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n° 17558Fiche technique19215 caractères19215
Temps de lecture estimé : 12 mn
12/09/16
Résumé:  Ah, créer de la réalité !
Critères:  fh inconnu caférestau cérébral revede nopéné nonéro portrait -coupfoudr
Auteur : Xetdemi            Envoi mini-message
Concert

C’est dimanche après-midi. Un dimanche gris au milieu de l’hiver. Si je ne veux pas déprimer, je dois sortir, voir un peu de monde. Il y a un concert à la salle du Cégep, de la musique de chambre. Je préfère les concerts symphoniques tellement plus pleins, plus ronds. Mais bon…


Le spectacle est bon, pas enlevant mais c’est bien. À l’entracte je vais me chercher une bière. Je ne suis vraiment pas seul. C’est un peu bondé. Tout le monde veut être servi rapidement pour pouvoir finir sa consommation avant la fin de l’entracte. Je suis servi. En m’extirpant de la cohue je suis un peu bousculé. C’est une belle femme d’âge mûr, de mon âge, qui s’excuse en me faisant un sourire qui me vient droit au cœur. Un sourire. C’est tellement beau, un sourire ! C’est l’arme de séduction qui me fait le plus d’effet. Un sourire c’est comme une illumination, c’est comme si l’âme se frayait un chemin, comme si elle transparaissait, comme si elle prenait corps. Je peux lire à travers le sourire le meilleur de la personne. Et ce sourire qu’elle me fait, cette chaleur, cette douceur ; c’est un délice. Je me perdrais bien volontiers dans ce sourire.


Je me mets un peu à l’écart, assis seul à une petite table. J’aime être à l’écart, avoir une vue d’ensemble sur la foule, regarder les interactions, imaginer les rapports entre les gens, les jeux de séduction, me questionner sur leurs motivations. La dame qui m’a bousculé m’a suivi.



Il y a un petit silence. J’aimerais bien trouver quelque chose d’intelligent à lui dire. Elle me plaît. Elle a une petite robe avec un léger décolleté en rond qui met en valeur ses rondeurs qui m’attirent. Ce décolleté c’est comme une fausse discrétion. C’est comme s’il disait : « Regardez comme je ne veux pas vous provoquer, regardez bien comme je suis discrète. » C’est comme si on insistait sur la discrétion. C’est subliminal, sublibidinal. Une discrétion accrocheuse.



« Une joyeuse discrétion ! Qu’est-ce que je viens de dire ? » C’est sorti de ma bouche sans que j’y pense. Une joyeuse discrétion, mais c’est tout à fait elle ! Je lui tends ma main en lui disant :



C’est à regret que je vais devoir la décevoir.



Sur ce, elle me fait un sourire coquin avant d’ajouter :



Elle me fait un grand sourire avant de s’assombrir.



Elle s’est levée et s’en est allée. Elle a fait quelques pas, s’est retournée et m’a adressé un sourire qui m’a fait tout chaud au cœur et au corps.


___________________



La semaine a été longue… Je suis au restaurant déjà depuis un petit moment. Il passe maintenant 18 heures. Je ne suis pas surpris. Pourquoi les femmes s’amusent-elles à nous faire languir ainsi ? Mystère. De toute façon je m’attendais à ce que Marie-Thérèse ait 15 minutes de retard. J’attends. Je n’ai jamais eu l’attente sereine ! Il est maintenant 18 h 30. Elle ne viendra pas. Il me vient en tête la chanson de Brel : « Ce soir j’attendais Madeleine… Madeleine ne viendra pas. » Je me lève et je vais payer la consommation que j’ai prise. En me dirigeant vers la sortie je vois Marie-Thérèse qui arrive, l’air complètement désemparé. Que s’est-il passé ? A-t-elle eu un accident ou l’annonce d’une mauvaise nouvelle ? On se redirige vers notre table. Ma déception et la colère qui l’accompagnait se sont rapidement muées en inquiétude.



Elle est belle dans son désarroi, touchante. J’aurais voulu la prendre dans mes bras, la consoler. Elle a une belle robe noire, de circonstance. Sur sa poitrine légèrement dénudée est posé un pendentif serti d’un lapis-lazuli qui semble indiquer le chemin vers son doux sillon entre les monts Amour et Désir. Mon corps me fait savoir de façon très virile que je la désire, comme si j’avais pu l’oublier.


Je suis mal à l’aise. Comment répondre à ce qu’elle vient de me dire ? Si je m’avance, elle s’enfonce. Je ne peux pas reculer. Rester en position, continuer à la faire parler, tenter de dédramatiser.



C’est sur ces entrefaites que le serveur arrive avec les plats. Qu’a-t-il entendu ?

Marie-Thérèse sourit. Je vois dans ce sourire la petite fille espiègle qu’elle était sûrement il n’y a pas si longtemps. J’aime cette petite fille en elle.


J’aime la voir manger. Elle prépare chacune de ses bouchées comme si c’était à chaque fois une création, une dégustation unique. Elle jouit de chaque bouchée, l’évalue. Sa concentration sur ces petits détails m’émeut, je ne sais pas pourquoi. Puis elle s’arrête un instant comme si elle avait trouvé la question qu’elle voulait me poser depuis longtemps. Et pourtant…



Elle ne mange plus. Elle s’est reculée sur sa chaise, les bras croisés, comme la petite fille boudeuse et entêtée qu’elle était, qu’elle est encore.



On a passé le reste du repas à parler de choses et d’autres, de son travail, de ses loisirs, de ses choix musicaux. On a fini la bouteille de vin, elle a accepté de prendre un digestif. Malgré ce qu’elle avait dit plus tôt, elle n’était pas pressée de partir. Elle avait quitté sa position défensive. On était bien ensemble. Avant de partir je lui ai dit :



Elle n’a pas répondu immédiatement. Comme il s’en passe des choses dans sa si jolie petite tête !



Je voyais dans son visage la détermination de la petite fille d’antan.



Oui, je crois qu’elle va venir… je l’espère. Elle et moi ça pourrait faire une belle histoire, une très belle histoire…






(*)enfarger : trébucher (québécisme)