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Temps de lecture estimé : 9 mn
06/05/16
Résumé:  Quelquefois, le trajet domicile-travail peut réserver de très bonnes surprises....
Critères:  fh fplusag hotel cérébral revede confession nostalgie -amiamour
Auteur : Mimi6c      Envoi mini-message
Covoiturage improvisé

« Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître » chantait Charles Aznavour. L’histoire que je vais vous raconter se situe dans le début des années quatre-vingt-dix. À cette époque de ma vie, j’étais employé par une société d’ingénierie et intervenais chez nos clients en délégation de personnel. Tous les matins je partais travailler dans ma caravelle « Coach » Volkswagen, un véhicule exceptionnel dans lequel vous dominez la route puisque vous êtes placés plus haut que le commun des automobilistes. Accessoirement, aux feux rouges, ma position m’offrait aussi de charmantes perspectives sur les cuisses des belles conductrices lyonnaises arrêtées sur ma gauche.



Ce jour-là, comme chaque matin je montais dans mon « camion », direction La Part-Dieu. Au détour de la rue, à l’arrêt de bus, une jeune femme un peu affolée me faisait des grands signes. Je m’arrêtai et descendis la vitre côté passager.



Je ne passais généralement pas par là pour rejoindre le quartier de La Part Dieu, mais je ne pouvais pas laisser cette jolie femme dans l’embarras.



Une fois installée et ceinture bouclée, je pris la direction du centre-ville.


Elle m’expliqua que cela faisait déjà deux ou trois fois qu’elle arrivait en retard depuis le début du mois et que son patron, pas très cool, l’avait dans le collimateur. Elle me complimenta sur le confort de mon « 4x4 » et je n’osai pas lui dire que ce n’était pas un véhicule à transmission intégrale, d’une part parce que ce type de véhicule avait l’air de l’impressionner et d’autre part je n’avais aucune intention de rentrer dans une conversation technique, la mécanique n’ayant jamais été mon fort.


Le trajet se passa de manière plaisante, passant en revue la météo, pas terrible en ce début de printemps, les difficultés liées à la circulation relativement dense en direction du centre-ville, quelques anecdotes sur les habitants du quartier où elle était visiblement bien plus impliquée que moi. Ce babillage léger eut le don de faire passer très rapidement les vingt minutes qui nous permettaient d’atteindre la célèbre place Bellecour, la belle place lyonnaise dont les dimensions dépassent celles de la place Rouge à Moscou ou celles du Zocalo de Mexico.



Je me garai en double file au bout de la place, la Saône étant derrière nous. Si vous vous arrêtez aujourd’hui à ce niveau, vous serez devant « l’Institut », le restaurant-école ouvert au public créé par Paul Bocuse, qui permet aux étudiants de s’exercer en situation réelle de cuisine et de service. Mais à cette époque-là, le bâtiment abritait un hôtel dont j’ai oublié le nom. Vous verrez plus loin dans ce récit que ce détail a de l’importance.


Attendant que le feu passe au vert, je regardai distraitement Sidonie (nous l’appellerons comme cela) s’éloigner en direction de la rue de la « Ré », rue de la République pour les non-initiés.


L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais dans les jours qui suivirent le « 29 » prit la fâcheuse habitude de passer légèrement avant la belle, à moins que ce soit la belle qui s’arrangeait pour arriver quelques secondes après le passage du bus. Toujours est-il que nous prîmes l’habitude de ces covoiturages improvisés, bien avant l’avènement de BlaBlaCar.


J’avoue que les jours où je ne la trouvais pas à l’arrêt du bus j’étais déçu. Au fil des jours notre complicité grandissait et nous prîmes même l’habitude de prendre le temps d’un café, avant de partir chacun vers notre lieu de travail. Les conversations prenaient un ton plus badin, voire beaucoup plus intime. Elle me parlait de son mari qu’elle aimait et pour qui elle avait beaucoup de respect, mais me faisait comprendre qu’elle tenait à son jardin secret et qu’elle avait parfois besoin d’une aventure.


Je me rendais compte que j’étais en train de jouer à un jeu dangereux, que la situation pouvait rapidement basculer. Visiblement je ne lui étais pas indifférent, cela flattait mon ego et puis, soyons francs, cette belle femme à la quarantaine flamboyante m’attirait. Mais le raisonnable en moi essayait de prendre le dessus. Personnellement je vivais une relation très compliquée avec la mère de mes enfants. Nous sortions à peine d’une très grosse crise de couple et nous essayions tant bien que mal de recoller les morceaux. Ce n’était pas le moment de partir dans une aventure extraconjugale même si cela était un prêté pour un rendu. Et puis dans mon fonctionnement, je suis quelqu’un de fidèle, j’aime regarder les jolies filles, mais j’ai beaucoup de mal à franchir le pas. En clair, comme le disait je ne sais plus qui, je ne suis pas un garçon facile… mais ça vaut le coup d’insister (rires).


Sidonie n’était pas du genre à lâcher l’affaire comme cela. Elle imaginait des trucs pour me bousculer, faire réagir ce jeune homme un peu trop distant et pas assez entreprenant à son goût. Elle s’aspergeait de Dune, le parfum de Dior très en vogue à l’époque et dont les notes vanillées sont très reconnaissables, riant en me disant que cela trahirait sa présence dans le camion. Elle faisait des allusions à ma femme, qui devait être vraiment très forte pour s’attacher un homme à ce point-là. Un jour que je la complimentai sur sa tenue et plaisantai sur son corsage qui présentait de nombreux boutons qu’il serait sans doute très long de dégrafer, elle me répliqua en me regardant droit dans les yeux qu’elle n’était pas une femme que l’on déshabille, mais une femme que l’on effeuille. Alors, garçon, tu vas te bouger oui !


Un matin, un événement apparemment anodin fit basculer la situation. Sidonie essayait de monter dans le van, mais elle avait mis une de ces jupes droites serrées en bas que portent les femmes quelquefois et qui les obligent à marcher en faisant des petits pas. Il lui était totalement impossible d’accéder à l’habitacle sans relever assez haut la cause du problème. Totalement hypnotisé par le spectacle qui se déroulait devant moi, je regardai la jupe remonter, d’abord au-dessus du genou puis un peu plus haut, découvrant la lisière des bas, puis les attaches du porte-jarretelles, la peau blanche de ses cuisses. Quel délicieux ballet. Elle m’embrassa et s’assit sur le siège passager, visiblement très satisfaite de l’effet qu’elle venait de produire tout en rajustant sa jupe, mais sans la rabaisser complètement.



Durant tout le trajet, j’eus beaucoup de mal à me concentrer sur ma conduite, encore plus sur la conversation, incapable de détacher mes yeux des cuisses de Sidonie. Mais je n’étais pas au bout de mes surprises alors que je la déposai comme d’habitude devant l’hôtel :



Là, je ne pouvais plus reculer, pris au dépourvu que j’étais par cette proposition on ne peut plus directe. Je me penchai vers elle et lui déposai un somptueux baiser, sans hâte, prenant le temps de savourer cette femme qui a mis le feu en moi. Cela faisait des semaines que l’on se jaugeait, que l’on se regardait et cette attente, loin d’être stérile, avait décuplé notre désir. Ma langue cherchait la sienne, langoureusement. Avec une avidité contenue, elle me mordillait la lèvre inférieure, relançait le baiser. Après une, deux, trois minutes je ne sais pas, je me redressai sur mon siège et essayai de reprendre mes esprits. Je lui expliquai doucement que ce n’est pas possible pour moi de m’absenter ce matin-là, que j’avais entre autres choses une réunion de chantier, une équipe à gérer…


Sans un mot, les yeux brillants, elle ouvrit la portière et se glissa à l’extérieur de l’auto. Je la regardais s’éloigner sans trop savoir quoi dire. La matinée se déroula comme prévu, je traversai la réunion hebdomadaire des responsables de projets comme un zombie, vérifiai que mes gars avaient tous du taf et n’étaient pas bloqués sur un problème. Onze heures, seul dans mon bureau à fixer le combiné du téléphone, je décidai de composer le numéro qu’elle m’avait donné une fois je ne sais plus pour quelle raison, espérant tomber directement sur elle.



Je m’appliquai à la rassurer, lui dire que je ne regrettais rien de ce qui s’était passé le matin, que j’avais adoré l’embrasser. J’ajoutai que je serai ravi de l’inviter au restaurant le lendemain. J’expliquai qu’il serait prudent qu’elle se rende disponible l’après-midi, on ne sait jamais, le service peut parfois être très long dans les restaurants lyonnais !


Je passais derrière deux autres coups de fil, l’un pour prévenir ma société que je ne serai pas chez mon client le lendemain après-midi, l’autre pour réserver une chambre au Sofitel, aujourd’hui le Radisson Blu Hôtel en haut de la tour du Crédit Lyonnais. Je prenais un risque, mais espérais bien un agréable retour sur investissement le lendemain.


Le lendemain justement, je décidai de partir un peu plus tôt, histoire de descendre seul. Je n’étais pas sûr que Sidonie accepte mon invitation après l’acte manqué de la veille. Je voulais l’attendre, l’espérer, la découvrir devant le restaurant où je lui avais donné rendez-vous. Je saurai alors seulement si elle avait réservé son après-midi. La matinée traîna en longueur, je passais plusieurs fois aux toilettes vérifier ma coiffure, ma cravate, j’essayais de faire passer ma nervosité. On aurait dit un gamin de seize ans devant son premier rendez-vous galant.


Enfin me voilà devant le restaurant et, après quelques minutes d’attente, Sidonie apparut, vêtue d’une longue jupe, d’un chemisier brodé et d’un blazer, perchée sur des escarpins rouges du plus bel effet. Je m’avançai, déposai un baiser sur ses lèvres, la pris par la main et l’entraînai dans le restaurant où j’avais réservé une table un peu à l’écart. Je reculai la chaise pour lui permettre de s’asseoir, la galanterie c’est dans les gènes, et m’installai en face d’elle. Mon regard se plongeait dans le sien, ma main prenait sa main qu’elle avait négligemment laissé traîner sur la table. Elle ne la retira pas.


C’est fou ce que le regard peut raconter sans même avoir besoin de parler. Je vis dans ses yeux une certaine réserve, une retenue qui s’expliquait par mon attitude de la veille. Les miens voulaient la rassurer, lui dire que je n’allais pas me dégonfler et que ce jour-là, j’étais enfin prêt à lui offrir ces instants de plaisir et de bonheur que l’on vole parfois à la vie. Je vis que le message était passé à la façon dont elle se détendit, la conversation devenant légère, pleine de sous-entendus. Nous avons beaucoup ri. Je commandai les cafés, demandai l’addition, le temps était venu de trouver des contrées plus intimes.



Je ne sais trop comment nous nous sommes retrouvés dans l’immense chambre d’hôtel. De la fenêtre nous avions une vue magnifique sur la ville, mais nous n’étions pas là pour ça. Je tamisai un peu la lumière en jouant avec les stores vénitiens, me retournai et la pris dans mes bras. Nous échangeâmes un baiser passionné, nos mains cherchant nos corps débordants de désir.


Aucune partie n’échappa aux caresses, aux baisers. Nous nous sommes longuement, lentement déshabillés, effeuillés aurait-elle dit, explorés, reniflés, caressés. Nous avons fait plusieurs fois l’amour, entrecoupé de moments plus calmes, sensuels et câlins.


Je garde un souvenir ému de cette relation empreinte de respect, je ne dirais pas d’amour, mais plutôt d’amitié amoureuse. Son côté suranné aussi, car après avoir fait plusieurs fois l’amour nous n’avons jamais cessé de nous vouvoyer. Je crois que nous avons réussi quelque chose de rare, sans prise de tête, chacun donnant du plaisir à l’autre en sachant que nous n’irions jamais plus loin. Pas de souffrance, juste de l’amour gratuit.