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Temps de lecture estimé : 36 mn
07/11/16
Résumé:  La plus belle courbe d'une femme est son sourire.
Critères:  fh fplusag handicap plage amour fellation cunnilingu pénétratio
Auteur : Radagast      Envoi mini-message
Échec et mat

« Mardi 20 mai ; vous écoutez France Bleu, il est 7 heures. Voici les nouvelles. »


Comme chaque matin, je traîne un peu au lit ; j’écoute les infos sur mon radio-réveil en me grattant l’entrejambe. Je me lève et branche la cafetière, je bâille et je vais uriner.

Comme d’habitude, comme disait l’autre.


Je bois mon café en regardant par la fenêtre. Le ciel gris et bas reflète à la perfection mon état d’esprit du moment. Des mouettes – ou des goélands, je ne sais – volent entre les immeubles, tels des fantômes blancs flottant dans le vent ; ils criaillent à s’en péter les cordes vocales.

Je grignote un bout de pain confituré trempé dans du lait. Puis je me débarbouille, me rase et me lave les dents.


Chaque geste est réflexe, une cérémonie répétée maintes et maintes fois, tant de fois répétée que maintenant je n’y prête plus guère attention.

Je n’ai personne à qui parler, personne à écouter. La solitude devient une amie, amie trop présente.


Je referme la porte sans bruit et pars au travail.

Sur le palier, je croise la dernière conquête de mon voisin, une jolie brunette de vingt ans.



Le dénommé Bruno est prof de philo à la fac ; la brunette doit suivre ses cours.

Un personnage que ce prof ; nous avons partagé la même petite amie quelques mois, ça crée des liens.


Je bosse dans un magasin de cigarettes électroniques et estime faire un métier utile en aidant les gens à cesser de fumer, à se porter mieux et à moins donner d’argent au Trésor public. Le dénommé Bruno est entré un jour dans ma boutique ; nous avons sympathisé, et il m’a même trouvé un appartement à côté de chez lui alors que je venais de perdre mon logement.


Une fois dehors, je me rends compte que le temps change. Les nuages se dispersent, le ciel bleu réapparaît et le soleil pointe son nez. Cette trouée dans les nuées me semble un signe d’espoir : il m’en faut peu pour être heureux, pas aussi joyeux que ce jeune labrador qui promène sa maîtresse, mais pas loin.


J’éprouve l’envie de m’amuser en passant sur la place du Marché-aux-Fleurs, là où la ville a installé une œuvre d’art originale ; un véritable échiquier géant, avec des pièces de 2,5 mètres de haut. L’artiste veut que ses œuvres vivent, il désire que des passants jouent.

Jusqu’à maintenant il n’a pas eu énormément de succès : personne ne s’y intéresse, à part un grapheur qui de temps à autre vient faire des graffiti sur un pion ou un roi.


Une idée saugrenue me traverse l’esprit : je pousse le pion D2 en D4 et vais au boulot, guilleret.


Plus d’un serait étonné si je lui affirmais qu’une belle partie d’échecs m’émeut presque autant qu’un joli minois ou une jolie paire de gambettes sous une mini-jupe. Aussi cette ouverture est comme une bouteille à la mer, un appel à un inconnu.


Je me sens perdu en ce moment. Toutes les catastrophes du monde me tombent dessus.

Ma petite amie vient de m’annoncer qu’elle me quittait ; cette annonce faite le jour des obsèques de ma grand-mère. Je me trouve dans un nœud spatio-temporel, un trou noir où tout se trouve broyé, même le temps, même moi.


La journée est dure et fatigante, j’ai affaire à d’anciens fumeurs en état de manque. Je ne doute pas que si je sentais quelque peu le tabac, ils me boufferaient ou essaieraient de me fumer. De nouveaux clients m’interrogent, pleins d’espoirs, et veulent tout connaître.

Pour couronner le tout, la clim vient de tomber en panne.


En revenant chez moi, j’en ai oublié l’anecdote du matin ; passant près de l’échiquier, je remarque qu’une pièce noire a été déplacée : cavalier G8 en F6. Une écharpe flotte sur le cou de la pièce, une petite lettre y est accrochée. J’y jette un coup d’œil : Voulez-vous jouer avec moi ?

Quelqu’un a trouvé ma « bouteille. » J’examine cette missive, à la superbe calligraphie, faite de pleins et de déliés. Amusé, je bouge une de « mes » pièces blanches : pion C2 en C4.


J’ai pratiqué il y a de cela quelques années les échecs. J’y étais même assez redoutable ; maintenant, je me sens rouillé.

Je fais une ouverture classique, une « Française » ; je verrai bien si demain mon adversaire continue la partie. Il faut savoir que lorsque l’on joue sur Internet – ou comme ici – à distance, c’est intéressant, mais le nec plus ultra reste le face-à-face, où l’on affronte son adversaire en chair et en os. On se regarde dans le blanc des yeux, on cherche à faire craquer l’autre ; une bataille psychologique.




« Mercredi 21 mai, vous écoutez France Bleu… »


Il fait beau, les oiseaux chantent, et sur l’échiquier géant le pion E7 est passé en E6. Un petit sourire aux lèvres, je fais passer mon cavalier de G1 en F3. Jusque-là, tout baigne : c’est souvent au cinquième coup que les choses se corsent.


Toute la journée je songe à cette partie contre un inconnu. Je ne prête guère attention à mes clients ; cette partie me change les idées.


Pion C7 en C5 : il vient de jouer un coup étrange. Il veut contrôler le centre, agressivement. Je réponds par pion D4 en D5.


Évidemment, le soir ; mon adversaire prend, E6 en D5 ; en guise de représailles le pion noir disparaît. C’est une partie classique, mais elle ravive de vieux souvenirs. Après quelques recherches sur Internet et dans les rares bouquins qui me restent, je trouve : 1972, Spassky contre Fischer, Reykjavík. La partie de légende !


Le lendemain, aucune pièce n’a bougé. Je suis un peu déçu ; il me manque quelque chose pour bien démarrer la journée. Une petite écharpe flotte sur le dernier pion déplacé. Je déplie le billet qui y est accroché : Vous avez trouvé ? Je voudrais vous rencontrer. Si vous êtes d’accord, jouez pour moi le coup suivant.


« Le rencontrer, le rencontrer… Il est marrant, lui ! Pas que ça à foutre. » Je poursuis ma route. Je veux bien jouer une pièce matin et soir, mais pas aller m’enfermer dans une salle, finir à point d’heure. C’est que je les connais, ces personnages, et je me connais aussi. Capables de jouer une nuit entière ! Et mon boulot passe à la trappe.


Le soir, l’échiquier est toujours dans le même état. Une autre écharpe flotte sur le pion : S’il vous plaît. J’estime faire sûrement une connerie, mais je pousse le pion D7 en D6.


Le vendredi je trouve son cavalier B1 en C3. Et une lettre accrochée au cou du cavalier : Merci. Dimanche, venez vers 10 heures, 15 place du Marché-aux-Fleurs. Je vous attendrai avec le café et les croissants au troisième étage. Je lève les yeux vers l’immeuble indiqué, un beau bâtiment de pierre blanche, de quatre étages. J’en scrute chaque fenêtre, sans résultat. Aucun visage derrière une vitre, aucun rideau ne bouge. Je frissonne un peu. Et si je me retrouvais face à un spectre ? Ou un vampire qui en veut à mon sang ? J’avoue : je lis trop de Fred Vargas.


La semaine se termine sans que je ne m’en rende compte.


Le dimanche matin, 10 heures tapantes, j’appuie sur le troisième bouton du 15 place du Marché-aux-Fleurs. Z. Cervin est apposé à côté de la sonnette.



Un petit déclic indique l’ouverture de la porte. Un grand hall de marbre égayé de quelques plantes vertes m’accueille. Une loge de concierge rompt la monotonie du lieu ; sur le mur du fond, un ascenseur et un escalier me tendent les bras. En bon prolétarien, je choisis l’ascenseur : mes pauvres muscles quotidiennement sollicités méritent un peu de repos. Tandis que la porte de l’engin se referme, celle de la loge de la gardienne s’entrouvre et je vois poindre deux museaux : celui de la gardienne, légèrement couperosé ; entre ses jambes se faufile la truffe de son chien, au pedigree indéterminé, à première vue un fox croisé avec un agent d’EDF.


Au troisième, j’effleure à peine la sonnette qu’une bonne femme d’une soixantaine d’années ouvre la porte. Une souris grise ! Chignon gris, vêtements gris, sourcils gris.



Son ton indique qu’elle ne semble guère apprécier ma visite. Elle me précède le long d’un couloir. Contre toute attente, mon mystérieux adversaire serait une femme.



La pièce est éclairée par le soleil, mais l’occupante se tient dans un recoin d’ombre.



La voix est douce, un peu voilée, avec un léger accent que je peine à identifier.



Je pose une demi-fesse sur une chaise proche et jette un coup d’œil discret sur ce qui m’entoure.


La pièce est grande ; le parquet brille au soleil. Un canapé d’angle en cuir fauve fait face à une belle cheminée qui ne semble pas décorative. Un plateau d’échecs trône sur une table basse ; une partie y est engagée : la même que celle de la place.

Sur une autre table, un petit déjeuner attend les invités ; café, thé, biscottes, lait, croissants et confitures me rappellent que je n’ai rien avalé ce matin.

Une bibliothèque habille un des murs.


Puis la propriétaire de la voix se manifeste. Quelque chose bouge près de la cheminée, une femme entre dans la lumière. De longs cheveux châtain très clair tombent sur ses épaules ; une cicatrice part de son œil jusqu’à l’angle de sa mâchoire. Ses yeux bleus me scrutent intensément, guettant ma réaction.

Elle se déplace en fauteuil roulant, à l’aise entre les tables et le canapé.



Elle est vêtue d’une ample et longue robe prune. Je ne pose aucune question sur son handicap. Je regarde le petit déjeuner. Je dois avoir l’air affamé.



Je me sers un café, puis je me tourne vers elle et l’interroge :



Je lui apporte la tasse, ce qui me permet de m’approcher d’elle et de mieux la détailler sans paraître grossier. Elle a les pommettes hautes et les yeux en amande, à la manière d’un chat. Et contrairement à ma première impression, ses iris ne sont pas bleus, mais gris clair.

Je la devine Russe, ou peut-être Ukrainienne.


Je grignote un croissant et jette un coup d’œil sur la pièce. Sur la bibliothèque, des photos de mon hôtesse avec un homme ; sûrement son mari.



Elle esquisse un sourire.



Elle me désigne un siège face à l’échiquier.



Nous installons les pièces ; je lui laisse les blancs. Elle me fait une « Sicilienne ».

Tout en jouant, nous discutons.



Je ne m’étais pas trompé.



Nous jouons encore quelques coups.



Je rumine quelque temps cette réponse. Si je ne suis pas le bienvenu, à quoi bon rester ?

Je jette un coup d’œil à ma montre : 12 heures 30.



La tristesse voile son regard.



Je m’esquive comme un voleur. Je crois que je suis effrayé. Elle semble vouloir s’accrocher à moi comme un naufragé s’accroche à une planche de salut ; je ne sais pas pourquoi, et ne tiens probablement pas à le savoir. Je suis resté trop longtemps sans compagne, la dernière petite amie en date m’ayant labouré le cœur, je n’ai plus trop l’habitude des femmes. Pire, je les évite : chat échaudé craint l’eau froide.


Cette journée reste comme une épine dans ma mémoire. Le jour où je me suis conduit comme un enfoiré. Le jour où je me suis enfui.

Le soir, mon voisin me presse de questions.



Il continue de lire la biographie de l’artiste.



« Merde ! » me dis-je. Pris d’une subite inspiration, je cherche sur internet Zanotchka Cervin. Zanotchka Cervin, plus connue sous son nom de jeune fille Ilotchenko, célèbre joueuse d’échecs d’origine russe. Zanotchka, classée 2680 Elo, a mis un terme à sa carrière suite à un terrible accident de la circulation. Âgée de 32 ans, elle était l’épouse du célèbre sculpteur… Mon voisin de prof lit par-dessus mon épaule et regarde la photo de la jeune femme.





~o~




La semaine suivante, je passe matin et soir devant le 15. Je lève chaque fois les yeux vers une des fenêtres du troisième étage, dévoré de remords. Son histoire m’a bouleversé. J’aimerais lui faire un petit signe, histoire de me faire pardonner. Cependant rien ne bouge derrière les rideaux.

N’en pouvant plus, vers la fin de la semaine je déplace une pièce de l’échiquier géant, au hasard.


Le soir, un foulard flotte au cou du roi : Venez dimanche, même heure.

Je suis invité, mais pas forcément bienvenu : le ton est sec, impersonnel.


Le dimanche matin, rasé se frais, je me pointe avec un bouquet de roses dans une main, une boîte de chocolats dans l’autre.

La concierge me zieute derrière ses rideaux.


Marcelline m’ouvre la porte, aussi avenante que Cerbère, le chien aux trois têtes.



Un sourcil se lève.



Elle jette un coup d’œil sur mon bouquet de roses et esquisse un petit sourire. Je viens d’amadouer le gardien des Enfers.

Zanotchka semble tout étonnée et émue de recevoir mes fleurs.



Nous nous installons face à face, un échiquier entre nous.

Cette fois, pas de robe ample. Elle est vêtue d’un chemisier noir et d’un jean. La jambe droite de son pantalon s’arrête au genou. Dessous, il n’y a rien. Ses longs cheveux sont retenus en une queue-de-cheval. Elle a maquillé un peu sa joue, tentant de masquer sa cicatrice.


Nous jouons et étudions chaque coup. D’un geste machinal, elle entortille ses cheveux autour de son doigt tout en réfléchissant à la façon dont elle va me dévorer. Je la sens frémir, un peu comme un petit animal qui sortirait d’une longue hibernation. Elle éclate même de rire lorsque je fais des bourdes.

Il faut dire que je n’ai pas vraiment la tête aux échecs : il est diablement joli, mon prof, et j’aimerais me perdre dans ses yeux, goûter à son sourire…



Je vois son sourire s’effacer.



Le repas est au-dessus de tout ce que j’ai pu déguster depuis un sacré moment.

Alors que nous devisons de mon travail, mon regard s’égare sur sa jambe.



Elle me fait taire d’un léger geste de la main.



Je la laisse rire.



Toute sa douleur et son amertume ressortent dans sa voix. Elle retient ses larmes au prix d’un effort surhumain. Je la laisse reprendre ses esprits.



Je ne sais quoi répondre.



Devant mon air surpris, elle précise :



Je crois sa tirade terminée lorsqu’elle reprend de plus belle :



Toute à sa colère, elle passe du vouvoiement au tutoiement.



Elle semble tellement fragile en disant ça que je me retiens de la prendre dans mes bras.



Elle désigne la vilaine cicatrice qui strie son visage de la tempe à l’angle de la mâchoire.



Je reste coi pendant plusieurs dizaines de secondes, abasourdi par ces confessions.



Ma bouteille lancée à la mer venait d’être ramassée par une personne qui en avait vraiment besoin.


Le soir, je la quitte en lui promettant de revenir le dimanche suivant ; trente secondes plus tard, je suis de nouveau à sa porte.



Sur ces propos énigmatiques, je la quitte vraiment.




~o~




Le lundi à 13 heures 30, je m’arrête devant chez elle au volant de mon bolide, un vieux Kangoo.



Madame Alvez, la concierge, vient nous aider à installer Zanotchka dans la voiture. Ce n’est pas chose aisée, mais nous ne nous débrouillons pas trop mal. Aussitôt le fauteuil replié dans le coffre, je démarre. Nous faisons à peine quelques kilomètres, et je me gare devant le musée Henri Fabre, sur une place pour handicapés.

À mes côtés, Zanotchka ouvre de grands yeux et se tient au tableau de bord.

Je déploie son fauteuil et l’aide à s’y asseoir.



Nous nous apprêtons à payer lorsqu’un personnage très digne se précipite vers nous.



Il fait un baisemain très digne à la jeune femme, me tend la sienne sans que je sache si je dois la lui serrer ou s’il va me l’embrasser !



Le conservateur nous sert de guide pour la visite. Une trentaine d’œuvres de feu son mari sont exposées. Je ne suis pas expert, mais le type possédait un réel talent, et il adorait sa femme. J’ai repéré cinq sculptures et une peinture où elle sert de modèle.


Enthousiaste, le conservateur – Maurice de son prénom – nous emmène voir d’autres artistes ; je participe à un cours de beaux-arts en accéléré. Zanotchka est aux anges ; de temps à autre elle essuie une larme.

Trois heures plus tard, nous sortons du musée.



Elle s’arrête et regarde fixement le parking.



Un contractuel fait le tour de ma voiture, carnet en main.



Je me rends compte que non seulement elle peut être mal embouchée, mais que sous le coup de la colère son accent russe réapparaît, et surtout qu’elle devient vraiment très belle lorsqu’elle s’énerve.

Le conservateur arrive alors que l’algarade s’envenime. Les mots doux fusent.



Maurice pince les lèvres, regarde l’autre comme on regarde un étron sur un trottoir, saisit son téléphone, compose un numéro.



Après d’amples remerciements, nous quittons Maurice.



Elle me dit cela d’un air si ingénu que j’éclate de rire. Elle aussi.

Nous rions encore lorsque nous arrivons chez elle.





~o~




Je l’ai portée jusque la plage dans mes bras.

Cette fois, je ne me suis pas garé sur un emplacement réservé : je ne vais pas avoir un Maurice sous la main à chaque sortie.


Je me fais la réflexion que c’est une fausse maigre : lorsque je la porte, je sens contre mon corps de fermes rondeurs bien agréables.

Après l’avoir déposée sur le sable, je fais un second voyage avec le pique-nique et toute l’intendance.


Elle a profité de mon absence pour enlever son tee-shirt et son pantalon. Une petite coque couleur chair protège son genou.

Je retrouve une superbe créature en bikini rose. Sa poitrine tient à peine dans les petits bonnets, et le bas me renvoie à mes études de primaire : deux triangles isocèles reliés par deux petites ficelles. Penser à Pythagore, Thalès ou Euclide dans un moment pareil, je dois couver une cochonnerie…



Je me passe de la crème solaire sur le corps.



Elle s’enduit soigneusement de crème.



Lui passer de la lotion sur le corps ? Je n’attends que ça ! Caresser sa peau me plonge dans un état second.

Selon certains, si le midi tu étales de la crème solaire, le soir tu as droit à une partie de jambes en l’air. Je ne sais si cette définition se base sur une étude scientifique, mais je n’y verrais aucun inconvénient. Une noix de crème dans la main, j’applique consciencieusement sur les épaules et le dos ; je m’arrête à la culotte. Elle dénoue son haut de maillot et me dit :



Il ne faut pas me le répéter ! Quelle peau douce, délicate, fine… Je frôle le tissu, j’ose mettre de la crème protectrice entre ses cuisses. Je m’attends à une rebuffade : elle ne me dit rien. Je passe mes doigts très près de sa fourche. J’oins, comme dirait le maréchal ; j’en ai d’ailleurs le bâton ! J’espère simplement qu’elle ne tournera pas son visage vers moi : je suis apoplectique, et équipé d’une érection plus qu’indécente. Heureusement, j’ai un caleçon ample.



Je me couche aussitôt sur le ventre pour cacher mon émoi.



Joignant le geste à la parole, elle étale le liquide sur mes épaules. Je frémis à chaque caresse. Il doit y avoir un gros trou dans le sable à l’emplacement de mon bas-ventre.

Nous restons allongés côte à côte quelque temps.



Je la soulève et la porte dans les vagues d’un pas assuré. L’eau froide sur mes valseuses refroidit les ardeurs de mon sexe.



Elle rit, elle m’éclabousse. Je tiens une gamine contre mon corps.

Elle fait la planche, puis nage autour de moi. Je ne m’en étais pas rendu compte, mais elle est musclée. Les bras, je comprends, à force de pousser son fauteuil ; mais elle a des cuisses de sauteuse en hauteur, et même une jolie tablette de chocolat sur le ventre.



Juste après avoir dit cela elle plonge et me fait tomber. Nous chahutons comme des gamins quand elle s’écrie « Oups ! » Un sein tente une évasion ; un joli téton pointe le museau hors du tissu. Tout rose et érigé, tendu par le froid.

Je la ramène sur le sable où nous nous séchons.


Après avoir fait honneur au pique-nique, nous nous apprêtons à faire une petite pause à l’ombre du parasol lorsqu’une silhouette vient cacher notre soleil.



Une brune se tient devant nous. Un maillot une pièce moule ses formes de façon suggestive.

Elle serait très belle, nonobstant son regard. Son dédain est palpable lorsqu’elle pose les yeux sur mon amie. Quant à moi, je me fais l’effet d’une antilope face à une lionne. Suis-je comestible, un bon coup ?



Elle s’éloigne en tortillant des fesses.



Après nous être baignés plusieurs fois, nous nous apprêtons à repartir lorsqu’une petite fille vient nous interpeller.



Elle fait une bise à la petite Cécile.

Un fait m’intrigue : elle a démenti pour le requin, pas pour « l’aroumeux »


Nous retournons à la voiture. Elle m’attend appuyée sur la carrosserie tandis que je range le matériel dans le coffre. Je la prends par la taille ; elle s’agrippe à mon cou, approche son visage du mien. Je m’immerge dans son regard.


Elle a les lèvres délicieusement salées. Sa langue joue avec la mienne avec fébrilité, avec avidité. Zanotchka pose son front sur mon épaule. Nous restons enlacés quelques instants, silencieux.



De retour chez elle, je suis sommé de passer sous la douche.



Ce n’est pas une interrogation, mais un ordre. Je m’exécute volontiers.

Nous dévorons une salade ; elle est intarissable sur sa journée. Le soleil lui a rougi les pommettes et ses yeux brillent, peut-être sous l’effet du rosé bien frais.



Je crains le pire.



Au troisième échange, je n’ai plus de chemise, et pourtant j’ai contourné le règlement en retirant mes sandales. Je la soupçonne aussi d’avoir fait exprès de sacrifier quelques pions, histoire d’agiter ses seins nus devant moi et de me déconcentrer encore plus. De beaux globes nacrés, aux grandes aréoles roses et aux tétons dressés, plus beaux encore que je les imaginais. Je les devine fermes et doux.

La situation ne semble pas la laisser indifférente.

Tout à ma rêverie, je ne fais plus attention à mon jeu.



Elle fait le tour de la table, uniquement vêtue d’un microscopique shorty.


Je me lève pour ôter le dernier rempart de ma vertu.



Mon slip tendu ne laisse que peu de doute sur mon état. Elle le baisse, et tel un diable sortant de sa boîte, mon sexe lui saute presque au visage.



Elle me flanque de grands coups de fauteuil dans les chevilles et me repousse vers sa chambre. Mes mollets butent sur le rebord du lit sur lequel je m’étale. Avec une agilité déconcertante, elle sort de son fauteuil, quitte son dernier sous-vêtement et me grimpe dessus.

J’ai juste le temps d’entrapercevoir une fine toison claire.


Elle embrasse mes mollets, mes cuisses, mon nombril, évitant soigneusement mon sexe. Elle joue avec mes nerfs. Elle dépose soudain quelques baisers sur mes testicules et prend en bouche ma hallebarde. Elle la fait coulisser entre ses lèvres ; sa langue caresse, cajole juste quelques instants trop courts me semble-t-il. Elle devine que je suis déjà au bord de l’explosion. Elle habille mon dard d’une pèlerine. Préméditation ?


Elle reprend sa reptation sur moi ; je sens ses seins sur ma tige, sur mon ventre. Sa toison douce et humide caresse mes cuisses et mes bourses. J’ai un jour entendu parler de délicieux supplices : j’en subis un en ce moment.

Je vois apparaître son visage souriant près du mien. Elle m’embrasse, vient chercher ma langue.



Je n’ai nullement l’intention de me dérober à ses caresses. Sa main glisse entre nos deux corps, attrape ma queue et la dirige vers sa caverne d’Ali Baba. Elle s’empale sur moi jusqu’à la garde. Elle respire un grand coup et pousse un râle de plaisir. Prenant appui sur mes épaules, elle se redresse et me regarde dans les yeux. Elle se mord les lèvres tandis que son ventre monte et descend lentement. Elle serre et desserre son fourreau autour de ma verge ; elle ne ferait pas mieux avec la main. Je ne sais comment elle garde l’équilibre. Que c’est bon !


Je ne reste pas inactif. Je caresse ses seins, son dos, ses hanches, là aussi où se terminent les cuisses et où commencent les fesses, là où la peau est si douce. Je donne de petits coups de reins. Je la sens frissonner sous mes doigts. Elle ferme les yeux et gémit quelques mots en russe. Elle s’affale sur mon torse tandis que moi aussi je me relâche et soupire d’aise.

Pendant de longues minutes ne résonnent dans la chambre que nos souffles rauques.



Je ponctue mes dires en lui caressant les lèvres, les seins.



Je pose un doigt sur son cœur et sur son front.

Elle cache son visage dans mon cou.



Je murmure ces mots à son oreille.



Je l’embrasse sur l’épaule, sur la joue. Elle me tend ses lèvres, me caresse.

Sa main se pose sur ma tige qui reprend vigueur.



Tout en disant cela, je la repousse et viens m’allonger sur elle.



Je clos ses lèvres par un baiser.

Je pars ensuite en expédition : je veux tout savoir de son corps. D’abord ses seins aux tétons tendus, son ventre légèrement bombé, et enfin son petit buisson blond cendré. Elle écarte les jambes pour mieux me le présenter. Avec deux doigts je m’offre un accès à son petit diamant que je cherche du bout de la langue. Je le frôle, l’entoure de mes lèvres et l’aspire tel un bonbon fruité. Je souffle sur sa toison, elle en rit. Je hume son odeur, tout à la fois musquée et sucrée. Elle hoquette des mots sans suite, passe ses doigts dans mes cheveux.



Ses lèvres se gonflent de désir. Je joue à croque-clito ; sa jolie fleur s’ouvre, palpite, me lance un appel au secours. Je remonte des abysses, fais un arrêt sur sa poitrine et reviens chercher sa bouche. Elle goûte ainsi à ses propres sécrétions.

Mon pilier trouve son chemin presque seul ; elle m’aide toutefois d’une main habile.


Je l’embrasse encore et encore ; Zanotchka me serre dans ses bras. Nous respirons de plus en plus fort, de plus en plus vite. Je pénètre son ventre moelleux, tantôt rapide et puissant, tantôt lent et délicat. Je la sens se tendre, pousser de légers râles. Je perds la notion du temps. La tête me tourne, et c’est à mon tour de plonger le nez dans ses cheveux.

Je reste fiché en elle. Je suis heureux.



Mon moineau se refait une santé dans sa mignonne chatte.



Elle écarte les jambes, passe ses mains sous ses cuisses. Je la pénètre presque comme un soudard. Elle éructe des mots sans suite, me serre contre elle et me murmure :



Sur ces fortes paroles, nous nous endormons blottis l’un contre l’autre.




~o~




Le soleil matinal me réveille. Zanotchka dort à mes côtés, la tête posée sur mon bras. Elle est belle ainsi, détendue. Je tire délicatement sur le drap pour découvrir une épaule, puis un sein.



Je profite de l’invitation. Quelques baisers sur les seins, les hanches, les cuisses. Et je caresse délicatement son genou, au-dessous duquel il n’y a rien. Juste une cicatrice. Elle frémit. Je ressens son trouble ; rares sont les personnes, à part les médecins, qui ont pu voir les conséquences de son accident. Je suis ému de la confiance dont elle me gratifie.





~o~




Les semaines suivantes nous nous baladons dans les rues, dans les parcs, riant de tout et de rien, nous extasiant devant une vitrine ou devant un chiot dans un jardin public. Nous restons des heures à la terrasse du Café de la Paix, regardant les gens passer.

Nous sommes heureux.

Maintenant, Marcelline et madame Alvez m’ont à la bonne. Je suis celui qui redonne le sourire à… ma bien-aimée ? Nous n’en sommes pas à parler d’avenir, mais il m’arrive de me poser des questions. Elle aussi. Je le sais à sa façon de me regarder.


Un soir, je reçois un coup de fil de ma mère. Nous devisons des derniers potins de la famille quand elle me dit soudain :



C’est toujours pareil avec ma mère. Elle décide et nous devons nous adapter.




~o~





Zanotchka peut, elle aussi, être têtue comme une mule.



Je soupire dans le téléphone.



Le samedi soir, nous arrivons dans l’antre familial.


Ma petite sœur se jette sur moi et m’embrasse. Elle fait la bise à Zanotchka comme à une vieille amie. Mon père et ma mère sortent nous accueillir dans le jardin. Tout le monde semble ému, sauf Huguette, la sœur de mon père, mon horrible tante.


Dans toute famille il existe une tante Huguette ou un cousin Robert. Un être aigri par la vie, au caractère épouvantable, n’attendant que le bon moment pour dire ou faire une vacherie.

Vieille fille, Huguette « Carabosse » ne trouve personne à son goût. C’est une vieille peau acariâtre qui ne prend plaisir qu’à faire et dire du mal de son entourage. Voir quelqu’un heureux doit lui flanquer des boutons, de l’allergie. N’étant pas heureuse elle-même, elle ne supporte pas le bonheur des autres.

Elle n’a jamais compris que pour être aimée, il faut donner un peu d’amour. Pour elle, jamais un homme n’a trouvé grâce à ses yeux ; mais surtout, un homme n’a jamais été assez sot pour s’embringuer avec ce machin.



J’aime bien ma mère ; pour elle, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil.


Le repas se passe très bien. Zanotchka et ma sœur semblent s’entendre à merveille, elles plaisantent et rient comme des folles. Mon père et ma mère les regardent d’un œil malicieux et bienveillant. De temps à autre ma mère me sourit, complice.

Moi, je reste tendu. J’attends la banderille d’Huguette, puis son estocade.


Le repas est excellent, le vin parfait comme d’habitude, et la vacherie arrive en fin de soirée, avec le vacherin. Alors que je vais chercher le gâteau d’anniversaire dans la cuisine, Huguette m’accompagne.



Elle semble chercher un mot ou un qualificatif. Celui qui fera le plus de mal possible.



Voilà, elle vient de trouver.

Au lieu de lui répondre vertement, de lui dire de s’occuper de ses fesses plates, je reste coi, comme un idiot. Du coin de l’œil je vois passer ma sœur qui accompagne Zanotchka aux toilettes ; j’espère qu’elles n’ont rien entendu.


Mon père souffle ses bougies sous les applaudissements ; je suis abattu comme un taureau qui vient de se voir porter l’estocade.


Lorsque nous repartons, ma jolie Russe ne m’adresse pas la parole, perdue dans ses pensées.

Je m’arrête devant chez elle, l’aide à sortir de la voiture et l’installe dans son fauteuil.



Elle entre dans l’immeuble, me laissant seul sur le trottoir.


« Merde ! Meeerde ! » Le monde s’écroule sur moi. Je reste devant ma voiture, les bras ballants. C’est trop con. La colère me submerge. Je ne vais pas fuir encore une fois. Ça ne peut pas, ça ne doit pas se terminer ainsi.


Je me précipite vers la porte qui se referme. Zanotchka, déjà dans l’ascenseur, monte vers les étages. Je grimpe les escaliers quatre à quatre. J’arrive avant elle. Essoufflé, je me poste devant sa porte. Elle sort de l’ascenseur, la mine renfrognée.



Elle doit être en colère : elle retrouve son accent russe.



Elle se désigne d’un geste théâtral.



J’élève la voix :



À ce moment, Marcelline ouvre la porte ; elle est en chemise de nuit et peignoir à fleurs.



Profitant de l’occasion, je me faufile. Zanotchka hésite, mais Marcelline la pousse dans l’appartement.



Elle essaie à la fois de se boucher les oreilles et de rejoindre sa chambre. Difficile de faire les deux en poussant un fauteuil roulant. Elle arrive à s’enfermer dans la salle de bain.

Mon portable sonne : encore un emmerdeur ! Ma petite sœur m’envoie un SMS : N’écoute pas les cons ! Excellente idée.

Je compose le numéro de ma tante, mets le haut-parleur. Je prends ma voix de gentil benêt :



Même au téléphone, elle est imbuvable.



Voilà, une bonne chose de faite, et ça soulage.

Je raccroche.



Marcelline se marre.



Je fais la bise à Marcelline et me dirige vers la sortie. Je me maudis et maudis la tante Huguette. Je maudis toutes les tantes Huguette de la Terre.

Je descends lentement l’escalier, tête basse.


En bas, surprise : madame Alvez et Rocky m’attendent devant la porte, tous crocs dehors.



Elle me fait songer à Gandalf dans les mines de la Moria, sur le pont de Khazad-Dûm.



Allons bon…



Zanotchka sort de l’ascenseur. Qu’elle est belle ainsi, toute décoiffée !



Elle n’écoute pas ce que je dis. Elle ressemble à ma sœur : tu lui dis un truc, elle répond ce qu’elle a envie d’entendre. Et cette fois, les rôles sont inversés : elle est venue se poster devant la porte, aux côtés de la concierge et de son molosse.



Elle se mord les lèvres, hésite.



Il vient de lui falloir une bonne dose de courage pour me le demander.

Je craque. Je voulais me casser, mais elle m’attendrit, là, perdue dans son fauteuil.

Je m’approche, les mains dans le dos, pour qu’elle ne les voie pas trembler.



Agenouillé près d’elle, je la prends dans mes bras et serre tant que je peux.

Un poète a dit « Le temps d’apprendre à vivre, il est déjà trop tard. » Je ne voudrais pas me dire, dans quelques années « Il est trop tard et je n’ai pas aimé. »

Marcelline vient de nous rejoindre.



Zanotchka se marre.



Il me vient des idées romantiques. Je la soulève et monte l’escalier avec elle dans mes bras, sous l’œil bienveillant de Rocky. Marcelline prend l’ascenseur avec le fauteuil. Aurais-je présumé de mes forces ? Sur le palier du second, je fais une pause.



La porte du second s’ouvre brutalement.



Une grande femme âgée surgit sur le palier, cheveux blancs, peignoir et bigoudis, une canne à la main. Elle regarde la gouvernante de Zaza d’un air furax. Elle se tourne vers nous en souriant.



Puis elle hurle de nouveau, scandant chaque syllabe en frappant le sol de sa canne :



Zanotchka rit et enfouit son visage dans mon cou.

Arrivés dans l’appartement, je vais droit à la chambre et la dépose sur le lit. Je la dévêts tendrement et me désape en vitesse. Une fois nus, elle vient sur moi. La mine faussement sévère, elle déclame :



Effectivement, elle m’à-califourchonne et s’assied sur mon bas-ventre en me tournant le dos. Je ne suis tout de même pas déçu : j’ai une vue sublime sur ses fesses et sa chute de reins. Je ne sais pourquoi, mais elle me fait penser à Otto von Guericke** et ses hémisphères de Magdebourg.

Cette vue rigidifie la meilleure partie de mon anatomie.



Je viens de laisser traîner un doigt dans sa raie culière, histoire de vérifier si les hémisphères du vieil Otto sont bien soudés. La surprise la fait se contracter autour de mon nœud.

Bien entendu je recommence, faisant fi de ses injonctions. Elle se cambre, ramène ses mains sur mes hanches ; elle cherche un peu son équilibre. Je lui tiens les poignets.



Elle termine sa phrase dans un râle, tout le corps crispé ; elle vient de jouir. Tout comme moi.

Toujours empalée, elle se laisse aller sur mon torse. Je saisis ses deux autres hémisphères qui eux aussi me ramènent à mes cours de physique : comment font-ils pour résister à la gravité ?



Faudra quand même que je remercie cette vieille bique de tante Huguette.




~o~




Ensuite ?

Chaque instant reste gravé dans ma mémoire.


D’une série de séjours à la clinique. D’abord quelques semaines de chirurgie réparatrice sur sa joue. Puis une autre hospitalisation pour la pose de petits capteurs dans ses muscles de la cuisse, pour terminer par une prothèse réagissant à ses influx nerveux. Un petit bijou de technologie ; un bidule qui vient d’Islande et payé par l’assurance.


La voir entrer dans la salle en marchant fait bondir mon cœur : je suis aussi ému qu’un père qui voit son enfant faire ses premiers pas. Bien sûr, elle doit utiliser des béquilles ; plus pour très longtemps, selon son chirurgien.

Elle me regarde avec un adorable sourire en coin.



Elle éclate de rire.


Chaque jour elle va à l’hôpital faire de la rééducation. En deux semaines, elle a laissé les béquilles au placard. Elle monte et descend les escaliers seule. Au bout de six mois, elle marche comme moi. Elle a juste besoin d’une canne, que je lui offre.

Une canne au pommeau de circonstance : un cœur.




~o~




Ce soir, je l’ai invitée au restaurant, Le Chat Perché. J’en avais eu de bons échos, mais surtout il se trouve près du Jardin des Plantes. Là où elle aime se promener. Nous y sommes allés en cette chaude fin d’après-midi de printemps.


Musique douce, éclairage tamisé.

Nous sommes installés en terrasse, à ma demande, pour rester discrets.



Je crois que nous sommes un peu pochtronnés, tous les deux : entre chaque plat nous vidons allègrement quelques verres de « Clos Perdu », et notre élocution divague quelque peu.


Elle s’attend à une initiative de ma part. En Maître des échecs, elle me jauge, me scrute. Je dois la surprendre. Vais-je faire une demande en mariage classique, au restaurant, entre la poire et le fromage, un diamant au fond d’une coupe de champagne ?


Au dessert je lui offre une boîte.

Je l’intrigue : la boîte est trop volumineuse pour une bague.

Elle en extrait deux pièces d’échecs. Les reines. Une noire et une blanche.





~o~




Un an plus tard.


Sur une estrade se pavanent le président du Conseil régional, le maire et le président du club d’échecs.



Alors que nous nous serrons la main, elle me susurre :



La bataille psychologique vient de commencer.




~o~




* Viswanathan Anand : Grand Maître International d’échecs indien.


** Otto von Guericke : Physicien allemand. Il fit en 1654 une expérience à Magdebourg : après avoir fait le vide à l’intérieur de deux demi-sphères de cuivre réunies, il fit atteler chacune d’elles à un attelage de huit chevaux sans pouvoir les séparer.