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n° 17520Fiche technique35508 caractères35508
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15/08/16
Résumé:  L'amour se joue des critères d'âge, de sexe, de condition sociale.
Critères:  ff
Auteur : Xetdemi            Envoi mini-message
Ballerine

Ballerine



Imaginez quelqu’un qui serait né, qui aurait grandi, qui aurait vécu depuis près de trente ans sur une île où un épais brouillard aurait constamment caché le soleil. Cette personne vivrait jour après jour dans ce monde terne et blafard sans que la lumière lui manque, sans que l’éclat des couleurs lui manque. On ne peut espérer quelque chose qu’on ne connaît pas. Mais tout au fond de cette personne, sans savoir pourquoi ou de quoi, elle pourrait ressentir un manque, un vide et avoir cette aspiration plus ou moins nébuleuse à combler ce vide. Cette personne c’était moi, Éliane. Ni désespérée, ni exaltée ou révoltée, je vivais une vie ordinaire, en suivant le courant, jour après jour, sans faire de vagues, au neutre.


Quand j’ai décidé d’entreprendre ces cours de danse, je n’avais d’autre but que de me remettre en forme, pour suivre le courant, parce que je m’apercevais en me regardant dans le miroir le matin que mes rondeurs devenaient des lourdeurs et cela me déplaisait, comme il se doit. Je ne faisais pas cela pour plaire à un éventuel amoureux. Ma vie sentimentale n’avait pas été heureuse. Les quelques hommes que j’avais connus avaient réussi à me déplaire en très peu de temps. Quelques déceptions mais aucune peine d’amour. Je ne crois pas que j’étais capable d’amour et je dois dire qu’il n’y avait rien d’engageant à voir et entendre les diverses histoires d’amour des gens qui m’entouraient. Pour moi l’amour était une aberration, une perte momentanée du sens du réel.


Quant à ma sexualité, elle était au diapason des autres plans de ma vie : au neutre. Il faut dire que je n’avais jamais été très attirée par la chose. Depuis l’enfance cela avait plutôt tendance à me rebuter. D’abord, mon père était un homme désagréable et violent. Je ne comprenais pas que ma mère accepte qu’il entre en elle pour y décharger le restant de violence qu’il n’avait pu déverser autrement sur elle ou sur nous. Puis au début du secondaire j’avais appris que lorsqu’un fermier amène un étalon ou un taureau pour l’accouplement, on appelle ça « la saillie ». Moi j’avais plutôt entendu « l’assaillie ». La pauvre femelle était assaillie. Moi, je voulais être aimée, charmée, pas assaillie !

Je n’ai rencontré malheureusement que des hommes qui voulaient m’assaillir.


Suite à une annonce parue dans le journal local, j’avais donc téléphoné pour m’informer sur ces cours de danse où, était-il écrit, on faisait un amalgame de la danse classique et des danses africaines, arabes et polynésiennes. La voix de la professeure m’avait plu. Une voix chaude, posée, et les réponses étaient courtes, directes, sans fla-fla.

Je m’étais inscrite.


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Au début du premier cours, Jasmine, la professeure, nous avait parlé de sa démarche.

Ancienne ballerine, elle avait poursuivi sa recherche sur le corps et le mouvement et en était arrivée à la conclusion qu’il fallait redonner au corps la place qui lui revenait, qu’il fallait arrêter de voir le corps comme instrument au service de, comme une bête de somme qu’il fallait dompter et dont on pouvait abuser. Elle nous proposait donc, après quelques acquis théoriques portant notamment sur la respiration et l’équilibre, de se mettre au service du corps, de lui obéir, de le laisser nous entraîner. De laisser le rythme et la joie animer le corps. La danse devait être un exercice d’abandon. Pour une fois faire taire le rationnel et écouter enfin ce que le corps avait à nous dire, librement, sans souci de performance.


Dès le premier cours, Jasmine me fit une forte impression. Il y avait comme un accord singulier entre ce qu’elle était et ce que son corps exprimait. Elle était unifiée, posée, sans cette excitation nerveuse qui nous affecte tant. Son corps semblait totalement habité, comme baigné d’une lumière qui animait, éclairait et réchauffait chaque parcelle de son corps, ce qui lui donnait une grâce, une élégance, un charme naturel qui n’avaient pas besoin de recourir aux artifices de la mode. Elle parlait peu ; elle laissait son corps s’exprimer. Elle corrigeait à peine nos mouvements, nous demandait juste de l’imiter mais surtout de ressentir dans notre corps le mouvement juste. Le corps le connaissait, il fallait lui laisser la liberté de l’exprimer. Par mimétisme, on absorbait son aisance du corps, sa liberté d’être.


Lors du sixième cours où l’on devait s’initier aux danses africaines, Jasmine nous attendait demi-nue, n’ayant qu’un châle blanc à longues franges posé sur ses hanches. Ce qui aurait pu paraître choquant et totalement déplacé ne l’était absolument pas chez Jasmine. Elle était belle, très belle ; une beauté affirmée mais pas criarde, pas exhibitionniste. Elle savait que son corps exprimait ce qu’elle était, totalement, et l’affirmait. Elle avait demandé, sans l’exiger, que les étudiantes se dénudent aussi, qu’elles libèrent enfin leurs seins. Comment pouvait-on, disait-elle, demander au corps d’être à l’aise de nous exprimer selon notre nature propre, de bouger selon notre propre rythme si on en a honte, si on tente de toutes sortes de façons de le cacher, de le camoufler, de le contraindre, de le trahir ? Quelques étudiantes avaient osé. Pour ma part, je n’avais pu m’y résoudre. Je le regrettais.


C’était pour moi une révélation de voir un corps bouger, de voir tout un corps bouger avec une telle aisance, et Jasmine bougeait avec une telle grâce, une telle harmonie. C’est à ce moment-là que Jasmine me plut. Au retour de ce cours j’avais constamment son image en tête. Cette femme était l’être le plus extraordinaire que j’avais rencontré et je m’aperçus que sa présence me devenait indispensable. Puis ce fut le choc, le bouleversement, le renversement, comme un coup à l’estomac. Je dus prendre conscience que j’étais amoureuse de Jasmine, que sa présence allumait en moi une flamme, un feu dont j’ignorais l’existence. J’étais totalement paniquée. Non, je n’étais pas cela, je n’avais jamais été ça. Je n’étais pas lesbienne !


La semaine que je passai suite à cette révélation fut la plus éprouvante de ma vie. Se mêlait à l’obsession de vouloir voir Jasmine, d’avoir constamment en tête son image, l’impossibilité d’aller plus loin, de faire un pas de plus. Je me sentais écrasée dans un étau, prise entre le désir le plus vif de ma vie et la paralysie complète en vue de l’assouvissement de ce désir. Je n’étais pas lesbienne et je ne le serais jamais. Je resterais avec ce secret fiché à jamais dans mon cœur. Je n’avais jamais aimé auparavant, je ne pourrais plus jamais aimer. Je vivais ma fin du monde.


Quand le cours suivant arriva, quand je la vis, quand elle me sourit, tous les questionnements, toutes les réserves cessèrent. Quand elle me toucha l’épaule et le creux de mes reins pour corriger ma position, tout mon corps fut traversé comme d’une décharge électrique qui me surprit et qui se concentra dans mon sexe. Je fus complètement stupéfaite de constater que je mouillais. Je rougis. Je me demandais si Jasmine avait remarqué mon trouble. J’étais vaincue.


L’amour se rit de tout, du sexe de l’autre, de son âge, de sa condition sociale, etc. L’amour brise tout, tous les chemins tracés, les normes, les conventions, l’image de soi, son amour-propre. L’amour est violent, sans merci. L’amour était trop fort, il ne me laissait pas le choix. Je devais le suivre, jusqu’à ma perte si nécessaire.


Entre les cours, son image me revenait constamment en tête, cette image de belle plénitude, comme un fruit mûr, doux, sucré, gonflé de vie, porteur de vie qu’on veut croquer. J’avais toujours devant les yeux sa chair chaude, vivante, voluptueuse qui m’attirait corps et âme. Je voulais voir ces seins si beaux, je voulais les prendre à pleines mains, les sentir, les caresser, les sucer, les manger. Je voulais les sentir sur ma joue, dans mon cou, sur mon ventre, entre mes jambes. Je voulais tout mon être collé au sien. Jasmine était la vie et je voulais étreindre cette vie au corps-à-corps. Jasmine était mon action de grâce. Avant elle je n’étais pas encore, sans elle je vivrais d’une vie morte, je serais zombie.


Comme il est simple de séduire un homme ! Un léger décolleté qu’on sait mettre en valeur, une petite jupe, un sourire ; on fait semblant de le trouver intéressant ou drôle, on touche son épaule, sa cuisse. Voilà, il est piégé. On prend ce que l’on a à prendre puis on jette après usage. Comme c’est simple de séduire un homme. Les codes sont connus, leur efficacité éprouvée. Mais séduire une femme ! Je me désespérais à me demander comment amorcer ma quête, ma conquête. Terra incognita. Je tentai de me rappeler comment on avait pu me séduire, moi femme. Jamais personne ne m’avait séduite. Lors des quelques relations que j’avais eues, c’était toujours moi qui avais choisi sans jamais avoir été subjuguée par qui que ce soit. Je ne m’étais donc d’aucun secours. Je devais ouvrir moi-même la voie, me frayer un chemin jusqu’au cœur de Jasmine… peut-être !


Il ne me restait plus que quatre cours de danse avec Jasmine. Je ne pouvais m’imaginer perdre tout contact avec elle dans les semaines à venir. J’étais prête à tout pour créer un lien avec elle. Je devais trouver, je devais trouver, je devais trouver…


J’étais dans un demi-sommeil lorsque l’idée m’est venue. J’ai peu dormi cette nuit-là, tellement exaltée à l’idée que je pourrais enfin avoir un rapport plus personnel avec Jasmine. J’étais fière de moi. J’étais rédactrice pour une revue féminine. À chaque parution il y avait une chronique « Portrait de femme ». J’avais proposé à l’équipe de rédaction d’écrire ce portrait sur Jasmine. Il y avait eu consensus. Il ne me restait plus qu’à convaincre Jasmine.

À la fin du cours suivant je l’avais abordée en lui disant que j’avais quelque chose d’intéressant à lui proposer.


Ce qui me séduisait avant tout chez Jasmine, c’était cette impression de bien-être, de sérénité qui émanait d’elle. Dans ce monde tout en précipitation, en turbulence, en exacerbation, elle était pour moi une oasis de fraîcheur. Elle semblait ne pas avoir besoin de jouer de jeux, pas besoin de camoufler, de sous-entendre. Jasmine avait une franchise heureuse, sans agressivité, une simplicité confortable. Quand elle aimait, elle aimait, quand elle n’aimait pas, elle n’aimait pas, quand elle ne savait pas, elle avouait ignorer. L’image qu’elle donnait d’elle-même s’accordait à ce qu’elle était, à ce qu’elle sentait, à ce qu’elle pensait, sans prétention.


Quand, à la fin du cours, je lui dis que je voulais lui proposer quelque chose d’intéressant, elle m’a souri puis elle m’a dit :



Comme ça avait été facile ! Je m’étais fait toutes sortes de scénarios où je devais déployer tout mon arsenal de persuasion… Jasmine me surprenait.


Au café, Jasmine était toute joyeuse, toute pimpante. Était-ce l’effet du vin que nous prenions ensemble ? L’idée m’effleura qu’elle était contente d’être avec moi. J’eus honte de ma prétention. Nous avons abordé rapidement le sujet de notre rencontre. Jasmine accepta avec plaisir. Il n’y avait pas de fausse humilité chez elle. Elle avait eu une carrière internationale et elle en était fière. Elle avait des choses à dire et ça lui faisait plaisir de partager son expérience, simplement. Nous avons pris rendez-vous le samedi soir pour souper chez elle. Elle voulait discuter autour d’un bon repas.



Nous avons échangé nos numéros de téléphone et bien sûr j’ai obtenu l’adresse du domicile de Jasmine. Tout avait été si simple, si facile. Je me faisais penser à un jeune coq qui avait réussi à avoir le numéro de téléphone de la jeune fille sur laquelle il avait bandé toute la soirée !


Le temps, cet ennemi ! Comme le temps est long, sans fin. Les quelques jours qui me séparaient de ce souper avec Jasmine n’arrivaient pas à passer. Tout se déroulait au ralenti. Et les nuits qui n’en finissaient plus. Pourquoi lorsqu’on espère un événement heureux le temps s’amuse-t-il à nous torturer ? Et quand je serai avec Jasmine, pourquoi filera-t-il sans que je m’en aperçoive ? Le temps est un sadique et je suis à sa merci, totalement.


Après ce qui m’avait paru une éternité, toute fébrile et incertaine, j’arrivai enfin à la porte du logement de Jasmine. Est-ce que je serais à la hauteur ? N’allais-je pas l’importuner, lui voler son temps si précieux ? Je pris la résolution de faire ça court… J’aurais aimé tellement le contraire.


Quand Jasmine avait ouvert la porte j’avais été éblouie. Comme elle était belle, petite blouse blanche sans soutien-gorge, la pointe de ses seins qui s’affirmait, et une belle jupe longue, ample, toute fleurie. Et la table était mise : bouquet de fleurs, bouteille de vin. J’étais reçue ! Jasmine était chaleureuse, comme si nous étions de vieilles amies. Elle me demanda de mettre mon enregistreur sur la table – elle avait prévu une place à cet effet – et de l’oublier. Nous allions avoir une conversation à bâtons rompus, simplement. Quand je lui fis remarquer la surprise que j’avais d’être aussi bien reçue, elle me dit :



J’accepte volontiers. Je croyais que l’entretien était fini. Je suis heureuse qu’Éliane veuille poursuivre cet entretien de façon plus privée, qu’elle me fasse confiance. On se sent à l’aise ensemble. Le bon vin y est peut-être pour quelque chose.



J’étais complètement sous le charme de Jasmine. Je buvais ses paroles sans me demander si ce qu’elle me disait avait du sens ou non. Je crois que j’étais dans un état de « blanc-doré ». Jasmine reprit :



J’ai regardé Jasmine dans les yeux. J’avais très bien vu mais je ne pouvais pas lui dire. J’ai hésité longtemps avant de répondre que je ne savais pas. Jasmine avait souri. J’avais très bien vu : un feu d’artifice, une bombe qui explose bien haut d’un scintillement de rose foncé, de vert et de tout plein d’étoiles argentées au centre. Peut-être Jasmine avait-elle lu dans mes yeux un peu de ce que j’avais vu en moi. J’avais rougi.



Quand nous nous sommes quittées, Jasmine m’avait prise chaleureusement dans ses bras. Quand j’avais senti ses seins se presser sur ma poitrine, j’avais ressenti une douceur, une chaleur tout au fond de mon ventre qui m’avaient déstabilisée. Je serais restée longtemps dans ses bras… Je me suis retirée à contrecœur pour ne pas me trahir.


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J’étais contente : j’allais revoir Jasmine. Pour une séance avec le photographe, puis nous avions convenu que je lui présenterais mon article avant la publication pour voir s’il y aurait des choses à changer avant son acceptation pour la publication.

J’étais sous l’emprise totale de Jasmine, obsédée, sous le charme. Je n’avais jamais vécu une telle fascination. Mais quelle torture ! L’amour est un poison qui nous envahit corps et âme, une drogue dure, très dure. Jasmine occupait toutes mes pensées au point où je me demandais à quoi je pouvais bien penser avant elle. Je ne savais pas posséder une telle imagination ! La réalité ne me retenait plus, elle était sans intérêt. J’étais constamment propulsée vers les avenirs possibles avec Jasmine. Je passais en quelques instants de l’espoir le plus fou au désespoir le plus noir. Cette soirée avait été magnifique. Je me sentais si près de Jasmine, si en harmonie. Elle m’avait reçue comme une amie mais peut-être était-elle comme ça avec tout le monde. Pourquoi une femme aussi exceptionnelle s’intéresserait-elle à moi ? Non, je n’avais aucune chance de lui plaire vraiment. Et cette différence d’âge… mais elle semblait si bien en ma compagnie.


Arrivée à la maison, je m’étais empressée d’écouter un extrait de l’entrevue que j’avais eue avec Jasmine. Je voulais être certaine que j’avais bien compris. C’était comme si ma vie entière dépendait de cette petite phrase. J’ai écouté l’extrait plusieurs fois de suite. Oui, elle avait bien dit : « … mais on sait bien qu’il n’y aura pas de lendemain quand l’une se retrouvera à San Francisco alors que l’autre ira à Madrid. » Il y a quelques semaines à peine, je n’aurais jamais pu penser que je vivrais une telle exaltation à savoir qu’une femme était lesbienne.


Je n’avais jamais connu l’amour… et je n’étais pas certaine d’être heureuse de le connaître. Avant Jasmine je me suffisais à moi-même, je vivais de moi-même. Le ciel ou l’enfer de mes jours ne dépendaient pas d’une autre. De toute façon je ne visitais ni l’un ni l’autre, je restais bien ancrée dans la terne réalité terrestre. Lors de la visite avec le photographe, Jasmine avait été correcte, affable, mais je n’ai pas senti le courant subtil qui nous unissait lors de notre premier souper. Peut-être préférait-elle être discrète en présence du photographe.


Quand l’article sur elle fut prêt, j’espérais qu’on se verrait, qu’on fêterait ça ensemble. Elle m’a simplement dit de le lui envoyer par courriel, qu’elle ferait les corrections, si nécessaire, avant de me le renvoyer. J’étais dévastée. Je ne reverrais plus Jasmine. Elle s’était servie de moi, sans plus. Je m’en voulais tellement de m’être illusionnée moi-même, d’avoir emprunté moi-même le chemin qui menait à mon néant. Les dieux me punissaient de ma prétention, je n’arrivais pas à la cheville de cette femme. La punition était cruelle. Je promis qu’on ne m’y reprendrait plus.


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J’ai reçu l’appel téléphonique de Jasmine aujourd’hui.



Je ne sais pas comment réagir à cet appel. J’ai une boule, une énorme boule à l’estomac, une boule de joie enveloppée d’une épaisse couche de ressentiment. Jasmine croit-elle qu’elle peut jouer ainsi au ping-pong avec mon cœur? J’ai bien peur que oui !


Je me rends à ce souper avec la ferme intention de garder un certain contrôle de mes émotions. Je ne veux pas me dissoudre complètement sous le charme de Jasmine, je ne veux pas me laisser phagocyter par elle. Il me demeure tout de même une certaine fierté !


Jasmine est resplendissante. Bien sûr, c’est un soleil ! Mais je résiste, je ne veux pas être uniquement un satellite piégé dans le champ de son attraction. L’atmosphère est chargée de douceur, le repas est parfait, le vin délicieux, mais je tente d’en prendre très modérément : je ne veux pas perdre mes résistances. Vers la fin du repas, Jasmine se lève pour aller chercher le dessert. Elle le pose sur la table, mais avant de se rasseoir elle vient derrière moi, écarte un peu mes cheveux et m’embrasse dans le cou. Je sens un courant chaud parcourir tout mon corps ; je frissonne. Difficile de dissimuler l’effet que ce baiser me fait, j’ai la chair de poule partout sur mon corps.


Jasmine se rassoit. Je n’ose pas la regarder, elle pourrait tellement lire sur mon visage l’émoi qui m’habite. Jasmine continue de parler comme si de rien n’était. Elle doit être fière de l’effet qu’elle a provoqué. Après quelques minutes, elle se lève en disant :



Elle a mis une musique douce, a baissé la lumière et elle est venue s’asseoir à côté de moi sur le divan.



Puis elle a déposé nos verres sur la petite table avant de poser un doigt sur ma bouche en y dessinant les contours…



J’allais répondre mais déjà elle m’embrassait.


Je fonds, je me dissous. Pendant quelques instants j’ai peur, j’ai l’impression que mon corps ne peut plus répondre. Jasmine distille en moi un élixir puissant qui m’anéantit… d’une vive douceur qui descend se concentrer au bas de mon ventre. Ma bouche finit par répondre à la sienne : suave délicatesse alternée avec passion sauvage. Jeu délicieux. Parfois sa main descend un peu sur ma poitrine et vient se cacher sous mon chemisier. J’ai perdu la notion du temps. Je ne sais pas combien de temps nous nous dégustons, nous nous buvons ainsi. Je suis dans un état second… je me souviens à peine me rendre à sa chambre. Comme au loin, je l’entends dire :



Elle a lentement déboutonné mon chemisier. Jamais je ne me suis ainsi sentie à la merci de quelqu’un. Ma volonté est anéantie, je suis sa chose, je veux être uniquement sa chose, n’être plus que jouissance entre ses mains… et en mourir. Ce soir, je suis dans un autre temps, dans un autre monde. Je signe mon arrêt de mort. On ne peut survivre à ça, je le sais : c’est le prix à payer pour toucher ce ciel qui nous est défendu. Je le sais, Jasmine va me blesser à mort. Chose certaine, je ne vais pas prier les dieux : ils se nourrissent de nos désarrois et de nos désespérances.

Je ne vais plus les nourrir : je vais vivre l’amour à mort !