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Temps de lecture estimé : 58 mn
20/12/16
corrigé 06/06/21
Résumé:  Je me suis très, très, très librement inspiré de « Deux ans de vacances » de J. Verne. Je vous assure, y'a une île, le bateau vient de Nouvelle Zélande.Je n'ai ni le talent,ni l'imagination de Verne,alors j'ai pris seulement trois mois!
Critères:  fh hplusag voyage amour
Auteur : Domi Dupon  (Homme plus du bon côté de la soixantaine (le temps a passé))            Envoi mini-message
Trois mois de vacances

Ce récit est le cinquantième que je mets en ligne sur Rêvebébé ; il est différent de ce que j’écris habituellement, mais je me suis beaucoup amusé en l’écrivant. Je me suis très, très, très librement inspiré de « Deux ans de vacances » de Jules Verne qui a longtemps été mon livre de chevet. Si, je vous assure, y’a une île et le bateau vient de Nouvelle-Zélande. Mais comme je n’ai ni le talent ni l’imagination de Verne, j’ai pris seulement trois mois de vacances !




Naufrage

(y’a pas que le camembert qui coule)



Service terminé ! Je ne pense pas que j’aurais pu en faire mon métier. Supporter ces friqués et leurs caprices pour un mois ça allait le faire, mais à longueur d’année, cela aurait été au-delà de mes possibilités. J’avais bien failli perdre mon sang-froid tout à l’heure quand cette grande bringue genre mannequin, débraillée, certainement à bord pour assouvir les bas instincts de son « patron », m’avait heurté violemment. Par miracle, j’avais réussi à conserver mon calme, mon équilibre et celui de mon plateau. Un mot pour s’excuser ? Dans tes rêves ! Seulement un aboiement :



Ben voyons, elle me fonce dessus, mais évidemment c’est moi qui… Le client a toujours raison ! Assez récriminé ! Dans deux ou trois jours, le canal de Panama puis l’Atlantique et bonjour la France. Pas tout le monde qui se « paie » une croisière rémunérée sur un yacht de luxe. Pas tout le monde qui peut tirer son clope au milieu des étoiles avec pour accompagnement musical le clapotis des vagues contre la coque du bateau. Mon moment préféré. Tous ces messieurs-dames ont regagné leur cabine. Le petit personnel et l’équipage, excepté ceux de quarts, ont fait de même. J’ai le navire pour moi tout seul !


Enfin c’est ce que je croyais ! Un bruit de pas me tire de ma rêverie. Je me retourne : une silhouette approche. Féminine, si je me fie au portrait en ombre chinoise que m’offre la lune. Deux pas plus tard, je confirme : il s’agit bien d’une femme. Malheureusement pas n’importe quelle femme ! L’horrible pimbêche, qui m’a rembarré plus tôt dans la soirée, a abandonné sa tenue de pétasse pour un jean et un pull. Ostensiblement, je lui montre mon dos, le regard fixé sur l’horizon. Peu importe, je suis invisible. Pour ces gens-là, l’équipage fait partie des meubles. Elle s’accoude au bastingage et allume nerveusement un clope.


Notre quiétude vole soudainement en éclat. Immense fracas. Coup de tonnerre. Lumière intense. Embrasement. Eau froide. Mes bras, mes jambes qui s’agitent. Pas s’affoler. Cauchemar. Un blanc. Qu’est-ce que je fous dans cette mer glacée alors qu’il y a un instant… Tout tourne. Les étoiles, la mer, le yacht. Le yacht, en train de sombrer entouré d’un halo de flammes. Je réalise. Il coule et moi, je patauge lamentablement à des kilomètres de la côte la plus proche. Je vais crever au milieu de nulle part. Ça va me servir à quoi de savoir nager. Trop con ! Tête vide. Instinct de survie. Ce qui se passe dans les minutes qui suivent… Soudain, un choc dans le dos. Première pensée : un requin, fin de l’histoire.


Fausse alerte ! Point de squale, mais un des deux dinghys améliorés qui, par je ne sais quel miracle, a échappé à la catastrophe. Tant bien que mal, je me hisse à bord. Je ne prends pas le temps de m’apitoyer sur mon sort. Je dois me signaler à d’éventuels survivants.


Heureusement, notre capitaine nous avait obligés, avant le départ, à un exercice d’évacuation. Je sais quoi faire. Je sors de son compartiment « le pistolet à fusées ». Merde, il n’est pas chargé. Je cherche des cartouches : aucune. Ça commence bien. Je me rabats sur la lampe torche en priant pour qu’elle fonctionne.


Elle est assez puissante. Je l’agite au-dessus de ma tête en criant :



Je m’époumone plusieurs minutes jusqu’à en perdre la voix. Sans résultat. De guerre lasse, je balaie méthodiquement l’océan avec le faisceau lumineux faiblissant de la Maglite. Mais à part l’autre canot et de nombreux débris flottants, pas âme qui vive. Alors que j’allais abandonner, je devine plus que je ne vois une main qui s’agite à quelques encablures de mon embarcation. Sans doute mon imagination qui me joue des tours. Je récupère une rame. Après quelques tentatives maladroites, je parviens à me rapprocher de ma vision.


Je reconnais la nana qui était sur le pont avec moi. C’est bien ma chance : il fallait que ce soit c’te pétasse brune qui se croit sortie de la cuisine de Jupiter. Logique quelque part, puisque nous étions les seuls sur le pont. Malgré l’envie qui me tenaille, j’peux pas la laisser se noyer. Je garde la Maglite braquée sur elle et tente, en m’aidant de la pagaie, de me rapprocher. C’te garce, par chance, nage bien, car lors de l’exercice de survie, le capitaine n’avait pas jugé utile de nous apprendre à manœuvrer le canot.


Lorsqu’elle est suffisamment proche, je lui tends la rame. Elle s’y agrippe fermement.

En d’autres circonstances, peut-être aurais-je apprécié de sentir la fermeté de sa petite poitrine lorsque je la hisse à bord.

En d’autres circonstances, peut-être m’aurait-elle tancé parce que je l’ai un peu peloté.

En d’autres circonstances, peut-être aurais-je été excité à la vision charmante et au clair de lune de son corps ravissant moulé par ses fringues trempées.

En d’autres circonstances, peut-être aurait-elle été choquée par mes regards concupiscents.

Ici rien de tout ça ! Je la tire au sec et elle s’écroule dans le canot, tentant de reprendre son souffle.


D’ailleurs, je ne m’occupe déjà plus d’elle : j’ai recommencé à agiter ma torche en m’époumonant. Sans résultat aucun. Soudain sa voix retentit :



En plus, elle se la joue en parlant anglais. Elle est vraiment gonflante. J’aurais dû…

Cependant, elle a raison. La rapidité avec laquelle le bateau a coulé n’a laissé aucune chance à ceux qui étaient à l’intérieur.

Cependant, je n’ai pas envie qu’elle ait raison, alors je proteste :



L’enfant ! Quelle connasse ! Je pourrais être son père. Quoique non ! Si sa mère est du même acabit, je n’aurais pas couché avec. Elle ne me laisse pas le temps de la contrer, déjà elle reprend :



Ses paroles me remémorent que, dans chaque embarcation, est placée une balise du type Argos. On l’a testé lors de notre exercice d’évacuation. Je le lui signale.



Je l’ai pensé très fort, mais la réplique m’est restée aux bords des lèvres. C’est pas le moment. En tout cas, elle a pris le commandement.


Sur ses directives, nous rejoignons l’autre dinghy. À l’aide de la corde d’amarrage, nous l’arrimons au nôtre. Ceci fait, je récupère la balise et l’enclenche. Aucun résultat. Nouvelle tentative sans plus de succès. Mon nouveau capitaine me l’arrache des mains. Quelle délicatesse ! Quelle féminité ! Évidemment un pauvre steward est bien incapable de faire fonctionner un appareil aussi sophistiqué. Après avoir relu les instructions, elle essaie à son tour. Petite satisfaction, dans l’océan de merde où nous baignons : elle n’a pas plus de succès que moi. Je jubile :



En effet, il y en a une… dans le même état. Silence pesant. Nous prenons soudain réellement conscience de la précarité de notre situation. Respect pour la jeune dame : pas une plainte, pas une larme simplement ces mots :



Je balaie une dernière fois l’océan avec ma torche. Rien ! Le Duchesse de Bretagne a disparu dans les profondeurs. D’un commun accord, nous décidons que la meilleure chose que nous puissions faire est dormir, en tout cas d’essayer de nous reposer. Le canot, prévu pour huit, est pourvu d’un grand compartiment dans lequel sont stockés entre autres des rations de survie pour une semaine, un réchaud, des cartouches de cigarettes (le capitaine est, euh… était un gros fumeur) et des couvertures. Nous en prenons chacun une.


Apparaît alors un autre problème : nous sommes trempés. Dans le feu de l’action, nous n’y avons accordé aucune importance. Dormir dans des fringues mouillées, ce n’est pas vraiment approprié. Madame la Comtesse n’a aucune hésitation. Sans gêne aucune, elle tombe pull, jean et t-shirt, les étale sur le pont du second radeau. Invisible, je suis. Un meuble, vous dis-je. Un meuble qui a des yeux. Pour la première fois, je l’appréhende comme une femme, une belle femme : de longs cheveux noirs encore mouillés encadrent un visage émacié, des yeux sombres et bridés. La forme générale révèle certainement une ascendance asiatique, mais pas que. Je ne m’attarde pas sur son visage car elle m’offre une vue imprenable sur sa face avant. La haute tenue de ses petits roberts en poire ne nécessite aucunement le port d’un soutien-gorge, d’ailleurs, elle n’en porte pas. De longues jambes à damner un saint (et j’ai oublié mon auréole) surmontées par un bassin pas du tout méditerranéen. Entre les deux, une culotte virginale me dissimule son intimité. Avant que je n’en voie plus, elle s’est retournée et se penche vers l’autre canot pour déposer son linge. Son mignon petit cul que le clair de lune magnifie génère une mini-tempête dans mon slip. Popaul n’est pas au garde-à-vous, mais presque.


Elle s’enveloppe dans une couverture.



Pas si invisible que ça finalement. Sur cette sentence définitive, elle s’allonge le plus loin possible de moi. Je la vois qui se tortille sous la couverture. J’imagine, égrillard, qu’elle est en train d’ôter sa culotte en coton. Je me déshabille à mon tour et me couche.




Terre !

(une journée qui commence bien)



Je pensais qu’il me serait impossible de dormir. Tout faux ! J’ai basculé dans les bras de Morphée en quelques minutes. Une main énergique me secoue me tirant sans ménagement de ce sommeil sans rêve.



Je n’ai pas vraiment envie d’ouvrir les yeux, d’affronter ce qui nous attend et aussi la mauvaise humeur manifeste de mon beau capitaine.



La terre ! Quand le mot terre arrive à mon cerveau embrumé, la connexion se fait, je me dresse sur mon séant. Il fait grand jour. Une paire de seins ballotte à quelques centimètres de mon visage. Comme réveil, j’ai connu pire. Cette vision érotique est de courte durée. Ma compagne d’infortune s’est redressée et d’un geste impérieux, elle me montre un point sur la gauche. Mon regard fasciné abandonne à regret le charmant tableau pour regarder dans la direction indiquée. Aucun doute, on aperçoit un bout de côte assez proche malheureusement notre esquif tend à s’en éloigner. Il va falloir transpirer. Unissant nos efforts, nous ramons, de vrais petits galériens, pour engager notre embarcation dans la bonne trajectoire.


L’un comme l’autre, nous n’avons pas pris la peine de nous rhabiller. Nous sommes, elle en culotte, moi en slip. Dans cette tenue, elle est craquante et je dois prendre sur moi pour ne pas trop la « mater ». Je n’ai pas envie qu’elle me ramasse encore une fois. Mais je ne peux m’empêcher de jeter un œil de temps à autre. À genoux, tenant la rame à deux mains, elle pagaie dans un rythme que j’ai du mal à suivre. Je ne peux qu’admirer le travail de ses muscles. On sent la fille sportive, saine. Pas une once de graisse, des muscles effilés, saillants, une peau mordorée luisante sous l’effort.


Après ce qui m’a paru des heures, nous nous approchons suffisamment du rivage pour nous apercevoir qu’aussi loin que portent nos yeux, ce ne sont que falaises abruptes. Le désespoir me prend quand je comprends que la marée montante va nous précipiter sur les rochers. Madame la Comtesse en a conscience aussi. Le silence qui ne nous a pas gênés jusqu’à là, devient pesant, anxiogène.



Facile à dire ! Nous avions beau nous escrimer, inexorablement le courant nous entraîne par vagues successives vers les premiers écueils. Par bonheur, ce n’est pas notre jour ; arrivés à une centaine de mètres de notre trépas, je repère ce qui me semble être une ouverture. Je le lui signale immédiatement. L’espoir décuple nos forces. Nous parvenons in extremis à nous extraire du flux qui nous dirige contre la falaise et nous glisser dans un autre qui nous amène à une espèce de crique. Celle-ci s’enfonce d’une cinquantaine de mètres dans les terres. La marée montante nous pousse à l’intérieur. Point de plage sablonneuse, simplement de la vase. Nous nous échouons. Sans trop de peine, nous tirons les deux dinghys hors de l’eau.


Mauvaise surprise et épreuve supplémentaire, la crique se termine brutalement sur un dénivelé d’une trentaine de centimètres pour se prolonger par un pré. Nous nous hissons sur la terre ferme, sur l’herbe fraîche, devrais-je dire. Nous sommes trop crevés pour en apprécier la douceur. Cependant malgré notre fatigue, avant tout chose, il nous faut sécuriser solidement nos embarcations. Nous ne pouvons pas nous permettre de les perdre. Par chance, un arbre passe par là. Nous y attachons solidement les cordes d’amarrage. Alors que nous nouons la dernière corde, ma coéquipière m’abandonne, se précipite au milieu du pré en criant :



Je me retourne. Elle a baissé sa culotte et, sans honte aucune, pisse. Avec un reste de pudeur, elle m’a montré son dos. Avant que je ne me détourne, j’ai le temps de constater que son cul (petit) est aussi magnifique sous le soleil que sous les rayons lunaires. J’ai la confirmation en apercevant son petit minou que c’est une vraie brune.

Le bruit de cascade de son jet puissant déclenche une envie similaire : à mon tour, j’arrose copieusement le pré.



Commentaire poétique de madame la Comtesse.


Nous prenons enfin le temps de nous habiller. Nous mangeons quelques barres énergétiques en détaillant le paysage qui nous entoure. S’il y avait des moutons, on pourrait presque se croire à Tolaga Bay, où le cap’tain Cook débarqua en Nouvelle-Zélande au XVIIIe siècle. À droite et à gauche, des falaises apparemment infranchissables, au milieu, une prairie où coule une rivière, quelques arbres isolés et au fond, à quelques centaines de mètres, une forêt. Le cours d’eau disparaît sous les frondaisons. Il est clair que l’issue pour nous est de ce côté.


Il nous a fallu beaucoup de temps et d’efforts pour accoster, nous sommes littéralement épuisés et la journée est bien avancée. L’envie d’un retour rapide vers la civilisation nous taraude, mais la sagesse l’emporte : nous passerons la nuit dans la crique. Tandis que nous fumons une cigarette bien méritée, madame la Comtesse trouve de quoi nous occuper. Je pensais pouvoir glander. Même pas ! J’aurais dû me douter que mon beau capitaine n’allait pas nous laisser paresser. Selon elle, il serait judicieux de tirer les deux canots sur le pré. Ils seraient, ainsi, en totale sécurité et nous pourrions dormir dedans. Naïvement, je lui suggère que nous pourrions tout aussi bien dormir dans les embarcations en les laissant sur la plage. J’ai pas dit le bon truc. Madame la Comtesse s’énerve. Je comprends alors que, sous son apparent stoïcisme, le naufrage l’a aussi traumatisée et que dormir sur l’eau, une seconde nuit, la terrorise. J’accède donc à son désir.


Pas de fastidieux détails, mais quelle galère ! Il nous faut des heures. Quand, enfin, à la nuit tombante, les deux dinghys sont à sec, j’ai dépassé le stade de la fatigue, je ne sens plus mon corps. Nous nous restaurons rapidement (encore des barres énergétiques), un clope puis nous nous écroulons chacun dans un bateau, enroulés dans une couverture.


Bizarrement, je ne m’endors pas facilement. Trop crevé sans doute. Pour la première fois depuis l’explosion du yacht, je peux mettre mon esprit en pause. Je revis le naufrage. Cette explosion sans raison. Qu’a-t-il pu se passer ? Nous avons vraiment failli y passer. Il a fallu un miraculeux concours de circonstances pour qu’on s’en tire. Tous les autres sont morts. Malgré le peu de sympathie que j’ai pour ma compagne d’infortune, j’apprécie son courage, son sang-froid, son esprit d’initiative et, pourquoi pas le dire son autorité naturelle. Les griefs que j’avais contre elle s’atténuent à mesure que sa personnalité se révèle. Cependant nous n’avons échangé aucune parole inutile ; nous n’avons même pas échangé nos prénoms.


Je ne connais pas son prénom, mais je connais son corps. Ma réflexion dérive peu à peu : les images du naufrage s’estompent remplacées par celle de sa quasi-nudité. Images précises, à forte teneur érotique : elle, se baissant pour poser ses vêtements dans le dinghy, son petit cul tendant l’étoffe de la chaste culotte blanche soulignant la fente congénitale. Elle, ramant vigoureusement, le jeu de ses muscles sous le soleil. Enfin, et surtout, elle, accroupie, pissant sans nulle retenue, m’offrant une vision unique sur son minou poilu d’où jaillit une puissante source dorée. Le bruit de son urine frappant le sol emplit mon esprit. Machinalement, je porte la main à mon sexe. Inerte bien sûr. Ma fatigue est trop grande pour que mon excitation soit autre que cérébrale. Elle a raison : les hommes vous êtes tous les mêmes.




Exploration

(d’une galère à l’autre)



Lorsque je m’éveille, le soleil est déjà haut dans le ciel. La jeune dame qui a hanté mes rêves a déjà abandonné le navire. La cherchant des yeux, je finis par la repérer dans la crique en train de gambader dans l’océan. L’eau atteint sa taille et je me régale de ses petits nénés tressautant au gré de sa course.


M’apercevant, elle me fait des grands signes me demandant de la rejoindre. Elle crie :



Bonne ? Elle en a des bonnes. Brrr. Devant mon hésitation, elle hurle :



Toujours aussi sympa ! Elle n’a pas tort. Comme d’hab’ ! Nous avions beaucoup transpiré et mes odeurs corporelles ne devaient pas être très agréables. Je tombe mes fringues, ne gardant que mon slip. Afin d’éviter de patauger dans la boue, je longe la berge jusqu’à la hauteur de la première eau. Au moment où j’y entre, le bassin de ma coéquipière en émerge. Oups, la surprise me fait trébucher et je m’affale dans l’océan, tête la première. Elle n’a pas voulu mouiller sa culotte. Sa toison brune, un vrai buisson ! Nul ciseau ne l’a approché depuis longtemps. Ces gouttes d’eau qui perlent au bout des poils. Je n’ai pu en voir plus et quand je me relève, j’entends son rire cristallin et moqueur résonner dans mon dos. Je n’ose me retourner. Pas par pudeur, mais parce que je ne saurais lui cacher l’effet qu’elle me fait.



Je ne réponds rien. J’avance en eau plus profonde pour cacher ma bandaison. Cette nana m’impressionne de plus en plus. Son aisance avec la nudité me stupéfie. Aucune provocation d’ordre sexuel, elle est simplement naturelle, à l’aise dans son corps. M’enfin, nous sommes seuls à je ne sais combien de kilomètres du premier être humain, je suis un homme (quoi de plus naturel en somme !) elle pourrait/devrait se méfier. Dois-je m’en réjouir ou déprimer ? M’en réjouir parce qu’elle me fait confiance ou déprimer parce qu’elle me voit comme un inoffensif vieillard incapable de l’attraper à la course. Ou pire, suis-je toujours invisible ? J’effectue quelques brasses pour me calmer puis me lave tant bien que mal. Quand je sors de l’eau, elle s’est rhabillée. En utilisant un des réchauds, elle a préparé une boisson chaude qui voudrait être du thé. Rien dans son comportement qui rappelle la séquence « éroticomique » marquant mon entrée dans l’eau.


Nous mangeons en silence. Ni l’un, ni l’autre n’a réellement envie de parler. J’espère, elle aussi sans doute, un prompt retour vers la civilisation, car, en plus de notre situation guère enviable, notre cohabitation n’est guère attrayante. Eussé-je été un bel Apollon, mais je ne suis que moi avec mes soixante balais ! Le petit déjeuner expédié, nous partons en reconnaissance vers la forêt. Nous voulons savoir s’il est pertinent d’utiliser un des dinghys pour remonter la rivière ou s’il faut mieux partir à pied. Pour cela, nous devons savoir ce qu’elle devient lorsqu’elle s’enfonce dans le sous-bois.


Le suspense est de courte durée. Premier désagrément, pénétrer dans la forêt s’avère compliquée. Dès l’orée franchie, l’épaisseur de la végétation nous force à longer la rivière. Quand je dis longer, c’est quasiment marcher dans… Nous nous escrimons sur quelques centaines de mètres puis la rivière se transforme en torrent pas navigable du tout. Après un court instant de découragement, mon audacieuse camarade réagit.



Quelle énergie ! Et vous me parlerez de faibles femmes ! Singulièrement, ça ne me dérange pas. Au contraire, son dynamisme me booste. Nous arrivons à l’orée du bois lorsque, elle s’arrête brusquement.



Je la regarde interloquée comme l’idiot à qui on montre la lune et qui regarde le doigt. Puis je réalise qu’elle utilise ce vieux système d’orientation des débuts de l’aviation. À la lisière de la forêt, à quelques dizaines de mètres à peine, quelque chose brille sous le soleil. Instinctivement, nous nous dirigeons vers la « lumière ». Une maison ! Enfin plutôt ce qui fut une maison. La « lumière », un simple reflet du soleil sur un fragment de vitre.


Une résidence de style colonial anglais. Deux portes-fenêtres encadrent une porte qui s’ouvre sur un deck au parquet branlant ayant connu des jours meilleurs. Je fais remarquer à madame la Comtesse que les trois marches qui permettent d’accéder au deck ont été sommairement renforcées récemment. Ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Par contre, nous avons intérêt à regarder où nous posons les pieds : les lames disjointes bâillent dangereusement. La porte-fenêtre de droite est en très mauvais état : chambranle délabré, carreaux cassés. L’autre a été obturée avec des planches. Rafistolage consolidé par des lambeaux de caoutchouc.



Je ne réponds pas, mais j’ai un mauvais pressentiment. Rapidement confirmé dès que nous franchissons le seuil. La porte n’a offert aucune résistance quand je l’ai poussée. Nous entrons. Un couloir ; à droite, une ouverture privée de porte ; à gauche, une porte qui joue son rôle de porte. Au-dessus un panneau en bois sur lequel est gravé grossièrement : « Welcome to Crazy Island ».

Mon Anglais n’est pas des meilleurs, mais les mots welcome et island font partie de mon lexique.



On l’est. Nous poussons la porte, pénétrons dans la pièce de gauche. Elle n’est éclairée que par une seule fenêtre. Premier coup d’œil, première pensée : boucle d’or et les trois ours. À droite de la porte, quatre lits avec quatre couvertures pliés en quatre ; à gauche, quatre chaises autour d’une table sur laquelle sont posées quatre assiettes avec leurs couverts. La comparaison s’arrête là. La couche de poussière qui recouvre le tout indique que la pièce n’est plus habitée depuis un certain temps. Un grand placard masque la porte-fenêtre. En face de l’entrée, à droite de la fenêtre, une espèce de buffet. En nous avançant, je m’aperçois qu’il existe une autre fenêtre, pendant de la première dont le volet à base de planches clouées occulte complètement la lumière. Manifestement, cette pièce, comme le deck, a été « réhabilitée ». On a calfeutré les ouvertures, rafistolé chaises et parquet. Les lits semblent faits de bric et de broc. Seuls matelas et couvertures paraissent en bon état. Les matelas ressemblent, d’ailleurs, drôlement à ceux que nous avions dans nos cabines. Dans les cabines d’équipage s’entend ! Madame la Comtesse disposait certainement d’un lit plus confortable.


Enfin, côté couloir, à droite de la porte, une cheminée massive. Je me penche sur l’âtre pour voir l’état du conduit. Pendant ce temps, madame la Comtesse s’intéresse à une espèce de poster accroché au mur à gauche de la porte. Soudain, j’entends un bruit bizarre entre le rire et le sanglot. Je me retourne, je vois ses épaules s’affaisser, son corps se tasser. Inquiet, je lui demande :



Elle me montre la crique où l’on a abordé, la rivière, l’emplacement de la maison. Ça sent pas bon ; vraiment trop ressemblant. Nous regardons, accablés, silencieux, cette carte grossièrement dessinée au charbon de bois sur ce qui devait être un morceau de voile. Machinalement, dans un geste protecteur, j’ai placé ma main sur son épaule. Oups, elle va me jeter. Ben non, encore tout faux. À son tour, elle pose sa petite main sur la mienne et serre très fort. Nous restons un long instant ainsi.



Elle est incroyable cette nénette. Y’a cinq minutes dans le trou et hop, elle a déjà rebondi. Va falloir que je sois à la hauteur.



Elle me demande mon avis ! J’y crois pas. Elle a vraiment pris un coup sur la tête. Nous n’avons guère d’alternative. En fait, nous n’en avons pas. La seule solution raisonnable : partir du principe que la carte reflète notre situation. La logique veut alors qu’on mette à l’abri le peu que nous possédons et le lister. Je propose que nous chargions un des dinghys avec toutes nos possessions et l’amenions au plus près de la masure. Elle acquiesce.


À peine quelques pas sur le chemin du retour, déjà, Mai Line s’arrête.



Sans attendre ma réponde, elle retourne à la maison. Elle n’a pas attendu longtemps pour reprendre l’initiative. Je la suis. Le court trajet me permet de comprendre ses intentions. Nous sortons deux matelas, les secouons et les appuyons contre la palissade du deck. Même chose avec les quatre couvertures.


Quelques instants plus tard, nouvel arrêt. Cette fois à la hauteur d’un gros buisson. Mai Line disparaît derrière. Un bruit de fontaine me renseigne sur son activité. Je n’ai pas droit cette fois à la vision aphrodisiaque de son petit cul, je dois me contenter du son. Mais j’imagine. Si notre séjour dure, la situation va devenir délicate. Sa jeunesse, sa beauté ne me laisse pas indifférent. Malgré le désarroi qui m’habite, une émotion longtemps occultée renaît : le désir. Son attitude libérée et son aptitude à se montrer dévêtue avec naturel ne vont pas m’aider. M’enfin…


Arrivés sur la berge, notre regard est attiré par des débris flottants que la marée montante entraîne lentement vers la rive. Ils proviennent probablement de notre bateau. Au milieu de ces bouts d’épaves inidentifiables, deux valises et quelques caisses. Nous tombons chaussures, chaussettes et futals, nous sautons dans la vase, entrons dans l’eau. Nous récupérons les deux valises et trois caisses.


Après cet effort, écoutant les gémissements de nos estomacs, nous déjeunons. Encore quelques barres énergétiques arrosées d’eau tiédasse de la réserve du dinghy, pas vraiment un festin. Surtout que madame la Comtesse ne manque pas de me faire remarquer qu’il ne faudrait pas gaspiller nos vivres. Elle a un joli cul, de longues jambes de star, mais elle ne brille pas par son sens de la diplomatie. Je commence à douter qu’elle ait été sur le yacht pour satisfaire les désirs libidineux d’un vieux dégueulasse.


Pas de sieste digestive ! Dès le dernier morceau avalé, nous remettons une des embarcations à l’eau. Intérieurement, je peste. Si « on » m’avait écouté, nous n’aurions pas à faire ce travail de singe. La remise à flot se révèle plus aisée que la sortie. Ensuite, nous vidons tout ce qu’il y a sur l’autre dinghy et le transférons. Nous y ajoutons les trois caisses ainsi que les valises.


L’un tirant (moi), l’autre poussant (elle), pataugeant dans l’eau boueuse, mais opportunément tiède, nous amenons le dinghy au plus près de la cabane. Fort de l’expérience précédente, Mai Line accepte qu’on laisse l’embarcation sur la rivière. Nous l’amarrons solidement à un arbre. Puis toutes nos possessions sont transportées dans notre « nouvelle demeure ». Quand, enfin, nous pouvons nous poser, l’après-midi tire sur sa fin. Nous avons tout entassé « à la va-comme-je-te-pousse » dans ce qui va devenir notre pièce de vie.



Le fard ! Je ne sais si c’est l’appellation ou le refus d’obtempérer, mais elle n’a pas apprécié ma réponse. Elle disparaît à l’intérieur de « notre » home. Je subodore qu’elle n’a pas claqué la porte de peur qu’elle ne tombe. Elle réapparaît quelques minutes plus tard, une clope au bec. Elle tire une bouffée et me la tend :



Elle s’éclipse aussitôt en emportant un matelas, revient, s’empare du second puis nouveau voyage pour les couvertures. Enfin, elle s’assoit à mes côtés, me prend la clope des doigts.



Nous finissons la cigarette et nous vidons les deux valises. Elles appartenaient à la même femme. La dame avait des goûts coquins : de nombreux sous-vêtements olé-olé, des tenues de nuit sexy.

Heureusement pour Mai Line, la garde-robe est complétée par plusieurs pantalons, pulls et hauts de toutes sortes.

Malheureusement pour Mai Line, la dame ne devait pas avoir la taille mannequin. Elle devra faire avec. Mais rien pour moi. Je vais devoir me contenter de mes fringues actuelles. Ce qui fait ricaner ma coloc.



Merci pour le foutage de gueule. En plus des fringues, les valises contiennent un certain nombre de produits de beauté en grande partie irrécupérables, un nécessaire de toilette et… une flasque de gin. Nous trafiquons un étendage sous l’avant-toit du deck. Quand nous avons fini, nous testons la bouteille de gin. Ce petit remontant nous fait le plus grand bien, même s’il ne libère pas la parole de ma coloc.


La nuit arrive. Notre « home » n’étant pas équipé d’électricité, nous nous dépêchons de faire chauffer de l’eau dans lequel nous versons un potage déshydraté. Encore quelques barres énergétiques, une clope pour deux, une lampée de de gin. La lune brille. Nous n’avons pas réellement exploré la baraque, nous n’avons même pas ouvert les caisses. Cela attendra. Un lit, une couverture et dodo.




Premier jour sur Crazy Island

(Home sweet home)



Encore une nuit sans rêve. Un temps pour réaliser où je suis. La pièce est chichement éclairée. Bien évidemment (il va falloir que je m’habitue) madame la Comtesse a déjà disparu. Lorsque je me lève, je me rends compte que je n’avais pas pris le temps de me déshabiller. Je sors sur le deck, aucune trace de Mai Line. Qu’a-t-elle encore inventé ? Je rentre, fais réchauffer de l’eau sur le réchaud et infuser un thé. Je dois me passer de café : c’est dur, mais y’en avait pas dans les packs de survie.


Assis sous le deck, à même le sol, je sirote mon insipide breuvage en grignotant une barre. Le temps passe, toujours pas de Mai Line. Alors que je commence à m’inquiéter, elle se pointe. Elle porte une des robes récupérées dans la valise. Décolletée en arc de cercle, nettement au-dessus du genou. Je ne sais comment elle l’a adaptée à sa taille, mais malgré les chaussures de jogging qui cassent un peu l’harmonie, elle est terriblement sexy. J’ai même droit à un sourire : le grand luxe ! Mais je ne suis pas d’humeur :



Sur ce, elle disparaît. Grande, elle l’est ! Plus que moi ! Et d’une susceptibilité certaine ! Elle reparaît rapidement.



Je faillis lui demander si c’était un arbre à baguettes ou un à couronnes et s’il faisait aussi des croissants, mais je ne suis pas sûr que mon humour ait été apprécié. Sobrement, je dis :



Pour l’instant, on ne s’était guère préoccupé des autres pièces.



Le reste de sa diatribe se perd dans l’éther. J’ai vraiment du mal à la suivre. Est-elle totalement inconsciente ? Nous sommes dans la merde jusqu’au cou et elle se comporte comme une gamine capricieuse. Je prends une des Maglite et nous voilà partis. Nous parcourons le couloir. Sur notre droite deux encadrements sans porte. Au fond du couloir, une porte en état. Mai Line l’ouvre. Des toilettes éclairées par une lucarne qui par miracle a conservé sa vitre. Elles aussi ont l’air d’avoir été sommairement remises en état. Pas le grand luxe, un siège qui date de Mathusalem trône au milieu de la pièce. J’ai droit à une remarque potache :



Elle est pas vraie cette gonzesse. Y’a deux minutes, elle me tirait la gueule et maintenant, elle sort une blague à deux balles. Là, je ne peux me retenir, je lui réplique :



Il nous reste à explorer deux pièces. Ni l’une, ni l’autre n’ont été réhabilitées. Une grande partie des planchers n’est plus qu’un souvenir. Dans celle jouxtant les toilettes est entreposé un stock de matériaux divers. Je suppose que ce sont des restes de l’épave de ceux qui nous ont précédés. Dans l’autre, où les fenêtres ne sont qu’un vieux souvenir, nous avons la bonne surprise de trouver deux gros tas de bois : le premier, scié et empilé, le second composé de branches stockées à la diable. Ils avaient récupéré pas mal de bois flotté. Quelques outils, dont une scie, sont appuyés contre la paroi côté couloir.



NOS lits, elle personnalise déjà. Cette gonzesse est vraiment bizarre.


Le réduit existe bel et bien. Lors de notre première visite, l’obscurité ambiante nous l’a caché. Ensuite, nous étions trop occupés puis trop fatigués pour remarquer quoi que ce soit. Ce cagibi abrite une salle de bain, moderne pour l’époque où elle fut construite, probablement à la fin du XIXe siècle. Plus ou moins remise en état, une baignoire probablement en zinc en est l’élément principal. Plus remarquable encore, une table-lavabo (?) a résisté aux assauts du temps.



Complètement dérangée… Je vais finir par me demander si elle n’est pas heureuse de cette situation. Elle tente d’ouvrir les robinets. Sans succès. Totalement grippés. Nous quittons la « salle de bain ». Nous reste à ouvrir les placards. Celui qui est entre les fenêtres ne nous offre guère de surprise : de la vaisselle. Trop récente pour qu’elle date de l’époque où la maison était occupée, plutôt du matériel amené par les derniers locataires. Sur la dernière étagère, du linge de maison et sur celles du bas plusieurs paires de bottes de marins. Ils avaient assurément pu récupérer un max sur leur épave. Confirmation nous en est donnée dans l’autre armoire : ici s’alignent des boîtes de conserve et des bouteilles.


Malheureusement, le gonflement inquiétant qui déforme les boîtes montre qu’elles sont périmées. Pour les bouteilles, le contenu des quatre bouteilles de vin a sans doute tourné au vinaigre, mais les deux de whisky, celle de rhum et celle d’huile d’olive auront probablement résisté. Ce sera à ajouter à notre liste. Ensuite nous ouvrons les caisses, encore de l’alcool pour la première. À défaut de manger, nous pourrons toujours nous bourrer la gueule. La seconde contient du matériel électronique de navigation ce qui nous fait une belle jambe.


La suite de l’inventaire est vite fait. Nous avons des rations de survie pour une cinquantaine de jours, une centaine de barres énergétiques, nos deux Maglite avec deux jeux de piles de rechange chacune, les deux réchauds avec aussi chacun, une cartouche de rechange, une quarantaine de paquets de clopes, quatre briquets et enfin des couvertures et des vêtements de pluie. Nous avons aussi deux pistolets lance-fusées sans fusée. En y réfléchissant, c’est à la fois beaucoup et pas grand-chose.




Premières semaines

(orage et plein d’espoirs)



Quinze jours, enfin exactement dix-sept, que nous cohabitons sur cette île. Nous nous sommes installés, nous avons pris des habitudes de vie. Les toilettes et la « salle de bain » ont été remises en service. Il suffit d’aller chercher de l’eau à la rivière. Corvée bijournalière que nous réalisons en commun. Nous avons testé la cheminée qui, après une séance de ramonage folklorique, est opérationnelle. J’ai découvert dans le réduit des espèces de nasses. Ce qui nous permet de mettre quasi quotidiennement du poisson à notre menu. L’arbre à pain en est bien un. Une branche rabattue vers le sol à l’aide d’une corde est facilement accessible. Encore un coup de nos prédécesseurs. Elle est chargée de fruits. Nous ne savons pas si c’est la bonne saison pour les cueillir. M’enfin, les quelques-uns que nous avons testés après cuisson, bien qu’insipides, nous ont nourris plusieurs jours. Mai Line a trouvé ce qu’elle a appelé des carottes sauvages. Nous n’en sommes pas morts non plus. Et miracle, juste derrière la maison, ce qu’il reste d’un verger : deux pommiers. D’où pommes à tous les repas. Quant à la faune qui peuple l’île, excepté des oiseaux marins et quelques lapins, nous n’avons pas vu grand-chose. Mais globalement pour la bouffe, nous utilisons peu nos rations de survie donc on peut considérer que nous nous en sortons pas mal pour l’instant. Nous économisons un max les réchauds, briquets.


Une expédition effectuée jusqu’au point le plus haut indiqué sur la carte de nos prédécesseurs nous a confirmé l’exactitude de leurs relevés. J’ai espéré jusqu’au dernier pas que nous nous apercevrions que la carte était fausse. Quand j’ai dû me rendre à l’évidence, mon moral en a pris un sacré coup. Madame la Comtesse a accepté ça avec le sourire comme si la nouvelle la satisfaisait. J’ai vraiment du mal à la cerner. Sur cette hauteur, pour signaler leur présence, les anciens naufragés avaient utilisé un arbre au faîte duquel ils avaient accroché un drapeau. À ce qu’il en reste, nous avons pu identifier un drapeau australien. Je lui ai proposé de faire de même en utilisant les pavillons français et néo-zélandais que nous avions trouvés dans les dinghys. L’idée n’a pas eu d’écho et chaque fois que j’ai proposé d’y aller, elle a fait la sourde oreille. J’ai dû lui forcer la main pour qu’enfin, nous les installions.


Cela m’a remémoré un autre détail étrange. Les premiers jours, j’étais persuadé qu’on viendrait à notre secours, qu’il y aurait des recherches. Inconsciemment je ne cessais de surveiller la mer dans l’attente du vaisseau sauveur. Nous n’avons jamais abordé le sujet. D’abord, j’ai cru que, comme moi, c’était pour conjurer le sort, mais en y réfléchissant aujourd’hui, je me rends compte que jamais je ne l’ai vue jeter des regards vers l’océan. Ce qui me confirme dans mon idée que la situation lui convient et qu’elle n’a pas envie de quitte l’île.


Pas pour profiter de ma compagnie, car après quinze jours de cohabitation forcée, nos échanges se bornent à l’utilitaire, à quelques vannes et à beaucoup de piques. Les seules choses que l’on partage, ce sont nos trois clopes quotidiennes. Décision démocratique unilatérale de madame la Comtesse : ça aussi, faut économiser. Toutes mes tentatives pour engager des discussions plus perso se sont heurtées tantôt à un mur, tantôt à une vanne. Comme aurait dit Thierry Roland, nous ne partirons pas en vacances ensemble. Sauf que nous sommes bloqués ici pour un temps indéterminé (et que ce ne sont pas vraiment des vacances). Je dois reconnaître qu’elle a un goût très sûr pour la déco. Chaque sortie a été pour elle l’occasion d’une trouvaille pour agrémenter notre home. Au début, mon problème, hormis celui de me tirer de cette île avait été de refréner mes pulsions. Mais aujourd’hui sa froideur, même si elle me montre par moment des bouts de sa peau intéressants, a chassé de mon esprit toute idée cochonne.


Il faut dire que le temps passé à essayer d’améliorer nos conditions de vie ne laisse guère de place aux dérives érotiques. La recherche quotidienne de nourritures possibles, la préparation des repas, les lessives, l’entretien de la cheminée occupent tout notre temps. Aussi quand la nuit tombe, nous tombons aussi… de fatigue.


Depuis ce matin, il pleut des cordes. Au loin, sur l’océan, des éclairs annoncent un orage. Nous sommes coincés dans notre « salon ». Pendant le déjeuner, Mai Line m’a averti qu’elle allait « arranger » la salle de bain. Malgré la flotte, je suis allé chercher de l’eau à la rivière et vider la nasse ; comme d’habitude, j’y ai trouvé une dizaine de poissons. Ces poissons vagues cousins des truites pullulent dans les eaux du torrent. J’en ai conservé trois et j’ai libéré les autres. Après avoir mis à sécher les vêtements de pluie près de la cheminée, je passe un des pantalons d’intérieur trouvé dans les valises. Dans cet accoutrement, je ressemble à un des zigotos de la cage aux folles. Nous en avons ri la première fois, mais nécessité fait loi, alors…


Alors que je nettoie les poissons, j’entends Mai Line s’affairer nerveusement dans la pièce d’à côté. Elle, qui d’habitude est totalement zen me paraît inquiète. Elle vient régulièrement vers une des fenêtres (nous avons dégagé celle qui est à l’aplomb des lits), regarde à l’extérieur. La pluie la met mal à l’aise. Au premier coup de tonnerre, elle répond par un hurlement. Je me précipite. La tête cachée entre ses bras repliés, le corps agité d’un tremblement convulsif, elle est recroquevillée contre la baignoire. Sa robe remontée largement au-dessus des genoux découvre très haut ses cuisses. Si haut que j’aperçois un petit bout de culotte. L’heure n’est pas à la bagatelle, je m’agenouille près d’elle sans oser la toucher par crainte d’une rebuffade.



Elle se jette conte moi, vient se pelotonner entre mes bras. Elle tremble tellement que j’ai la trouille qu’elle convulse. Son cœur bat la chamade. Je suppose que l’orage l’a ramenée à la fragilité de notre situation et que l’apparence de sérénité qu’elle avait donnée jusque-là vient de s’effondrer. L’art des mots qui console n’a jamais été mon fort. J’essaie pourtant.



Un éclair terrible, suivi quasi instantanément d’un fort coup de tonnerre. Mai Line se tétanise. Un long feulement de terreur crève mes tympans. J’ai tout faux. Notre situation n’est pas pour grand-chose dans son état. Elle a la phobie de l’orage. Là, je n’ai plus de mots. Je me contente de la câliner, de caresser ses cheveux soyeux. À chaque nouvelle déflagration, son corps se raidit. Je l’étreins, l’enveloppant de mes bras, mon menton posé sur sa tête. Elle ne réagit même pas. Elle finit par se calmer, sans pour autant se détendre. Je profite d’une accalmie pour l’amener, la porter plutôt devant la cheminée. Je l’installe. Je dois prendre ses mains les croiser devant ses genoux relevés pour qu’elle tienne peu ou prou assise. Elle est totalement inerte.



Je l’abandonne un instant pour barricader les deux fenêtres avec leurs volets de fortune. Ainsi, si elle a toujours le son, du moins n’aura-t-elle plus la lumière. Nouvelle détonation, un peu moins forte, mais suffisante pour que Mai Line se remette à trembler. Vite, je m’agenouille à ses côtés, je la reprends dans mes bras et la cajole de nouveau.



Je la berce comme un bébé, pour peu, je lui chanterai une berceuse. Une berceuse, pas tout à fait, mais presque ! Je m’aperçois que je suis en train de lui fredonner « Petit garçon », une vieille chanson de Graeme Allwright :



Le plus drôle, est que ça marche, sa respiration s’apaise, devient régulière. Son corps se laisse aller contre le mien. Là, ça se gâte. Je ne tiens plus quelqu’un de terrorisé, mais une nana, jeune et mignonne dont la tenue débraillée dévoile des coins évocateurs de son anatomie. La bretelle de sa robe a glissé. Par un malheureux hasard, un sein nu se presse contre mon sexe. Quand Popaul en prend conscience, il se met au garde-à-vous. Mes mains se font caressantes : elles passent de ses cheveux, son épaule jusqu’au sein. Mai Line s’abandonne sans réagir à cette érotisation. Je peux pas faire ça. Soit je vais prendre une baffe méritée, soit elle me laisse aller au bout de mes pulsions. Dans les deux cas, la suite de notre commune aventure va être sympa ! Je la lâche, je me recule. Difficulté, ma petite camarade s’accroche :



Elle relève la tête, me regarde d’un air de défi.



Je suis vraiment trop… con, mais elle ne me regarde plus de la même façon. L’intensité de cet échange lui a momentanément fait oublier le tonnerre. Il lui fait prendre conscience de sa tenue. Elle se réajuste, dissimulant son néné et rabat sa robe.



Nous vidons les poissons. À chaque coup de tonnerre, Mai Line me prend la main, le bras, ce qui est à sa portée. Elle a besoin de ce contact physique. Je ne sais pas pourquoi, image du père peut-être, mais je la rassure. Entre deux déflagrations, je peux même aller chercher du bois dans l’autre pièce. Pendant que le poisson cuit sur la grille que j’ai bricolée, nous nous asseyons en tailleur à même le plancher devant la cheminée. J’ai sorti une de bouteilles de scotch. Bien que, selon ses dires, elle n’aime pas, les circonstances exceptionnelles font que je n’ai aucun mal à la convaincre de m’accompagner.


Pour lui faire oublier l’orage qui gronde, je tente de la faire parler. L’alcool lui délie la langue, nous délie la langue. Un tabou est levé. Le traumatisme était tel que jamais nous n’avons parlé du naufrage. Pour la première fois, nous évoquons les autres, ceux qui sont morts ce jour-là. Les peurs, les terreurs, tous ces mauvais rêves qui hantent nos nuits. Je passe derrière son mur. Je découvre sa fragilité. Je l’oriente vers sa vie. Elle me parle de ses rêves, de ses ambitions, de ses déceptions. J’apprends ainsi qu’elle est bardée de diplômes, qu’elle accompagnait un industriel français en Nouvelle-Zélande en tant qu’ingénieur agronome. Elle devait superviser un projet viticole. Lequel industriel lui avait proposé cette croisière pour le retour. Lequel industriel avait essayé de la violer le soir du naufrage.



À cette évocation, ses yeux se mouillèrent.



« Tu crois pas que je t’ai payé cette croisière pour tes beaux yeux, salope ! » dit-il en la secouant comme un prunier. « Je vais te baiser que tu le veuilles ou non. Tu m’as bien allumé et maintenant tu te défiles. »


Tout en éructant, il avait remonté la robe et sa dextre tentait d’atteindre l’intimité de Mai Line. Elle se débattait comme une possédée, mais ce gros dégueulasse avait l’avantage de la force et du poids. De la main gauche, il avait descendu la bretelle de la robe et était parvenu à sortir un sein qu’il malaxait brutalement. La droite avait forcé le passage entre les cuisses serrées et effleurait la chatte contractée. Changeant de position pour consolider son avancée, la bite de cette ordure appuya contre sa cuisse. Ce fut le déclic. Elle retrouva son sang-froid. Un plan naquit dans sa tête. Elle abandonna toute résistance et se laissa aller dans les bras de son patron.


« Tu vois ! Je t’avais dit salope ! Vous êtes toutes les mêmes ! Ouvre tes cuisses que j’aille vérifier si tu mouilles. »


Elle feignit d’obéir et s’ouvrit. Lorsqu’il voulut empoigner sa chatte jouant les timides, elle recula.


« Soyez plus doux, s’il vous plaît. »


L’autre, sur de sa victoire, ricana.


« J’adore quand on joue les vierges effarouchées. »


Il adora beaucoup moins lorsqu’il prit un coup de genou appliqué avec toute la rage qui l’habitait. Il s’écroula en hurlant. Mai Line se rajusta sommairement et s’enfuit.


« Tu es virée, espèce de connasse ! »


Ce furent les derniers mots qu’elle entendit ; ce à quoi, elle répliqua :


« Trop tard connard ! Ma démission tu l’as pris dans les roustons. Et je t’emmerde !



Elle m’avoue sans trop de modestie qu’elle n’avait guère eu de mal. Elle a de bons gènes, papa portugais, maman fille d’officier vietnamien dont la famille avait immigré en France dans les années 70. Le mélange avait donné de bons résultats… du moins pour les études.


Je sens un « je ne sais quoi » de désabusé dans sa dernière réplique.



Et pourtant avec les spectacles successifs qu’elle m’a offerts, j’aurais pu.



Elle avait un fiancé. C’était une des raisons pour laquelle, elle avait accepté de partir pour l’Océanie. Elle ne savait comment le larguer. Elle avait eu deux ou trois amis/amants, mais ça n’avait jamais duré très longtemps. Passé le premier élan et les exploits sexuels, ils l’ennuyaient vite.



Je lui résume brièvement ma vie insipide : veuf, retraité de la fonction publique. J’ai profité d’une opportunité pour visiter la Nouvelle-Zélande à peu de frais : jouer les stewards sur ce yacht de luxe. Cela m’avait permis de passer un mois au pays du long nuage blanc pour terminer comme naufragé sur une île inconnue.


Lorsque je termine mon récit, le poisson est cuit. Il est temps, car Mai Line n’est pas loin d’être cuite. Heureusement, l’orage s’est éloigné.




Début de soirée

(intermède d’un romantisme insoutenable)



Mai Line entame l’après-midi par une sieste qui lui permet de cuver. Elle veut que je reste près d’elle au cas où ! Je m’allonge sur le lit près du sien. Elle ronfle comme un sapeur, je cogite. Or cogiter allongé près d’une aussi jolie jeune femme n’est pas de tout repos. Si je garde les yeux ouverts, ceux-ci ne cessent de mater/contempler/déshabiller ce corps alangui sur la couche. Elle a un sommeil agité. Au gré de ses mouvements, sa robe, alternativement, cache ou découvre, une épaule, un sein, ses cuisses voire un petit morceau de culotte qui dissimule très mal son triangle amoureux. Cela allume mon désir. Lorsque je ferme les yeux, la situation empire. Je reprends l’histoire où je l’ai arrêtée. Je me dis que j’ai été con de ne pas accepter ses avances. Goûter sa bouche, glisser ma langue entre ses dents. Empaumer ses petits seins, les soupeser entre mes mains, en exciter les tétons du bout des doigts. Bien entendu je bande comme un vieux cochon et avec ce pantalon ultra léger, ça se voit. Constatant que Mai Line dort sereinement, je me lève. Après sa confession, il me serait mal venu, très mal venu de…


Je passe l’après-midi à scier du bois. Une gageure. Contrairement à tous les héros naufragés, je n’ai pas l’âme d’un bricoleur. Si « Deux ans de vacances » a longtemps été mon livre de chevet, je n’ai aucune des qualités requises pour faire un naufragé efficace. La scie a déjà beaucoup servi et je ne sais comment l’aiguiser. Alors je galère… lentement. Mais au moins, la fatigue a raison de mon excitation. Quand Mai Line se réveille, apaisée sinon tranquillisée, elle retourne à sa mise en valeur de la salle de bain. Il pleut comme vache qui pisse, mais l’orage s’est éloigné.


Nous vaquons à nos occupations jusqu’à la tombée de la nuit. Toilette rapide à l’eau froide (on s’y fait). Dîner avec les restes de midi et un vague bouillon à base de carottes sauvages. Le repas est silencieux, Mai Line semble mal à l’aise après ses confidences. Ensuite, comme il n’y a rien d’intéressant à la télé, que nous sommes bien crevés, nous allons nous coucher. Alors que je regagne ma couche habituelle, elle me demande, timide, hésitante si je peux dormir dans le lit qui jouxte le sien. Comment refuser ?


Avant de s’endormir, elle a ses derniers mots :



Réveil brutal ! Une énorme explosion. À peine le temps de réaliser que l’orage reprend de plus belle, un corps se glisse sous ma couverture.



Grelottante, terrifiée, Mai Line se plaque contre moi, se dissimule en moi en position fœtale. Elle a posé la tête contre ma poitrine. De nouveau, je l’enveloppe de mes bras protecteurs. Je n’essaie pas de la raisonner. Je lui chantonne « Petit garçon » en la berçant doucement, tout en lui caressant les cheveux. Recette efficace. Elle se détend rapidement. Son corps se relâche malgré la multiplication des coups de tonnerre. On se croirait pris sous un bombardement. À chaque nouvelle déflagration, elle sursaute, mais sans plus. Et cet orage dure. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, sa panique passée, mes sens réagissent à ce corps souple collé au mien. Inconsciemment, elle a glissé sa jambe gauche entre les miennes. Dans cette position, sa cuisse comprime mon sexe, provoquant une réaction prévisible. De surcroît, SON sexe appuie contre MA cuisse. Je me sens mal. Mes désirs de mâle alors qu’elle ne cherche que réconfort. J’ai honte de ma bite roide, de mon envie de la baiser.


Elle s’endort. L’orage dont l’intensité baisse imperceptiblement ne la fait plus sursauter. Elle me fait confiance. Je ne peux décemment pas profiter de sa faiblesse. Dur ! J’essaie de penser à la précarité de notre situation, à l’hiver qui approche, mais rien n’y fait. Invariablement, sa toison frottant ma peau me ramène à mes pulsions. Heureusement, la perturbation s’éloigne. En douceur, je la repousse. Pas de réaction. Sommeil paisible. Je me lève, la queue dressée. Il faut que…


Je sors. Presque à l’abri sous l’auvent, je baisse ma petite culotte et face, à la nuit, à l’océan, j’empoigne Popaul et je le branle énergiquement. Première depuis notre arrivée sur l’île. Mon excitation est telle qu’il suffit de quelques va-et-vient pour que je crache ma semence en longs traits blanchâtres qui zèbrent la nuit. Au moment où j’émerge de ma jouissance, j’entends un bruit. Je me retourne. Mai Line est sur le pas de la porte.



Sur ce compliment immédiatement minoré par une vanne, elle me cloque deux bises, une sur chaque joue, à quelques millimètres de mes lèvres et s’en retourne en tortillant du cul.




Fallait ben que ça arrive

(le romantisme se dévergonde)



Trente-huit jours. Mai Line a dessiné, à l’aide de charbon de bois, un calendrier sur la cloison des toilettes et nous décomptons les jours. Nous sommes le 1er mai, la fête du Travail ! L’hiver s’est installé lentement.


Pour l’instant, nous n’avons pas de problème de nourriture. Toujours poisson à volonté. Deux lapins ont eu le bon goût de se suicider dans les collets très artisanaux que nous avions posés. Notre réserve de pommes est suffisante. Lorsque le temps le permet, nous allons jusqu’à l’océan pour ramasser des crustacés. Des champignons proches des Saint-Georges découverts après les premières pluies, ainsi que quelques racines dégottées par Mai Line nous ont permis de varier un peu les menus.


Pour le chauffage, nous avons stocké une quantité importante de bois flotté que par manque de place, nous entassons devant la maison. Le chauffage et le couvert sont pour l’instant assurés. Le seul désagrément que nous avons rencontré, plutôt que ma jeune amie a rencontré : l’absence de tampons et de protections intimes. Lorsque ses règles se sont annoncées (fort abondantes selon ses dires), elle a dû s’adapter. Elle a sacrifié un t-shirt. Découpé en bandes, il lui a fourni quelques serviettes hygiéniques.


Nous avons, enfin surtout moi, peu à peu, abandonné l’idée de secours extérieur rapide. Mai Line m’a avoué qu’elle n’était pas pressée de retrouver le monde civilisé. Je contemple l’océan de plus en plus rarement sans réel espoir et… sans vraiment d’envie non plus. Nous nous apprêtons à passer l’hiver sur l’île. Une routine plutôt agréable s’est installée. Délivrés du téléphone, de la télévision et autres médias, le lot quotidien de mauvaises nouvelles nous est épargné. Notre seul souci : notre survie.


Depuis l’orage, l’atmosphère, entre nous, a totalement changé. Mai Line s’est métamorphosée. Finis les silences parfois oppressants. Sans toutefois se livrer totalement, elle parle beaucoup plus librement. J’apprécie son humour pince-sans-rire, son intelligence, la finesse de son esprit. Je crois qu’elle m’aime bien, voire plus… Le tableau serait idyllique s’il n’y avait pas les orages. Mai Line gère beaucoup mieux. D’autant mieux qu’elle en profite pour m’allumer. Intéressant, car ça la détourne de ses peurs, mais foutrement frustrant pour moi. Merci, ma putain de morale. Si ça se limitait aux périodes où les éléments se déchaînent, passe encore. Cette belle jeune femme désirable, depuis notre mésaventure orageuse, se montre provocante à tout instant. Que je l’aie repoussée l’a flattée après l’épisode traumatisant avec son patron, mais l’a aussi blessée dans sa féminité. Enfin, c’est ce que je crois. Elle me le fait payer par des agaceries répétées.


Des frôlements intempestifs, une main qui se pose sur la mienne innocemment, un sein qui s’appuie contre mon épaule, une robe qui monte un peu trop haut, des remarques suggestives dès que l’occasion se présente et surtout cette croupe qui ondule devant mes yeux exorbités. C’est devenu sa grande spécialité.


Depuis sa dernière réplique le soir de l’orage, elle a aussi entrepris de tailler ma barbe ; nouveau prétexte à contacts ingénus et à papouilles « innocentes ». Mon désir d’elle grandit d’autant que ma frustration augmente. Je n’ose pas franchir le pas. D’ailleurs, je n’ai jamais fait le premier pas avec une nana. Je me suis toujours débrouillé pour que ce soit elle qui le fasse. Souvent la tension devient trop grande alors je me réfugie dans les toilettes pour me soulager. Au regard qu’elle me jette quand j’en sors, je subodore que la mâtine sait très bien ce que j’ai fait.


Depuis quelques jours, elle a inventé un nouveau jeu. Sans que nous ayons décidé quoi que ce soit, nous continuons de dormir côte à côte. Chaque soir, avant de nous endormir, nous discutons. C’est devenu une habitude : nous établissons un bilan de la journée puis nous organisons celle du lendemain. Cela peut paraître puéril, mais au moment où la nuit nous envahit avec toutes les peurs inhérentes à notre situation, c’est tranquillisant. Durant ces discussions, elle s’allonge sur sa couche, vêtue d’un unique vêtement de nuit, chichement éclairée par la seule lumière produite par le feu dans la cheminée. Mai Line profite de cet éclairage ; elle se montre très expressive, exubérante. Je devine plus que je ne vois, un sein qui s’échappe de sa prison, une cuisse opportunément découverte, sans parler de ses expressions. Il arrive toujours un moment où sa nuisette lui tient trop chaud. Elle m’exhibe son buste dénudé. Elle sait pertinemment l’effet qu’elle produit, mais fait comme si de rien n’était. Nous continuons notre bavardage, parlant de tout et de rien, jusqu’à ce que ma perverse petite camarade se taise prise par le sommeil. C’est du moins ce qu’elle veut me faire croire. Fin de la première mi-temps.


La seconde débute alors que je m’assoupis. Des soupirs de plus en plus ardents qui enflent, enflent. Quand elle pense que je suis éveillé, elle entame une danse satanique sous sa couverture. Dans la pénombre, ses hanches se soulèvent rythmiquement ; la position de son bras ne laisse aucun doute quant à l’occupation présumée de sa main. Je voudrais bien faire le mort, mais comme dit la chanson, Saint Éloi n’est pas mort, car il bande encore. Et pour bander, je bande à en avoir mal. Jusqu’à ce soir, je n’ai pas voulu lui donner la satisfaction de réagir, mais là je n’en peux plus.



Plus rien ne bouge. Il me faut quelques secondes pour me rendre compte que c’est moi qui ai hurlé.



Sa réplique reflète bien l’ambiguïté de notre relation actuelle. Le « tu » et le « vous » se chevauchent au gré de nos émotions.



Et madame la Comtesse éclate en sanglots.



Que voulez-vous que je fasse ? À part l’enlacer ! À genoux entre les deux lits, je n’ai qu’un geste à faire pour que sa tête se niche au creux de mon épaule, que son corps s’alanguisse. Je caresse doucement ses cheveux. J’immobilise son visage entre mes mains, rive mes yeux aux siens :



Qu’est-ce qu’on peut dire comme conneries dans ces moments-là. Une ébauche de sourire victorieux naît aux commissures de ses lèvres qui s’approchent dangereusement. Elle pose un baiser sur ma joue gauche puis un autre sur ma… bouche. Simultanément, elle lance ses bras autour de mon cou. Une langue inquisitrice se presse contre mes lèvres. Baiser pas du tout conquérant. Langues timides qui font connaissance, tournant l’une autour de l’autre comme deux bretteurs qui n’osent s’attaquer. Un baiser escarmouche qui dure, dure. Nos mains parties à la découverte flânent sur nos visages, dans nos cheveux, sur la nuque. Leur témérité les amène parfois aux épaules, voire à la naissance du cou, mais elles ne s’aventurent jamais plus loin.


Elle interrompt brièvement notre baiser pour me murmurer :



Je me glisse dans sa couche, dans ses bras. Nos corps se connaissent déjà, ils s’épousent naturellement. La chaleur, la douceur, l’élasticité de sa peau. C’est magique. Sa poitrine aux pointes durcies par le désir se presse contre la mienne, ma bite gonflée de sève s’écrase contre son pubis. Le temps suspend son vol, mais ses caresses prennent leur essor. Ses ongles dessinent des arabesques dans mon dos. Ne voulant être en reste, ma main gauche empaume sa nuque, ma dextre lance une reconnaissance vers ses fesses. Point de hâte dans nos gestes, pas de bestialité toujours une certaine réserve. Conscients, tous les deux, nous sommes, que ce n’est pas une simple baise.


À la minute où elle ouvrira ses cuisses, où je libérerai la bête, notre cohabitation deviendra plus compliquée. Aussi nous prolongeons cette tendre étreinte qui nous fait oublier pour un instant, pour un instant seulement, la précarité de notre situation. Mais comme disait mon grand-père :



Mon vit palpitant contre le ventre de madame la Comtesse semble toc-toquer à l’huis de sa caverne d’Ali Baba. Et le bougre tape de plus en plus fort. Ma belle amie ne peut laisser dehors cette âme en peine. La porte s’entrouvre, ses cuisses s’écartent. Elle lâche ma bouche le temps d’un mot :



Qui suis-je pour désobéir à une telle sollicitation ?


L’accueil est chaleureux. On me pousse à entrer. Malgré la taille banale de mon organe et l’état avancé d’humidité du lieu, j’éprouve quelque difficulté. Mai est étroite, très étroite. Avec son aide active, Popaul s’engloutit jusqu’à la garde. Tout se passe au ralenti. Plongeur qui remonte par palier. Le baiser, puis la communion de nos corps, enfin la pénétration. À chaque étape, une longue pause. Nous savourons chaque seconde. Par une bascule qui a failli nous envoyer au sol, Mai Line m’entraîne sur elle. Son vagin est parcouru par des spasmes dont la fréquence et l’intensité ne cessent d’augmenter. Son baiser se fait plus pressant, sa langue plus audacieuse. J’ai beau retarder l’échéance, je n’en peux plus. J’entame de précautionneux va-et-vient. Nettement insuffisant pour Mai Line dont le bassin se projette furieusement contre mon ventre. Repliant ses jambes, elle plante ses pieds dans les matelas. Avis de tempête. Ça tangue drôlement. Notre lit de fortune résistera-t-il ?


Baiser passion : les dents s’entrechoquent, les lèvres se scotchent, les langues s’emmêlent. Plus question de retenue. Je la possède à grands coups de reins auxquels elle réplique par des envolées de hanches. Popaul a creusé son chemin, il entre, entre et entre sans difficultés. Nos bouches se disjoignent, parfois, à la recherche d’oxygène. Nous arrivons au sommet du col (de l’utérus) haletant, en sueur. Mai hurle des trucs en chinois, en portugais ou en javanais. Je craque. Je me déverse en elle. Des semaines de frustration ça en fait des centilitres de sperme !


Ma belle n’a pas encore joui. Je continue mon pilonnage en règle en m’essorant popaul. Stratégie apparemment efficace. Soudain, elle retrouve son français pour crier :



Dernier arrêt avant retour à la surface. Instant d’abandon : nos corps alanguis, collants se remettent lentement. Popaul, bien au chaud, retrouve la position of. Un baiser apaisé scelle cette nouvelle donne.


Lorsque je me détache de Mai Line, j’ai complètement oublié que nous étions sur un lit monoplace. Résultat des courses : prise de contact assez rude entre mon cul nu et le parquet irrégulier. Grand éclat de rire. Mai Line est prise d’un fou rire. Spectacle charmant de ses seins qui se secouent au rythme de ses éclats.



Je réintègre le lit, l’enlace et me joins à ses rires. Lorsqu’enfin, elle se calme, elle me regarde, inquiète :



Pour toute réponse, je m’empare de sa bouche. Elle stoppe rapidement mes ardeurs pour enfoncer le clou :



Aussitôt dit… Nous joignons nos deux lits, accolons autant que nous pouvons les matelas et nous nous recouchons. Mai Line se pelotonne contre moi et s’endort presque immédiatement. Entre les images de notre étreinte et les conséquences prévisibles, j’ai beaucoup plus de mal à trouver le sommeil. La relation apparemment neutre que nous avions permettait une coexistence pacifique. Ce nouveau paramètre va compliquer les choses. De plus, je lui ai menti : je suis déjà amoureux d’elle. Et cela ne date pas de ce soir. J’ai pu me le cacher et lui cacher, mais combien de temps vais-je pouvoir feindre ? M’enfin comme elle dit : nul ne sait ce que sera demain.




Le jour d’après

(intermède moins romantique)



Je nage dans un rêve/cauchemar où les délices du plaisir/retrouvaille succèdent aux affres de l’abandon. Après m’avoir quitté pour un beau (et jeune) capitaine, madame la Comtesse se fait pardonner en dégustant Popaul. Une impression d’humidité sur mon gland me tire lentement de mon songe. J’entrouvre un œil. La réalité rejoint le rêve : Mai Line, la tête penchée au-dessus de mon membre, en titille le méat d’un bout de langue pointue. Décalotté, Popaul se redresse lentement. Ma main se pose au creux de son genou. Elle me jette un regard interrogatif. Mes paupières se ferment. Je m’abandonne aux sensations que me procurent ses manigances. Elle procède avec une exquise délicatesse très loin des pompeuses professionnelles qui officient dans les pornos. Tour à tour, elle lèche mon gland par petites touches, le gobe et le suçote. Parfois, elle s’enhardit et engloutit entièrement ma bite. Ce qui malgré la petitesse de sa bouche, vu la taille de mon sexe, ne relève pas de la performance. Elle ne s’attarde pas et reprend ses activités buccales autour de mon gland.


Le plaisir qu’elle me donne est indicible. Ma main remonte le long de sa cuisse. D’un geste qui ne prête pas à confusion, elle la ramène en arrière. J’ai compris et cela ne m’embête pas. Se faire « dorloter » ainsi le chauve à col roulé, j’aurais tort de me plaindre. Le cocon obscur dans lequel je m’isole, mon inaction me focalisent exclusivement sur mes sensations. Je ne pourrais résister longtemps. Ça bouillonne sec dans mes tuyaux et le niveau monte dans l’alambic. Aussi lorsqu’une fois encore, ses lèvres chatouillent ma toison, ma main se crispe sur sa jambe pour lui indiquer que je vais venir. Elle se retire immédiatement.



J’ouvre les yeux. Elle est assise sur ses talons et me regarde d’un air suppliant. Au prix d’un gros effort, je parviens à retenir mes larmes de jouissance. Tout en observant ma bite, elle cajole son minou. Si je m’en réfère au léger clapotis qui accompagne ses caresses, madame la Comtesse est prête pour le coït final. Je ne me trompe pas. Dès qu’elle juge que Popaul ne va pas se répandre au premier contact, elle m’enjambe, place son con au-dessus de son objectif. Avec toujours autant de délicatesse, sa vulve épouse mon gland. Mon membre disparaît graduellement jusqu’à totale absorption. Aucune difficulté cette fois, la machine est bien huilée. Un temps d’arrêt.


Elle a fermé les yeux. Elle place ses mains sur mes cuisses. Soupir. Elle entame de langoureux va-et-vient. Malgré moi mon bassin se soulève. Ses ongles me rappellent à l’ordre. Son fourreau épouse parfaitement ma bite qui frémit dangereusement. D’une voix rauque, elle chantonne de nouveau dans son sabir sino-portugais. Elle accélère progressivement la cadence. Et soudain tout s’affole. Ses mains volent vers ma poitrine, ses ongles s’enfoncent dans la chair tendre. Son bassin ne se soulève plus, mais oscille d’avant en arrière, de droite à gauche fiché dans mon pieu qui ne va pas tarder d’exploser. Le silence a remplacé ses vocalises. Un silence bruyant ! Elle halète comme si elle venait de piquer un sprint. Le frottement de ses lèvres très lubrifiées contre ma peau génère des bruits de succion. J’explose. Mon sperme stérile giflant ses ovaires libère sa jouissance. Glissant ses pieds sous mes fesses, elle pousse, pousse pour me faire entrer encore plus en elle. Elle s’écroule sur moi, resserre ses cuisses.



Pour ce qui est de bouger, j’en suis bien incapable. Cette jouissance extraordinaire m’a lessivé.





Les jours d’après

(passent les jours et passent les semaines)


65e jour, soit le 28 mai, si nous ne nous sommes pas trompés. L’hiver est là avec une bonne couche de neige. Je prends mon petit-déj’. Seul, malgré ce qui s’est passé cette nuit. Mai n’a pas changé ses habitudes. Elle s’est levée la première, a relancé le feu puis elle est partie pour son « jogging » matinal et elle reviendra avec le poisson du jour. Quelle va être son attitude ? Ne va-t-elle pas m’en vouloir ?


Le menu du petit-déj’ ne varie guère. Nous buvons une décoction à base de compote et d’eau chaude (il y a longtemps que nous n’avons plus de thé) et mangeons deux (pas trois !) galettes confectionnées à partir du fruit de l’arbre à pain. Nous avons découvert presque par hasard que les galettes que nous fabriquions se conservaient très bien. Alors, les derniers jours de l’automne, nous en avons récolté un maximum. Ma doulce amie a joué au chimpanzé, elle a grimpé très haut dans ce maudit arbre. Je psychotais grave en me demandant ce qui arriverait si elle se cassait la gueule. Heureusement, tout s’est bien passé. Pendant deux jours, il a fallu cuisiner, mais la réserve ainsi constituée devrait nous permettre de passer l’hiver.


Ce que je redoutais/espérais est arrivé. Après que nous ayons fait l’amour, je me sentais très mal à l’aise. Mai s’en est rendu compte et a très vite mis les choses au point : nous nous entendions bien. Pour notre équilibre, « baiser » aurait un effet positif, mais pas question de passer par la case « amour ». Paroles, paroles, paroles comme chantait Dalida. Pour « baiser », nous avons baisé. Quasiment tous les jours. Faut dire que les programmes télé n’étaient guère attrayants. Ses règles, si elles ont empêché l’acte complet, n’ont pas été un frein aux câlins quotidiens. Chaque fois, c’était mieux, plus tendre, plus profond. Durant l’amour quoique nous fassions, nos sentiments transpirent. Et ils transpiraient…


Mai joue les affranchies, mais, malgré ses vingt-neuf ans, elle a peu d’expérience : quatre avant moi selon ses dires. Et ce ne devait pas être des flèches en altitude. Elle se cache derrière son petit doigt en proclamant haut et fort, qu’entre nous point question d’amour. Mais combien de lueurs dans ses yeux, vite dissimulées, combien de gestes de tendresse retenus in extremis. Nous jouons l’un comme l’autre un jeu hypocrite. J’en ai conscience ; quant à elle je ne sais pas.


Pour autant, je ne me fais aucune d’illusion : elle a besoin de tendresse, d’amour, d’être rassurée. Ici mon âge n’a aucune importance, j’suis le seul sur le marché : j’ai une situation de monopole. Je suis aussi celui qui va s’en prendre plein la gueule quand on se tirera de cette île.


Ce jeu de cache-cache est terminé depuis cette nuit. Un vague bruit m’a réveillé dans mon premier sommeil. J’ai entrouvert les yeux. Elle se tenait à genoux de mon côté du lit, sa tête à quelques centimètres de ma poitrine. Du bout des doigts, elle caressait les poils autour de mes seins. Très agréable. Je n’ai pas bougé. J’ai pensé que si je montrais que je ne dormais plus la situation allait devenir gênante pour elle. De ma poitrine, elle est remontée vers mon cou. Rien de sexuel dans son attitude. C’était bien pire. Elle a soulevé la tête, approché ses lèvres de mon oreille et a murmuré deux petits mots (bon d’accord trois si on tient compte du t’), si bas qu’ils ne m’auraient pas réveillé, mais très audible pour quelqu’un de concentré sur ce qu’elle faisait. J’aurais dû continuer de faire semblant. Au lieu de cela, j’ai lancé mon bras autour de son épaule et j’ai prononcé les paroles les plus connes de ma vie :



Dialogue d’une intensité, d’une finesse intellectuelle ! Y’a que dans Shakespeare ou ses copains écrivains qu’un dialogue amoureux peut faire rêver.


Mai m’attira à elle. Sa bouche, ma bouche. Ses mains, mes mains. Dessins sur les seins, sur les siens, les miens. Je la dévore. Elle m’absorbe. Ça tangue, ça roule. Elle perd la boule. Mes boules sous sa langue. Ma langue lape, lape, lape. Alerte inondation. 69, c’est le Rhône. Un fleuve au cours tumultueux. Le tumulte, dans nos têtes, dans nos cœurs. J’ai dix-huit ans. Je suis amoureux. Putain, le con ! Nous sommes enlacés, imbriqués. Ma langue dans son con, ma bite dans sa bouche. Un ange s’enfuit traumatisé. Nous redressons la situation. Ma langue dans sa bouche, ma bite dans son con. La tempête se calme aussi rapidement qu’elle a éclaté.



Elle ne peut répondre à ma dernière pique. Sa bouche est occupée par une langue fouisseuse. Elle resserre ses cuisses. Popaul est emprisonné entre ses parois. Chaque parcelle de nos corps épouse parfaitement sa partie sœur chez l’autre. Je pense brièvement à l’image du papier à cigarette. Je vois vraiment pas où on pourrait en passer un. Je/nous suis/sommes envahi(s) par une sensation bizarre de bien-être. Nos mains parcourent/survolent/massent toute partie accessible, des mollets aux cheveux. Nos bouches ont une vie indépendante. Chaque frémissement est ressenti avec la même intensité par l’autre. Y’a-t-il un autre ? Bouleversement harmonieux. Fusion. Nous ressentons. Le temps n’existe plus. Une boule de feu naît dans notre sexe, grandit, se glisse jusqu’à nos pieds. Elle monte, monte, dépasse notre ventre, envahit notre poitrine. Elle atteint notre cerveau et c’est l’explosion, le feu d’artifice, le plaisir à l’état pur, l’Orgasme.


Plénitude ! Une immense sérénité nous habite.



On peut faire confiance à Mai Line pour un retour poétique à la réalité.



Ma belle vietnamo-portugaise, en douceur, nous bascule dans une attitude pour le moins cavalière : en l’occurrence, moi le cheval, elle, la cavalière. Elle m’entreprend un trot tranquille. Son regard planté dans le mien brille de satisfaction. Ses paumes en appui sur mes seins, elle tressaute en rythme, emmanchée sur ma hampe. Ses fesses claquent sur mes cuisses. Après quelques minutes de ce traitement, aucune jouissance en approche. Alors ma belle se dévagine entièrement, contracte sa vulve et force ma pénétration. Je m’enfonce totalement en elle. Pour être possédée au plus profond, elle se penche en arrière empoignant mes chevilles. Quand elle est bien assise sur mes cuisses, elle entame un cycle contraction/relâchement de ses muscles vaginaux.



Le goujat égoïste qui ne pense qu’à lui. Je m’empresse de remédier à ma carence. Mains posées en haut de ses cuisses, mes pouces mènent une attaque tous azimuts sur le petit encapuchonné. Je le roule, l’étire, le presse, le pince délicatement. Ces médications se révèlent efficaces. Popaul daigne enfin sortir de sa réserve. D’un jet puissant, il irrigue de sa semence cette chapelle, ô combien ardente. Mai se cambre, plante ses ongles dans mes mollets et balance un long cri qui réveillerait le plus sourd de nos voisins si nous en avions.



À cette seconde, je n’étais pas loin de partager son avis. Pas forcément pour les mêmes raisons.


Au matin, quand j’ai émergé, elle n’était plus là. Elle ne m’avait même pas réveillé. Grosse angoisse. Plus le temps passe, plus celle-ci augmente. Tous mes doutes s’envolent lorsqu’elle entre dans la pièce, un sourire radieux illuminant son visage.




Les meilleures choses ont une fin


(une fin est-elle la fin ?)



11 juin. Depuis nos aveux, nous vivons dans une euphorie permanente. Mai rayonne. Tout lui est prétexte à rire même les orages ne l’inquiètent plus. Madame la Comtesse, froide, réservée à l’humour caustique s’est transformée en gamine espiègle. Le monde merveilleux de Disney ! Après le premier enthousiasme, j’ai retrouvé un semblant de raison. Le bénéfice (ou l’inconvénient) de l’âge, sans doute. Ce bonheur artificiel créé par des circonstances particulières s’érodera rapidement au contact du réel. J’ai une chance incroyable de vivre cette aventure à plus de soixante balais alors j’entre allègrement dans son jeu.


Les jours défilent à une allure vertigineuse. Hors les corvées nécessaires à notre survie, avec cette rude météo hivernale, nous ne mettons plus guère les pieds dehors. Une bonne partie de notre temps libre est consacrée à l’exploration de nos sentiments. Un restant de bon sens nous fait éviter les mots niais, mais nos gestes sont très bavards. Chaque jour, nous tentons de revivre cet état de « zenitude » que nous avions atteint la première fois. Et nous y arrivons, à tous les coups. Avec des degrés d’intensité diverse, nous parvenons à nous ressentir « un ». Cette plénitude n’aboutit jamais à une jouissance physique. Nous la provoquons ensuite… ou pas.


Comme chaque matin, je bois ma décoction aux pommes, seul, rêvassant à ce que sera notre journée. Des petits nuages roses flânent au-dessus de la tête. Mais soudain l’orage éclate. Une furie entre brutalement dans la pièce. Elle claque la porte.



La détresse se lit sur son visage.



Je me suis levé, elle se coule dans mes bras. De grosses larmes mouillent mon maillot. Une chape de plomb s’abat sur mes épaules. La fin du rêve. Trop tôt.



Je dois vraiment prendre sur moi pour la contredire. Je dois jouer au mec responsable et lui mentir. Une boule dans la gorge, je lui rétorque :



Mais j’ai réussi à faire naître un pauvre sourire entre ces larmes. À ce moment on frappe à la porte. Une voix demande dans un anglais teinté d’un fort accent :



Ensuite tout va très vite. Après quelques explications, nous embarquons dans le petit avion. Avant que l’on parte, Mai a une ultime exigence : elle laisse des instructions pour de futurs naufragés en français, anglais et espagnol. Au cours du vol, le pilote nous explique comment il nous a repérés. Plutôt, son anglais étant approximatif, il converse en espagnol avec Mai Line (car bien évidemment, elle parle aussi espagnol) qui ensuite joue les interprètes. En reconnaissance, il a survolé l’île. Inconsciemment, il y prête à chaque fois une attention particulière, car c’est lui qui a sauvé les naufragés australiens qui nous ont précédés. Il a aperçu les drapeaux qui flottaient au vent. Dans un second passage, à très basse altitude, il a vu la fumée. Perdu dans mes rêveries, je ne l’avais même pas entendu, Mai, elle qui était à l’extérieur, s’était cachée. Le pilote a décidé de venir jeter un coup d’œil. Il nous apprend que l’île appartient au Pérou. Après deux heures de vol, nous atterrissons sur une base de l’aéronavale péruvienne.


Nous retrouvons la civilisation et…