin non. Comme tu es sa copine, je crois que je peux te dire qu’il s’est passé quelque chose d’étonnant avec Julie tout à l’heure.
- — Ah bon ? Eh bien, raconte-moi ça. On va se trouver une table tranquille là-bas au fond de la salle.
Oups, je n’aurais peut-être pas dû lui lâcher cela. Trop tard pour faire marche arrière. Je prends mon temps pour m’installer en face d’elle. J’entame ma salade, du bout des lèvres. Je la vois m’observer, du coin de l’œil. Et avec un petit air de ne pas y toucher, elle me lance :
- — Alors, tu accouches ? Que voulais-tu me dire au sujet de Julie ?
Je déglutis la bouchée que je mastiquais depuis un moment, bois une gorgée de vin et me jette à l’eau :
- — Quand je l’ai croisée tout à l’heure, je lui ai dit que tu m’avais montré vos photos, que je trouvais très jolies, et cela m’avait permis d’apprécier son bronzage… si tu vois ce que je veux dire…
- — Je vois très bien. Cela a dû lui faire plaisir, non ?
- — Euh, oui, je crois, mais elle a surtout réalisé que c’est à moi que cela avait fait plaisir. Elle m’a regardé fixement, les yeux grands ouverts, un petit sourire énigmatique aux lèvres. Je me suis senti envahi par son regard. Et alors, il s’est passé un moment pendant lequel je me suis retrouvé détaché du réel, mais en sa présence. Et… c’était agréable, très agréable. Je suis un peu gêné de t’avouer cela, vu que vous êtes ensemble, mais comme on se connaît bien…
Sa réaction est inattendue. Elle éclate d’un grand rire. Me regarde un instant, pensive. Se décide :
- — Je ne crois pas que Julie m’en voudra si je te raconte ce qui nous est arrivé en vacances. Alors, cale-toi bien sur ta chaise et écoute. C’était en fin d’après-midi, après avoir randonné dans l’arrière-pays. On décide de se faire un spa pour se détendre. On choisit un jacuzzi pour deux, où on s’allonge la tête aux pieds de l’autre. La surface de l’eau animée par les jets d’eau et de bulles nous massait agréablement la nuque et troublait la vision de notre nudité immergée. Tu vois, j’essaye de te mettre dans l’ambiance avec quelques détails plus… légers. Te connaissant, je ne crois pas que cela te dérangera…
Petite moue d’acquiescement silencieux. Finalement, je ne suis pas mécontent que Julie ne soit pas là pour entendre ce que j’entends.
- — Je continue. Après un moment de pleine détente, je vois Julie qui me regarde intensément. L’amour me dis-je ! Je me sens pénétrée par son regard et ferme les yeux pour le capturer. Il me prend l’envie de la toucher, gentiment. Une petite caresse du pied sur le globe de son sein dont j’avais vu la pointe érigée émerger un peu de l’eau. Surprise totale ! Au moment où mon pied allait la toucher, je sentis l’eau se mettre à vibrer entre nos peaux. Plus fort j’appuyais, plus vives se faisaient les vibrations. Divine sensation ! Je retirais le pied, l’eau retrouvait son calme, juste troublé par les bulles d’air s’échappant des bouches du jacuzzi. Je tends à nouveau le pied vers elle. Même phénomène. C’était comme si l’eau s’électrisait d’une myriade de petites bulles incompressibles s’agitant entre nos chairs dénudées.
Ressentant l’effet que mon pied produisait sur son nichon, Julie avança sa main sur ma cuisse. La même sensation s’empara de nous. Je ne te dis pas l’excitation qui nous prit pour découvrir ce que ces bulles ardentes pouvaient nous réserver comme surprise. On était comme deux gosses ayant reçu un nouveau joujou. Comme on avait chacune la tête à proximité d’une bouche immergée d’où sortait le jet d’air, on eut l’idée d’y coller nos lèvres pour en capturer les bulles, les respirer. Voilà t’y pas que toutes ces petites bulles se mirent à vibrer dans nos poumons en une sarabande frénétique diffusant dans le torse jusqu’à la pointe de nos seins. Étrange trépidation intérieure, incontrôlable, limite orgasmique. Comme nous étions allongées en tête-bêche, on a eu envie de se mettre en position… euh, comment dire… de telle sorte que euh… nos entrejambes s’assemblent. Tu vois, j’ai un peu de mal à rentrer dans les détails, je ne veux pas te heurter.
Alors là, comme il ne faudrait surtout pas qu’elle se prive de me donner tous les détails, je lui sors mon plus beau sourire rassurant en lui glissant à voix basse :
- — Écoute, entre nous, tu peux appeler un chat un chat, et même une chatte une chatte, surtout quand les vôtres vont se dévorer goulûment dans la position des ciseaux ! C’est bien ça que tu voulais me dire ?
Bouche bée d’abord, grand sourire ensuite ! Apparemment, elle a bien capté mon message, et cela me réjouit !
- — Ah là, tu me facilites grandement la vie ! Tu n’as donc pas de mal à imaginer la fusion de nos sexes dans cette pose que Julie et moi aimons particulièrement. Mais là, ce concentré aphrodisiaque d’eau et de bulles entra dans la danse. Nous ne ressentions pas l’habituelle douceur de notre étreinte sensuelle, mais bien une fabuleuse effervescence qui déferlait entre nos lèvres d’amour. Sublime. Et alors que nos vulves se pressaient plus fort l’une contre l’autre, un filet d’eau bouillonnante força l’entrée de notre antre féminine pour y lécher ce qu’elle a de plus sensible. Tu me suis toujours ? Ce fut l’orgasme le plus grandiose que nous ayons connu. Vibrations démentes qui emplissaient nos poitrines, vibrations sournoises qui couraient le long de nos fentes, vibrations insidieuses contre la porte secrète s’ouvrant sur l’explosion de nos plaisirs partagés.
Gloups, elle raconte bien, la copine. C’est comme si j’y étais. Sauf que j’ai quand même un peu de mal à suivre les arcanes de son plaisir féminin. Elle s’interrompt un instant pour boire une gorgée de ce frais petit vin blanc. Je n’ai pas le temps de réagir qu’elle reprend déjà son récit.
- — Il nous semblait évident que cette extase plutôt surnaturelle ne pouvait se prolonger plus longtemps sans danger. Nos têtes retrouvèrent l’air libre et nos corps leur liberté. J’ouvris les yeux et nous vis toutes deux tranquillement allongées sur nos sièges, massées par une eau bien naturelle. En réalité, rien ne s’était passé, sauf dans mon imagination. En en parlant, Julie comprit et admit que c’est elle qui avait déclenché nos délires en me pénétrant de son regard amoureux. Elle aussi avait vécu la même expérience mentale, à peu près identique à la mienne. Et notamment les sensations ressenties dans la position des ciseaux. Que l’on appelle maintenant en rigolant la position du colibri…
- — Du colibri ? Tu veux dire cet oiseau qui bat frénétiquement des ailes pour faire du sur place devant une fleur qu’il envahit de sa langue ?
- — Lucas, tu as tout compris ! Nos sexes étaient cette fleur dont le calice et les pétales palpitaient en pleine résonnance avec les ailes et la langue de cet oiseau bizarre, émulsion d’eau et de bulles.
- — Donc, si je comprends bien, Julie a cette capacité de ravir la pensée d’une personne pour qui elle a de l’affection. Que voilà une ravissante ravisseuse : ravissante de corps, ravisseuse d’esprit. Elle n’a plus qu’à se proposer comme cobaye pour une prometteuse étude de parapsychologie ! Je suis prêt à témoigner de son pouvoir sur ma propre personne. J’en conclus aussi qu’elle a un peu de sentiment pour moi. Quelle agréable surprise !
La copine éclate de rire, et s’empresse d’ajouter :
- — Attends, puisque mon histoire semble t’avoir emballé, je vais t’en raconter une autre. Mais je te préviens, je ne vais pas lésiner sur les détails.
- — Mais j’y compte bien, lui répondis-je, hilare.
Pour sûr, je ne m’attendais pas à ce que leur retour de vacances puisse autant me surprendre et m’enchanter.
- — Voilà. C’était le jour où j’ai pris la photo qui t’a fait rêver. Retour à la chambre en fin de soirée. Lumière éteinte, allongées côte à côte sur le lit, nous passions en revue sur ma tablette les photos que j’avais prises dans la journée. Notre chambre n’avait pas encore été envahie par la fraîcheur de la nuit, mais bien par une douce clarté céleste. Un œil lunaire, rond, blafard, ne se gênait pas pour mâter nos corps nus alanguis sur le drap blanc. Comment tu trouves mon introduction ? Belle ambiance, non ?
- — Pfff, tu sais que pour raconter des histoires, tu es vraiment bonne toi. Tu ne risques pas de m’endormir !
- — J’y compte bien, car la suite en vaut la peine. Nous voilà donc devant l’écran où apparaît notre Julie à la plage ! J’aime son allure, j’aime son corps. « J’adore ton ventre bien plat, je t’envie » lui dis-je. Et elle me répond « J’aimerais qu’il soit plus rond ». Je la regarde, interloquée. Elle poursuit « Oui, j’aimerais qu’il s’arrondisse, pendant environ neuf mois… ». Houla, voilà ma Julie qui me refait sa crise d’envie d’un bébé. On en avait déjà discuté, sans arriver à une conclusion satisfaisante pour nous deux. Et cela la fragilise, c’est sûr. Songeuse, elle me glisse « Un homme qui nous plaise toutes les deux, qui me saute, et qui ne saurait pas qu’il m’a fait un enfant, ça doit pouvoir se trouver, non ? ». Je reste sans voix. Je la regarde, elle me regarde, intensément, et ajoute « On peut toujours rêver, non ? ». J’ai juste le temps d’éteindre ma tablette avant de me sentir basculer dans le monde irréel qu’elle allume en moi.
- — Te voilà donc repartie pour un tour de manège surréaliste ? C’est quoi le thème cette fois ?
- — Ne sois pas aussi impatient, Lucas. Ouvrant les yeux, je nous découvre toujours allongées sur le côté, toujours aussi nues, nous faisant face. Petite nouveauté, entre nous est étendu sur le dos un corps viril. Immobile. À poil. Attrayant. Tout droit sorti de l’imagination de Julie. Le clair de lune sculptait son anatomie de sportive. Un masque d’ombre me cachant son visage, je ne sais si cet inconnu m’était connu. Peu importe, du moment qu’il m’ait laissé par la suite un souvenir ému.
Elle est en effet émue. Une pause s’impose. Se pose entre nous. Je m’interpose, le temps que son émotion diffuse, se dissipe :
- — Dis, j’ai une idée ! Que dirais-tu si je prenais dans ton récit la place de l’inconnu ? Ce serait gag, non ? lui dis-je d’un ton enjoué.
- — Petit futé va, tu ne sais pas ce qui pourrait t’arriver alors. Mais tu peux toujours m’écouter comme si c’était le cas. Moi, je te raconte mon rêve comme je l’ai vécu. Seule la main de Julie touchait l’inconnu, jouant avec les boucles blondes ornant sa poitrine.
- — Jusque-là, cela me correspond assez bien, j’ai bien des poils blonds là où tu dis !
- — Arrête de m’interrompre tout le temps ! Julie invita ma main à se poser à côté de la sienne sur les mâles pectoraux, et on s’amusa à les promener de façon semblable sur sa peau, chacune se réservant la moitié de son corps, moi la gauche, côté cœur, elle la droite, côté queue…
- — … ? Oh, tu me dis quoi là ?
- — Attends… Tu es toujours pressé toi ! Laisse-moi le temps de t’expliquer le tout comme si tu y étais. Côté queue ? Car c’est bien à droite que pointe une aguichante verge au repos, joliment décalottée, souvenir probable d’une érection nocturne, spontanée et inassouvie. Nos mains se mettent à dessiner de symétriques arabesques, sur ses côtes, sur ses abdos, puis de plus en plus bas, attirées par une toison claire qui malgré sa légèreté, nous cache un peu trop deux viriles rondeurs bien gonflées. Au passage, la main de Julie en profite pour replacer dans l’axe ce qui ne l’était pas, bien aidée par une rigidité grandissante.
- — Pour entrer dans les détails, on peut dire que tu y rentres bien. Donc, je vous verrais bien palper et soupeser ensuite une belle paire de couilles avant de prodiguer quelques papouilles à l’intérieur des cuisses, et peut-être jusqu’à la plante des pieds. Je me trompe ?
- — Que nenni mon brave, vous êtes dans le bon ! Un instant plus tard, nous entrecroisons nos doigts pour enserrer avec tendresse ce qui mérite d’être souplement branlé. On y met beaucoup de sensualité, d’autant que nos mains se sentent remerciées par quelques crispations spasmodiques qui ne trompent pas sur l’effet produit. Deux mains jointes aimantes, un peu de nos salives déposées là où nos pouces se mettent à virevolter follement, et voilà notre homme prêt à succomber à toutes nos envies.
- — Avec vous deux, cela ne doit pas être très difficile de succomber, dis-je tout bas, comme à moi seul.
Elle a bien entendu, mais fait comme si de rien n’était.
- — Julie décide de prendre les choses en main… cette fois, au sens figuré bien sûr, ajoute-t-elle, faussement ingénue.
J’ai la sensation qu’elle salive rien qu’à penser à la suite. Peut-être pas autant que moi, qui ne la connais pas, cette suite, mais l’imagine déjà. Et de poursuivre, en revivant visiblement le moment :
- — En repoussant ma main, elle me fait allonger sur le dos, toujours du côté cœur de l’inconnu, ma tête à hauteur de ses cuisses à lui, mes jambes le long de son beau torse. Du côté queue, on retrouve Julie enjambant souplement le bel étalon et, en bonne cavalière montant à cru, elle ajuste son assise sur sa monture en absorbant en elle, d’un seul trait, le mâle appendice tout de désir tendu. Le dressage semble être au menu pour que la bête nous procure tous les plaisirs. Julie lui prend la main droite et l’insère entre leurs deux pubis, les doigts de part et d’autre de la tige enfoncée, paume vers le bas, articulations saillantes vers le haut, juste là où il faut pour pouvoir y étriller la pointe tendue de sa fente béante. Elle ne s’en prive pas alors qu’elle emmène sa monture au pas en ondulant du bassin.
- — Tu me sembles un peu délaissée dans l’aventure, non ? lui dis-je avec une innocence à peine feinte.
- — Du tout, tu vas voir. Julie me saisit la jambe gauche pour l’écarter largement de la droite et la placer en travers du corps de notre noble conquête. Je ne te dis pas la vue que notre ami a sur mon minou désœuvré et imbibé d’une moite impatience. Connaissant bien mes petites préférences, Julie y trempe deux doigts et recueille un peu de ma liqueur pour en enduire le pouce gauche de notre ami. D’autorité, elle l’introduit d’une poussée dans mon intimité accueillante. Le reste de sa main vient tout naturellement emprisonner les délices moelleux que ma féminité lui offre.
- — Ah, il t’a saisie de sa pince d’amour. J’aime bien l’utiliser dans les préliminaires amoureux. Figure-toi que j’en ai rêvé dans mon trip avec Julie.
- — Cela ne m’étonne pas. Julie aussi adore m’en faire profiter. Les mains de notre mec étant maintenant positionnées pour notre plus grand plaisir, elle agrippe ses deux poignets comme une cavalière tient les rênes de sa monture pour la guider et en changer l’allure. Et la voilà lancée au petit trot. Je place mes mains sur la croupe rebondie et rebondissante de Julie pour mieux la suivre dans sa cavalcade alors que deux mains viriles nous malmènent délicieusement le sexe.
Elle s’interrompt soudain dans son récit, les yeux figés sur mes mains, mes mains qui ont pris la pose et le mouvement de celles de l’inconnu qui lutine sans relâche nos deux copines. Je la regarde et sens ses mains se joindre aux miennes. D’un côté, elle enserre mon pouce et blottit son poing fermé dans ma paume. De l’autre, le bout de son majeur s’anime sur les articulations de mes doigts.
- — Lucas, il me semble que tu as vraiment pris la place de l’inconnu, me charrie-t-elle amicalement. Alors d’accord, je vais continuer l’histoire en te faisant passer pour lui ! me dit-elle en accentuant la pression de ses mains sur les miennes.
- — Ah enfin, tu te décides ! Mais je te préviens qu’aux tables voisines, il y a quelques regards furtifs qui nous reluquent. Vaut mieux rester un peu plus discrets si on ne veut pas que ça jase dans les étages cet après-midi ! lui dis-je en pleine connivence.
Du coup, elle retire précipitamment ses mains. Mais voulant garder un contact complice, elle presse le devant de ses genoux contre les miens. Me voilà donc acteur privilégié de son aventure.
- — Soudain, Julie nous pousse au galop. La monture ne se démonte pas pour autant. Les cavalières n’ont plus qu’à se laisser emporter par l’ardeur des mains de notre conquête sur nos sexes offerts. Tourment sublime. Torture exquise. On se connaît trop bien, Julie et moi, pour louper chez l’autre le point de non-retour. Puisque tu es maintenant là avec nous, je n’ai pas à te décrire ce que tes mains doivent ressentir, la décharge simultanée de toute l’énergie charnelle accumulée dans nos conques éclatées.
- — Merci pour ce moment de plaisir partagé ! ajouté-je mi-figue mi-raisin. Et moi dans tout ça, je n’ai pas droit à une petite faveur ?
Sourire de la copine qui savoure à l’avance ce qu’elle va me faire déguster.
- — Justement oui ! Prenant conscience de la nature un peu trop docile et passive de notre fier canasson, je décide de faire basculer Julie à côté de toi. Premier effet visible, et même un peu sonore, la libération d’une belle bite toute raide, surprise de se retrouver bien seule à pointer résolument vers le plafond. Je ne fais ni une ni deux et te force à basculer toi aussi, pour couvrir le corps écartelé de Julie en attente de toi. Par-dessous toi, je me saisis de ton pieu impatient pour le remettre dans le droit chemin. Et te voilà devenu beau missionnaire tout gentil, astiquant soigneusement son goupillon, le préparant à donner sa bénédiction. J’aime autant de dire que, bien placée pour profiter du spectacle de vos sexes réunis, je ne peux empêcher ma main de participer au voluptueux coït qui se déroule sous mes yeux. Je roule tes boules, j’allonge le pouce entre tes fesses, et vas-y que je t’excite jusqu’à petite mort s’ensuive. Mon flair me dit que cela ne va pas tarder. Petite pression supplémentaire du pouce, et c’est parti pour la décharge. Ma main perçoit le déferlement de la première vague. J’entends Julie qui dit « oh oui ». Je t’entends dire « oh non ». Je ne sais pas pourquoi. Faudra que tu m’expliques.
Ben, je ne sais pas moi. Je n’ai pas de réponse à donner. Peut-être que je voulais que ça dure plus longtemps ? Ou que je réalisais que je n’avais pas enfilé de capote ? Trop tard de toute façon ! Bon, raccrochons à ce qu’elle me raconte :
- — Voilà qu’il me vient une envie fantastique, pure chimère, où je me fais devenir petite, toute petite, tellement petite que je peux traverser peau, muscle et chair à la base de ton phallus, pour me retrouver à l’intérieur même de celui-ci, sur le chemin de l’onde orgasmique, à attendre l’arrivée de la seconde vague.
- — Oh, là tu pousses le bouchon un peu loin, lui dis-je tout abasourdi par ses divagations.
- — Eh, c’est mon fantasme, j’en fais ce que je veux. C’est plutôt toi qui pousses le bouchon, et quel bouchon, bien loin, bien au fond. Allez, mange, tais-toi et écoute-moi, j’arrive au bout, si je peux dire. Je vois une blanche écume fondre sur moi. Je me laisse emporter par cette deuxième lame de fond, puissante, impressionnante. Une multitude de petites bêtes vigoureuses me bousculent, minuscules torpilles frétillant sans relâche de la queue. Je me fais absorber par l’une d’elles, et en profite pour prendre la place de ses bagages. Car je me suis assigné un destin… Admirative, je contemple de l’intérieur le spasme qui te donne tant de jouissance. Je suis ta jouissance, qui se retrouve bien vite en terrain connu, l’intimité profonde de ma compagne. Tu peux deviner la suite. Ta petite graine où je me cache joue des coudes, se fraie un chemin parmi ses congénères, arrive à l’entrée d’un passage qui la happe pour me faire remonter jusque-là où la vie peut commencer.
Elle me regarde, un grand sourire aux lèvres, bien consciente de l’effet que son récit produit sur moi. Repoussant mon assiette à moitié pleine, je saisis mon verre de blanc pour le vider d’un trait. J’ai la tête qui tourne un peu, mais ce n’est pas seulement dû au vin.
- — Et maintenant, je suis censé faire quoi ? lui dis-je, troublé.
- — D’abord, tu recommences à respirer. Cela fait un moment que tu es en apnée. À force, tu risques l’apoplexie. Ensuite, tu serais gentil de me libérer les genoux que tu écrabouilles entre les tiens. Cela devient douloureux.
C’est vrai ça, je ne m’étais pas rendu compte que, complètement pris par l’action, j’ai enfermé avec force ses jambes entre les miennes. Je réalise aussi que mon excitation est bien présente à un autre endroit. Rouge comme une pivoine, je lui lance sans retenue :
- — Là, tu as bien réussi ton coup, ou plutôt le mien ! J’en suis tout ébranlé, si je puis dire. Je te préviens tout de suite, si Julie arrive maintenant, c’est pas moi qui me lèverai pour aller chercher les cafés. Je suis hors service pour un moment.
Elle se renverse sur sa chaise en levant les yeux au plafond, et éclate d’un rire entendu. Elle l’interrompt soudain en fixant l’entrée de la cafète.
- — Ah, quand on parle du loup…
Elle ne termine pas sa phrase. Je vois sa tête changer alors qu’elle repousse sa chaise pour se lever. Je me retourne et aperçois la louve, ma ravissante ravisseuse. Elle s’approche, et ça n’a pas l’air d’aller. Elle détourne le regard, ses yeux se troublent, son front se plisse, sa bouche se pince. C’est le visage d’une enfant fragile, désemparée, qui recherche le creux d’une épaule pour s’y réfugier. Sa compagne l’accueille. Elle l’entoure de ses bras, la dorlote un peu, l’écoute, puis me regarde, et me balbutie sourdement :
elle voudrait…
un enfant de toi…
un enfant de l’amour d’un jour…
pour toujours…
Et le jour où tu lui feras…
elle voudrait que je sois là…
Oh la grosse gêne ! Aux tables voisines, les yeux se tournent vers nous. Les oreilles aussi se font indiscrètes. Plus de doute, cet après-midi, ça va jaser dans les étages !