Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 17609Fiche technique37987 caractères37987
Temps de lecture estimé : 22 mn
21/10/16
corrigé 06/06/21
Résumé:  Un auteur est exclu injustement d'un site de littérature érotique. Il profite de son exil pour remettre de l'ordre dans sa vie amoureuse.
Critères:  h fh hplusag couple enceinte bizarre jardin revede hmast pénétratio attache délire humour
Auteur : Olaf      Envoi mini-message
Le vieux qui lisait des histoires érotiques les yeux clos

La fille écarte ses fesses à deux mains, largement, soulignant d’un râle le plaisir qu’elle prend à s’offrir ainsi à son mec qui bande comme un taureau, le regard aimanté par la scène.

Le mec, c’est moi, attaché sur une chaise, les mains derrière le dos, fou de désir pour la croupe incomparable qu’Azzaëlle agite à quelques centimètres de ma bite, sans me laisser l’effleurer.


Ma queue palpite d’impatience, mes couilles sont plaquées contre mon bas-ventre, gonflées de sperme, prêtes à lâcher tout ce qui va inonder la raie et les orifices de ma belle. Mais plutôt que de se laisser prendre, la garce préfère agiter ses doigts sur son bouton cramoisi. Encore un matin où elle a décidé de m’exciter sans espoir de soulagement ! Je tente d’approcher mon dard de son cul, mais elle esquive l’assaut au dernier moment.


Je connais trop bien la fille. Je ferais mieux de me laisser faire jusqu’à ce qu’elle se lasse de cette torture. Mais voilà, j’en suis incapable et elle en profite. Elle me rend dingue dès que j’aperçois le moindre morceau de sa peau, à plus forte raison sous une jupe fendue, ou entre ses seins dévoilés par un top un peu béant. Elle sait parfaitement qu’en s’offrant à fessier déployé, les poils de sa fente effleurant mon gland, elle ne me laisse aucune chance de revenir à la raison. Obnubilé par l’envie de fouiller cette merveille anatomique, mon cerveau du bas ne me laisse envisager d’autre alternative qu’une immédiate pénétration.


Depuis la première fois où nous nous sommes allongés – en vérité pas allongés, puisqu’elle s’était arrangée pour que je la prenne debout contre la machine à café de son lieu de travail –, ce petit volcan n’a de cesse de me faire bander, comme ça, en passant, puis de faire semblant de s’en offusquer. Elle m’impose alors d’épuisantes punitions sexuelles avant de se jeter sur moi et de m’engloutir de la plus délirante manière. Son imagination sensuelle est sans limite. Son désir de baise est insatiable. Et, par-dessus tout, son penchant pour la débauche m’est non seulement exclusivement réservé, mais il est couplé à un amour inconditionnel. Azzaëlle est mon amour, ma femme, ma femelle, mon tout.


Superbe Azzaëlle se décide enfin à me détacher avant de s’asseoir sur mes cuisses, ma bite coincée entre ses fesses pour mieux me sentir gicler lorsque les basculements de ses reins me l’imposeront.


Le souvenir de son visage, de son sourire, de sa blondeur, de la tendresse dont elle me submergeait lorsqu’elle était enfin rassasiée, de toutes ces images d’elle gravées au plus profond de moi, me pousse à accélérer le rythme de ma masturbation. Comme elle l’avait provoqué ce matin-là, il y a près d’un an, un dernier coup de poignet suffit à me faire jouir. Une violente secousse me traverse, crispe mon ventre, me coupe le souffle pendant que le jus blanchâtre s’échappe de mes glandes surchauffées.


Les yeux fermés, les sens enfiévrés, le cœur survolté, j’essaie de retrouver la sensation de la chaleur du corps de mon aimée contre mes cuisses. Le rappel de l’effleurement de ses doigts fins sur mes tétons provoque un dernier spasme dans ma queue encore raide.


Cela n’empêche en rien l’inévitable effondrement. Dès que ma respiration se calme, que mon sexe dégonfle, le manque du corps de ma femme me broie, ma solitude redevient insupportable. Le temps n’y peut rien. Les maigres plaisirs que je me donne en rêvant d’elle me font plus de mal que de bien.

De mes yeux coulent maintenant des larmes aussi abondantes que la semence qui dégouline entre mes cuisses. Le subterfuge génital par lequel j’espère presque chaque jour pouvoir communier avec mon amour mort se transforme en piège douloureux. Plus puissant que l’orgasme que je viens de vivre, le souvenir de ses offrandes me crucifie.

Le goût répugnant de la déprime envahit ma bouche. L’intolérable lucidité qui a déjà noirci plus de trois cents de mes jours et de mes nuits redonne une tonalité lugubre à mon désespoir.


Un putain de camion fou a fracassé l’amour de ma vie un matin du printemps dernier. C’est sans appel, et à jamais.

Comment se relever d’un tel coup du sort lorsque, par-dessus tout, on apprend, au hasard d’un rapport d’autopsie, qu’une des roues a écrasé l’enfant qu’elle portait en son ventre ?



ooo000ooo



Débraillé comme trop souvent ces derniers temps, le cul à l’air, quelques derniers frémissements dans l’échine, je m’affale devant mon ordi, histoire de découvrir les insultes dont les Criticons et quelques vaillants Critipros s’abreuvent depuis quelques jours. Le site d’histoires érotiques qui a accueilli mes premiers textes part en sucette à cause de sagouins qui s’acharnent à y mettre le bordel. Et qui terrorisent les rares membres qui osent encore prendre la parole sur le forum, exprimer un avis un poil original, s’intéresser à l’essence même du site, autrement dit le cul, la baise et parfois un peu la tendresse, sous toutes ses formes et méformes.


J’ai un mauvais sentiment en constatant le peu de messages non lus dans ma boîte. Je ne peux retenir un hoquet d’horreur en découvrant la raison de ce calme inhabituel : Syringa a été découverte sans vie chez elle. Les légistes viennent d’emporter son corps ; ils penchent clairement pour une mort naturelle. Une mort due à une surcharge érotique mais néanmoins naturelle, qu’ils disent. Ils en veulent pour preuve le gode démesuré trouvé entre ses cuisses. L’enquête ne risque pas de s’enliser. Pour eux, c’est évident, elle a succombé à l’orgasme de trop.


Je n’arrive pas à réaliser ce qui se passe. Est-ce vraiment la ténébreuse Syringa, dont les textes et la toison couleur ébène agitaient mes sens, qui aurait été retrouvée chez elle, nue, sans vie ? Comment imaginer que cette femme chaleureuse qui alternait si bien tous les genres d’écriture, que cette auteure voluptueuse qui pouvait passer du plus élégant romantisme à l’étalage le plus cru de ses désirs intimes, n’écrirait plus aucune ligne ? Comment accepter que cette muse du Comité Éditorial, qui se déjouait des pièges tendus par les irresponsables de la guilde malfaisante des Criticons, ait réellement rendu l’âme ? Mais à qui donc rendre une telle âme ? Pourquoi faut-il que cette jouisseuse insatiable, encensée texte après texte par son amant, qui dévoilait plus d’elle qu’elle ne l’aurait voulu, ne le fasse plus jamais jouir de la croupe ou de la langue et nous prive à jamais de ses élans littéraires ? Et tout ça à cause d’une volupté trop intense ?


Qui pourrait croire cela ? Même sans être intime avec la dame, volupté trop intense et Syringa, c’est juste incompatible. Et la taille du gode n’y change rien. Une femme comme elle maîtrise son plaisir de bout en bout. Peu importe que ce bout soit celui d’un ou de plusieurs amants, ou encore celui d’un vibro-gode à turbo-propulsion. Se péter une corde vocale en hurlant de plaisir, passe encore ; mais succomber à un orgasme « de trop », jamais.


À ce stade de ma réflexion, le doute s’insinue en moi. Quelque chose dans le style d’écriture de ses derniers textes émerge de mon subconscient. Ou plutôt, quelque chose qui manquait dans ses derniers textes. La réponse s’impose rapidement : la joie de vivre dont elle pimentait ses écrits, la manière ludique de décrire ses baises jouissives, ses éclats de rire orgasmiques, la verve de ses premiers textes, tout cela s’était transformé depuis quelques semaines. La flamme de la volupté diminuait. La tête prenait le dessus sur le ventre. La spontanéité restait hors de portée.


Pour être sûr de mon intuition, je relis ses dernières publications et ses interventions sur le forum. Celles qu’elle avait écrites pour se défendre d’une des innombrables attaques d’un Criticon vicieux qui la maltraitait avec la bienveillance d’une tumeur invasive.

Une réponse à Minorchis, trois jours plus tôt, me met la puce à l’oreille. Il avait une fois de plus tenté de la déstabiliser, sous un prétexte futile. Il aurait fallu être sourd et aveugle pour ne pas comprendre qu’en secret, le type la désirait comme un bouc et prenait ses éjaculations précoces pour des hommages virils.


Je l’imagine comme si j’y étais – Dieu m’en préserve –, sa nouille trop cuite entre les mains, tentant désespérément de retrouver un peu de vigueur à la lecture d’un passage décrivant en détail le feu d’artifice que Syringa préparait pour le retour de son amant.

Le respect de la paix de morts m’empêche d’en citer des extraits ici. Mais j’avoue que, malgré ma situation émotionnelle et sentimentale des derniers mois, les intentions particulièrement gratinées de la belle ne m’ont moi-même pas laissé de marbre. Peu d’autres filles savent – ou veulent bien – décrire avec tant de précision cette envie de mâle qui titille le tréfonds de leur intimité.


Je n’ai dès lors aucune peine à imaginer la rage de Minorchis à l’idée que les cuisses de la femme qu’il désire s’écartent pour un autre, que les lèvres de sa vulve laissent échapper un jus que seul un autre pourra lécher, que c’est pour être mieux pincées par les doigts d’un autre que les pointes de ses seins se dressent.

L’Autre, encore l’Autre, toujours l’Autre ! Cette femelle adulée, convoitée depuis si longtemps lui échappe plus encore à chaque nouveau texte. Rien d’étonnant à ce qu’il ait mis sur la tête et dans le ventre de Syringa une pression insupportable. Rien d’étonnant à ce qu’il ait trouvé les mots qui font souffrir, qui collent à la peau, qui salissent.


Si Syringa et son amant n’ont pas perçu le danger assez tôt, leurs ébats pourraient en avoir subi quelques conséquences. Même pour des amants fusionnels, une infime perte de libido peut suffire à gripper une machine pourtant bien huilée de cyprine. De là à ce que le désir diminue, même passagèrement…


Cela, je ne doute pas une seconde que Syringa n’accepterait pas de le supporter. « Plutôt mourir ! » avait-elle d’ailleurs écrit dans un de ses derniers textes. Des textes qui n’avaient rien à voir avec sa réalité, certes, mais quand même. Plutôt mourir. Mais pourquoi, Syringa ? Il y aurait eu tant d’autres choix possibles. Et surtout, pourquoi ce simulacre d’orgasme, cette mise en scène qui ne te correspond en rien ?


J’ai naïvement envie de partager mes doutes et mon chagrin avec quelques membres du site avec qui je conversais en toute amitié avant l’invasion des Criticons. Je formule sur le forum de discussion l’hypothèse que la jeune femme ne soit pas morte naturellement, mais de chagrin, de désespoir. Morte à cause d’un trop-plein de Criticons bouchant son horizon orgasmique. Morte à cause d’une trop grande fêlure que ces répugnants personnages seraient arrivés à provoquer dans son intime. Morte à cause de leurs sarabandes obscènes qui ont fait perdre à la jeune femme le goût du bonheur et du plaisir.


Mal m’en prend. Ou plutôt, bien m’en prend, tant je touche juste. L’hypothèse d’un suicide littéraire fait mouche. Quelques messages de membres férus d’informatique confirment la possibilité que Syringa soit morte en apparence, mais sans réelles conséquences physiques pour elle. Une mort publique, mais uniquement virtuelle. Cette manière de protéger sa personnalité de la malfaisance d’internautes trop puissants, infiltrés dans la majorité des médias sociaux, serait administrativement possible depuis quelque temps. Ça bouleverse le quotidien et les proches en prennent plein les dents, mais ce serait parfois la seule solution pour échapper à une vindicte cybernétique.


La réaction de Minorchis est fulgurante : il souffre comme une bête d’avoir été démasqué et veut ma mort. Non pas ma mort littéraire, cette fois, mais ma vraie mort. Un face-à-face à l’ancienne, dans une clairière, au petit matin.

En une fraction de seconde, il obtient du modérateur en chef le retrait des messages exprimant mes doutes sur la mort naturelle de Syringa. Puis, pendant le reste de la seconde à disposition, il sort la grosse artillerie et fixe les fronts. C’est le soufflet qui rend le duel incontournable, qui annonce l’issue fatale pour l’un des protagonistes.


Dans un premier temps, une épitaphe nauséabonde paraît sur le forum, se terminant par quelque chose du genre :

Certes, Syringa avait des seins comme des obus. Mais c’étaient des obus de la guerre de soixante-dix, au contour incertain et aux bouts arrondis. La bienfacture des pointes n’apparut qu’à la génération suivante !

À vomir ! Mais aucun modérateur ne bouge.


Quelques heures plus tard, une déferlante de haine, de feu et de fer s’abat sur moi. Minorchis lance ses Criticons amis et alliés à l’assaut. Les insultes pleuvent, les ressentiments qui dormaient sous la braise resurgissent, les coups bas servent d’armes antipersonnel à ces minables acharnés.

Tout y passe, de la taille de ma bite aux contraintes que j’aurais imposées à de jeunes lectrices, de très très jeunes lectrices, si vous voyez ce que je veux dire. La Sainte Charte est trimballée en procession dans tout le site, des effluves nauséabonds laissent présager des volutes du feu par lequel la croisade espère m’anéantir, pour purifier le site de toute trace de mes agissements.


À force de gesticulations, les Criticons arrivent à motiver le Comité Éditorial à organiser une votation qui déterminera si je dois ou non quitter le site. Définitivement. Pour le bon déroulement de la procédure, ma conduite infâme est officiellement mise en ligne. Quatre motifs de renvoi sont retenus, qui justifient une sentence exemplaire aux yeux de quelques modérateurs.


Le soir même, un résultat – considéré comme indiscutable – est publié en ligne. Le nombre de Critipros mous opposés à une condamnation est exactement le même que celui de Criticons durs favorables à une mise à mort. Leurs beuglements emportent toutefois la mise. Un arbitre autoproclamé décide en son âme et conscience qu’il aurait fallu une majorité qualifiée pour me sauver ; le 50/50 ne suffit pas.


En manque de soutien avéré, je suis condamné à l’exil. Et ce n’est pas le tenancier de la gargote qui va me retenir. Déjà qu’il ne dit pas bonjour aux nouveaux venus, perdus dans le labyrinthe du site, mon départ ne lui soulève même pas la plus petite de ses deux couilles.



ooo000ooo



Je le prends comme un signe du destin. Si je dois aller en exil, autant y aller complètement, et pas seulement dans la blogosphère.

Je vends le peu que je possède, remets les clés de mon appartement à la régie de l’immeuble, et emménage au mois dans une piaule glauque du côté de la gare du Nord.

C’est l’homéopathie du pathétique, le mal par le mal. Soit je trouve la force qui me manque depuis près d’un an pour que le sursaut vital se produise enfin, soit je plonge définitivement, et merde à Vauban (1).


Sur le site, mon compte perso est immédiatement fermé, de manière à ce que plus personne ne puisse me contacter. À l’exception d’un ou deux modérateurs Critipros, noyautés par des Criticons particulièrement motivés pour empêcher toute possibilité de remonter jusqu’à moi.


Je ne sais pas comment Louisa s’est jouée de cette difficulté. Elle me dit simplement de sa voix sensuelle que quelque chose nous liait depuis longtemps et qu’il lui avait suffi de tirer sur le fil.

Et pourquoi tirer sur un fil qui mène à un tel déchet ? Parce que j’aurais la peau douce, et puis des mains… Je ne sais pas trop bien quoi avec mes mains, mais un truc suffisamment motivant pour aller glander du côté du 10ème arrondissement. Même si c’est un coin très peu recommandable pour une femme de sa qualité, confirme-t-elle dans un éclat de rire.


Ce rire bouscule quelque chose en moi. Ce rire et la caresse très particulière qui l’accompagne. Un truc en or, qu’aucune femme ne m’a jamais fait avant elle. Du genre « J’ai envie de jouir de vous à l’instant, et ce n’est pas négociable ! »

Bon, il y a encore tout ce que je vois dans ses yeux au même moment. Et aussi ce que je sens sur sa peau. Et ce que j’imagine dans son cœur. Parce que pour monter dans ma piaule borgne, vu l’état dans lequel je suis, il faut avoir le cœur bien accroché. Et bien plus encore pour s’allonger tout contre moi. Puis me déshabiller. Puis m’offrir sa peau. Puis calmer les battements de mon cœur en délire, et l’explosion de mon esprit qui ne sait plus comment, et qui panique pour un rien. Un rien comme ce téton qu’elle glisse entre mes lèvres. Un rien comme ces doigts qu’elle glisse un peu partout. Juste parce que ça l’amuse de sentir contre son ventre comment je réagis à la surprise intime.


Après, on arrive à se calmer un peu – même si on n’a pas grimpé très haut aux rideaux, d’ailleurs tachés, et qui sentent la fumée et la sueur de coïts précédents. Elle prend le temps de me raconter que le soleil existe, dehors, et qu’il vaut vraiment la peine d’en profiter. Le temps de me faire comprendre comment une femme comme elle peut avoir envie d’un taré comme moi. Une envie dont je ne dois pas avoir peur, parce que je n’ai rien à prouver et qu’elle sait que je ne suis pas seul dans ma tête, et que mon ventre est en panne. Elle connaît tout ça, elle a vécu tout ça.

Justement, un mec comme moi, avec une femme comme elle, ben, il y a un truc qui les relie. Un truc qu’aucun Criticon ne pourra jamais détruire, parce qu’il ne le conçoit même pas. Un truc juste beau, un truc juste vrai, que ma détresse à moi et ses cicatrices à elle permettent de partager, maintenant.


Pour sceller le pacte, je lui offre un petit orgasme, du bout de la langue. Enfin, orgasme, c’est ce que je veux croire. Un peu de bonheur du ventre, disons. De son côté, elle m’offre un texte qu’elle a écrit une nuit d’insomnie, rien que pour moi. « Une nouvelle qu’on peut lire les yeux clos… » murmure-t-elle en passant ses mains dans ses cheveux de troublante manière. Troublante parce que j’aime ses cheveux, j’aime ce geste venant d’elle, et que j’apprécie ses seins que ce geste met en valeur.


Sur le moment, je ne comprends pas ce qu’elle veut dire. Mais quand elle pose ma main sur sa peau, l’illumination se produit. Chaque fois que mes doigts effleurent une partie de son corps, elle me demande d’ajouter un paragraphe à son histoire. C’est elle qui l’a écrite, cette nouvelle, mais sur sa géographie intime j’arrive à la lire les yeux clos. Elle se fait livre ouvert, pour moi, dans ma chambre pourrie de la gare du Nord. Je la déchiffre de la racine des cheveux jusqu’à la lisière du pubis, du dessous odorant de ses bras jusqu’à la moiteur de son entrecuisse.


Nous finissons par sombrer dans le sommeil, étroitement enlacés. Il y avait si longtemps que mes bras n’avaient plus étreint de la sorte… Il y avait si longtemps que ma bouche n’avait pas erré sur une nuque si parfumée… Que mes doigts n’avaient plus effleuré, griffé, écartelé, parcouru, ni même surtout respectueusement violenté de la sorte.


Au petit matin, elle se laisse lire une dernière fois, les yeux clos. Elle pose ensuite quelques feuillets manuscrits sur ce qui me sert de table de nuit. Dans la marge, elle a tracé d’une pâte épaisse quelques symboles qui disent son corps, ses désirs de femme, d’amante, de partagée, de scandaleuse, de tout ce dont sa vie est faite. Elle fait ainsi couler dans mes veines une perfusion de tendresse, de désir, de poésie, d’envie de vivre qui parachève ses soins intensifs érotiques.


Après son départ, je m’entraîne pendant des heures à suivre de l’index, les yeux clos, les entrelacs qu’elle a peints dans les marges de son texte. Peu à peu, des phrases jaillissent de dessous mes doigts, des phrases qui viennent de son cœur. Des phrases qui font renaître d’étranges frémissements entre mes reins.



ooo000ooo



La perfusion sensuelle de Louisa me redonne quelques forces, mais pas assez pour affronter la vraie vie. Mes réserves financières s’amenuisent ; je devrais reprendre une activité lucrative, mais je dois encore boire mon exil jusqu’à la lie, si cela peut me permettre de sortir de mon deuil d’Azzaëlle.


Perdu dans mes tentatives de reconstruction, j’en suis arrivé à oublier l’existence et la capacité de malfaisance de Minorchis. Il ne me vient même pas à l’esprit qu’il dispose encore de nombreuses informations sur les membres du site qui lui faisaient de l’ombre, dont moi.


Erreur fatale ! Me supposant au bord du gouffre, c’est dans la rue qui mène à mon hôtel qu’il décide un beau matin de réaliser son plan machiavélique. Une embuscade qui avait tout pour réussir, sans une intervention du destin.

Au nom de quoi devrais-je en effet me méfier d’un type grisâtre, en costard-cravate, qui attend dans ma rue sans doute une fille en mal d’aventure extraconjugale sans envergure ? Un quidam terne et peu sûr de lui qui marche dans ma direction dès ma sortie de l’hôtel ?

Juste avant de nous croiser sur le trottoir encombré de matériaux de construction, nous hésitons tous deux sur le choix du côté. J’opte pour la droite, côté voitures. Tout comme lui. Je corrige et passe sur la gauche. Il en fait de même, sans que cela éveille le moindre soupçon en moi. Un peu agacé, j’oblique ostensiblement vers la droite, bien décidé à ne plus céder. Il continue sur sa lancée, sans me regarder.

Au moment où il arrive à ma hauteur, je pressens enfin quelque chose, comme un raidissement dans sa démarche. Il est trop tard pour réagir : un méchant coup de coude me déséquilibre et me pousse contre un autobus lancé à pleine vitesse. Je tente vainement de me protéger. Peine perdue, le choc est inévitable.


Avant que j’aie le temps de comprendre vraiment ce qui m’arrive, une main ferme agrippe alors le col de ma chemise et me fait pivoter sur moi-même. Avec la force du désespoir, sauvé par cette intervention miraculeuse, j’arrive à me redresser en lançant mes bras dans le vide. Involontairement, mon poing s’abat alors violemment sur la tronche de mon agresseur. Plié en deux par la douleur, il titube et tombe la tête la première contre le coin avant droit de l’autobus. Exactement là où j’aurais dû finir mon existence. Un bruit sourd de coquille d’œuf cassée met fin à cette scène irréelle. Le sang du quidam gicle sur le pare-brise et inonde l’avant du véhicule. Le corps finit par glisser sous les roues de l’autobus, dans lequel les passagers bousculés par le freinage d’urgence hurlent d’effroi.


Ma bienfaitrice se précipite sur moi et me serre convulsivement entre ses bras. Les senteurs que je découvre dans le creux de son cou ravivent de lointains souvenirs. Un début d’histoire très agréable, tout en retenue, il y a plus de quatre ans. « Bon sang, mais qu’est que Kundalina vient faire si tôt matin devant l’entrée de mon hôtel ? »



Elle me raconte sans reprendre son souffle comment elle a réalisé que quelque chose se tramait, et que je risquais d’être la prochaine cible de ce ravagé du bulbe. Se souvenant d’un texte où j’avais évoqué mon admiration pour une écrivaine du site, elle avait contacté Louisa, un peu au hasard. C’était bien vu. La trouvant digne de confiance, elle lui avait donné les coordonnées de ma tanière.

Sa présence ici même ce matin tenait du pur hasard. Après avoir longtemps hésité, elle avait cédé un peu égoïstement à une envie de légèreté en ma compagnie.



Que refuser à une jeune femme qui vient de me sauver la vie ? Sauf que mon ermitage n’est pas assez convenable pour une rencontre de cette nature. Et question légèreté, elle n’est pas à la bonne adresse avec moi.

Dans l’urgence, nous n’avons toutefois pas d’autre endroit où nous réfugier avant que les flics n’arrivent et commencent à poser des questions dérangeantes.



ooo000ooo



Au moment où nous passons devant la réception, la moitié des clients de l’hôtel est déjà descendue dans la rue pour se faire horreur. Kundalina me presse de monter discrètement par l’escalier. Une fois dans ma chambre, elle me conseille de plier mes affaires et de disparaître avec elle. Même involontairement, j’ai occis un type, et ce n’est pas le genre de truc que la police laisse passer sans réagir. Trop de gens ont pu me repérer et vont témoigner contre moi avec jubilation. Heureusement pour moi, je n’ai pas vraiment d’identité dans ce coin de la ville.


Kundalina me propose donc de la suivre. Elle aurait un petit boulot à me faire faire, si je n’ai pas trop peur d’un travail assez physique. Il s’agirait de remettre en état le jardin d’une propriété en friche et pour l’instant inhabitée. Non seulement ça la dépannerait bien, mais cela me permettrait de loger quelques jours sur place, à l’abri des regards, et hors de portée des sbires de Minorchis.


En fait de logement, c’est une cabane de jardin aménagée en refuge de fortune qu’elle me fait découvrir à une heure de route de Paris. C’est rustique, mais pas dénué de charme. En plus, le lieu a l’air de la mettre en appétit. Ses yeux se mettent à briller pendant qu’elle m’explique ce que je vais devoir faire et comment m’installer dans le petit nid. Sa voix se fait peu à peu plus grave, et plus sensuelle. Quelques mouvements à peine retenus de ses mains et de ses hanches activent des connections nerveuses entre ma tête et mon bas-ventre.


Je ne me sens pas prêt à lui offrir une aventure inoubliable et reste sur la défensive. Ce qui a pour effet de la pousser à se dévoiler encore plus. Le doute n’est maintenant plus permis : elle n’attend pas que du jardinage de ma part. Mais est-ce vraiment moi qui lui fais cet effet, ou est-ce le lieu ?



Je me déshabille à mon tour et m’allonge tout contre elle sur le lit étroit. Le premier chapitre, celui que je lis sur ses hanches, me plaît. J’y découvre qu’en dehors du sexe, la course à pied l’excite aussi. Si elle est aussi belle quand elle court que quand elle fait l’amour, les mecs qu’elle dépasse doivent en perdre leur sacro-saint rythme cardio-physio-machin. Avec elle, pas besoin d’autre instrument de mesure que les traits de son visage, et ce qu’ils montrent du plaisir qui monte, qui se prolonge, qui monte encore un peu avant qu’elle n’en réduise la flamme pour éviter de trop donner dès le début. Ses retours en puissance, le souffle court, les cuisses serrées contre mes hanches, sont impressionnants et particulièrement jouissifs lorsqu’ils sont accompagnés de ces caresses sur tout mon corps dont elle a le secret.


Le chapitre suivant, celui du bout de ses seins, est encore plus excitant. Elle m’apprend à le lire sans hâte, mais avec application. Avec elle, il faut sucer longuement les pointes, alterner les coups de langue, les pincements des lèvres, les griffures, ne jamais ralentir, aller plus loin, encore plus loin dans le plaisir que la douleur exacerbe.


C’est en passant aux mots qu’elle cache entre ses cuisses que je sens que la distance se creuse entre elle et moi. Elle s’ouvre complètement, encourage mes effleurements contre son intimité, enfonce mes doigts en elle avec délectation, mais j’ai peu à peu l’impression que quelque chose reste illisible en elle. Je ne veux pas laisser le doute s’installer entre nous.



Tout va alors très vite. Après m’avoir sucé avec gourmandise, elle s’allonge sur moi de manière à ce que puisse lécher tout le pourtour de sa vulve, jusque très haut entre ses fesses. Puis elle se retourne et me prend en elle, accroupie sur mon bas-ventre, les seins juste à hauteur de mes lèvres.

Sans me laisser beaucoup d’autre liberté de mouvement que la profondeur de ma pénétration, elle m’utilise comme un gode de chair en basculant ses hanches de plus en plus amplement jusqu’à ce que l’orgasme s’annonce. De quelques coups de reins bien ajustés, elle me place là où ma queue lui fait le plus de bien. Elle retient son souffle pendant une minute ou deux, de manière à mieux pouvoir se concentrer sur les palpitations de mon sexe au fond de son ventre. Puis elle tend les muscles de son périnée, me regarde une dernière fois pour vérifier l’effet qu’elle me fait, et se lâche. La force de son orgasme laisse supposer à quel point ce genre de plaisir devait lui manquer depuis longtemps.


Sa manière de jouir de moi est communicative. Les premières contractions de son vagin augmentent mon excitation de manière irrésistible. Son sourire et l’odeur qui se dégage de son corps en disent long sur ce qui se passe en elle. Ses mouvements désordonnés, les spasmes de son ventre et ses gémissements me font jouir à mon tour.


Depuis la mort d’Azzaëlle, c’est la première fois que j’éjacule aussi fort. La féminité flamboyante et la gourmandise érotique de Kundalina ont eu raison de mes dernières hésitations sur ma capacité à donner et à prendre du plaisir. Ce doit être ça, ce qu’elle appelle « aller bien ensemble ». Sur une telle base, une agréable découverte mutuelle devrait pouvoir se construire agréablement. Le fait de devoir bosser pour elle ajoute d’ailleurs un peu de piment à cette aventure sensuelle, et peut-être amoureuse.


Elle ne me laisse malheureusement pas gamberger longtemps et me tire brutalement de mon rêve éveillé. Avec le recul, je me dis que je préférais nettement lire sur sa peau, à mon rythme, qu’entendre ce qu’elle estime alors indispensable de me dire. C’est pourtant moi qui lance la discussion, après les caresses qui apaisent, juste avant celles qui redonnent envie.



Mon sursaut manque de la pousser au bas du lit de fortune.



Je reste sans voix. Et pendant un instant, incapable de faire un geste dans sa direction. Que répondre à ça ? Dire que je pardonne ? Ce n’est pas à moi de le faire. Que je comprends ? Je ne suis pas sûr d’y arriver avant un bon moment. Que je partage son sentiment de désespoir ? Je ne sais même pas si c’est vrai, tant nos deux histoires sont différentes.


Au moment où elle se prépare à me quitter, je cours vers elle et la prends dans mes bras. Quoi qu’elle ait fait, je veux tenter l’aventure avec elle. Je suis sûr qu’il y a quelque chose de possible entre nous, fût-ce sur des décombres. Finalement, ma manière de me complaire dans mon deuil a aussi fait beaucoup de mal dans mon entourage. D’où ma solitude. Mais l’orgasme que nous nous sommes offert ne trompe pas. Et s’il faut commencer par la lire les yeux clos, de la pointe de son clito jusqu’au creux de ses aisselles, je suis partant. Son goût et ses parfums m’en diront plus sur elle que n’importe quelle explication psycho-machin.


Je lui murmure dans le creux du cou que je veux juste jouir d’elle et avec elle, si elle est partante.

Et que, pour commencer, elle doit se comporter en patronne avec moi. C’est un truc qui me fait infailliblement bander. La preuve…


Qu’est-ce que j’aime ce sourire qu’elle me fait déguster à pleine bouche !




******************









(1) Toute ressemblance avec la chanson de Léo Ferré et sa référence au bagne est revendiquée et assumée.


(2) Toute ressemblance avec le roman de L. Sepulveda, Le vieux qui lisait des romans d’amour, est revendiquée et assumée.



Ce texte a été écrit dans le cadre d’un duel face à un autre auteur de RVBB. Cinq personnages doivent pouvoir être reconnus dans les textes :


– une gourgandine avec des seins comme des obus et une toison d’ébène ;

– un barbon désargenté à la couille défaillante ;

– un vieux singe à qui on n’apprend plus à faire des orgasmes ;

– un tenancier de gargote qui ne dit pas bonjour aux clients ;

– une femme enceinte, symbole de renouveau.


Pour le reste, que le meilleur gagne !