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n° 17636Fiche technique9185 caractères9185
Temps de lecture estimé : 6 mn
04/11/16
Résumé:  La Famille Addams ? Des petits joueurs...
Critères:  nonéro délire humour fantastiqu -revebebe
Auteur : Brodsky      Envoi mini-message
Brodsky's Family

Je déteste Halloween. Cette fête introduite en douce en France par la CIA afin de relancer la conquête culturelle des Étasuniens m’a toujours horripilé. J’ai deux enfants, qui sont grands maintenant, et auxquels j’ai toujours interdit de racketter les vieux comme Jakin le soir de cette fête idiote. Un soir, ce sont mes neveux eux mêmes qui ont eux le culot de sonner à ma porte.



Je leur ai refilé des chocolats périmés mélangés à des bonbons au poivre et quelques dragées Fuca. Ils ne sont pas revenus, ces sales gniards.


Nom de Zeus ! Le 1er novembre, c’est la fête des morts et des marchands de chrysanthèmes qui squattent les abords des cimetières. C’est pas que je sois fan du machin, mais c’est la tradition. On prend une mine austère, on s’habille en noir, et on emmène les enfants sur les tombes de leurs trisaïeux dont on ne se souvient même plus du nom, mais qui sont enterrés là… ou pas loin… et on se recueille un instant devant leur tombe… ou pas loin.

Les mômes, ça les emmerde grave. Et c’est ça qui est génial… Ah-ah… Le 1er novembre est le seul jour férié où ces petits crétins préféreraient aller en classe !


Mais bon, ces petits plaisirs disparaissent bien vite ; les enfants grandissant, et pervertis par le mercantilisme ricain, se mettent à leur tour à poser des masques de citrouille sur leur tronche… Faut les voir, tous ces débiles, jeunes et moins jeunes, déguisés en cadavre ou autre créature lovecraftienne. Et ma voisine… Non mais, quelle conne, celle-là ! Je la croise, maquillée en vampire balafré.



Bref, ce soir donc, ma chérie débarque chez moi avec Zébuline et Zébulon, ses deux adorables bubons ; euh… poupons. Je me délecte déjà à l’idée de les emmener demain au cimetière, sur la tombe d’oncle Adolphe, dont mon arrière-grand-père déjà n’était pas très sûr qu’il appartenait à notre famille, mais qui était le seul à l’époque à avoir son portrait sur la pierre tombale, comme un grand bourgeois de l’époque, et que ça en jetait de se recueillir devant lui plutôt que devant la fosse commune « où qu’on avait foutu mémère pour la punir de ne rien avoir laissé à personne en héritage ».


Il a une vraie bonne sale gueule, l’oncle Adolphe, sur la photo. D’ailleurs, il ne s’appelle pas Adolphe non plus, et on ne sait pas comment il s’appelle, vu que le nom est effacé depuis des lustres, mais il arbore fièrement la moustache de l’Autre Adolphe, celui qu’on a retrouvé cramé dans son bunker en 1945. La moustache de blaireau, la petite mèche d’enfoiré… Putain, se recueillir devant ce mec, c’est trop de la balle, je vous dis ! Le regard que vous lancent les autres, les jaloux qui n’ont pas réussi à se dégoter un ancêtre aussi nauséabond… un plaisir !

Et voilà que soudain ma chérie m’annonce :



Et nous voilà, une heure après, à tirer les sonnettes des pavillons environnants pour demander des bonbons à la con. Je regarde Zébuline et Zébulon d’un œil torve… Bien envie de leur en faire baver, moi, j’vous dis. C’est alors que j’ai une idée géniale… Je prends les devants sous prétexte d’une envie de pisser et je fonce vers le pavillon d’un vieux qui a décoré sa fenêtre d’un magnifique Jack-o’-Lantern. Je le lui pique sans faire de bruit, puis quelques dizaines de mètre plus loin je l’écrase contre un mur et le piétine rageusement. Je le connais, le vieux : c’est un Ruskoff picoleur en diable, très à cheval sur l’honneur et les bonnes femmes. Hé-hé…


Quand Zébuline et Zébulon se pointent pour sonner chez lui, la porte s’ouvre dans un bruit de tonnerre, et le voilà qui sort, éructant des injures, déguisé en sorcière… Ha-ha-ha ! Les mômes se tirent en hurlant, Zébuline se pisse dessus et Zébulon a les cheveux dressés sur son crâne pour le restant de ses jours. Ma chérie est furax après le vieux déguisé en sorcière et lui hurle dessus des trucs comme :



Moi, bien sûr, je prends l’air sidéré, attristé… Iago dans Othello.



Victoire totale ! Les mômes sont traumatisés À VIE ! Plus jamais je ne serai obligé d’aller faire le con avec eux la nuit d’Halloween. Même ma bien-aimée ne cesse d’éructer maintenant sur ces tarés qui font peur aux enfants. « Ben oui, je réponds… Y’a vraiment des adultes cruels et méchants. »


Le repas du soir se passe donc dans une ambiance d’enterrement. Ma chérie est partie déposer une plainte contre le tortionnaire d’enfants, hé-hé-hé… Des mômes ont sonné à la porte pour avoir des bonbons à leur tour. Zébuline s’est mis à pleurer en croyant que la sorcière revenait la chercher. Moi, je suis doux, prévenant, dégoulinant de gentillesse… jusqu’au moment du dessert.



« OK, tu as décidé de me faire chier ce soir, toi… Très bien. » Je coupe un morceau de calendos bien coulant et le colle trente secondes dans le micro-ondes, puis je le mélange à un yaourt nature.



Génial ! Ils vont adorer…



Évidemment, ça ne rate pas : c’est tellement infâme que, dès la première bouchée, les mômes passent par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel.



Ils sont géniaux, ces enfants ! Tordus ; monstrueusement tordus. Consciemment ou pas, le coup du nayourt au camembert, c’était pour que je sois obligé de me l’enfiler. Comme mes neveux avec les dragées Fuca.


Je goûte une première bouchée… Putain, c’est vraiment dégueulasse ! Je vais avoir l’haleine chargée… Je les regarde à nouveau, cette fois empli d’admiration. Et je constate que les canines de Zébuline sont un peu pointues et que la colonne vertébrale de Zébulon semble se terminer par une queue pointue elle aussi. On a pourtant ôté les déguisements… Hum, étrange… Enfin, pas tant que ça : « Qui se ressemble s’assemble. » dit-on… Alors, en cette nuit d’Halloween, si vous passez par ici et que vous n’avez peur de rien… bienvenue chez les Brodsky !