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n° 17683Fiche technique9024 caractères9024
Temps de lecture estimé : 6 mn
10/12/16
Résumé:  Quand on me cherche... hé hé hé !
Critères:  humour - délire
Auteur : Brodsky      Envoi mini-message
Rien que la vérité

Je vais faire quelque chose de mal, de très mal. De méchant, très méchant. C’est pas que je sois teigneux – vous me connaissez, mes zamours – mais y a offense, et seuls les couillons pardonnent "à ceux qui nous ont offensés". Moi, je suis de la vieille école, celle qui dit œil pour œil, couille pour couille. Je sais bien que beaucoup d’entre vous préfèrent le Brodsky poète, amoureux, sentimental et désespéré. L’écriture est plus noble, plus fine ; les vers sont ciselés, "ils asticotent le nerf à frisson" comme disait l’autre.


Mais là… c’est le vilain Brodsky qui est derrière son clavier d’ordinateur.


Quand j’étais plus jeune, il y a longtemps, perdu dans une galaxie lointaine, sans femme et sans enfants, j’avais pris l’habitude d’avoir recours à des services téléphoniques lorsque je voulais me faire mousser le Créateur. Ça coûtait un bras, mais ça restait plus efficace que le minitel qui lui, coûtait de toute façon la peau du cul.


Je m’en étais tapé, pourtant, des 36.15 Cruella… jusqu’au jour où un de mes amis qui bossait pour un de ces services d’enfoirés m’avait expliqué comment il se marrait comme un bossu en animant son site sous le nom de Sabrina la Cochonne.


Le choc fut terrible ! Imaginer qu’un mec comme lui, avec ses cheveux en brosse, ses petites lunettes de facho et sa moustache de charcutier se fasse passer pour une call-girl aux gros nichons et aux jambes interminables m’a dégoûté à jamais du minitel.



Oh, je vois déjà des sourires sarcastiques se dessiner sur les faces bovines de mes détracteurs : « Mais quel âge peut donc avoir cet obsédé de Brodsky ? » sont-ils en train de ricaner. Peu importe, mes zamours, je suis comme le bon vin, et comme disait Brassens, « Le temps ne fait rien à l’affaire : quand on est bon, on est bon. »

Mais fermons la parenthèse, comme dit l’aile gauche du parti socialiste.


Les souris du téléphone rose, au moins, avec leur voix, on était (presque) sûr que c’était des femmes. Pas forcément les bombasses qui posaient à poil sous le numéro qui invitait à les appeler, mais quand même… On pouvait fantasmer.


Suite à l’attentat dont j’ai été victime (patience, vous saurez bientôt de quoi on parle), j’ai repris contact avec une de mes amies, la jolie Ninon qui est une vraie pro de la conversation érotique, et je lui ai demandé de me refiler ses enregistrements.


Car il faut que vous sachiez que désormais toutes vos conversations sont susceptibles d’être enregistrées – pour votre bien, évidemment – et ce afin de s’assurer qu’aucun propos choquant ne sera tenu… En clair, les sinistrés de la bite sont non seulement condamnés à la veuve poignet, mais ils n’ont pas droit à ces petites phrases qui mettent tant de piquant dans nos amoureux ébats.


Des petits mots tout doux, comme « Viens lécher ma chatte, grand fou… » sont considérés comme portant atteinte à la dignité des matous et des schizophrènes ; d’autres, comme « Prends-moi comme une chienne… » seraient une atteinte à la dignité des femmes, et le fait qu’une femme elle-même émette cette demande serait un fait aggravant. Enfin, le fameux « Prends ça dans ton cul, salope ! », considéré comme une violence inadmissible, est motif de coupure immédiate de la conversation téléphonique.


Mes zamours, votre Brodsky adoré a passé des heures à écouter ces enregistrements. Jusqu’à ce qu’enfin je tombe sur CELUI que j’attendais, et que je vous livre ici dans son intégralité :




  • — Arf… Allô, Ninon ?
  • — Oui, à qui ai-je l’honneur ?
  • — Arf, arf, c’est Radagast…



Ouais, je sais, c’est bas. Je devrais avoir honte, mais… non. Z’avez vu comment il m’a arrangé dans sa dernière livraison, le chouchou des lectrices de Rêvebébé ? Il devait pourtant bien prévoir qu’un pareil crime de lèse-Brodsky ne saurait rester impuni. Alors voilà, j’ai cherché pendant des jours et des nuits entières comment laver cet affront, et j’ai trouvé. Va y avoir du sang sur les murs de la ville et des bouts de cervelle collés au plafond !

Et qu’on ne vienne pas me faire le coup du fair-play ou de l’éthique de l’écrivain. Les tiques, c’est pour les chiens, et la plaie, je vais me la faire. Ah-ah-ah, tu fanfaronnes moins, enflure ! Tu commences à te liquéfier. T’as raison, mon bonhomme.




  • — Bonsoir, Radagast. Tu es majeur ?
  • — Arf, arf, oui, bien sûr…
  • — Tu es né en quelle année ?
  • — 1890.
  • — La date exacte, s’il te plaît.
  • — 15 juillet 1890.
  • — Tu as donc… 126 ans ?
  • — Euh non, j’m’a trompé… C’est le 15 juillet 1990.
  • — Tu as donc 26 ans.
  • — Ouais.



Radagast, le mec qui ne recule devant rien pour emballer ! 26 ans, non mais, vous y croyez, vous ? Alors que de son propre aveu il a connu Alekhine, le champion d’échecs qui n’avait que deux ans de moins que lui. Ce pauvre Alekhine, mort à l’âge de 50 ans au Portugal… Mais bon, comme disait Hoover sur son lit de mort, « Ce sont toujours les meilleurs qui s’en vont. »




  • — Quel est ton signe zodiacal ?
  • — Arf, arf, mais pourquoi tu demandes ça ?
  • — On doit vérifier l’exactitude de ce que tu racontes, par mesure de précaution. Alors, quel est ton signe zodiacal ?
  • — Lion…
  • — Et ton signe chinois ?
  • — Hein ? Mais qu’est-ce que j’en sais ?
  • — Si tu ne sais pas, on ne va pas pouvoir commencer la séance…
  • — Mais, putaing, je veux juste que tu me dises des cochonneries pendant que je m’astique le poireau…
  • — C’est moi que tu traites de putain ?
  • — Mais non, putaing, je suis Marseillais…
  • — Quel genre de cochonnerie voulais-tu entendre ?
  • — Ben, tout ce qui te passera par la tête.
  • — Le problème, c’est que je ne peux prendre le risque d’employer un mot qui pourrait te choquer. Il faut donc que tu me donnes une liste des mots que je suis autorisée à employer.
  • — Une liste ?
  • — Oui, et me donner l’ordre dans lequel tu veux que je te dise les mots.
  • — Pourquoi ?
  • — Pour ne pas provoquer de choc émotionnel trop important. À ce propos, tu es en bonne santé ?
  • — Euh… oui.
  • — Tu n’es pas épileptique, ni hypertendu ?
  • — C’est ma queue qui est hypertendue, là…
  • — Ta queue ? Tu veux parler de ton sexe ?
  • — Euh oui, bien sûr…
  • — Je suis obligée de te le faire préciser, parce que je n’ai pas le droit de faire l’amour avec des animaux. Puis-je avoir ton numéro de sécurité sociale ?
  • — Pourquoi ?
  • — Je dois vérifier qu’il n’y a pas de contre-indication sur ton dossier médical.
  • — Mais, putaing ! Je le connais pas par cœur, mon numéro…
  • — Tu le trouveras en haut de ta fiche de paie.
  • — Mais je n’ai pas de fiche de paie, je suis au chômage…
  • — Ah ? Alors je suis désolée, mon chou, mais je vais devoir raccrocher.
  • — Hein ? Mais pourquoi ?
  • — Nous sommes astreints aux mêmes règles que les débits de boisson ou les casinos : nous n’avons pas le droit d’encourager les chômeurs à la consommation, dans la mesure où le sexe peut créer une dépendance chez certaines personnes plus fragiles que d’autres…
  • — MAIS, PUTAING, JE M’EN FOUS DE TOUT CE BLA-BLA, JE VEUX JUSTE QUE TU ME PARLES PENDANT MA BRANLETTE !
  • — Je suis désolée, mais je dois raccrocher.
  • — Hé, dis donc, tu peux pas…
  • — Clic. Bip – bip – bip…



Et maintenant ? Oh bien sûr, ça ne vaut pas les enregistrements de Nixon et du Watergate, mais nous avons quand même là du lourd ("de chez lourd", comme disait l’autre), de l’explosif, de la nitro, du ragot qui vaut son pesant de testicules de taureaux !


Lorsque j’ai eu toutes les preuves en mains, je me suis longuement interrogé : à qui allais-je vendre cette conversation ? Médiapart ? Le Parisien ? Patrick Buisson ? Ardisson ? Fogiel ? Et puis finalement, je me suis dit que les lecteurs de Rêvebébé avaient le droit de savoir la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

J’en avais ras la casquette : j’ai déclenché le Radagastgate.