Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 17389Fiche technique11854 caractères11854
Temps de lecture estimé : 8 mn
22/05/16
Résumé:  Brodsky décide de participer à un concours, mais... panne d'inspiration. C'est agaçant.
Critères:  nonéro exercice humour -revebebe
Auteur : Brodsky      Envoi mini-message
Twist and Shout

Un twist final, qu’ils avaient dit. Traduction : un retournement de situation inattendu… Et j’avais dit oui, comme de bien entendu. Quand une maison d’édition te passe une commande et que tu ne sais toujours pas comment faire pour payer ton loyer et tes trente packs de bière mensuels, tu réponds « Oui bien sûr ; pas de problème, les mecs : je vous torche ça cette nuit. » Sauf que ça tenait pas debout, leur histoire. Comment opérer, dans une nouvelle, un retournement de situation inattendu QUE TOUT LE MONDE ATTEND ?


C’est comme quand tu vas voir un thriller au cinéma : dès le début du film, TU SAIS que le coupable n’est pas coupable et que par conséquent l’assassin se trouve du côté des gentils. Ce qui fait que tu n’es pas surpris quand il est démasqué… Faut être clair : la vraie surprise serait que le coupable soit coupable. Mais alors, dans ce cas la déception est complète au lieu d’être partielle. Quoi qu’il en soit, dans un cas comme dans l’autre, le public l’a dans le cul, et c’est bien là le drame. Les lecteurs et les spectateurs d’aujourd’hui sont tellement habitués à se faire défoncer la rondelle par de mauvais scénarios que les bouquins se vendent de moins en moins et que les salles obscures sont de plus en plus vides.



Je regarde celui qui vient de me parler : c’est mon clebs… Un croisé caniche et coin de rue qui ressemble à rien mais qui est d’une intelligence très supérieure à celle de la plupart de mes voisins.



« PROUT ! »



Je verse la bibine à Monsieur Clébard, et je me recolle devant le clavier.


J’avais pensé raconter comment j’avais gagné le dernier Koh-Lanta ; mais côté retournement de situation, ça n’allait pas très loin. À partir du moment où j’avais collé mes pieds sur l’île, il était évident que j’allais l’emporter. Rester trois semaines sans me laver, j’étais entraîné… Bouffer du riz pas cuit et du poisson cru, j’avais appris chez mon pote Hamato qui tient le japonais du coin de la rue, et gagner des jeux à la con ne posait aucun problème pour le numéro un mondial de Candy Crush Saga, Candy Crush Soda, et Animal Farmer. Donc, exit Koh-Lanta…


Noitautis… Voilà un mot qui ne veut strictement rien dire, en apparence. Mais il suffit de lire à l’envers, et ça donne « situation ». Ainsi ai-je un court instant caressé l’idée de raconter une histoire banale et de coller Noitautis comme signature. ÉNORMISSIME ! Un retournement de situation auquel personne n’aurait jamais pensé.

Je commençais à gribouiller quelques lignes dans ce sens lorsque mon portable sonna.



Je raccrochai, complètement dégoûté. Exit Noitautis… Retour au clavier.


Parfois, écrire est un long calvaire à côté duquel rien n’est comparable. La feuille blanche est le chemin de croix que doit emprunter l’écrivain avant de pouvoir être crucifié par la critique. Rien n’est comparable à ce martyre, et…



Je levai les yeux vers le crucifix accroché au-dessus de la porte d’entrée. Le zig qu’on y avait collé me regardait d’un air furax.



« Prout ! »



Bon, j’en ai ma claque. Cette histoire, je vais me la torcher vite fait…


Ce matin, j’ai acheté un pistolet. Je n’ai jamais voulu qu’une arme à feu entre chez moi, mais la fréquentation de mon voisin du dessus m’a finalement fait changer d’avis. Imagine le type inculte, grand, tout maigre, avec des yeux globuleux et un air de débile profond qui se balade sans cesse la bouche ouverte. Imagine-le déambuler du soir au matin en trottinette avec un casque sur les oreilles. Imagine que ce type te pourrit tes nuits en écoutant du Mylène Farmer à fond… Et surtout, que cet abruti se gare SYSTÉMATIQUEMENT sur TA place de parking !


Tu me diras qu’il suffit d’aller frapper à sa porte et de lui expliquer gentiment qu’il fait trop de bruit et qu’il faut qu’il gare sa voiture ailleurs… Mais non, impossible : le mec ne t’entend pas quand tu frappes à sa porte. Rapport à ce putain de casque qu’il a greffé sur ses escalopes. Des cons, j’en ai croisés dans ma vie, et pas qu’un seul ; crois-moi, ô lecteur adoré. Mais celui-là, il est tout simplement hors concours. Il fait bien plus qu’être con : IL INCARNE la connerie. Alors… Alors, plus de pitié !


Oh bien sûr, on me dira que je ne suis guère charitable avec les handicapés du bulbe, que je ne réagis pas en bon chrétien, que ce n’est pas bien d’être aussi intransigeant. Rien à foutre ! Et puis franchement, maintenant j’ai payé 400 euros pour posséder ce flingue, je suis désolé, mais j’espère bien un retour sur investissement. Alors le débile, vous savez quoi ? Ben, il va y passer. Je vais le transformer en écumoire, le découper en petits morceaux et dissoudre tout ça dans l’acide.

Reste plus qu’à trouver le mode opératoire parce que, bien entendu, pas question de se faire gauler. Et c’est là que le problème se pose. Parce que, à part dans mes bouquins, je n’ai jamais flingué personne…


« PROUT ! »


Faites pas attention… C’est Saturne qui veut jouer au con ; mais si on ne s’occupe pas de lui, il va finir par se fatiguer. À moins… à moins QUE JE COMMENCE PAR DÉZINGUER CE PUTAIN DE CHIEN QUI RÉPAND UNE ODEUR PESTILENTIELLE DANS MA CHAMBRE.


Doucement, ma main s’empare du flingue. Je regarde le clebs droit dans les yeux. Il flippe sa race… Hé hé, il a compris. Je le mets en joue, et… Et maintenant, lecteur de mon cœur, le retournement final.


La lumière commence à diminuer, petit à petit… Il ne reste bientôt plus qu’un faible halo qui éclaire une toute petite partie de la pièce, celle où je me trouve derrière l’écran. Je me lève, et désormais tu peux me voir, m’admirer, me contempler. Ah ah ah, je t’ai bien eu ! Tu n’en crois pas tes yeux, hein, avoue. Mais chut, écoute, tu vas comprendre… Écoute bien… Oui, c’est ça.


Tu entends ces ronflements ? C’est lui ; c’est Brodsky. Il dort à poings fermés. Mais il ronfle, l’enfoiré, tout le temps, toutes les nuits. Et franchement, là, ce soir, j’en ai eu marre de siffler. Alors je me suis levée doucement, sans faire de bruit et je me suis mise à sa place. J’ai eu envie d’essayer quelque chose… On dit souvent que le style de Brodsky est inimitable. Je me suis dit « Tiens, allez, je me lance un défi : ce soir, j’essaie d’écrire à sa façon… » Faut que je vous avoue un truc… J’en ai chié des rondins pour arriver à capter sa manière de tourner les mots. Mais finalement, je crois que je ne m’en suis pas trop mal sortie. Enfin, ce sera à vous de juger. Et comme dirait Brodsky : « À bientôt, mes zamours… »


Lilas



PS : Je remercie Brodsky de m’avoir permis de publier sur son compte. Bien sûr, le doute est permis ; il est même souhaité. Peut-être que ce n’est pas moi, mais lui qui finalement a écrit cela. Ou Cyrielle, ou Jakin, ou Radagast, ou Athanagor… Finalement, vous ne saurez jamais : vous ne pouvez que supposer. Une sorte de retournement de situation… perpétuel.