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n° 17585Fiche technique67130 caractères67130
Temps de lecture estimé : 37 mn
03/10/16
corrigé 06/06/21
Résumé:  J'en avais assez. Il fallait que je mate mon homme, une bonne fois pour toutes !
Critères:  fh hsoumis cérébral humour
Auteur : Lilas      Envoi mini-message
L'Esclave

C’est juste après avoir passé un agréable moment allongée, le visage de mon chéri entre les cuisses, que je me glissai devant le bureau pour surfer sur le site. J’avais la tête dans les nuages après cet orgasme de l’après-midi – en vacances, je suis plutôt une baiseuse de l’après-midi, voyez-vous on n’est pas encore trop fatigué, puis on a eu le temps de titiller le désir de l’autre depuis le petit déjeuner, les fesses à l’air sous la nuisette.


Donc j’avais la tête ailleurs, ce qui explique mon délai de réactivité proche de zéro lorsque je découvris le nouveau texte de mon homme.

Il avait cette fâcheuse manie d’écrire ses productions sans m’en parler, en quelques heures. En général, je savais qu’il était en train d’écrire lorsque je le surprenais en train de ricaner tout seul devant l’écran de l’ordinateur. J’aurais bien aimé pouvoir garder un œil sur ses textes, histoire de les corriger avant qu’il les envoie, ou même, je l’avoue sans gêne, pour m’assurer qu’il ne racontait pas trop de conneries. Le souci, c’est qu’il gardait jalousement secret son petit travail d’écriture, et lorsqu’il m’arrivait de lire à la volée un de ses échantillons, c’est qu’il l’avait déjà envoyé.



Je le soupçonnais de douter de mes bonnes intentions, ce qui expliquerait son peu d’empressement à communiquer avec moi sur ce sujet.

Ma foi, j’en doutais moi-même de mes bonnes intentions. Tyrannique comme je l’étais, il était probable que je me serais trop ingérée dans ses fictions, jusqu’à ce que le rendu ressemble plus à mon genre qu’au sien. C’est l’inconvénient quand deux écrivaillons vivent ensemble. Comme quoi mon homme devait bien m’avoir cernée. Il avait sans doute raison de séparer son travail de notre relation.



Auparavant, j’avais vécu avec un nullard incapable d’aligner deux phrases correctes à l’écrit, et je ne vous parle même pas des « livres » qu’il feuilletait. Je confierais simplement que, dedans, il y avait beaucoup de photos. Si elles eussent été attractives, genre avec des mecs torse-poils ou des nanas armées d’obus en haut et de char anti-intrusion en bas, c’eût encore été pardonnable. Mais personnellement, les motos, voitures ou autres engins à quatre roues, motrices ou pas, n’étaient en tout cas pas le moteur de ma libido.



C’était donc nouveau, pour moi ! Un homme, un vrai… qui sait écrire, qui aime lire, qui me chante de belles paroles ou me déclame des vers touchants… un galant, un magnifique spécimen de l’amour courtois ! Jamais je n’en avais rêvé !



Eh bien ! C’est pas facile de respecter son activité littéraire, de s’empêcher de zieuter tout ce qu’il écrit, puis parfois, comme on s’aime à la folie, on partage les mêmes idées, les mêmes envies, alors on redoute un peu que l’autre te pique ton scénar’…



Enfin, bref, je digresse.



J’en étais au degré zéro de la réactivité. J’aperçus son nouveau texte… publié depuis six jours. Mmm. Bon, OK… passons sur le fait qu’il ne m’ait pas prévenue. Il avait bien évoqué des nouvelles critiques sympas, mais je n’avais pas imaginé qu’elles émanaient d’un nouveau texte. Je le lus avec beaucoup d’amusement… au début. À la fin de ma lecture, je me sentis un peu perplexe. Voire déçue.



Et ce n’est que le soir, alors qu’il se plaignait gentiment de mon attitude vexante tout en débarrassant la table, que je compris que j’étais furieuse ! Je lui en avais fait baver toute la soirée… je lui en voulais, clairement ! Mais pourquoi ? Profitant de son sommeil, je me glissai hâtivement devant l’ordinateur, pour parcourir la liste de tous ses textes. Quelque chose me dérangeait. Quand mon chéri se mit à ronfler, à côté de moi, j’eus un déclic : marre qu’il utilise mon pseudo comme personnage dans tous ses textes ! Bon sang de bois, c’était plus qu’énervant de toujours faire partie de ses histoires, alors que je n’avais rien demandé à personne. Monsieur n’avait qu’à s’inventer une autre héroïne, zut alors ! Il fallait absolument que ça cesse, que cessent ces histoires de fouets, de fourreaux voluptueux à talons Gucci, de sulfateuses à pruneaux…


Et afin de parvenir à mes fins, il me fallait taper un grand coup.

Ou plusieurs coups, remarquez.




*




Le temps du dialogue, en premier lieu. Un coup… de gueule, quoi.



Gérard fit la moue et me jeta la lueur matoise de ses prunelles adorées en plein dans les miennes.




Grrr.




En le voyant approcher, l’air de rien, je sentis bien que je venais de glisser sur une pente fatale. Je battis en retraite précipitamment.



Pas question que je me fasse avoir ! Le risque qu’il me fasse un cunni d’enfer pour me faire tout oublier était trop grand ! Il fallait qu’il comprenne par tous les moyens. Ce que femme veut…




*




Le soir même, je m’arrangeai pour placer les enfants chez ma mère pendant que mon cher et tendre participait à une réunion politique – enfin une rencontre à cinq, quoi, dont deux attardés du bulbe. J’étais crevée par ma journée de boulot, mais le besoin impérieux de mater mon mec me pesait sur l’ovaire. Qu’il prenne cette affaire à la légère commençait même à m’échauffer sévère.


Je pris soin de nettoyer mes outils avant l’arrivée de mon grand amoureux devant l’éternel. Il fallait qu’il ne se doute de rien. Je pouvais être machiavélique, quand la nécessité faisait loi.



Je pris mon air le plus innocent.



Nous passâmes à table. En faisant le service, je sentis son regard s’attarder sur ma chute de reins… puis ce fut ses mains qui prirent le relais. Je réprimai un frisson.



Oui, parce que la jolie petite robe noire en question était échancrée sur les flancs jusqu’au bas des hanches, j’ai oublié de le préciser. Mon homme parsema ma peau de baisers brûlants et j’eus bien du mal à refréner la passion que sa présence suscitait en moi. Je me raclai la gorge tout en m’éloignant discrètement, et finis par me laisser tomber sur ma chaise.

Gérard ne dit rien de plus, il se contenta de me dévorer du regard. Je savais à quoi il pensait, j’en avais d’ailleurs moi-même très envie, mais… je devais garder les idées claires.



S’il savait !



Soudain, quelque chose s’alluma dans ses jolies prunelles bleues et son regard amusé se fit pénétrant quand il le planta dans le mien.



Je bus une gorgée de vin pour prendre une contenance. Bon, d’accord, j’avoue en avoir bu trois !



Et il éclata de rire. Je sentis mes joues s’empourprer.



Alors là, l’amusement fit place à l’interrogation sur son visage. Il me fixa d’un drôle d’air.



Pfff… cette façon de te rappeler les erreurs du passé ! C’était… petit, mesquin ! Il allait payer, le bougre.



Gérard eut une moue dubitative.



Il m’attrapa sans que j’aie eu le temps de faire un mouvement, et je lui tombai dans les bras. Ses lèvres s’emparèrent doucement des miennes, et sans réfléchir, j’encerclai sa nuque de mes mains, répondant amoureusement à son baiser. Son corps chaud contre le mien m’excitait terriblement, il n’y avait rien d’exceptionnel à ça… mais comme je savais le sort que je lui réservais, j’étais bien plus nerveuse et sensible à son contact, ce soir. Gérard s’éloigna un peu pour me regarder.



Notre étreinte se prolongea… je finis par me lever, les jambes un peu tremblantes :



Naturellement, Gérard me suivit, comme un caniche, oserais-je ajouter. Je le menai jusqu’à la chambre, il trottinait en salivant sur mon postérieur. Une fois devant le lit, je le forçai à s’asseoir sur le bord du matelas.



C’était tellement facile que ça en devenait limite risible. Sans un mot de plus, je passai dans la pièce d’à côté pour mettre mon plan en action. Quand Gérard me vit revenir, quelques minutes plus tard, armée d’un martinet dans une main, d’un bâillon-boule dans l’autre, vêtue d’un body en cuir qui laissait mes seins nus, sa mâchoire sembla se décrocher.



Sans quitter l’engin du regard, Gérard s’étendit sur le lit. Puis ses yeux accrochèrent les miens… j’y distinguai une excitation violente, qu’il avait du mal à dissimuler.



Je pris mon temps pour répondre, m’occupant de déboucler son ceinturon et d’ouvrir sa braguette.



Je plongeai sur son sexe qui présentait déjà une insolente érection, et l’enfonçai dans ma bouche avec délectation. Mon homme se mit à gémir, j’en profitai pour caresser ses bourses tout en accentuant ma succion. Il était cuit.



Son souffle précipité m’indiquait au contraire à quel point cette situation le galvanisait. Il fit ce que je lui avais demandé, et retourna s’allonger sur le lit, me regardant d’un air à la fois inquiet et terriblement troublé. Je sortis une ceinture que j’avais préparée exprès dans un tiroir de la commode, et la passai autour de ses poignets, entrecroisant les extrémités, les emmêlant puis les resserrant pour fermer le tout. Ça tenait bien.


Gérard posait sur moi un regard brûlant de désir, et se laissait faire. Il bandait comme un âne.



Et je le mordis sauvagement sur le torse, tout près du mamelon. Gérard sursauta et poussa un cri.



Excédée, je me mis debout sur le lit et appuyai le bout de mon talon contre la large poitrine de mon homme.



Il ébaucha le geste d’embrasser ma chaussure, mais ses bras en l’air le gênaient.



Le premier coup de martinet l’atteignit aux mamelons. Mon homme se crispa, mais ne cria pas, me jaugeant avec défi. Je fouettai alors de toutes mes forces son torse, son ventre, son bas-ventre… l’obligeai à se retourner pour m’occuper de ses fesses, que je zébrai bientôt de mes lanières. À la fin, échevelée, je contemplai mon mari avec triomphe. Il tourna à demi la tête, la joue écrasée contre le matelas, et darda sur moi un regard passionné.



Gérard m’obéit docilement, et je louchai sur le bâton de berger digne de chez Bridou. La situation m’échappait, il fallait bien le reconnaître. Je n’avais même pas utilisé le bâillon-boule, je mouillais comme une folle et dans mon délire paroxystique, sa queue me semblait un sceptre subjuguant et magnétique que je me devais à tout prix d’enfoncer dans ma chatte en feu.


Réprimant à grand-peine l’envie de m’empaler sur son membre dressé contre sa cuisse, je descendis du lit, les jambes en coton, faillis me vautrer à cause des dix centimètres de talons, et titubai jusqu’à la commode, d’où je sortis cette fois un vibromasseur et un petit tube de lubrifiant à base d’eau.


Gérard m’observa sans mot dire. Sa respiration sifflante et sa robuste bandaison parlaient pour lui. Je dégrafai les attaches de mon body, à l’entrecuisse, et me glissai contre le corps aimé de mon mari. Nous échangeâmes de longs baisers humides… j’effleurai de mes ongles, vernis en mauve, les parties tendres de sa peau, qui se hérissa de chair de poule. Murmurant des mots sans suite, Gérard commença à me couvrir de son corps en embrassant mes seins.



Presque à contrecœur, je me redressai, repoussant doucement mon amant contre les oreillers. Il s’abandonna à mes caresses et mes léchouilles, frémissant, enfiévré. Dans leur prison de cuir, ses mains s’agitaient convulsivement, comme pour palper des formes imaginaires.

J’écartai les cuisses musclées de mon homme et m’assis sur son ventre à califourchon.



Le bougre savait bien ce que je lui réservais, en effet. Depuis quelques minutes je caressais la raie de ses fesses, la humant, la mordillant, la léchant, approchant lentement le vibro que j’avais enduit de lubrifiant. Gérard protesta encore, toujours pour la forme, fit semblant de se débattre, et s’abandonna, finalement, à mes caresses. Une fois le vibro profondément enfoncé, je le maintins du bout du doigt et reculai afin de coller ma chatte sur la bouche de mon amoureux.



Puis il lécha comme un perdu. Moi aussi je m’abandonnais, bougeant mollement le vibro entre ses cuisses, tout occupée à balancer mes reins pour que sa langue lutine mon sexe trempé. Le plaisir grondait en moi, me ravageait, et je finis par éclater dans un cri sauvage.


Gérard continuait à me lécher. Tremblante, je saisis d’une main son membre plus ferme que jamais, et me mis à le branler frénétiquement, pesant de tout mon poids sur le visage de mon amant. Il fit semblant de se révolter, comme s’il ne pouvait plus respirer, et rendit les armes, dans un feu d’artifice gluant que je m’empressai de lécher sur mes doigts.



Gérard me lança un drôle de regard.



Ça y est, je recommençais à m’énerver.





*




Il fallait reconnaître que le coup de gueule et le coup de pute n’avaient pas suffi. Pendant quelques jours, je me sentis extrêmement en colère. Puis le soufflé retombé, j’admis intérieurement qu’il n’y avait pas de quoi en faire un fromage. En fait, ça devenait un jeu, excitant, bourré de contradictions, mais tellement stimulant. Je surpris plusieurs fois Gérard en train de me fixer d’un air un peu inquiet. Sans doute redoutait-il un autre plan à la con. On avait refait l’amour, bien sûr, on ne pouvait pas s’en passer, mais tout à fait normalement.

Pendant mon rare temps de loisir, je commençai à raconter ce nous venions de vivre, histoire d’en faire une petite nouvelle sympa sur le thème du jeu.


Un dimanche matin que je continuais à réfléchir sur la façon de procéder pour faire plier ma bourrique de mari, il me surprit avec une drôle de requête. J’étais devant l’ordinateur, en nuisette (toujours), une tasse de thé à la main.



Je cherchai des yeux une quelconque feuille sur mon bureau quand il m’interrompit, l’air un peu gauche :



Je le lorgnai du coin de l’œil, intriguée.



Une fois seule, toujours surprise, j’examinai les documents sur l’écran et tombai rapidement sur ce que je cherchais, baptisé « Lilas story ». Je cliquai sur l’icône et un long texte apparut :




Bon, je me lance…


Pas évident cette fois-ci. Du Brodsky intime, sans filet, et pas (trop) délirant. Du vécu, des révélations, un peu comme une confession. Ça faisait longtemps que ça me démangeait, mais j’avais comme une espèce de pudeur à raconter tout ça. Et puis hier…je suis tombé sur un texte que Lilas préparait dans le plus grand secret. J’ai lu, j’ai bien rigolé, et puis je me suis senti tout ému (ouais, ouais, MOI, Brodsky, ému…)


Et je me suis dit que puisqu’elle osait mettre tout ça à plat sur du papier, la moindre des choses était que je lui renvoie l’ascenseur. Donc, voilà… Cette fois, et sans doute pour la première et dernière fois, vous allez avoir un texte sérieux. Un de ceux que certains me demandent depuis presque un quart de siècle. Chaussez vos lunettes et ouvrez bien vos yeux, vous allez (presque) tout savoir. Et vous allez pouvoir ricaner, bande de chacals.


Il y a environ deux ans, je sévissais sur un forum littéraire envahi par les pisseuses et les bobos. Écrire est un fantasme partagé par la plupart des boutonneux qui s’imaginent avoir percé tous les secrets de l’existence. Vu l’état de l’enseignement des lettres en France, seule une poignée de privilégiés sont capables d’aligner trois phrases de suite sans faire de fautes de français, aujourd’hui. Ce n’est pas ça qui donne un style, un talent quelconque ou des histoires à raconter, mais ça suffit à les emplir de morgue et à se prendre pour l’élite de leur génération.


La plupart d’entre eux se croient poètes. Ils alignent des vers insipides, mais parfaitement ciselés, avec la césure au bon endroit, et se commentent les uns les autres en s’envoyant des vacheries censées regonfler leur ego au maximum (moi j’ai du style et puis pas toi, moi j’ai inventé tellement de mots qu’on peut en faire un dictionnaire, moi j’ai plus souffert que tout le monde quand mon mec m’a larguée après trois jours d’amour fou, etc.).


Je ne postais pas grand-chose, mais je commentais pas mal de textes. Parmi tous ces prétentieux, il y avait quelques écrivains qui tentaient des choses, qui prenaient certains risques, qui écrivaient des textes intéressants laissant deviner un potentiel immense. Inutile de préciser que ceux-là, étaient immédiatement sabrés, tournés en dérision par les trous du cul institutionnels du forum. Je me souviens d’un commentaire ahurissant reçu par une gamine de 14 ans à qui une aînée avait écrit : « Ton histoire est stupide…moi j’ai passé une licence de littérature jeunesse, et blablabla et blablabla… »


Vous me connaissez mes zamours… (ouais, j’en vois qui rigolent déjà).


J’ai donc posté quelques histoires brodskyennes, hé hé. Horreur ! Imaginez les cris de la bonne société bourgeoise en plein cocktail bien-pensant voyant débarquer un gros porc en rut au milieu du salon. Et puis, je me suis mis à poster des poésies également… Hum, quel délice. Celle-ci les fit enrager :



Dernière insolence


Il n’y avait plus d’encre dans mon encrier

J’y ai versé mon sang et j’ai écrit avec

Mais le rouge écarlate alors a fait crier

Ceux qui en poésie gardent leur cœur au sec


Pour complaire à ces gens il faut bien du doigté

Il faut de l’encre rose, parler de l’air du temps

Ne surtout pas sortir de la vacuité

Des préoccupations des jeunes de vingt ans


Des rimes ciselées pour ne jamais rien dire

Des mots doux et sucrés pour des propos futiles

Des regards amoureux posés sur le nombril


On pourrait en pleurer, mais il vaut mieux en rire

Reprendre ses valises et, dernière insolence

Par un dernier sonnet tirer sa révérence…



Et puis vint le moment où, sans s’en rendre compte, on franchit la ligne rouge. Un poème bateau, ou plutôt une chanson quasi insignifiante à mes yeux, mais qui déclencha un tsunami de propos orduriers.



J’ai des copines chez les bourgeois

Qui tiennent leur couteau

En levant le p’tit doigt

J’ai des copines chez les prolos

Qui racontent des blagues

À l’heure de l’apéro

J’ai des copines à l’UMP

Qui disent que Sarkozy

Reviendra les sauver

J’en ai même chez les communistes

Mais j’en aurai jamais

Parmi les féministes


J’ai des copines dans les châteaux

Royalistes et poudrées

Perruques et talons hauts

J’ai des copines dans les bistrots

Celles qui paient leurs tournées

À tous les alcoolos

J’ai des copines dans les mosquées

Qui croient en ce qu’elles font

Et sont pas toutes voilées

J’ai ai même chez les lepenistes

Mais j’en aurai jamais

Parmi les féministes


J’ai des copines chez les homos

J’ai même dormi un soir

Avec une qu’est travelo

J’ai quelques copines mondialistes

Qui croient dans les vertus

Du monde capitaliste

Mais j’en connais qui sont pas pour

Qui ont même fait la bise

À ce bon vieux Zemmour

J’ai même une copine anarchiste

Mais j’en aurai jamais

Parmi les féministes.


J’ai des copines dans l’air du temps

Qui ont tiré un trait

Sur le Prince charmant

J’ai des copines qui ont vingt ans

Qui sont persuadées

Que c’était mieux avant

À toutes je leur ai fait la cour

Certaines ont rigolé

D’autres m’ont fait l’amour

Mais y aura jamais sur ma liste

Un seul nom à ranger

Parmi les féministes.



Oh là là mes zamours, que n’avais-je pas écrit. Après une polémique qui dura deux semaines, je finis par passer en jugement et par être condamné à un bannissement temporaire. Et c’est pendant cette période, somme toute jubilatoire de ma carrière de provocateur, que je fis la connaissance de Lilas.


En réalité, j’avais commencé par commenter certains de ses écrits, que je trouvais nettement supérieurs en qualité à ce qu’on trouvait dans ce repaire de crétins. Je lui avais dit, mais considérant qu’il était dangereux pour elle de recevoir trop de compliments de ma part, nous finîmes par nous entretenir en messages privés. Elle aussi, vous la connaissez… Elle n’a pas pu s’empêcher de me vanner, et nous échangeâmes quelques vacheries avant qu’elle ne réussisse à me vexer vraiment.


Je cessai donc de répondre pendant un temps, jusqu’à ce qu’elle m’envoie un message de soutien alors que tout le monde me traitait d’infâme.


Comme de mon côté, j’avais décidé que le bannissement serait définitif, je lui donnai mon adresse Facebook, en lui disant que si elle voulait échanger…


Elle me répondit affirmativement quelques semaines plus tard. J’ignorais alors qu’elle était en réalité une Déesse Olympienne qui avait décidé d’éclairer ma vie de pauvre mortel.



Vous devez savoir que je déteste habituellement discuter avec les gens sur Facebook. Trop anonyme, trop lointain… Au bout d’un quart d’heure, je m’emmerde et je trouve toujours un prétexte pour abréger la conversation (le chien à sortir, préparer la bouffe, aller au pieu, on vient de sonner, etc.).


Un soir, je me rendis compte que je parlais depuis deux heures avec elle… Et une sorte d’alerte retentit avec violence dans mon cerveau. Durée de conversation inhabituelle, avec une femme qui plus est… hum… danger.



Parce que vous devez savoir également mes zamours que les pétasses, je ne voulais plus en entendre parler. À presque cinquante ans, j’en avais connu assez. Je n’avais connu l’extase, ni émotionnellement, ni côté cul.


J’avais été marié dix ans, trois mois d’amour (pensais-je), puis le couple, puis les gosses, puis l’ennui, puis les reproches, puis les disputes, puis la haine sourde du quotidien, puis le divorce, puis les emmerdements, puis des tentatives de « refaire ma vie » avec des bonnes femmes pour qui l’amour n’avait pas d’importance, mais persuadées qu’on n’est rien si on n’est pas en couple.

Des rombières qui prétendaient avoir tout fait côté cul, mais qui une fois au pieu s’allongeaient et attendaient que ça se passe.


Je n’avais pas ces craintes avec Lilas, puisqu’elle « n’était pas disponible » et que nous habitions quand même suffisamment loin l’un de l’autre pour évacuer quand même toutes formes de drague à haut risque. Et puis j’étais trop vieux, trop gros, je fumais mon paquet de clopes par jour, j’étais grossier, vulgaire, misogyne, un peu facho, j’écoutais du Johnny Halliday…


  • — TA GUEULE BRODSKY !
  • — Quoi ma gueule ? Qu’est-ce qu’elle a ma gueule ?
  • — Arrête de te faire passer pour un connard !
  • — Mais JE SUIS un connard ! Du moins, ce qu’une écervelée comme toi appelle un connard. – Et j’en suis fier !
  • — À d’autres ! J’ai lu tes blogs.
  • — Hein ?
  • — J’ai fouillé internet de fond en comble. JE SAIS qui tu es vraiment !

Là, ça craignait vraiment !


C’est vrai que depuis les années 2000 j’avais ouvert une quantité de blogs assez importants. Que j’avais participé à de nombreux forums, écrit des bouquins qui ne se vendaient pas, des poésies jetées comme des messages dans des bouteilles sur l’océan du net, mais c’était avant.

Avant que je m’enferme tout doucement dans un confortable état semi-dépressif et que je renvoie la race humaine dans son ensemble à la place qu’elle n’aurait jamais dû quitter. Et puis, j’avais utilisé des pseudos différents… Comment cette petite peste avait-elle pu découvrir tout cela ?


  • — Bon, tu sais deux ou trois trucs de mon « moi d’avant », mais j’ai changé. Mon seul but désormais est de faire chier les bien-pensants, les lâches, et les abrutis. Je ne vois pas ce que tu trouves sexy là-dedans ?
  • — Qui a dit que je te trouvais sexy ? Tu n’es pas du tout mon genre. Et puis, j’ai des exigences sexuelles énormes, moi. Alors je ne vais quand même pas me taper le troisième âge.
  • — Hé, moi aussi j’ai des exigences sexuelles que peu de femmes peuvent supporter.
  • — Ah oui ? Raconte…
  • — Je suis maso. Je ne bande que quand je suis attaché et bâillonné. Et je prends mon pied en prenant des coups de fouet ou des coups de ceintures.
  • — Aaaah… Oui en effet ! Et tu trouves des femmes pour ça ?
  • — Non.
  • — Alors tu fais comment ?
  • — Je me branle devant des vidéos, ou je vais voir des professionnelles.
  • — T’es vraiment taré !
  • — Puisque je te le dis.



Oh, putain. C’était du lourd. Je me sentais émue, moi aussi, mais je crois que c’est la contrariété qui emporta le tout. Il était encore en train de raconter n’importe quoi, mélangeant vérité, fiction, fantasmes… ça s’était passé comme ça, oui, à quelques détails près, mais ces détails faisaient toute la différence. Et encore une fois, il utilisait « Lilas », ce foutu pseudo que parfois, j’avais envie d’arracher du net en supprimant toutes traces de lui. Lilas, cette nana jamais fichue de se faire apprécier comme elle le devrait, trop brutale et franche dans ses propos. Celle qui assumait ses fantasmes qu’elle taisait hors ordinateur, en écrivant des historiettes sexuelles à la mords-moi-le-nœud, qui ne valaient pas tripette. Cette nana révoltée toujours en train de se battre pour gagner l’estime des hommes sur les forums où la plupart du temps ils étaient plus nombreux que les femmes… et jamais fichue non plus de terminer ses séries, par manque de temps, ou parce qu’elle butait sur une difficulté technique qu’elle n’arrivait pas à surmonter. Alors elle laissait tomber.


Je n’étais pas cette nana-là, IRL, comme on disait. Non, dans la vraie vie, j’étais drôle, on pouvait me faire confiance, je payais l’apéro à presque tout le monde, et j’étais même un peu maniaque, voire jusqueboutiste.

En tout cas, personne, jamais, ne m’avait traitée de connasse prétentieuse dans la vraie vie (à part mon ex-mari, mais c’est un autre débat – ça compte pas). Lilas, j’avais envie de la baffer régulièrement. Et pourtant, je n’arrivais pas à la lâcher. Grâce à elle, mes histoires avaient connu un public. Et c’était bon, ça, mon gars.


Profitant que Gérard s’occupait des petits dans le salon, je poursuivis ma lecture, redoutant un peu la suite, le cœur battant :



Là, j’étais sûr de mon effet. Elle n’allait pas tenter d’y revenir, la poulette. Comme d’habitude, j’avais largement exagéré, mais je me disais qu’il fallait au moins ça pour verrouiller toute effraction supplémentaire dans mon intimité. Ça l’a calmée sur le plan cul, mais on a continué à causer du reste… Et quel reste !



Littérature, philosophie, histoire, des heures et des heures de discussions, d’échanges de point de vue sur le monde qui nous entourait, jusqu’au jour où comme un con, je lui ai proposé qu’on poursuive nos conversations au téléphone. Elle a tiqué, bien sûr… mais pas trop longtemps.



La voix de Lilas… Je voudrais pas vous faire baver mes zamours, mais c’était un enchantement supplémentaire. Et son rire… Mon Dieu son rire… Cristallin, avec des intonations à vous couper le souffle. À ce stade, j’aurais dû comprendre… Mais JE NE VOULAIS PAS COMPRENDRE. Et puis un soir, la question qui tue :


  • — Brodsky, crois-tu qu’on puisse tomber amoureux de quelqu’un qu’on n’a jamais vu autrement qu’en photo ?
  • — … Oui, je crois (mais ferme ta gueule putain, t’es grave toi !)… Ce doit-être ce qu’on appelle de l’amour platonique. Pourquoi cette question ? (Mais tu es bouché, espèce de connard ! Raccroche, et plus vite que ça !)
  • — Et ressentir du désir ?
  • — Ben… Peut-être… Mais tout ça reste très virtuel, tu sais…
  • — Je me dis que c’est immoral quelque part. Tu sais que je ne suis pas disponible…
  • — Ben… Dans la mesure où on ne se verra jamais, il n’y a rien de mal. C’est comme si je fantasmais sur une actrice… (Brodsky, je suis ta conscience ! Arrête tout de suite de dire des conneries, c’est un ordre !)
  • — Pourquoi penses-tu qu’on ne se verra jamais ?
  • — Ha ha ha ! (c’est ça, rigole, abruti)… On habite bien trop loin l’un de l’autre…


Deux semaines plus tard, je faisais les cent pas sur le quai de la gare Montparnasse. J’étais passé chez le coiffeur la veille, et j’avais pris ma douche mensuelle



Mensuelle ? Comment ça, mensuelle ?



Bon, ne nous laissons pas distraire par ses conneries, reprenons :



… j’avais pris ma douche mensuelle le matin même. Je m’étais habillé en noir, histoire de paraître plus mince, et bouffais des pastilles à la menthe pour masquer le goût de cendrier froid que devait avoir ma bouche.



Qu’est-ce qui avait bien pu me décider à franchir le pas ? Tout s’était fissuré lorsque Lilas avait fini par m’avouer que son mec lui parlait de divorce depuis plusieurs mois. Indisponible aux yeux de la loi et de sa paperasse administrative, certes, mais disponible de cœur, d’âme et de corps… Au fil de nos conversations, mes derniers verrous avaient tous sauté, les uns après les autres.


Restait à se rencontrer… Je savais qu’elle me plaisait, qu’elle était belle, que son esprit m’avait subjugué. Mais moi… Les vitrines des magasins de la gare me renvoyaient l’image d’un gros balourd à la démarche hésitante, aux traits fatigués, aux yeux cernés par le manque de sommeil, fringué comme un pingouin dans un supermarché.


Arrivée du train… Le palpitant qui s’accélère, la sueur qui commence à perler, l’envie de me carapater à toute berzingue, de redevenir Brodsky le mufle, Brodsky l’enfoiré… Et cette petite voix qui continue de murmurer à l’intérieur : « Tu vas douiller bonhomme, regarde-toi un peu… elle va hurler de peur en te voyant… »


Les premiers voyageurs passent devant moi. Le temps s’est arrêté… Je ne sais plus où je suis, ni ce que je fais là. Soudain un petit bout de femme dans un manteau rouge. Elle avance vers moi en souriant. Je pose mes grosses pattes sur ses épaules… Elle me regarde de ses yeux verts et pénétrants. Son regard me flingue une bonne fois pour toutes… Je sais que je suis perdu. Nos bouches se rencontrent, nos langues se mélangent… Ça dure un long moment. Puis…


  • — Tu as fumé Brodsky !
  • — Euh… Oui.



Han la la ! Mais comment c’était pas vrai, son histoire ! Jamais je ne me serais permis de dire un truc pareil à notre première rencontre ! Au contraire, sa bouche était chaude, mentholée, et quand ma langue avait rencontré la sienne, un courant électrique m’avait parcouru de la tête aux pieds… J’étais tellement peu sûre de moi, les entrailles nouées, le corps crispé par l’anxiété et l’intensité de mes émotions…


Enfin bref, passons.



Je lui prends son sac (ça y est Brodsky, tu commences à faire le toutou), elle me donne la main. Elle a mis des gants. Frustration… On avance tous les deux lentement et maladroitement au milieu des crétins pressés qui nous bousculent sans arrêt. Elle regarde par terre… Je regarde en l’air. On doit avoir l’air con.



Oui, bon, là, j’admets, y avait du vrai.



On arrive chez moi. On s’embrasse à nouveau, on s’étreint longuement… Et puis elle s’assoit. Elle a le regard grave, sombre… Ben ouais, quoi. La réalité s’impose. Je ne suis pas un prince charmant. Même pas un crapaud. Elle doit se demander ce qu’elle fout ici.


  • — Tu avais raison Brodsky. Je n’aurais pas dû venir ici. On n’aurait jamais dû se voir…

Je sors une sèche. Mes mains tremblent un peu, et je m’y reprends à plusieurs fois pour l’allumer.


  • — C’est mal ce qu’on est en train de faire, Brodsky.
  • — Écoute… Tu sais que je vais tenir parole. Si tu as encore le moindre doute quant à ta situation, si tu crois que tu peux encore sauver ton mariage, on va juste rester assis et discuter, rien de plus. Mais…
  • — Mais ?
  • — Mais tu m’as raconté ta vie. Ça fait des années que ça dure, que tu es malheureuse. Et moi… Eh bien moi je crois bien que je t’aime. Ça aussi, il faut que tu le saches.
  • — Tu ne sais pas si tu m’aimes. On ne se connaît pas vraiment.
  • — Ça fait des semaines qu’on parle ensemble. Et je te l’ai déjà dit, il en faut beaucoup plus qu’un beau petit cul pour me faire tourner la tête. Je ne voulais plus entendre parler de femmes… Et puis tu es là. Ne me demande pas comment c’est possible, je n’en sais rien. Je sais juste que c’est comme ça. Alors pas de chichi… Pas de faux-semblant. Si tu es déçue, si je ne te plais pas, dis-le et on en reste là. Sinon, avec ce que je sais de toi…ce serait vraiment trop con de passer à côté de notre histoire. Cela dit… Je respecterai ta décision.

Elle se lève et vient s’asseoir à califourchon sur mes genoux. Elle prend mon visage dans ses mains et recommence à m’embrasser comme une folle.


  • — Putain, Brodsky, j’ai envie de toi…


Ben tiens ! Putain de fantasme, oui ! Je souris, un peu troublée. Bon, ça s’écartait quand même pas mal de ce qui était arrivé. Mon cher et tendre avait omis pas mal de choses, et en avait déformé d’autres.



Je me lève et la porte dans mes bras pour l’emmener dans la chambre. Évidemment, la poignée de porte du couloir se prend dans les passants de sa jupe et on manque de se vautrer comme des bouses. Voilà ce qu’il en coûte de trop regarder les films à l’eau de rose de M6 en loucedé. Je finis quand même par la déposer sur le lit. J’ai envie d’elle comme un fou. Je la regarde intensément. Je vois ses yeux briller d’un éclat étrange. Soudain elle lâche :


  • — À genoux !
  • — Hein ?
  • — À genoux ! Embrasse mes bottes !

Je m’exécute en tremblant de tout mon être. Elle se redresse et commence à se déshabiller.


  • — Dessape-toi Brodsky. Dépêche-toi ! Bien, allonge-toi sur le lit maintenant… Sur le ventre s’il te plaît.

Je la vois alors qui s’empare de la ceinture de mon pantalon.


  • — Mais… Qu’est-ce que tu fais ma chérie ?
  • — Je vais te faire bander mon chou. Puisque tu ne bandes qu’en prenant des coups de ceinture.
  • — Non, mais… c’était des craques. Regarde par toi-même.
  • — Tu te fiches de moi ? C’est une demi-molle que tu me présentes là. Moi, je veux du solide.
  • — Mais…

Un premier coup de ceinture me cingle violemment les fesses. Je crie, mais en même temps, je sens ma verge se durcir beaucoup plus. Elle recommence cinq fois de suite, et là, je suis au maximum du maximum de ma bandaison. J’ai l’impression que cela fait mille ans que je n’ai pas éprouvé un tel désir. Elle regarde mon érection et susurre :


  • — Je vois que ça te fait de l’effet. Et j’en suis fort satisfaite figure-toi…
  • — Pourquoi ?
  • — Parce que gare à toi si tu m’as raconté des conneries. Moi, j’aime ça… Tu comprends ce que je veux dire ?



Là, j’éclatai de rire. Non, mais, quel farceur !



Nous fîmes l’amour trois fois cet après-midi-là. Dans les semaines et les mois qui suivirent je découvris à presque cinquante ans ce que faire l’amour signifiait vraiment. Je découvris qu’il fallait pour cela une véritable fusion des corps et des âmes. Je compris que faire l’amour, c’était avant tout un état d’esprit permanent.



Une balade dans la forêt avec Lilas, un repas pris à deux, un film regardé à deux, une conversation devant le petit déjeuner du matin avec elle, tout cela en réalité est une manière de faire l’amour. Parce que l’amour est toujours présent, jusque dans nos bouderies ou dans nos disputes.



Jusque-là, dans les nombreuses vies que j’avais pu vivre avant, le plaisir des sens n’excédait pas trois mois. Après, nous formions un couple, un monstre social se nourrissant d’un accommodement raisonnable et des renoncements de chacun. Rien de tout cela avec Lilas… Ses plaisirs me font plaisir, et les miens deviennent les siens. Je ne veux pas la voir changer, mettre de l’eau dans son vin, ne plus râler pour pas grand-chose.


Quant à moi, si je n’ai plus le droit de cloper, si je dois économiser l’eau, faire le tri sélectif, si j’ai interdiction de la contredire en public, si je dois lui laisser le volant quand on prend la voiture, si je dois lui lécher les pieds pendant une heure tous les soirs, si je n’ai plus le droit de l’embrasser après lui avoir léché les pieds pendant une heure, je suis juste totalement heureux de ma situation. Et cela dure depuis deux ans maintenant… Et je serai son esclave durant toutes les années qui me restent à vivre si telle est sa volonté.



Mais qu’on s’entende bien mes zamours : Ce que je viens de raconter, c’est juste vrai pour Lilas. Parce qu’elle est une Déesse tombée des étoiles et qu’elle a su s’emparer de mon âme. Si certains d’entre vous ont eu la folie de croire que Brodsky était devenu plus humain, plus sympa, plus sociable ou je ne sais encore quelle autre stupidité, ils se sont fichu le doigt dans l’œil jusqu’au coude.


Et puisqu’il faut dans chaque histoire que Brodsky emmerde le monde, j’interdis formellement à Arobaz de mettre une note pourrie à ce texte historique. Sinon, le feu du ciel descendra sur sa tête… Non, mais !



Ah ouais, quand même…




*




Je faisais le pied de grue depuis bien dix minutes quand je vis enfin le train pointer le bout de son nez au bout de la voie. J’attendais Gérard, qui rentrait de formation. Je ne l’avais pas vu depuis six jours, et je me sentais tout émotionnée. Putain ce que je l’aimais, ce vieux con.

Quand il descendit du wagon, je me frayai un passage dans la cohue et me jetai dans ses bras. Nous nous embrassâmes comme des morts de soif. Je lui trouvai le teint pâle et les yeux cernés.



Nous nous étreignîmes… que c’était bon d’être dans ses bras virils, de sentir le parfum de sa peau, là, au creux de son cou… que je l’aimais…



Je réprimai un sourire et le considérai sérieusement :



Nous descendîmes l’escalator et sortîmes de la gare. Gérard marqua un temps d’arrêt en voyant une femme qu’il ne connaissait pas dans la voiture, assise côté passager.



Gérard me regarda, stupéfait, un peu soupçonneux.



Il finit par jeter son sac dans le coffre et s’installa à l’arrière. Je le rejoignis à la portière encore ouverte et lui présentai un foulard que je venais de sortir de ma poche. Sa perplexité sembla à son comble. Nous nous regardâmes, il ouvrit la bouche… puis la referma. Je lus dans ses yeux qu’il acceptait son sort. Je l’embrassai tendrement sur le front, et lui nouai le foulard autour de la tête, cachant son regard.



Il ne répondit pas. Il avait l’air inquiet. Je faillis éclater de rire, mais je ne voulais pas faire capoter la Grande Scène de l’Esclave. Sophie me passa les menottes à travers les sièges, je les pris et les encerclai autour des poignets de mon homme, qui se laissa faire. Je le sentis trembler à mon contact.



Puis je me glissai derrière le volant. Je rencontrai le regard complice de Sophie, lui fis un sourire, et nous prîmes la route.

Une demi-heure après, nous étions arrivés. Je trouvai une place tout près de l’entrée. Gérard, toujours muet, semblait cacher son inquiétude sous des airs bravaches lorsque je le fis descendre. Je le guidai lentement, papotant de choses et d’autres avec Sophie. Plus nous approchions du bâtiment, plus la musique était forte. À l’entrée, nous bifurquâmes vers l’escalier qui descendait vers les petites salles du sous-sol.



Il se raidit.



Hum, un peu irrité le gentil bougon.



Ce que je fis. Mon amoureux battit des paupières et jeta des regards curieux autour de lui. Nous nous trouvions devant une porte noire, au milieu d’un couloir brillamment éclairé. La musique nous parvenait toujours, assourdie. Il sembla soulagé d’être seul avec moi.



Gérard me transperça du regard.



Lui ne semblait pas être au sommet de son art comique. Il me toisa sombrement, puis soupira.



Nous partageâmes un baiser goulu, puis presque à regret, je l’éloignai doucement de moi.





*




On avait baissé la musique. La salle était remplie d’une vingtaine de personnes. Je m’étais changée, et avais revêtu une jolie petite robe rouge, fluide, moulante, bordée de dentelle noire. Par fantaisie, j’avais ajouté un boa noir autour de mon cou, et des lunettes teintées de pétasse flic. Un collant noir couture et mes escarpins de dix centimètres complétaient l’ensemble. Le reste des invités était à l’avenant, côté vêtements. J’étais ravie d’avoir trouvé autant de personnes motivées à jouer le jeu.


Tout le monde devisait tranquillement, certains avachis en train de se bécoter dans la demi-douzaine de sofas qui remplissaient les recoins les plus sombres. Un buffet était servi le long d’un mur, beaucoup de punchs et deux récipients remplis à ras bord de soupe de champagne au curaçao. Il y avait pas mal de toasts aussi, chacun avait ramené un petit quelque chose. On avait laissé les spots de couleurs et la boule à facettes, pour garder le petit air de fête un peu glauque qui convenait à la situation.


Je m’approchai du petit attroupement qui s’extasiait devant ma statue.



Elle s’approcha de la silhouette immobile, sembla hésiter, puis finit par mettre les mains au paquet, soupesant les bourses. Elle émit un sifflement.



Je pris le temps de la réflexion… Puis je hochai la tête en signe d’assentiment. Isabelle se tourna à nouveau vers la statue, s’approcha à petits pas, s’agenouilla lentement… et goba les bourses dans sa bouche. Elle les suça quelques secondes. Je constatai que le membre était en érection. Il frémissait à chaque coup de langue.


Pendant qu’on regardait Isabelle se laisser emporter par le désir et enfoncer le sexe bandé dans sa bouche, Maud me demanda en aparté :



Maud hocha la tête, impressionnée. Isabelle finit par s’éloigner, nous jetant un regard penaud en s’essuyant la bouche. La statue bandait toujours. Je laissai mon regard glisser sur le corps seulement vêtu d’une combinaison en vinyle noire et ouverte à l’entrejambe. La tenue impliquait également une cagoule de même matière, et un bandeau noir cachait les yeux de mon Esclave. Le bâillon-boule était inutile, mais j’avais insisté. Plaisir personnel.


Vers deux heures du matin, la salle commençait à sentir sérieusement le cul, vu qu’il y avait des couples qui avaient baisé un peu partout. Mais discrètement quand même, fallait pas abuser. Avec Sophie on commença à mettre gentiment les gens dehors. On promit de se revoir tous très vite, que ça avait été génial, excellentissime, etc.


Puis finalement, il ne resta que moi. Et mon Esclave. Je m’approchai doucement de lui, et lui enlevai son bandeau.

Gérard me regarda. Tout en lui n’était qu’amour et désir. Les yeux dans les yeux, je lui ôtai son bâillon-boule. Il fit des mouvements de mâchoire.



Gérard me prit dans ses bras, et m’embrassa passionnément, tout en m’entraînant vers la table du buffet. Il me souleva et je posai mes fesses sur la table, tandis qu’il craquait mon collant à l’entrecuisse d’un geste vif.



Je me pressai contre lui, haletante, excitée. Gérard enleva sa cagoule et la jeta au loin, au pied de la banderole où on pouvait lire « La Divine Omphale ». Il fourrageait dans mes cheveux en butinant mon visage de baisers brûlants. Tout de suite, il s’enfonça en moi, me prenant comme un dément. Apparemment, l’attente avait été longue… très longue. Je criai mon plaisir tandis qu’il me labourait à coups de reins énergiques. Oh… pu… tain… de…


Je me crispai violemment, inondée par l’orgasme. Gérard ne tarda pas à suivre, soufflant son haleine bruyante dans mes cheveux. Emportés par l’intensité de notre plaisir, nous restâmes longtemps serrés l’un contre l’autre, attendant que nos cœurs se calment.





*




Quelques jours après cette inimaginable soirée, le train-train quotidien avait repris sa place, et mon mari son rôle de mari. Jusqu’à la fin, je n’avais pas su si je serais capable de faire un truc pareil… et si lui accepterait de le faire avec moi.


Décidément, notre histoire était tout, sauf banale…


J’étais en train de surfer sur mon site préféré lorsque je m’aperçus que mon chéri avait encore publié un texte sans m’avertir. Il l’avait baptisé « une histoire d’amour ». Je cliquai dessus, ennuyée qu’il ne m’ait toujours pas fait lire son histoire avant de la faire publier sur le site. Je m’aperçus bientôt de la portée de ce que j’étais en train de découvrir…



Il vit ma tronche.



Je continuai à le fixer, les yeux brillants.





Avec l’aimable collaboration de Brodsky.