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23/12/16
Résumé:  Voici un nouvel épisode des aventures de notre jeune chevalier. Partons dans les brumes anglaises.
Critères:  fh ffh fplusag jeunes fellation cunnilingu 69 fsodo historique aventure -historiqu
Auteur : André 59  (Continuons à sourire en explorant le temps.)

Collection : Petites histoires de l'histoire
Au temps de l'amour courtois - Épisode deux

« Homme libre, toujours tu chériras la mer ». Voilà quelques mots qui nous font rêver aujourd’hui, mais au XIIe siècle, peu d’hommes y auraient pensé. Et surtout pas Enguerrand. Soucieux de faire bonne contenance, il faisait tout ce qu’il pouvait pour ne pas se laisser submerger par la nausée qui l’assaillait depuis leur départ. Le teint olivâtre de nombreux passagers laissait penser qu’il n’était pas le seul à souffrir. Son sang avait beau descendre d’aïeux vikings, il n’en avait pas moins le pied fort peu marin. Que diable était-il venu faire dans cette galère ? Désormais armé chevalier, il était devenu le garde du corps de la comtesse Isabeau. Et ce n’était pas qu’un titre. Depuis qu’il avait sauvé la vie de son mari, deux ans auparavant, elle lui avait plusieurs fois prouvé sa gratitude en l’accueillant dans sa couche. Il était même arrivé au comte de participer à leurs ébats. Le vieux guerrier ne répugnait pas à des expériences nouvelles. Et il ne lui déplaisait pas de partager sa femme avec celui qu’il considérait presque comme un frère de sang.


Aujourd’hui Enguerrand s’acquittait d’une nouvelle mission, il était chargé d’escorter la noble dame dans un périple maritime et terrestre long et périlleux qui devait l’amener aux confins de l’Europe, sur les rivages du royaume d’Angleterre. La comtesse Isabeau avait, en effet, hérité de fiefs situés au nord du pays, juste aux marches du royaume à la frontière écossaise. Ils lui venaient d’un cousin éloigné dont le l’arrière-grand-père avait suivi Guillaume le Conquérant. Le pays n’était pas encore sûr, l’Angleterre restait divisée par les tensions entre Normands et Saxons. Quant aux Écossais et aux Gallois, ils étaient en perpétuelle révolte. C’est d’ailleurs en les combattant que le cousin était mort. Aussi le comte avait-t-il souhaité que son épouse parte, nantie d’une solide escorte et de nombreux serviteurs. La nef était donc surchargée et il était nécessaire de faire régulièrement escale pour reposer équipage et passagers et embarquer des produits frais. Le cabotage était le moyen le plus sûr pour voyager, mais il demandait du temps.


Alors que ses hommes installent le campement sur le rivage, Isabeau prend les mains du jeune guerrier et le regarde avec tendresse.



Et vint la nuit. Dressée un peu à l’écart du reste du campement, la tente de la comtesse se distingue par le confort de son intérieur. Le sol est couvert de tapis d’Orient tandis que dans les coins on peut distinguer des coffres de bois précieux qui contiennent ses effets personnels et quelques objets de luxe. C’est là tout le mobilier que l’on peut se permettre d’emmener. Un grand lit de camp a été dressé, une table et des bancs sont disposés au centre. Les mets ont été apprêtés et les serviteurs se sont retirés après un dernier salut. Enguerrand veille à l’entrée, épée au côté. Il accueille avec déférence Viviane et, soulevant les tentures, la laisse pénétrer à l’intérieur. Elle a répondu à l’invitation de la comtesse avec courtoisie, mais sans enthousiasme ; voici plus d’un an que son mari est mort en combattant dans les troupes du Comte de Tripoli. Il l’a laissée veuve, riche, mais sans héritier. Son deuil lui pèse et elle semble prisonnière d’une insondable tristesse.


À son insu, Isabeau compte bien la sauver de cette mélancolie qui la ronge, quitte à tricher avec la nature. Ses coffres ne recèlent pas, en effet, que des robes et des bijoux. Son mari est revenu de Croisade nanti de nombreux trésors, mais aussi de drogues et philtres divers. Il lui a appris à s’en servir pour ranimer une vigueur qui n’est plus celle de ses vingt ans. Ce soir, elle compte bien en faire bon usage. Elle ajoute ainsi quelques gouttes d’aphrodisiaque au vin qu’elle offrira à ses deux invités. En souriant, elle songe à l’histoire de Tristan et Yseult, les amants maudits, beau récit qu’un troubadour était venu narrer un soir d’hiver. La voici comme la belle et douce Brangien, s’apprêtant à offrir un vin herbé qui est en réalité un breuvage d’amour. Mais à la différence de la malheureuse amie d’Yseult, elle n’est guère tourmentée par son geste. Elle a certes quelques scrupules, mais elle calme ses appréhensions en se disant qu’elle ne fera que donner un coup de pouce au destin. Enguerrand ne saura jamais ce qui s’est vraiment passé. Et Viviane non plus. Si les choses se passent ainsi qu’elle l’espère, c’est l’ivresse qui l’emportera. L’ivresse du vin et aussi du plaisir.


Et voici justement la belle Viviane aux cheveux d’or, Viviane au cou de cygne. Elle s’est assise sur un des bancs. Elle se tient là, droite, les mains sur les genoux, ses lèvres dessinant un sourire triste. La pâleur de son teint souligne encore plus la blondeur de ses cheveux noués en une longue tresse tombant jusqu’au creux des reins. L‘échancrure de sa robe laisse deviner des seins petits, mais bien faits. Elle n’a fait que picorer du bout des doigts les mets qui lui étaient présentés tout en échangeant quelques banalités d’usage avec la comtesse sur leur voyage. Isabeau lui tend une coupe de vin et invite alors Enguerrand à venir les rejoindre. Le jeune chevalier s’avance et pose un genou à terre devant la comtesse.



Elle tend une coupe d’argent au jeune homme qui avale d’un trait la boisson présentée.



À peine a-t-elle fini de prononcer ces paroles que Viviane semble donner des signes de léger malaise. Enguerrand s’empresse de la recueillir dans ses bras et la dépose délicatement sur la couche située près d’eux. Mais à sa grande surprise, Viviane aux cheveux d’or lui sourit, ses bras s’enroulent autour de son cou et ses lèvres déposent un léger baiser sur sa bouche. Lui-même éprouve une étonnante sensation de bien-être. La jeune femme soupire et demande à pouvoir mieux respirer. Isabeau s’empresse de venir à son aide et délace sa robe. Puis elle achève de la déshabiller en lui enlevant sa chemise et ses chausses. Enfin, elle lui dénoue sa chevelure qui s’étale comme un somptueux éventail couleur de blé mûr autour de son visage. Isabeau commence à la caresser et parcourt son corps lentement, s’arrêtant sur le ventre plat, l’intérieur des cuisses, le pubis blond. Elle-même fait glisser ses propres vêtements et vient s’allonger près de Vivianne qui maintenant frissonne des pieds à la tête. Elle geint que son ventre est en feu, ses mains caressent son corps, elle se tord en gémissant, ses doigts étreignent ses seins, fouillent son sexe et s’introduisent même dans le sillon de ses fesses.


Enguerrand a l’impression d’être dans un rêve éveillé. Sans qu’Isabeau ne le lui demande, il se met à son tour dans le plus simple appareil, arborant une érection comme il n’en a encore jamais connue. La comtesse le fait s’asseoir au bord du lit. Nue et agenouillée à ses pieds, elle caresse et embrasse son membre tout en faisant doucement aller et venir ses mains fines sur la hampe fièrement dressée.



C’est dans des draps des Flandres et des fourrures de Moscovie que les ébats des trois amants vont s’accomplir. Viviane est désormais complètement dévêtue, étendue sur la couche ; bras et jambes largement écartés, elle laisse, sans résistance, la comtesse explorer son corps. Isabeau darde ainsi sa langue dans la fente rose de son sexe ; dans le même temps, Enguerrand caresse les seins de la jeune femme qui a empoigné sa verge tendue et commence lentement à faire monter et descendre ses doigts. Elle continue de gémir et se plaint de n’avoir jamais eu à faire pareille chose, mais elle ne cherche pas à se dérober lorsque le chevalier se penche sur elle et embrasse délicatement ses seins tout en caressant son pubis aux poils frisés. En riant, elle roule sur le ventre tout en continuant à caresser le sexe en érection d’un air un peu interrogateur, n’arrivant pas encore à croire à ce qui lui arrive.


Elle aussi croit vivre un rêve éveillé, elle se sent comme dédoublée, spectatrice de son propre songe. La comtesse juge maintenant la situation propice. Elle se lève, quitte la couche et ouvre un des coffres disposés le long des parois, elle y saisit un objet et revient en le tenant délicatement dans ses mains. Il s’agit d’un long olisbos d’ivoire plein, de fort belle facture, sculpté de manière très réaliste. Le comte le lui avait offert en tant que curiosité à son retour d’Orient. Mais cette pièce était trop belle pour servir uniquement de trophée et la comtesse l’avait vite intégrée dans leurs jeux érotiques, pour l’amusement et le plus grand plaisir de son époux. Aujourd’hui, elle compte bien en faire bénéficier la jeune femme.


Viviane est toujours allongée sur le lit, à plat ventre, dans une attitude de totale soumission, aussi émouvante qu’excitante. En la prenant par les hanches comme un homme, la comtesse l’oblige à lever les fesses et à se cambrer. Elle présente alors le bout du phallus d’ivoire à l’entrée du sexe de la jeune femme. Celle-ci se cabre au contact froid de l’objet, son corps entier se raidit, mais elle est tellement mouillée, tellement ouverte que la comtesse peut l’enfoncer jusqu’à la garde entre ses cuisses largement écartées. Tout en le faisant aller et venir, elle pose son autre main sur cette croupe offerte et introduit un doigt entre les fesses de Vivianne qui crie et gémit à la fois de honte et de plaisir, invoquant le seigneur de pardonner ce péché mortel et suppliant la comtesse de continuer plus fort. Pourquoi la priver de telles sensations ?


En souriant, Isabeau retire alors le sexe d’ivoire patiné, luisant de plaisir, le fait glisser vers son ventre, le fait remonter le long du clitoris qu’elle s’amuse à caresser un instant puis, malgré la taille de l’objet, elle le présente à l’entrée du petit anneau rose et plissé et l’enfonce d’une poussée lente, mais continue. Ses doigts s’égarent en même temps dans la fente humide qu’elle pénètre doucement et caresse à son tour. Vivianne secoue ses hanches, envahie à la fois devant et derrière par ce membre imposant planté jusque dans ses entrailles et ces doigts de plus en plus intrusifs qui fouillent son ventre. Elle a peur d’être transpercée alors que, les fesses relevées et offertes, elle ressemble à un joli petit animal, blond et blanc, pris au piège. Ces beaux yeux clairs sont embués et ses lèvres frémissent tandis que gonfle sa poitrine.


Enguerrand qui est resté sur le bord du lit n’en peut plus. La beauté de ces deux femmes le subjugue, l’envie de les rejoindre est devenue irrépressible. De lui-même, il s’agenouille devant Viviane. Reins cambrés et fesses tendues, elle est en train de râler de plaisir. Il présente son sexe devant sa bouche et comme elle l’a senti sur ses lèvres, elle les a légèrement écartées pour qu’il puisse y glisser son membre. Elle l’avale presque entièrement et il la baise à son tour au rythme de plus en plus rapide de ses coups de reins, s’enfonçant lui aussi jusqu’à la garde, les doigts crochés dans sa chevelure. Il sent qu’il ne va pas tarder à se répandre dans cette bouche accueillante, mais la comtesse le prend par la main et le fait venir à ses côtés. Délicatement, Isabeau enlève le phallus d’ivoire qu’elle glisse à nouveau entre les cuisses de Viviane. Puis elle se tourne vers le membre dressé du jeune chevalier qu’elle suce quelques instants avant de le guider vers la place désormais libre. Il s’y introduit vivement, trop excité pour se contenir, oubliant le sens de la mesure qui sied à un noble. Viviane a crié en sentant le gland brûlant forcer le passage. Cela n’a pas freiné l’ardeur du chevalier qui, les mains agrippées à ses hanches, la secoue en tous sens alors qu’Isabeau, sous lui, caresse ses couilles. Elle l’oblige vite à sodomiser Vivianne plus doucement, sur un rythme moins violent, empoignant la verge gonflée de sa main pour la ralentir.


Son autre main n’est pas inactive, avec deux doigts, elle fouille le sexe trempé de la jeune femme. Elle est attentive aux halètements et aux soupirs de la jeune veuve dont le plaisir est aussi le sien. Et Viviane jouit finalement, dans un long râle étourdissant, oubliant elle aussi toute retenue. Elle pleure, la belle aux cheveux d’or, et en même temps elle ne s’est jamais sentie aussi heureuse. Cette nuit, elle est revenue à la vie. Enguerrand jouit à son tour, arrosant la belle de sa semence. Isabeau a vu son jeune champion aimer une autre femme, mais elle n’en conçoit ni rancœur ni chagrin. Dans ces deux êtres frémissent la jeunesse et la vie et elle est bien décidée à les réunir. Même si cela doit lui briser le cœur.



Le voyage par mer a tiré à sa fin. Désormais, c’est par voie terrestre que la petite troupe poursuit sa route. La frontière est proche. La Comtesse est désormais sur ses terres. Elles sont bien cultivées, l’herbe est grasse et les prairies sont bien entretenues. Mais l’atmosphère est pesante. Partout des hommes en armes, partout des visages sombres et fermés. Une petite forteresse entourée de murs crénelés et surplombée d’un donjon surveille la contrée. Entouré de ses hommes, Enguerrand se fait ouvrir les portes et présenter le seigneur du château. Accompagné de ce dernier, il rejoint Isabeau.



Chacun regagne son logis. Discrètement, et d’un pas léger, Viviane rejoint Enguerrand dans sa chambre. Certes, la paillasse dans laquelle il se repose n’est point la couche luxueuse de leur première nuit, mais peu lui chaut. Ils s’étreignent et se redécouvrent. Elle glisse sur son corps comme une vague lente et se met tête-bêche, tenant son sexe dans la main pour le glisser lentement entre ses lèvres. Elle gobe avec gourmandise la pointe rose qui s’enfonce dans sa bouche. Il tend la nuque pour la caresser avec la même délicatesse et, en même temps que sa langue s’enfonce dans le sexe humide et parfumé, la bouche de la belle Viviane se referme sur sa verge. Elle l’accueille à chaque fois plus profondément, allant et venant doucement, faisant descendre et monter ses doigts au même rythme que ses lèvres, jusqu’à ce qu’il jouisse au fond de sa gorge, dans un long soupir de bien-être, étendu sur le dos, bras écartés, crucifié de plaisir.


Elle aussi gémit. Il a inondé sa bouche entrouverte et la semence du jeune chevalier glisse au coin de sa bouche, colle à sa langue, se tapit au creux de ses joues. Elle presse de ses doigts la colonne qu’elle suce, jamais elle n’aurait imaginé faire chose pareille avec son défunt époux. Et elle aspire tout, jusqu’à la dernière goutte, comme un nectar, un élixir de vie. Ils sont maintenant couchés, côte à côte, ils se tiennent la main et s’endorment doucement d’un souffle égal. Apaisés, heureux.


Isabeau n’a rien vu, mais elle sait. Seule, dans sa chambre, les yeux fermés, elle s’est longuement donné du plaisir en s’imaginant au côté du comte et de son jeune amant. Après avoir léché le bâton d’ivoire, elle l’a fait glisser dans son sexe en le tenant fermement à deux mains. Elle s’imagine près d’Enguerrand pendant que son mari la besogne avec ardeur. Pour mieux fantasmer, elle s’est allongée sur le ventre et s’est enfoncé un deuxième olisbos dans les fesses. Elle les fait entrer au rythme que lui dicte son imagination, le comte et le chevalier la prenant en même temps ou se succédant pour jouir alternativement dans ses reins ou entre ses cuisses. Et elle jouit elle aussi et s’endort d’un sommeil profond à son tour, souriante et apaisée.


La nuit enveloppe peu à peu hommes et bêtes tandis que l’obscurité recouvre tout. Les heures ont passé. Alors que l’aube est sur le point de se lever, personne ne prête attention à des ombres furtives qui se glissent dans la cour tandis que des dizaines d’autres escaladent silencieusement les remparts. Les quelques gardes qui somnolaient aux créneaux ont été précipités au bas des murs par des grappins et achevés sans bruit. Le visage barbouillé au charbon de bois, les Scots s’infiltrent dans les bâtiments à la recherche de leurs proies, flairant l’odeur du viol, du butin et du pillage.


Au même instant, Enguerrand est réveillé par les grognements d’un brave bâtard qui dort près de sa porte ; habitué aux longues veilles de chasse, il n’a dormi que d’un œil, écoutant les bruits furtifs au-dessus de lui. Il n’y a normalement pas à s’inquiéter de la vie cachée dans les recoins d’une vieille demeure qui craque de tous côtés, mais quelque chose le taraude depuis la fin de la soirée. Les propos du baron le tourmentent. Il n’aime guère savoir la sécurité de la comtesse menacée. Ce voyage d’agrément s’est transformé en une mission risquée. Et la nervosité du chien montre qu’il se passe quelque chose. C’est pourquoi il se dégage à regret des bras de la douce Viviane. Il regarde encore une fois son corps pâle et nu, ses longues jambes, la rondeur des hanches puis il enfile son baudrier et décide, en dépit de l’heure matinale, de rejoindre le poste de garde.


C’est au seuil de son logis qu’il pressent quelque chose d’anormal. Aucun signe de vie sur les remparts. Où sont les sentinelles ? Où sont les chiens de garde près des silos à grains et des écuries ? Soudain, il entend une plainte à l’extérieur. Et c’est un gémissement de douleur, pas de plaisir. Il recule précipitamment, dégaine son épée en criant pour réveiller ses compagnons. Il n’en faut pas plus pour que plusieurs Scots surgissent de l’ombre et se précipitent à l’attaque. Le jeune chevalier tente désespérément de bloquer la porte. Au moment où il va céder sous la poussée, plusieurs de ses compagnons arrivent à la rescousse, certains sont quasiment nus, ayant juste enfilé un haut-de-chausse, mais ils sont armés et c’est suffisant. À coup d’épée et de masse d’arme, il repousse le petit groupe de Scots, mais d’autres assaillants dégringolent des toits et des escaliers du chemin de ronde. Ils sont nombreux, mais légèrement équipés.


Les Normands entreprennent aussitôt de former avec leurs écus un mur de boucliers infranchissable. Ils constituent ainsi une petite phalange plus lourdement équipée qui arrive rapidement à dégager la cour intérieure du château. Derrière eux, les archers font pleuvoir une grêle de projectiles sur les assaillants. Enhardis, des paysans se sont saisis de leurs outils agricoles et tentent aussi de se joindre au combat. Avec ses gens, le baron se précipite au contact. La mêlée est désormais générale.



Au milieu du tumulte, Enguerrand aperçoit soudain une horde de colosses couverts de fer qui franchissent le pont-levis. Ils font tournoyer de longues haches à deux mains qu’ils abattent, en hurlant, avec une force terrifiante. Leur formation a la forme d’un triangle, une véritable pointe d’acier mobile qui enfonce et écrase tout sur son passage. Le mur de boucliers formé par les chevaliers anglo-normands est fracassé, bras et têtes volent dans une tempête sanglante alors que dans la brèche ainsi créée, les Écossais essaient de s’engouffrer pour parachever le massacre. Dans la lueur des incendies, et au milieu des cris stridents des femmes, c’est le monde qui semble s’écrouler. Enguerrand jette un coup d’œil affolé autour de lui, alors qu’à ses côtés un homme d’armes blessé lâche pied et s’enfuit, fou de terreur. Le baron, en vétéran rompu aux combats, garde son sang-froid et prend le temps de juger la situation :



Aussitôt dit, le baron fonce dans la mêlée, suivi d’Enguerrand et d’une poignée de chevaliers. Plutôt que d’escrimer à grand renfort de moulinets d’épée, ils attaquent de façon concertée et méthodique et frappent avec la pointe en visant la gorge ou bien fauchent les jambes de leur adversaire d’un revers de lame en s’encourageant avec le vieux cri de guerre normand : Diex Aïe ! Que Dieu nous aide !


Enguerrand se retrouve soudain face à un de ces redoutables porteurs de hache. Un combat singulier s’engage alors que, spontanément, la bataille a cessé. Les hommes forment un cercle silencieux et attentif autour des deux duellistes engagés dans une lutte à mort. Enguerrand a porté le premier coup, mais n’a pas réussi à entamer le haubert de son adversaire. Celui-ci le fait reculer en effectuant de grands moulinets. La hache s’abat en sifflant tandis que l’épée fend les airs. En roulant sur lui-même, Enguerrand évite le coup de son adversaire. Le jeune homme, jouant de son agilité, lui tranche le jarret. Alors que le géant ploie sous la douleur du coup qu’il lui a porté, Enguerrand brise d’un revers de lame le manche de sa hache puis fait voler son casque en éclat, l’étendant raide mort sous les acclamations des défenseurs.


Et chose incroyable, les géants reculent, tels des taureaux harcelés par des frelons. En voyant cela, la garnison reprend courage. Archers et frondeurs reprennent leurs postes aux créneaux et appuient les chevaliers par un tir rapide et précis. Accablés sous les traits, les Écossais se replient et disparaissent dans la nuit, aussi vite qu’ils étaient apparus. On n’entend plus désormais que les plaintes des blessés et les sanglots, dans le crépitement des flammes. Et au milieu d’un tel désastre, personne ne songe à crier victoire.


Tout en scrutant les corps étendus un peu partout dans l’enceinte du château, Enguerrand étudie attentivement leur stature et leurs armes.



Que n’a-t-il dit, car pour le jeune chevalier, la comtesse a plus que jamais le regard de la belle Iseult ; dans l’aventure qu’ils sont en train de vivre, la légende et la réalité ne cessent de se croiser. Reste à savoir où elles vont s’arrêter.


Le goût de la victoire est d’ailleurs amer. En fouillant les bâtiments, les hommes s’aperçoivent qu’il y a peu de victimes à l’intérieur des pièces. Mais des dizaines de personnes se sont littéralement évanouies. La situation est claire, elles ont été enlevées par les Écossais. Un grand nombre de femmes ont disparu et parmi elles, il y a Viviane. Enguerrand en frappe de rage la muraille, brisant son épée contre les murs. La comtesse réprime un sanglot et reprenant contenance, elle se tourne vers la petite foule rassemblée dans la cour du château.



La question de la comtesse retombe dans un silence lourd. Franchir la frontière, c’est affronter l’inconnu. Impossible pourtant pour ces hommes de guerre de laisser leur dame affronter seule un tel péril. Elle est leur suzeraine, leur devoir est de répondre à son appel, fût-ce au prix de leurs vies. Enguerrand est le premier à dégainer sa lame et à la brandir vers Isabeau. Alors un homme d’armes fait un pas, puis dix, puis cent. Valets et servantes suivent, et poings levés, épées et fourches brandies, ils acclament tous cette femme, frêle, mais indomptable.


Le lendemain, c’est long cortège qui s’ébranle et franchit la frontière.


Le convoi serpente à travers les collines des « Highlands », ces « hautes terres » dont les peuples vivent encore comme au temps des Pictes. Jurant, crachant, pestant, les hommes poussent les lourds chariots qui ne cessent de s’embourber et qu’il faut sortir des ornières. Enguerrand est aux aguets, sa main droite caresse de façon nerveuse le pommeau de son épée, son destrier est lui-même très agité. Les naseaux frémissants, le cheval ne cesse de s’ébrouer tandis que sa queue fouette l’air. Dans la longue file de voitures, l’inquiétude ne cesse également de grandir. Mauvais signe, beaucoup d’archers vérifient la solidité de la corde de leur arme, et plusieurs cavaliers se sont remis en selle, heaumes lacés, lance au poing. Le bouclier qui était en bandoulière dans le dos protège à nouveau tout leur côté gauche.


Si les hommes d’arme sont sur leur garde, les serviteurs ne sont guère plus rassurés et nombreux sont ceux qui multiplient les signes de croix pour conjurer le sort. Pour eux, les dieux anciens sont toujours présents dans ces contrées désolées. Et comment se rassurer dans un tel paysage ? La silhouette squelettique de quelques arbres chétifs émerge à peine dans une brume qui semble constamment couvrir le pays et le croassement des corbeaux ajoute à l’atmosphère sinistre des lieux. De loin en loin, on voit miroiter la surface de lacs immenses dont les eaux semblent abriter dans leurs profondeurs insondables des créatures fantastiques. Pas de champs, de forêts, de villages. Rien. Ou bien quelques huttes misérables qui se signalent par de minces filets de fumée à l’horizon. De temps à autre, on aperçoit ces étonnantes vaches écossaises couvertes de longs poils roux, preuve que des hommes sont bien là, mais elles semblent livrées à elles-mêmes, accentuant encore l’impression d’abandon.


Enguerrand ne peut s’empêcher de replonger quelques instants dans le souvenir de ses lectures d’enfance lorsque l’abbé lui contait les livres de Tacite et Tite-Live. Dix siècles plus tôt, même les légions de Rome avaient préféré rebrousser chemin devant la sauvagerie de ces contrées. Au-delà, il n’y avait rien, que de l’eau et des rochers, disait Tacite. À quoi pouvaient-ils bien penser, ces guerriers romains perdus au milieu de nulle part pendant qu’ils montaient la garde sur le mur d’Hadrien ? En pensant cela, il regarde la neige qui couronne les hauteurs des collines environnantes et fait encore plus ressortir la pauvreté du couvert végétal, alors qu’un ciel blanc donne l’impression aux hommes et aux bêtes d’être engloutis par les nuées. Oui, on est bien au bout du monde. Le Christ a oublié cette contrée.


Alors que le convoi s’engage dans une petite vallée encaissée et marécageuse, l’éclat de l’acier apparaît soudain au sommet d’une colline, puis des dizaines d’étendards surgissent et en quelques secondes toutes les hauteurs sont couronnées d’une longue ligne de guerriers frappant en cadence de l’épée ou de la lance leurs boucliers. Les voici enfin ces maudits Scots ! Par-dessus ce vacarme résonne le son grêle des cornemuses. Pétrifiés, les gens du convoi regardent cette multitude vociférante et agressive. Alors que les valets forment rapidement un cercle défensif avec les chariots, les chevaliers commencent à dégainer leurs lourdes lames, soulagés de pouvoir enfin en découdre, tandis que les archers et arbalétriers choisissent soigneusement leurs cibles.


Enguerrand lève la main pour faire signe à chacun de garder son sang-froid. Ils ne viennent pas se battre, mais négocier. Il faut faire preuve de maîtrise, et ce d’autant plus que des dizaines de cavaliers dévalent les pentes dans leur direction.


Enguerrand les regarde avec étonnement alors qu’ils encerclent le convoi. Ils chevauchent leurs poneys sans étriers, jambes nues malgré le froid. En guise de vêtements, ils portent pour se protéger du vent des capes à longs poils et des bourses pendent de leurs épaules. Avec leurs cheveux flottants et leur barbe blond-roux, leurs casques de cuir et leurs petits boucliers décorés de clous et de bossettes, ils confirment bien les récits qu’on lui a faits. Qui pourrait nier que les Écossais sont des barbares ?


Un chef Scot maîtrise quelques mots de français et de mauvais latin, son discours est mélangé à du gaélique. Enguerrand, aidé d’un interprète local, comprend tant bien que mal qu’il l’invite à le suivre ; le convoi repart, encadré par deux longues files de cavaliers. Au bout de quelques heures, ils arrivent devant la forteresse du comte Angus, ce n’est autre qu’une motte castrale, semblable à celle qu’Enguerrand a connue dans son enfance. Du haut des palissades, le comte les observe. Il arbore un sourire mauvais. La négociation risque d’être ardue.



Fin de la première partie