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Temps de lecture estimé : 38 mn
16/05/16
Résumé:  Rachel me demande de lui raconter comment j'ai perdu ma virginité.
Critères:  fh fplusag jeunes vacances humilié(e) vengeance contrainte voir facial fellation pénétratio init confession -prememois -inithf
Auteur : Amateur de mots et de...            Envoi mini-message
Perte de ma virginité

J’ai à peine envoyé à Revebebe le dernier souvenir que Rachel m’a dicté, qu’elle me presse déjà de lui raconter comment j’ai perdu ma virginité. Serait-ce le printemps et les premiers beaux jours qui la rendent si curieuse, ou le fait que nos échanges sont toujours les prémices de rares, mais merveilleux après-midi amoureux et érotiques ?


Rachel, pelotonnée sur le divan, les yeux fixés sur le plafond, laisse couler la trame de ses souvenirs que je dénoue patiemment. Je sais que par pudeur, elle édulcore parfois certains détails lorsqu’il s’agit d’actes sexuels ou de caresses très intimes et qu’il me faut alors utiliser les armes de ma douce persuasion. Lorsqu’elle a estompé une scène, elle se tait, immobile, attendant mes questions pour préciser et poser le mot juste sur un détail. Au début de nos échanges, et malgré sa grande liberté dans l’intimité de nos jeux amoureux, elle rougissait à mes investigations quand celles-ci se faisaient plus explicites et concernaient certains éléments à caractère sexuel : couleur d’un mamelon, goût des sécrétions, particularité d’un organe, odeur des corps emmêlés… À mesure de nos confidences, j’ai finalement compris que mes perquisitions quasi chirurgicales dans le cercle de son intimité généraient davantage d’excitation que de gêne.


La perte de ma virginité… Voilà le souvenir que Rachel voudrait que j’extraie des brumes de mes souvenirs. Encore que ce genre d’aventure ne fait pas partie des événements qui s’effacent facilement. Le premier baiser « avec la langue » peut éventuellement s’oublier quand il se perd dans les effluences alcoolisées d’une « boom de garage » ou d’une « surprise party » – ces deux dernières expressions ramèneront certains lecteurs et lectrices quelques décennies en arrière.


Rachel a repris sa place dans le canapé de la petite maison de bord de mer, héritage familial que je conserve et qui nous sert de refuge. Nous sommes censés, pour nos conjoints respectifs, être en randonnée dans les monts d’Arrée. Nous avons fait l’amour après le pique-nique improvisé devant la cheminée, et ma jeune maîtresse sort de la douche, les cheveux encore humides. Enveloppée dans un peignoir de coton blanc, elle a posé ses jambes sur l’accoudoir, les pieds tournés vers les dernières braises qui s’éteignent dans l’âtre.



Rachel a couvert sa tête d’un coussin et s’est recroquevillée pour prévenir le jet inévitable de représailles. Je cherche autour de moi l’objet qui pourrait me servir de messager pour répondre à l’effronterie de cette adorable petite gamine.



Le velours s’écrase avec une précision involontaire sur le visage de l’insolente qui, pour l’éviter, a vainement tenté de faire de ses jambes un obstacle entre le lanceur et la cible. Le brusque mouvement de défense n’a eu pour effet que de faire glisser le coton du peignoir et de dévoiler ses cuisses pâles, la naissance de ses fesses et le buisson doré qui fleurit entre ses cuisses.



Le rire juvénile de Rachel emplit la pièce et, en geste de provocation, elle me tire la langue en ouvrant largement ses cuisses.



Les jambes écartées en ciseau, elle expose à mon regard la touffe encore humide de poils blonds qui tapisse la fourche de ses cuisses d’où émergent les lèvres carmin du sexe dont je me suis rassasié il y a quelques minutes.



Rachel a rabattu les pans de son peignoir et tiré sur le plaid posé sur le dossier afin de s’y emmitoufler.



J’ai posé les doigts sur le clavier de l’ordinateur, lapé le fond de Bordeaux rescapé de notre repas et, après les quelques minutes nécessaires pour regrouper mes souvenirs, je commence le récit de cet épisode que j’aide à émerger lentement de l’épais brouillard où il était enfoui.


Je me souviens pourtant précisément de la date où j’ai perdu cette virginité qui l’intéresse tant. C’était en 1981, le 16 juillet précisément. Deux mois plus tôt, François Mitterrand avait été élu Président de la République. Après un hiver glacial, la famille avait, comme chaque année, migré sur les rivages de la mer d’Iroise. L’été s’annonçait maussade et selon la formule consacrée, bien en dessous des normales saisonnières.


Autour de l’inamovible noyau familial, la dernière semaine de juin avait été rythmée par les arrivées et les départs d’oncles, de tantes, de cousins, de cousines. Un soir, maman nous annonça, sans enthousiasme particulier, l’arrivée pour deux semaines d’une de ses amies, jeune veuve, qui « saurait retrouver un peu de calme et de sérénité chez nous, à condition que vous y mettiez tous du vôtre, les enfants ».


Nous connaissions Marie-Laure depuis notre plus tendre enfance et savions qu’elle avait été pensionnaire avec maman. Un terrible accident de la route, survenu quelques années plus tôt, avait fait d’elle une veuve prématurée. Mes parents, très proches du couple, avaient fait alors preuve de beaucoup d’attention l’année qui avait suivi l’épouvantable événement, mais cette proximité semblait s’être distendue de façon brutale. Il me semble que c’était maman qui était à l’origine de cette subite distance et elle ne prononçait plus le prénom de son amie qu’avec une certaine acrimonie. Les années passant, les deux amies s’étaient à nouveau rapprochées et les conversations entre mes parents s’étaient apaisées quand son nom était évoqué. J’étais conscient de ce retour en grâce, mais je ne m’étais jamais vraiment posé la question de l’origine de ce froid entre les deux amies. Mon statut d’enfant m’interdisant d’imaginer la vie privée et encore moins intime de mes parents, ce n’est que bien plus tard que je compris que ma mère avait soupçonné une liaison entre son mari et son amie.


C’est le 2 juillet vers 14 h que la voiture s’engagea dans l’allée de tilleuls. Le crissement des pneus sur le gravier était notre sonnette et j’entendis en écho maman sonner le rassemblement de sa nichée.



Occupé à bricoler le vélo d’une de mes jeunes sœurs, je posai à regret le tournevis et me dirigeai à pas lents vers le perron tout en essuyant la graisse qui tachait mes mains de mécanicien improvisé. L’idée d’aller saluer Marie-Laure ne provoquait chez moi aucun sursaut d’euphorie d’autant plus qu’elle venait sans sa fille, Camille. Je la connaissais pour avoir fréquenté les mêmes soirées étudiantes à Paris et l’annonce de la visite de sa mère m’avait fait espérer qu’elle l’accompagnerait. Sa présence pendant une quinzaine de jours en Bretagne avait fait naître chez moi l’espoir d’un flirt et même la conviction que c’était avec elle que je perdrai ce pucelage qui commençait à me paraître un peu tardif.

Maman et mes sœurs embrassaient la nouvelle arrivée. Je m’approchai et tendis la main.



Le ton mollement condescendant sur lequel elle avait prononcé cette dernière phrase me fit d’autant plus l’effet d’une gifle qu’elle l’avait utilisée devant ma mère et mes jeunes sœurs. L’impression d’arrogance que je soupçonnai dans sa voix fut renforcée par la poignée de main virile qu’elle mima en réponse à ma main tendue.

Détournant la tête, elle revint vers la voiture et en sortit deux valises qu’elle confia aux soins de mes jeunes sœurs avant de suivre ma mère qui l’entraîna vers la maison.

Je restai immobile au pied du perron, froissé par l’ironie que j’imaginais dédaigneuse de cette femme que je classai d’emblée sur l’étagère des vieilles pimbêches snobs et prétentieuses.


Pendant toute la première semaine qui suivit, je me tins à l’écart de la nouvelle venue, évitant soigneusement de la croiser ou de rire à ses plaisanteries, ruminant ce que je considérais comme un outrage à ma jeune, mais fière virilité.

À mesure que les jours passaient, maman et Marie-Laure semblaient retrouver leur complicité passée et je fus même surpris de voir ma mère, sur l’insistance de son amie, accepter de se mettre en maillot de bain pour profiter du soleil. De la fenêtre de ma chambre j’avais assisté à cette scène assez rare de voir ma mère et l’arrogante Marie-Laure se prélasser dans les chaises longues en s’enduisant mutuellement d’ambre solaire.


Malgré mon dépit et la rancœur que je cultivais envers celle que je considérais comme une vieille mijaurée, je m’attardai à l’abri des persiennes entrouvertes.

Marie-Laure, dont j’estimais l’âge canonique à environ cinquante ans, était allongée sur un transat, le visage protégé par un large chapeau de paille sortie d’une malle du grenier. Maman, peu habituée aux séances de bronzage avait ressorti un maillot de bain une pièce en lycra bleu que je ne l’avais pas vu porter depuis des années. Celui de son amie ne manqua pas d’attirer mon attention. Non pas que je puisse être choqué par un maillot deux-pièces – mes cousines et mes sœurs en portaient –, mais qu’une femme de son âge, aussi pudibonde, pût s’exhiber ainsi me surprenait.


Aujourd’hui, tout cela pourrait sembler un peu vieux jeu, mais, dans le contexte familial de l’époque, il n’était pas courant de voir sur la pelouse de la maison une femme de cet âge dans cette tenue. Je n’avais pas vu Marie-Laure depuis des années et le souvenir que j’avais d’elle était celui d’une femme assez mondaine, plutôt austère, vêtue comme une dame patronnesse de province. Je crois que je ne l’avais jamais vue autrement qu’en tailleur ou à la rigueur, l’été, quand son mari était vivant, en robe plus légère, mais toujours très classique.


Marie-Laure était une femme non pas forte, mais bien en chair, encore qu’aujourd’hui je dirais « épanouie ». L’ensemble des rondeurs était bien proportionné. Les épaules rondes et potelées, la poitrine que je devinai généreuse sous le tissu, le ventre un peu rond, mais apparemment toujours ferme, les cuisses charnues sans excès. Mon regard détailla avec de plus en plus d’attention, voire de plaisir, le corps livré aux rayons du soleil. Après les jambes, je remontai vers le bas du maillot de bain. Bien éloignée des strings d’aujourd’hui, la culotte blanche immaculée était relativement échancrée et se terminait par un anneau doré en remontant assez haut sur les hanches. Le tissu était tendu sur la peau, sans un faux pli et je tentai depuis mon poste de guet de deviner l’ombre ou le pli qui allait me révéler un détail de ce qu’il était sensé masquer. De ma position, le soleil plombant sur le tissu empêchait toute observation précise. Les yeux écarquillés, je tentai vainement d’apercevoir entre les cuisses paresseusement écartées, le pli indiquant la fente qui excitait tant mon imagination et mes fantasmes, mais que, jusqu’à ce jour, je n’avais scrutée que sur les pages glacées des « Lui » que j’avais laissés dans ma chambre d’étudiant.


À mesure que je détaillai les charmes de ma proie, je sentis dans mon pantalon de toile se délover mon jeune sexe qui lui n’avait que faire de mon ressentiment et de mes préventions à l’égard de Marie-Laure. Doué d’une vie et d’une conscience propres, il se contenta de me rappeler que derrière celle que je considérais comme une vieille petite bourgeoise prétentieuse et maniérée, il y avait un corps de femme, c’est-à-dire une bouche, des seins, un sexe et des fesses. Les sexes masculins ont très probablement un nombre de neurones moindre que leur propriétaire et, dans cet instant, il se contentait de réduire Marie-Laure à de la chair appétissante, des organes tièdes et accueillants, des parfums enivrants. Caché par le rideau que le vent faisait faseiller, je continuai mes investigations en laissant libre cours aux fantasmes ordinaires d’un jeune homme en attente de sevrage. Marie-Laure se levant, je me glissai légèrement derrière la persienne pour éviter d’être surpris.



Du haut de mon perchoir, je suivais le large chapeau de paille se déplaçant avec nonchalance sur le gravier. Heureux pouvoir de l’imagination, de ses espérances et de ses mystères ! Mais, comme la langue d’Ésope, la folle du logis est capable du meilleur comme du pire. Le mot de douche fit jaillir en moi des images de corps dénudés, de vapeur étouffante, de sueur. Les sévères leçons du maître de morale que j’avais eu en pension et qui faisaient rire sous cape tous les élèves, me revinrent à l’esprit :



Avec la fulgurance mystérieuse que seul l’imaginaire d’un jeune étudiant en mal de sensualité peut générer, j’associai à la notion de douche, la chambre d’amis dans laquelle l’imposte vitrée au-dessus de la porte donnait sur la salle de bain mitoyenne.

Je quittai mon poste d’observation et, sur la pointe des pieds, me glissai dans la chambre vide. Marie-Laure apparut au bout du couloir à l’instant où je refermai délicatement la porte.


Elle chantonnait en marchant lentement vers sa chambre. L’oreille tendue, le souffle court, j’analysai chaque bruit pour tenter de reconstituer la scène, attendant le moment où elle se dirigerait vers la salle de bain. Après quelques minutes qui me parurent une éternité, alors que j’allais abandonner tout espoir de pouvoir la surprendre au bain, je l’entendis sortir de sa chambre, se diriger vers le cabinet de toilette et en pousser le verrou. La pièce donnant sur la chambre où j’étais tapi, je vérifiai que le verrou intérieur était bien poussé de mon côté. Marie-Laure fredonnait l’improbable « Carnaval sans chemise » de Rika Zaraï, sans se douter que, penché sur le trou de la serrure, je pestai que ce dernier soit masqué par ce qui devait être une sortie de bain accrochée à une patère. Sans bruit, gagné par une excitation qui éclipsait ma peur, je tirai une chaise contre la porte et me hissai jusqu’à l’imposte vitrée.


À mon grand regret, au moment où mon regard plongeait enfin dans la salle de bain, elle avait déjà ôté son maillot de bain. J’aurais aimé voir ses mains dégrafer le soutien-gorge, ses doigts se glisser sous l’élastique de la culotte et ses jambes se lever l’une après l’autre pour s’en débarrasser. Mais la scène qui s’offrait à mes yeux ébahis balaya ma déception.


Marie-Laure, entièrement nue, debout face à la psyché, observait son corps en se tordant, selon un rite si féminin, pour tenter d’apercevoir ses fesses dans la glace. Elle posa une main sur son ventre comme pour en éprouver la fermeté puis soupesa sa poitrine. Ses seins généreux me fascinaient. Lourds, sans mollesse, ils s’affaissaient mollement sans se répandre, ornés en leur centre d’aréoles très sombres, larges et légèrement grumeleuses. Elle posa les mains en conque et les souleva, pinçant et étirant délicatement les mamelons comme pour les libérer de la compression du tissu. Cette scène volée d’une femme au bain déclencha chez moi une érection incontrôlable. Je glissai une main sous la ceinture de mon pantalon et empoignai mon sexe : Sois sage, ô ma douleur et tiens-toi plus tranquille…

Ma nouvelle Suzanne au bain ôta le chapeau de paille qu’elle avait conservé et l’accrocha à la patère avant de se diriger vers la douche. Le rideau de coton blanc tiré, il ne me restait que le bruit de l’eau et la vapeur qui envahissait progressivement la pièce.


C’est probablement de cette époque que date mon penchant pour une forme légère et ordinaire de voyeurisme. Au-delà de la transgression de l’interdit social qui protège l’intimité des personnes, la curiosité de voir l’invisible, de dérober à la sauvette un secret, de percevoir ce que l’éducation a exclu, est à mon sens l’un des plus puissants ressorts de l’érotisme. Quoi de plus émouvant qu’une femme à sa toilette, surtout quand l’émotion est tout autant soutenue par la mise en danger de soi-même, tout autant que par l’objet observé.


Adulte, mais encore adolescent sur le plan sexuel, je n’avais pour toute expérience réelle dans ce domaine que la courte, mais intense aventure homosexuelle vécue au pensionnat comme ersatz à l’absence de filles. Pour ce qui était de la nudité féminine et de ses mystères, hors les pages des magazines, je n’avais que la vision fugace et sans préméditation, d’une de mes cousines se déshabillant. Encore que l’entrebâillement d’une porte mal fermée ne m’avait permis d’entrevoir qu’une tendre paire de fesses roses vite recouvertes par le coton d’une culotte. Marie-Laure, à mes yeux, était, une vraie femme, une femme mûre qui avait été mariée et devait donc être expérimentée.


Sortie de la douche Marie-Laure s’enveloppa à mon grand regret dans une serviette qu’elle noua au-dessus de sa poitrine. Mes yeux suivaient le mouvement de l’éponge. Mais à peine pouvai-je entrevoir sa main passer sur ses fesses puis se glisser entre les cuisses que la voix d’une de mes sœurs résonna dans le hall. Je quittai mon observatoire en pestant intérieurement contre cette « interruption involontaire du programme » et rejoignis ma chambre la tête pleine d’images et le sexe douloureux par la tension.


À partir de cet événement, mes vacances prirent une autre tournure. J’étais obsédé par le corps de cette femme mature, de trente ans mon aînée. J’en oubliais même mes premières préventions à son égard et, si sa morgue et sa distance m’agaçaient encore, j’avais réduit cette brave dame catéchiste à un corps à épier. Pendant plusieurs jours j’imaginais tous les subterfuges pour tenter de renouveler la séance d’observation, mais à chaque fois, un imprévu faisait échouer mes plans.


Un après-midi, ma mère dut s’absenter pour aller au chevet d’une vieille tante et laissa son amie seule. Je remerciai le ciel pour cette opportunité et échafaudai tous les plans possibles pour essayer de la surprendre dans son intimité, lorsque la voiture de mon père se gara devant le perron.



Il paraissait contrarié et se lança assez maladroitement dans de difficiles explications pour justifier sa présence en plein après-midi.



Je le laissai, enfilai des bottes et une paire de gants et me dirigeai vers la serre. Les tentatives oiseuses de justifications paternelles, l’absence de maman, les années de froid entre les deux amies, les insinuations à mi-voix de cette dernière quant à la proximité douteuse de son amie et de son mari, et les paroles acerbes, mais étouffées entre mes parents au sujet de Marie-Laure… tout un faisceau de présomptions s’accumulait comme pour me signifier la pertinence de mes soupçons… À mesure que j’avançai, un doute sournois s’immisça et s’ingénia à assembler les pièces d’un puzzle fantasmé.


Malgré la pauvreté de ma vie sexuelle, je n’étais pas complètement naïf sur la nature humaine. Je n’avais jamais imaginé mes parents comme un couple et comme tous les enfants, qu’ils puissent avoir une vie sexuelle et amoureuse. Pour l’heure, je voyais mal mon père dans le rôle de madame Bovary, épris d’un idéal romantique qu’un « mariage insipide et l’ennui conduisent à l’adultère ». Mes études littéraires m’avaient ouvert l’esprit sur l’hommerie et la notion d’adultère, et cette dernière, bien que très universitaire, n’en était pas moins une réalité humaine. Du « Diable au corps » de Radiguet, à « La femme du boulanger » de Pagnol en passant par « La femme d’un autre » et « Le mari sous le lit » de Dostoïevski, la littérature fourmillait de ces amours adultérines.


Je rebroussai chemin, soupçonneux. Marie-Laure et mon père… ensemble… faisant l’amour… tout devenait possible. J’ouvris la porte du hall avec précaution, enlevai mes bottes et, après avoir constaté que mon père ne se trouvait pas dans son bureau, je montai sur la pointe des pieds les escaliers qui conduisaient aux chambres. Arrivé sur le palier du premier étage où se trouvait la chambre de Marie-Laure, je m’arrêtai. À l’image du setter familial à l’arrêt, j’essayais de percevoir et d’interpréter chaque son. Pas un bruit. Où pouvaient-ils être ?


Un bruit étouffé au deuxième étage relança ma chasse. Les marches du deuxième étage furent survolées sans le moindre grincement. Arrivé sur le palier, les voix chuchotées se firent plus distinctes. Un rai de lumière se dessinait sous la porte d’une chambre qui ne sert habituellement qu’en cas de surpeuplement estival. La respiration bloquée, à la limite de l’apnée, je m’approchai de la porte et me penchai vers la serrure. Par chance cet étage n’avait pas encore été rénové et l’ancienne serrure laissait aux curieux de mon espèce des possibilités inespérées. Tout en restant attentif au moindre bruit qui m’aurait alerté d’une arrivée intempestive, je collai mon œil au plus près du métal froid. Par chance la clef tournée ne bloquait pas la vue. La première image qui m’apparut, fut celle d’une paire de fesses masculines et d’un pantalon baissé que j’identifiai immédiatement comme appartenant à mon père. Les mains, posées sur ses hanches et les épaules agitées d’un léger balancement d’avant en arrière ne pouvaient être que celles de Marie-Laure. Inutile d’être un spécialiste du Kamasoutra – et j’étais loin de l’être – pour imaginer la caresse que cette dernière administrait à mon père. La lecture assidue de certaines revues et mes premières expériences sexuelles avec un camarade de dortoir m’avaient déniaisé quant à certaines caresses, mais, à mon grand regret, je ne les avais jamais expérimentées avec une femme.


La bouche grande ouverte pour éviter que mon souffle me trahisse, l’œil écarquillé contre le trou de la serrure, je restai interdit devant cette scène. Ainsi, mon père, ancien officier de marine reconverti dans la banque ; mon père, que sa réputation d’austérité précédait bien avant celle de « bel homme » ; mon père se tapait la mère Marie-Laure. Mon esprit, tout occupé à ses observations évitait de prendre la pleine mesure de cette révélation, se fixant sur les mains manucurées de l’amie d’enfance de ma mère. Les doigts pétrissaient les fesses paternelles, se glissaient entre les cuisses, s’insinuaient même dans la raie du postérieur de mon irréprochable géniteur. Les bruits de succion et les grommellements de satisfaction des deux amants se faisaient plus audibles. Absorbés par leur plaisir, ils avaient oublié la sourdine qui étouffait leur voix.



La voix de Marie-Laure trahissait l’absence totale de remords, mais seulement la crainte d’un horrible scandale. Elle minaudait, une main accrochée au sexe de mon père. Il s’était légèrement déplacé et la lumière filtrée par les rideaux éclairait maintenant le visage de sa partenaire. C’était bien elle ! Son petit air pincé de mijaurée s’était effacé et dévoilait à travers la sueur qui faisait briller son visage et la rougeur qui colorait ses joues, sa véritable nature, du moins celle que je soupçonnais : Marie-Laure sous ses allures de dame patronnesse donneuse de leçon – surtout de bienséance et de moralité – se révélait être la salope sur laquelle je fantasmais depuis que je l’avais épiée, nue, dans la salle de bain. L’adjectif de salope dont je l’affublai n’était, je le comprends aujourd’hui, que le fruit un peu blet de mes fantaisies nocturnes et de ma jalousie.


Elle se faisait baiser par mon propre père, honorable et austère capitaine de corvette reconverti dans le tripatouillage de fonds de pension. Au-delà du ressentiment qui montait en moi, j’étais obsédé par le tableau du couple adultère. Mon père venait de se débarrasser de son pantalon et de ses chaussures à grand renfort de tortillements de hanches et Marie-Laure finissait de déboutonner son sage chemisier blanc à rayures bleues d’où s’échappaient, débordant par-dessus son soutien-gorge, ses deux seins. La tenue de mon père nu, en chemise et chaussettes ajoutait, à mes yeux, au ridicule de la situation. Avec un empressement fiévreux, il s’acharna sur la fermeture éclair de la jupe et la fit glisser le long des jambes potelées puis, avec la même exaltation fébrile, il se saisit du collant et de la culotte auxquels il fit suivre le même chemin. Marie-Laure finissait de dégrafer son soutien-gorge alors que mon père la renversait en travers du lit et, saisissant les chevilles, ramenait les jambes de sa maîtresse contre sa poitrine en les écartant. L’angle, que le trou de la serrure m’offrait, ne me permettait pas, malgré mes tentatives désespérées de voir avec précision la touffe de poils bruns que j’avais observée à travers l’imposte embuée. J’aperçus l’ombre fugace de la fourche mystérieuse quand la tête de mon père, attirée par les mains de Marie-Laure, s’y enfouit avec voracité. Les halètements de Marie-Laure se muèrent alors crescendo en un long gémissement.



Au bout d’un quart d’heure, satisfait de son ouvrage ou pressé de reprendre son souffle, mon père s’extrayait de l’étau des jambes et se relevait. J’aperçus son sexe, épais, court, noueux comme un bâton de marche. Sans hésitation, l’air martial, il fit un pas et d’une seule poussée s’enfouit entre les cuisses qu’il venait de quitter. Marie-Laure se mit à ahaner à mesure que les poussées du bassin se faisaient plus rudes, plus rapides.


Une cavalcade accompagnée de rires au rez-de-chaussée m’alertèrent et je me redressai avec autant de vivacité qu’un bœuf sous l’aiguillon. Le visage en sueur, le souffle court, je rejoignis le palier sur la pointe des pieds et descendis à l’étage au-dessous. Je me glissai dans la salle de bain au moment même où une de mes sœurs, poursuivie par la plus jeune apparut sur le palier.


Le soir, au dîner, mon père, les yeux plongés dans son assiette, silencieux, jetait de temps en temps un regard furtif vers sa maîtresse. Ma mère, naïve et enjouée, babillait, entraînant son amie dans des conversations futiles. J’observai à la dérobée Marie-Laure et restai médusé par son aplomb. L’image de cette femme nue, haletante, en sueur, besognée par mon père, minaudant à présent, souriant, éclatant de rire avec un naturel désarmant faisant croître en moi un mélange de colère sourde, de jalousie et probablement d’envie.


À l’issue du repas, maman prépara la tisane vespérale. Mon père qui n’avait pas dit un mot de la soirée prétexta des courriers urgents pour s’enfermer dans son bureau. Post coïtum, homme triste ? Mes sœurs étaient montées se coucher, je suivis machinalement le mouvement vers le salon et m’y installai, légèrement en retrait des deux femmes qui papotaient


Le téléphone dans le hall d’entrée sonna, maman se leva en s’excusant, nous laissant, Marie-Laure et moi-même, seuls dans la pièce. Faute d’interlocutrice, elle se tourna vers moi en tenant sa tasse d’une façon si maniérée que mon ressentiment redoubla. J’essayais de contrôler le sentiment de colère qui m’agitait. Ce n’est pas que mon père puisse avoir une maîtresse qui me dérangeait, mais avec mes yeux d’à peine plus de vingt ans, c’est que celle-ci soit la « meilleure amie » de ma mère et qu’elle puisse s’en jouer avec autant de duplicité.



Épatant ? et pourquoi pas chouette ! Le vocabulaire et le ton chichiteux de cette salope m’exaspéraient au plus haut point.



Je laissai volontairement mes paroles en suspens et, après un silence parfaitement mesuré, je continuai, étonné de mon propre machiavélisme.



Interloquée, Marie-Laure ne répondit pas. Son regard cherchait le mien avec un mélange d’inquiétude et de surprise. Relativement fier de mon effet, je continuai.



Après un long silence, Marie Laure reprit avec agacement.



Me souvenant d’une phrase piochée dans un bouquin, je me l’attribuai en prenant un air faussement docte et particulièrement prétentieux :



Assez satisfait, je pensai avec une certaine forfanterie donner l’estocade.



Marie-Laure était blême. Ses lèvres serrées et ses yeux gris traversés d’éclairs de méchanceté en disaient long sur sa surprise et son trouble.


Entendant maman raccrocher le téléphone, je me levai et quittai théâtralement le salon, drapé comme un acteur dans ma fatuité. Je franchissais le seuil et m’apprêtais à rejoindre ma chambre quand un sifflement vipérin parvint jusqu’à moi.



Il fallait que la colère soit particulièrement forte pour qu’une telle phrase franchisse les lèvres d’une honorable dame catéchiste. En lâchant ces mots, qui avaient pour but de me blesser, elle révélait sa véritable nature et mettait au jour sa duplicité.

Je reçus cette phrase comme la morsure du fouet. Une gifle publique n’aurait pas davantage atteint ma fierté de jeune homme. Pour être puceau, je n’en étais pas moins homme et cette peste allait s’en rendre compte.



Je remontai dans ma chambre et me jetai sur mon lit en cherchant de quelle manière j’allais pouvoir me venger. Comment punir cet affront ? Comment humilier cette pimbêche avec ses grands airs de donneuse de leçon. À mesure j’échafaudais les plans les plus fous… La découverte de sa liaison avec mon père me donnait un atout qu’il fallait que j’exploite. La fortune souriant aux naïfs et aux aventureux, ma riposte prenait lentement forme. Aujourd’hui encore, en repensant à cet épisode, je reste terrifié par mon audace.


Un peu après minuit, sachant toute la maisonnée couchée, je me levai et descendis dans le bureau de mon père où je subtilisais une feuille de papier à l’en-tête de son nom et griffonnai en imitant son écriture sèche et serrée :



Je pliai la feuille en quatre, la glissai furtivement sous la porte de la chambre de Marie-Laure puis rejoignis ma chambre.


À mesure que je cherchais le sommeil, la fierté de mon audace se tempérait d’un fort sentiment de crainte. Mais je suis fou ! Si elle en parlait à ma mère, si elle découvrait la falsification, si mon père découvrait la supercherie ? Les sentiments contradictoires de crainte et d’orgueil se mêlaient aux images de la scène surprise par le trou de la serrure : mon père pantalon aux chevilles, fesses à l’air, la bouche de Marie-Laure avalant avec gourmandise son sexe, les cuisses blanches et rondelettes, l’ombre de la touffe de poils sombres, son souffle retenu, les ahanements paternels s’enfonçant entre les cuisses… Mon imagination se fixait sur les seins lourds ballottant au rythme des coups de pilon. L’image de mon père s’estompait et c’est la mienne qui apparaissait. J’étais à genoux entre les cuisses, écartais de mes mains les chairs épaisses, fouaillais le sexe béant comme un jeune veau tétant sa mère. À la recherche d’un apaisement, ma main retrouvait le chemin si souvent parcouru le long de mon ventre et empaumait ma jeune tige tendue à l’extrême avant de sombrer dans un profond sommeil.


Le lendemain matin, réveillé de bonne heure, je descendis dans la cuisine où mon père finissait son petit déjeuner. Je m’approchais de lui et l’embrassai.



Pas un mot sur Marie-Laure et mon billet. Ouf, il ignorait tout et je le savais trop mauvais acteur pour jouer un rôle de composition. Sa tasse posée, il sortit et quelques minutes plus tard sa voiture s’éloigna dans l’allée.


Je préparai mon petit-déjeuner. La maison était encore silencieuse. Je ne pouvais, à mesure que les minutes passaient, chasser de mon esprit la peur des conséquences de ma folie. Comment avais-je pu oser glisser ce billet sous la porte de Marie-Laure ? Il était trop tard maintenant pour essayer de le récupérer.

Alors que je terminai mon café, maman entra dans la cuisine. Elle passa affectueusement une main dans mes cheveux et m’embrassa.



Quelques minutes plus tard, Marie-Laure entrait dans la cuisine enveloppée dans une robe de chambre. Elle avait l’air songeur en franchissant la porte, mais dès qu’elle aperçut ma mère elle afficha un large sourire aussi faux que le bonjour que je lui adressai.



Elle feignait de m’ignorer et laissait ses yeux glisser sur moi avec froideur. La gêne, la colère ? Et si elle avait découvert la supercherie ? Non., impossible ! Que faire ? L’ignorer à mon tour. Je me sentais piégé. Impossible maintenant de ne pas aller jusqu’au bout de la mystification. Si elle se rendait à la serre ce soir et n’y trouvait personne, elle en parlerait à mon père et tout serait démasqué.



Je prétextai un rendez-vous chez des amis pour fuir la place. Marie-Laure avait les yeux cernés et son visage, dès qu’elle n’était plus en représentation semblait plus pâle, plus froid qu’à l’habitude.

Toute la journée, je ressassais le conflit intérieur qui m’agitait entre fierté, crainte honteuse d’être découvert et l’impossibilité de faire machine arrière sans prendre le risque d’un scandale. J’essayais de me persuader qu’au point où j’en étais je n’avais pas d’autre choix que d’aller jusqu’au bout. Mais, si l’audace consistait à me convaincre que je pouvais faire tomber cette pimbêche de Marie-Laure dans mon piège, le courage serait de pousser la porte de la serre.


À 17 h, je quittai mes amis chez qui je m’étais réfugié et, un quart d’heure plus tard, je tournai, les mains tremblantes, la poignée de la porte vitrée métallique. La serre n’était pas abandonnée mais, depuis le décès de mon grand-père qui vouait une passion aux orchidées, elle n’était plus vraiment fréquentée. Une impression de touffeur m’assaillit. Le long des allées, la nature avait petit à petit repris ses droits et les tables de préparation et de bouturage étaient envahies de plantes en fin de vie et de vieux pots de terre cassés. Certaines orchidées, libérées des contraintes imposées par feu leur dompteur, s’étaient émancipées et avaient colonisé les tuteurs d’autres espèces. Je passai devant le cattleya préféré de mon grand-père et souris en me souvenant que Proust prêtait à son héros Swann l’expression « faire cattleya » pour dire pudiquement « faire l’amour ». Quant à Odette, la femme qu’il convoitait maladroitement, elle avait pendant sa jeunesse servi de modèle à plusieurs peintres sous le pseudonyme de « miss Sacripant ». Ce surnom me ramenait à Marie-Laure et à l’objet de ma présence dans cette serre. Je ne savais pas encore jusqu’où irait cette étrange rencontre, mais j’étais décidé à me venger du dédain et de la morgue de cette petite dame patronnesse prétentieuse.


À nous deux, Miss Sacripant ! Vous pensiez m’humilier en me traitant de jeune puceau ! Nous verrons bien qui de nous deux demandera grâce. Malgré ma détermination, je ne pouvais chasser de mon esprit la crainte des conséquences de mon audace si cette Sainte-Nitouche était plus combative que prévu. Elle ne ferait de moi qu’une bouchée. Je cherchai un recoin pour théâtraliser mon apparition et, avisant une vielle armoire, je la déplaçai et me glissai derrière elle. Je tentais de reprendre mes esprits et de maîtriser le léger tremblement qui agitait ma jambe droite. À 17 h 55, alors que je répétai mentalement les phrases assassines qui devaient faire mouche à coup sûr, la porte de la serre grinça.


À travers l’interstice entre deux planches, j’aperçus Marie-Laure. Elle portait une jupe blanche retenue par une fine ceinture bleu marine et un chemisier rayé à col rond et manches ballons. Ses cheveux coupés au carré étaient retenus pas un serre-tête de velours bleu marine. Avançant au milieu des allées, elle découvrit avec étonnement la luxuriance de la serre. Loin de son habituelle assurance, elle semblait empreinte d’un profond tourment intérieur et, signe d’anxiété, jouait avec ses doigts. Je la voyais de dos. Elle observait la porte d’entrée attendant l’arrivée de mon père et avec lui les explications concernant ce billet laconique glissé sous la porte de sa chambre.

Inconscient des risques que je prenais, je respirai profondément et sortis de ma cachette. Je savais, une fois l’étonnement passé, que le premier contact serait terrible et décisif et, que je ne disposai, malgré mes inquiétudes, que de quelques minutes pour porter l’estocade. Al volapié ou a recibir, peu m’importait la manière dont je mettrai cette hypocrite guindée à genoux.


Je sortis de ma cachette. Marie-Laure était tournée vers l’entrée de la serre et je voulus profiter de l’effet de surprise pour prendre le dessus.



Elle sursauta, fit volte-face et se figea estomaquée. Ses yeux, sa bouche légèrement entrouverte, trahissaient la surprise et l’incompréhension. Je décidai de ne pas lui donner l’occasion de réagir et continuais pour tenter de prendre l’ascendant.



Tout en parlant, je m’étais avancé vers la porte et lui barrai toute possibilité de fuite. Le sentiment d’être acculée redoubla visiblement sa colère qui explosait dans les éclairs que ses yeux me lançaient.



Marie-Laure tenta de m’écarter pour atteindre la porte de métal. Je la repoussai galamment, mais fermement.


Alors que je me remémore encore aujourd’hui cet épisode, je reste estomaqué par l’aplomb et l’audace dont je fis preuve. Je n’étais plus moi-même : froid, déterminé, tout tendu vers cette lutte dont il fallait que je sorte vainqueur pour laver les insultes et l’affront de cette vieille bique libidineuse.



Accouer ou servir, les termes de vénerie, furent les premiers qui me vinrent à l’esprit en sentant que ma proie se savait acculée. Avec une maîtrise qui ne manque de me surprendre même aujourd’hui, je sentis que j’avais pris l’ascendant et qu’il était temps de sonner l’hallali.



Son visage était métamorphosé. J’y lisais à livre ouvert un mélange de peur, de honte, et de colère. Seule la méchanceté semblait, par intérêt, s’être évaporée. Sûr de ma victoire, je continuai avec l’air suffisant d’un petit coq.



Médusée par autant de hardiesse, humiliée de se savoir non seulement découverte, mais surtout sans défense, Marie-Laure ne bougeait plus. Immobile, les bras ballants le long du corps, son regard trahissait sa résignation. Sans pitié, mais la jeunesse ardente ne cultive que rarement cette vertu, je continuais :



J’étais à bout d’arguments et un léger sentiment de honte commençait à s’insinuer. Marie-Laure paraissait pitoyable. Sa morgue habituelle s’était évaporée et elle semblait avoir abandonné toute tentative de révolte même désespérée. Que faire de ma vengeance, de cette victoire de haute lutte dont, finalement, je ne tirais qu’un plaisir plutôt médiocre ? J’imaginais, mon honneur d’homme – que je reconnais aujourd’hui mal placé - lavé par cette mise à mort. C’est alors qu’elle murmura quelques mots incompréhensibles.



Elle reprit à peine plus distinctement



Je n’avais pas véritablement imaginé de suite à cet épisode et une pensée insidieuse chassa le faible sentiment de honte.



Il fallait que je me ressaisisse, je commençai à avoir l’air ridicule. Avec autant d’audace qu’un cynique des plus madrés, je lançai d’un ton faussement assuré.



Je laissais quelques secondes de silence, pas tant par plaisir de leur effet théâtral, mais simplement pour puiser en moi un restant de courage.



Marie-Laure a un moment d’hésitation, mais semble comprendre, face à mon apparente détermination, que toute résistance serait vaine. Après avoir murmuré un nouveau « petit salaud ! » elle porte ses mains à son col et défait un à un les boutons du chemisier.



La porte close, mû par je ne sais quelle audace je pris Marie-Laure par le bras et l’entraînai derrière un rideau de plante. À ma grande surprise, elle se laissait mener sans opposition.



Je crus remarquer l’esquisse d’un sourire sur ses lèvres, mais il fut si fugace que je n’en étais pas sûr. Dans la moiteur de la serre, la chaleur humide, l’odeur des végétaux et la fragrance des fleurs tropicales ajoutaient une touche exotique à la scène irréelle qui se déroulait sous mes yeux. Marie-Laure avait tiré les pans de son chemisier de sa jupe et finissait de le déboutonner.



Malgré un imperceptible temps d’arrêt, elle avait repris son déshabillage. Elle me regardait fixement, refusant de s’avouer vaincue, et tentait de reprendre le contrôle de la situation. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, elle fit glisser son chemisier qui tomba à ses pieds et glissa ses mains dans son dos pour dégrafer le soutien-gorge de dentelle blanche immaculée. Tout en le maintenant, elle ramena ses mains sur les bonnets. Elle releva les yeux. Aucune trace de honte, mais une détermination profonde.



Je sentis que la situation se renversait et que de chasseur je devenais gibier.



Elle relâcha lentement la pression de ses mains sur les bonnets qui glissèrent et rejoignirent le chemisier, dévoilant à quelques centimètres de mes yeux la poitrine que j’avais entraperçue ballottant sous les coups de reins paternels à travers l’imposte embuée puis le trou d’une serrure. Ils semblaient moins fermes que ceux contemplés sur les pages des magazines « porno » ou ceux que j’avais maladroitement pressés lors d’un slow. Lourds, épanouis, ils tombaient légèrement sans s’affaisser. Les aréoles larges et brunes étaient prolongées par des mamelons ronds et grumeleux.



Ma superbe de petit mâle arrogant avait fondu et je sentis mon propre piège se refermer sur moi, mais les seins offerts, à quelques centimètres de mes mains me fascinaient. Je m’approchai et enfouis mon visage dans le sillon moelleux, m’enivrant du parfum de chair tiède. Les mains en coupe rapprochaient les deux seins, les comprimaient et les malaxaient avec ivresse. J’eus un léger mouvement de recul lorsque ses doigts se posèrent sur ma cuisse et remontèrent jusqu’à effleurer mon sexe tendu sous le tissu. Ce n’était pas la première fois qu’une main se posait sur ma braguette, une expérience de pensionnat m’avait fait goûter à ce genre de plaisir, mais c’était la première fois de ma vie qu’une femme osait cette caresse.



Le vernis craquait, l’accent de fausset de cette pimbêche parisienne s’était évanoui, révélant sa nature cachée. La voix s’était faite plus grave, plus gutturale et presque vulgaire. Ses doigts agiles avaient saisi la fermeture éclair de mon pantalon et l’ouvraient lentement dans ce crissement si reconnaissable. La main s’insinua dans l’échancrure et saisit avec une habilité surprenante l’élastique de mon caleçon qu’elle franchit sans hésitation avant de se refermer sur le gland décalotté par la tension douloureuse. Ce fut comme un signal. Nos doigts s’acharnèrent sur nos ceintures respectives. Je fus un peu plus rapide, et la jupe, tombée sur les chevilles, fut écartée d’un petit mouvement des orteils. La situation, pour un observateur extérieur n’aurait probablement pas manqué de ridicule. Dans la moiteur étouffante d’une serre, une femme d’âge mûr en culotte blanche et serre-tête de velours bleu glissait une main dans la braguette d’un jeune homme maladroit qui lui pétrissait les fesses. J’empaumai avec délice la chair élastique tout en essayant de me débarrasser de mon pantalon qui avait, lui aussi atterri, sur mes chevilles.



Sous l’effet du plaisir ou plus probablement pour m’humilier une dernière fois, elle multipliait les mots orduriers.



Je reculai à cloche-pied pour tenter de me débarrasser de mon pantalon. La vision de Marie-Laure abaissant sa culotte et révélant la touffe de poils sombres entraperçue par le trou de la serrure propulsa un jet de sang dans ma verge en limite d’éjaculation. J’avais d’elle l’image d’une veuve respectable, bourgeoise façon « vieille France » jusqu’au bout des ongles et elle se révélait être une femme en chaleur en proie aux affres délirantes du désir sexuel.



Débarrassé du pantalon qui m’entravait les pieds, je fis un pas en avant. Marie-Laure s’agenouilla sur sa jupe avant d’engouffrer sans préavis la moitié de mon sexe et se mit à le pomper comme je l’avais vu faire avec mon père. Une de ses mains masturbait frénétiquement le reste de la hampe tandis que l’autre partait explorer le sillon humide de mes fesses. Quand elle toucha la rondelle de mon anus, je ne pus retenir, malgré mes efforts, le jet de sperme qui jaillit contre mon gré. Visiblement habituée à ce genre de caresses, elle retira la tête d’un geste brusque et, si la première explosion frappa ses lèvres, les suivantes s’écrasèrent sur ses cheveux, son serre-tête et ses paupières.



Marie-Laure essuya du bout des doigts la traînée de sperme qui coulait sur sa paupière et emboucha mon sexe avec la même voracité. Je sentis sa langue jouer avec le gland, ses joues tièdes compresser mon sexe comme pour en exprimer les dernières gouttes de semence. Au bout de quelques minutes, elle se redressa.



Elle s’était tournée et, posant ses coudes sur une table à boutures, elle se pencha en avant m’offrant une vision inespérée sur son derrière. Dans mes rêves les femmes avaient des petites fesses pommées, rondes, fermes et roses. Là, sous mes yeux ébahis, elle me présentait un large postérieur blanc marqué, comme les lourdes cuisses par les premiers, mais discrets symptômes de la cellulite. Ses fesses étaient une invitation à la luxure, j’y posai les mains à plat et appuyai vers l’extérieur. Le sillon s’ouvrit. La première surprise fut le cercle brun de son anus, légèrement boursouflé, entouré d’une petite couronne de poils épars qui s’épaississait en descendant vers le périnée. Sans attendre j’enfouis mon visage, comme un jeune chien fou son museau, entre les deux globes. À la limite de la suffocation, je léchai, fouissais les chairs moites. Je découvris l’odeur enivrante et un peu poivrée de sueur et de sécrétion féminine mêlées. Mes lèvres et ma langue explorèrent chaque pli, jusqu’à ce qu’elles s’enfoncent entre les lèvres poisseuses de son sexe.



Le son de sa voix me parvenait, étouffé, et je descendis en suivant les lèvres jusqu’à buter sur une excroissance plus ferme. Je devinai qu’il s’agissait de son clitoris, comme j’en avais vu dans certains magazines et l’aspirai, le mordillai bien maladroitement, je pense. Ma fougue juvénile, l’avidité de mes caresses, l’originalité de la situation et la touffeur exotique de la serre eurent raison de la volonté de Marie-Laure plus que mon habilité, car elle se mit à geindre.



Je n’eus besoin d’aucune précision pour comprendre que l’heure sonnait de franchir l’ultime étape de mon rite initiatique. Je me redressai et approchai mon sexe de ses fesses. Anticipant mon manque d’expérience elle le saisit en glissant une main entre ses cuisses et le guida vers l’entrée tant convoitée. Je tentai de voir ma bite, comme elle disait, s’enfoncer pour la première fois dans le sexe d’une femme, preuve physique de mon passage à l’âge adulte, mais ma position et la masse imposante de ses fesses m’empêchaient de fixer l’image de cette première fois.


Je m’enfonçai avec délice dans l’antre tant fantasmé. J’essayai de contrôler mes allées et venues, mais avec une habilité démoniaque, c’est elle qui entama une danse sabbatique, aspirant, compressant mon sexe dans l’étau de ses cuisses. J’essayai en vain d’accorder mes mouvements de bassin aux siens, mais elle accélérait le rythme qui, crescendo, devint frénétique. Penché contre son dos, je cherchai à saisir ses seins qui ballottaient, mais à peine mes mains se refermèrent sur les masses laiteuses qu’elle se mit à gémir plus fortement et se raidit. Je compris qu’elle jouissait et, le bassin collé à ses fesses, le corps rejeté en arrière, les yeux fixés vers le ciel à travers la verrière de la serre, je lâchai pour la seconde fois deux longs jets de sperme. Les convulsions spasmodiques des cuisses et des muscles vaginaux de mon initiatrice accompagnèrent les soubresauts de mon sexe qui ne cessait de se contracter et expulser à vide la liqueur épuisée.


Je ne sais pas combien de temps je restai effondré sur le dos de Marie-Laure. Elle soufflait, transpirait. Son serre-tête, taché de ma semence, avait glissé sur sa nuque et la scène me parut à la limite du ridicule à mesure que je reprenais mes esprits. Mon sexe malgré ma jeune vigueur perdait lentement son exubérance. La sensation de reposer dans un cloaque poisseux se précisait en se rétractant. Les images et les phrases s’entremêlaient dans le bouillonnement de mon jeune cerveau : déniaisé ! J’étais déniaisé, je n’étais plus puceau… plus besoin de mentir par omission lorsque mes amis m’interrogeraient sur mes aventures ; plus besoin de rougir et de prendre le mors quand la mijaurée qui gisait haletante sous mon corps me regarderait avec condescendance.

Marie-Laure se releva, m’obligeant à me redresser. Signe qu’elle revêtait à son costume de scène, elle ramassa sa culotte avec une élégance maniérée, et après l’avoir observée la glissa en boule serrée dans la poche de la jupe qu’elle époussetait.



Je réussis, in extremis, à contenir l’éclat de rire que sa dernière remarque provoquait. Il y a à peine quelques minutes la femme, qui devant moi remettait sa jupe sans culotte, se livrait, vautrée sur une table, aux assauts frénétiques de mes coups de reins qu’elle accompagnait de mots les plus orduriers. J’enfilai sans un mot mes vêtements et m’apprêtai à quitter la serre pour la laisser, par pudeur, remettre un peu d’ordre dans sa tenue, quand elle m’arrêta :



Elle essaya de faire disparaître, en la frottant, la trace de sperme qui maculait son serre-tête de velours et, devant le manque de résultat de ses tentatives, elle le porta à ses lèvres et humidifia la tâche de la pointe de la langue. Elle rectifia le blousant de son chemisier et avant de se tourner et de se diriger vers la porte, elle s’approcha, plaqua sans un mot une main sur ma braguette et déposa ses lèvres sur les miennes.

La porte de la serre s’ouvrit, elle franchissait le pas quand sa voix vipérine me parvint distinctement bien qu’étouffée :



Elle partit pour Paris le lendemain midi sans un mot et quand, en septembre, je rejoignis ma piaule d’étudiant, je trouvai dans la boîte aux lettres un billet plié en quatre :