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Temps de lecture estimé : 28 mn
28/12/16
Résumé:  L'envie de l'autre naît de l'embrasement des sens. Chaque jour, une femme et un homme se frôlent à la sortie de la Petite École. Cinq jours suffiront pour enflammer leurs cinq sens.
Critères:  fh hplusag amour pénétratio humour
Auteur : Algo            Envoi mini-message
L'incandescence des sens

Samedi 17 septembre, 17 heures tapantes.



Le 16, le 14, et voilà le 12. Charmant pavillon bien fleuri à front de rue. « Julie Béré – Scientific Writing » est bien indiqué à la sonnette, que j’actionne, un peu intimidé. La porte s’ouvre sur celle qui attendait ma venue.



Qu’est-ce qu’elle est mignonne pieds nus, dans sa robe bain-de-soleil bleue, ample, légère, toute sage. Mais cette jolie encolure licou retenue par un nœud derrière la nuque doit lui faire un dos beaucoup moins sage.



Sans attendre, elle pivote sur elle-même et avant qu’elle n’ait tourné le coin du couloir, j’ai le temps d’obtenir la confirmation que son dos est vraiment très peu sage. Mon regard peut y dégouliner sans retenue depuis les épaules jusqu’au bas des reins. Là, il se laisse absorber par le léger tissu flottant paisiblement sur, sans doute, d’harmonieux volumes.


Je repousse doucement la porte et profite juste une seconde de la fraîcheur du couloir pour dissiper une bouffée de chaleur qui m’est montée au visage. D’un pas que je veux à la fois assuré et tranquille, je m’avance pour me retrouver derrière le coin, à l’entrée du séjour. Julie me tourne encore le dos, déposant sur la table les objets rendus, juste à côté du bouquet de fleurs qu’elle m’avait montré en milieu de semaine. Petit souvenir crispant.


Mon regard revient bien vite sur sa silhouette, délicieusement immobile. Seul son visage se tourne un peu sur le côté. Elle s’assure que je suis bien là, derrière elle, à portée de vue. Alors, sans que je m’y attende, elle lève ses deux mains au-dessus de la tête, les fait se rejoindre sur le nœud de tissu ornant sa nuque. Un geste simple, un seul, suffit à donner toute liberté à sa robe qui se soumet, malgré sa légèreté, à l’attirance complice du sol. Une vérité toute nue se dévoile à moi, celle d’une Julie qui a percé mes envies les plus secrètes. Mais comment a-t-elle pu ?


Ses mains jouent avec ses cheveux, les lissent, amenant ses épaules à se déplacer un peu, juste assez pour que le galbe d’un sein ravisse furtivement l’angle de ma vue. Elle finit par se tourner entièrement vers moi, avec un naturel désarmant, ramenant un avant-bras sur sa poitrine, posant une main sur son bas-ventre. Elle se sent de toute évidence aussi habillée que quand elle m’a ouvert la porte. Ce même regard, ce même sourire, et cette franchise qui illumine son visage épanoui.


Je ne sais plus où j’en suis. Je ne sais plus où je suis. Attend-elle que je m’enfuie ? Ou que je me jette sur elle ? Je ne peux faire ni l’un ni l’autre. Mon corps n’obéit plus. Elle attend, souriante. Elle attend. Son regard glisse sur moi, plus bas, et là où il se pose, je surprends mon corps à lui obéir. Elle s’en réjouit. Je me sens de plus en plus mal à l’aise. Mal à l’aise ? Non. Un bien-être m’envahit. Elle s’approche enfin de moi, tout près de moi, à m’en toucher. Sans un mot.


J’ose poser mes mains sur ses hanches. J’ose une caresse sur ses fesses.


Sa main se détache d’un sein, et s’empare de ma nuque, entraînant mon visage dans le creux de son épaule. Elle y fait voyager mes lèvres, qui se prêtent au jeu. Sans hésitation, sans interruption, la flânerie de ma bouche sur sa peau se poursuit, au gré des indications que ma nuque reçoit de sa main. Légère pression, qui m’emmène vers l’arrondi de l’épaule, m’en éloigne en suivant la clavicule, me fait passer dans le creux du cou, et filer vers l’autre épaule.


Je capture l’odeur de sa peau.


Une traction précise me tire la tête plus bas, me fait mettre un genou au sol. Ma bouche atteint la naissance d’un sein, le gravit, et est priée de s’arrêter sur la pointe érigée. Un pincement sur la nuque et voilà mes lèvres qui s’ouvrent, mes dents qui s’entrouvrent, ma langue qui recouvre en tournoyant l’aréole sensible.


Je capture le goût de sa peau.


Même saveur retrouvée sur la pointe de l’autre sein qu’elle me fait explorer. Une poussée sur ma nuque vers le bas, et mes lèvres descendent sur son ventre qui se creuse. Elles butinent, s’extasient, se délectent, jusqu’à atteindre le bord de sa main toujours posée sur les secrets de son intimité.


Je capture la chaleur de sa peau.


Est-ce la fin du voyage ? Va-t-elle le prolonger vers des contrées plus obscures ? Ses deux mains se joignent sous mon visage, l’enserrent, le soulèvent lentement le long de son corps. Je me relève. Nos regards se retrouvent. Puis tout s’accélère. Ses mains plongent à ma taille, agrippent le bord de mon T-shirt pour le tirer vers le haut, y faire passer la tête en me forçant à lever les bras. Avant que je ne puisse m’en extraire, ses mains envahissent mon torse, en effleurent la moindre partie. C’est léger, furtif, surprenant. Elle inspecte plus qu’elle ne caresse.


C’est à peine si je réalise que ses mains s’attaquent à la boucle de ma ceinture, à l’agrafe et à la tirette de mon jean. Elles le font passer sous mes hanches, juste ce qu’il faut pour pouvoir s’enfouir entre peau et tissu afin d’extirper et exposer au grand jour le but de sa quête. Elle se contente de palper, de jauger, elle prend la mesure de ma réalité, pièce principale et accessoires. Et en finale, une pression résolue de la main pour apprécier la virile consistance. Ponctuant son inspection d’un « waouw » discret, elle me laisse là, à me débattre encore avec le T-shirt m’emprisonnant bras et tête, alors qu’un ustensile qui m’est cher se retrouve bien seul, dressé dans toute son austère candeur.


Elle se détourne vivement de moi, fait trois pas pour atterrir dans un canapé accueillant. Elle s’y assied en entourant de ses bras ses deux jambes repliées contre la poitrine. Menton appuyé sur les genoux, elle rit. Elle savoure sa prouesse, et s’interroge pour la suite.


Entre la femme sensuelle qui s’offrait silencieusement, et la gamine mutine qui me nargue de ses yeux espiègles, je n’ai pas à faire un choix. Elle m’impose le tempo de notre expédition insolite. Et comme je ne veux pas ruiner son attente, je vais devoir faire appel à tout mon savoir-faire d’homme mûr pour ne pas me vautrer lamentablement dans un one-man-show improvisé devant mon unique spectatrice, et même très unique.


Résumons-nous. Dans l’ordre, je dois me défaire de ce foutu T-shirt menottant encore mes poignets, enlever mes chaussures rien qu’avec les pieds (c’est plus classe), baisser mon futal… Non, rectification, remonter mon futal en remballant la marchandise pour pouvoir lever une jambe et enlever une chaussette, tout en gardant l’équilibre sans sautiller bêtement sur l’autre pied. Voilà qui est fait. Pareil maintenant pour l’autre chaussette. C’est moins réussi, je dois reposer le pied par deux fois. Et enfin, me débarrasser de tout ce qui m’encombre encore sous la taille, au mieux avec élégance, ou pour le moins avec un certain naturel. Pas mal. Je m’attribue la mention « Assez Bien ».


Bon, et maintenant ?


Je choisis de prendre la pose « I’m the King of the World », fier et conquérant, les bras en croix face à l’horizon. Et j’évite de penser au naufrage titanesque qui est inscrit dans le scénario.


Pas de réaction évidente chez la spectatrice qui se contente d’arrondir une bouche admirative. Mais la situation reste figée.


Je dois donc faire mieux. Allons-y pour une autre tentative de présentation, moins statique. Mais dans quoi suis-je suis en train de m’enfoncer, alors que je sais fort bien où j’aimerais m’enfoncer ? Allons courage, remontons sur le pont.


Je pivote pour lui tourner le dos. Cela lui offre une autre vision de ma nature. Je crie :



Revenant de face, le moussaillon, allure raide, raidie et martiale :



De dos, le capitaine :



De face :



De dos :



De face :



De dos :



De face :



Subitement, sur la côte, naît un crépitement, un applaudissement nourri, alors que la cible fait glisser son bassin vers le bord du canapé en écartant largement les jambes.



Sur la côte une petite voix s’élève :



Oh là, que nous vaut ce revirement. Une ruse est-elle à craindre ? La belle compte-t-elle se soustraire à l’ardeur du soldat au combat ? Pas de fanion blanc en vue. Méfiance.


Je m’avance. Elle me tend ses mains jointes en coupe pour y reprendre mon visage qu’elle avait quitté un peu plus tôt. Les mains le dirigent cette fois vers la crique qu’inonde la marée haute de ses envies.


Un coquillage se présente à moi. Les mains qui m’emprisonnent la tête ne m’offrent qu’une option, celle de le prendre à pleine bouche. Ma langue l’ouvre, le roule, l’enroule, je le suce, je l’aspire, jusqu’à tenter de le déglutir. Il se laisse malmener, mais oppose une résistance souple à ma succion diabolique.


Je commence à manquer d’air. Trop d’écume sur mon museau fouineur m’empêche de respirer. Je lâche un instant prise pour aspirer une goulée d’air. Deux mains énergiques m’enfoncent à nouveau et aussi vite la tête sous la surface. Elles m’obligent à harceler la chair juteuse d’un assaut tournoyant, vigoureux, implacable. Je suis au bord de l’évanouissement, asphyxié. Je dois absolument me frayer un passage vers le haut, faire émerger au moins mes narines à l’air libre, à tout prix. Il me faut de l’oxygène, extra-pur de préférence. Je vais exploser. Et alors qu’un filet d’air arrive péniblement à me garder en vie, un étau d’os et de muscles contractés se referme impitoyablement sur ma tête, la ballotte en tous sens, l’immerge dans le tourbillon d’une déferlante dévastatrice.


Julie jouit. Je me réjouis.


Le séisme se calme. La vague se retire. Je refais surface. Je jette un œil au-dessus d’un buisson détrempé par la marée. Je vois le paysage d’un corps dans la tourmente d’une respiration encore haletante. Et, venant de loin, une voix :



Comment refuser une demande aussi polie ? On ne peut que la satisfaire, et avec le plus grand plaisir.


Je me redresse, les creux de ses genoux toujours posés sur mes épaules, mes mains soulevant son bassin. J’allonge la belle dans la longueur du canapé. Je la regarde, intensément. Je la touche, je la sens. Je goûte l’instant présent. Et je me redis mes mots :


Entendre

Sa respiration, son excitation, son invitation

À sur elle m’étendre, à en elle me tendre.


Elle écarte largement les jambes pour offrir son calice.


Sur elle je m’étends…


Deux de ses doigts entrouvrent l’entrée du couloir des délices.


En elle je me tends…




ooO00oo




Lundi 12 septembre, dans l’après-midi. Voir.



C’est l’heure. Je laisse là mon travail de finition. Ce sera pour ce soir ou demain. Direction la Petite École. J’aime y arriver bien avant la sortie des enfants. Je peux alors m’asseoir dans le petit parc sur un banc encore libre. De là, j’observe parents et grands-parents qui viennent chercher leur mioche.


Moi, c’est Léa que j’attends. Quel bonheur de pouvoir m’occuper de ma petite-fille avant que mon fils et ma belle-fille ne reviennent du boulot. À quatre ans, pas d’hésitation, on préfère rester avec son papy plutôt qu’à la garderie !


Il reste dix minutes avant la sonnerie. Il fait beau. Mon banc est libre. Je les vois arriver, les grands-mères, imbues du rôle primordial qu’elles se sont attribué. Elles papotent souvent entre elles. Les grands-pères, plus isolés, certains découvrant enfin ce que c’est que de communiquer avec un petit. Et puis il y a quelques pères, la plupart tripotant leur mobile, ou téléphonant en se donnant un air important. Et enfin, il y a les jeunes mères.


C’est sur elles que mon regard reste le plus souvent accroché. Je les décortique, tentant de deviner qui elles sont. Je leur donne un petit nom. Il y a l’angoissée qui-se-ronge-les-ongles-en-espérant-que-son-chéri-ne-se-soit-pas-fait-de-bobo. Il y a la pétasse qui-défile-comme-un-mannequin-qu’elle-rêvait-d’être. Arrive l’exténuée qui-pousse-un-landau-où-braillent-des-jumeaux-de-six-mois. Et voici la spitante qui-bouge-tout-le-temps-en-chantonnant. Je l’aime bien la spitante. J’ai souvent les yeux braqués sur elle, avec mes pensées qui dansent en même temps qu’elle. Elle me regarde, me fait un petit signe de la tête. Enfin, je crois. Je sens un autre regard sur moi. C’est celui de la cérébrale qui-sourit-toujours-de-voir-ce-qu’elle-voit. Finalement, elle est comme moi. Elle observe. Elle se fait une idée, sans doute souvent fausse, de ce que sont les gens.


Sonnerie. Voilà Léa qui sort et se rue vers moi en sautant à cloche-pied.



Un bisou sur le haut du crâne, et nous voilà partis, à cloche-pied bien sûr. Mais pourquoi donc serais-je pris pour un fou si je marchais comme cela dans la rue, sans ma petite Léa à côté de moi ?




ooO00oo




Mardi 13 septembre, dans l’après-midi. Toucher.



Léa sort de l’école en chantonnant. Il fait beau, il fait chaud. Profitons-en.



Sans m’attendre, elle se précipite vers la seule balançoire encore libre. À côté, un petit copain de classe se balance déjà.



Elle a l’air de pouvoir se débrouiller. Je la laisse faire et cherche à m’installer quelque part. Là-bas, je vois un banc. Une bonne moitié est occupée par une grand-mère au gabarit imposant. Il reste un peu de place entre la grand-mère et une mère assise à l’autre extrémité. Oh, mais c’est ma cérébrale. Elle est bien mignonne aujourd’hui avec son ample chemisier sans manche recouvrant à la taille une courte jupe claire. Je m’approche, m’adresse à elle :



La voisine en question la fusille du regard tout en se basculant un peu vers l’extérieur pour montrer sa bonne volonté. Ma cérébrale voulant faciliter mon arrivée, se pousse un peu plus à l’extrémité du banc, et croise les jambes tout en tirant sur sa jupette. C’est fou ce qu’une femme peut faire comme effort pour ajuster une jupe courte, voulant se montrer convenable et décente, alors qu’elle ne fait qu’attirer un peu plus le regard sur ses jambes. Je laisse donc mon regard faire ce qu’il a à faire et m’encastre entre les deux fessiers.


À peine ai-je pris contact avec le banc que la grand-mère se fait revenir à sa position initiale, en débordant même un peu plus et me poussant franchement vers mon autre voisine.



J’apprécie le contact de son épaule nue, de son bras posé sur sa cuisse.



Petit regard en coin de ma voisine.



Je me sens très bête. Je détourne la tête et aperçois un peu plus loin une autre mère jouant à la marelle avec sa fille. Je reconnais ma spitante, toujours aussi remuante. Qu’est-ce qu’elle est sexy avec son polo blanc moulant sa poitrine haut perchée. Je n’ai d’yeux que pour elle et ses sauts souples et précis.



Bon, je décide de ne pas en rajouter et de profiter pleinement du spectacle que m’offre ma spitante.


Je ne sais si c’est pour détourner mon attention vers elle, mais voici ma cérébrale qui tend les bras au ciel en croisant les doigts, et allonge les jambes sur toute leur longueur. Jupe et chemisier battent en retraite, abandonnant à la taille et au haut des cuisses un peu de ce qu’ils refusaient à mes yeux juste avant. Ravissante perspective sur terrain découvert.


Elle s’étire à fond tout en étouffant un bâillement. Et évidemment, je ne peux m’empêcher de bâiller à mon tour, à m’en décrocher la mâchoire.



Je la regarde, interloqué, ne sachant quoi dire. Et c’est là que Léa me sauve la mise.



Oh que oui, je peux aller la pousser. Et je la pousse donc.



Sur ce, le petit copain se donne à fond, jusqu’à aller plus haut que Léa.



Oui, il a gagné… un envol peu contrôlé. D’une main il rattrape une des chaînes, mais ne peut éviter de racler de ses genoux le tapis d’écorce. Je me précipite sur lui, le prends dans mes bras, m’assure qu’il n’y a pas de bobo plus grave qu’une petite égratignure. Derrière moi, une voix se fait entendre.



J’ai bien compris que la maman plaisante.



Là, elle éclate franchement de rire et me tend les bras pour reprendre son fiston à la mine déconfite. Mais dans la manœuvre, mon bras se trouve emprisonné entre elle et son fils.



Elle rit de plus belle, et relâche un peu la pression de sa poitrine sur mon bras, juste assez pour que je puisse le retirer, et juste assez pour pouvoir apprécier la fermeté de ses seins, et m’apercevoir de leur grande liberté.


Je ne sais si cette prise de contact avec ma cérébrale est fortuite, mais me voilà agréablement… comment dirais-je… touché !


Elle nous quitte en consolant son rejeton.


Je me retourne vers le jeu de marelle, espérant que ma spitante est encore là. Plus personne. Il n’y a plus qu’à s’en aller. Cela arrange Léa, un peu échaudée par la chute du copain Louis.




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Mercredi 14, à midi. Sentir.



Mercredi après-midi, c’est congé. Pas de chance ce midi, mon banc est déjà occupé par les commères du quartier. En plus, elles ne sont même pas là pour chercher un enfant. Je fais donc les cent pas, le nez en l’air, scrutant dans le ciel des nuages qu’il n’y a pas. Quelle belle fin d’été.


Surprise, voilà ma cérébrale qui arrive, un petit bouquet de fleurs à la main. Petit, mais plein de couleurs. Et sans doute de senteurs, car son nez se promène au-dessus comme une abeille voltige de fleur en fleur. Elle me voit, s’approche de moi, me sourit.



C’est bien connu, un homme n’aime pas entendre une femme charmante lui dire qu’elle a reçu des fleurs d’un autre. Je n’ai plus qu’à ravaler ma jalousie déplacée et à essayer d’être plaisant :



Toute cérébrale qu’elle est, elle reste interdite une fraction de seconde, avant d’éclater de rire.



Et elle me fourre sous le nez son bouquet qui, en effet, a les senteurs à la hauteur des couleurs.



Et là je remarque qu’au parfum des fleurs, vient s’ajouter celui d’une agréable fraîcheur. Cette touche parfumée n’était pas présente hier sur le banc, j’en suis certain. Est-elle destinée à la « connaissance » qui lui a offert le bouquet ?


On reste là, tous les deux à humer les senteurs, presque front contre front, quand j’entends simultanément deux voix d’enfants :



Deux dénégations synchronisées plus tard, on s’en retourne, chacun chez soi. J’entends encore Louis insister :



Et alors que je tends une oreille indiscrète, Léa brouille la communication en me lançant :



Je ne saurai donc pas qui lui a offert les fleurs.




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Jeudi 15 septembre, dans l’après-midi. Goûter.



Houlà, je suis en retard. Quelques enfants sont encore au pied de l’instit’ qui commence à s’impatienter. Me voyant, elle laisse filer Léa qui déboule vers moi en criant :



Je me retourne pour voir qu’en effet, Louis et sa maman font la file devant la camionnette du glacier.



Sur le temps d’arriver jusque-là, un client s’est déjà rajouté à la file. Léa fait des grands gestes pour attirer l’attention de Louis. Mais celui-ci n’a d’yeux que pour son cornet de glace que le marchand lui tend. Et la maman aussi s’est offert un beau cornet à deux boules. Elle nous voit, nous fait un petit signe en montrant un coin de pelouse à l’ombre.



Léa file s’installer à côté de Louis. Sa maman est assise en tailleur sur la pelouse, dans l’ombre d’un grand arbre qui lui fait face. Elle est totalement concentrée sur sa glace déjà fondante. Je m’adosse à l’arbre, à deux pas d’elle.


Tout en la regardant, je plonge ma langue entre les deux galettes pour atteindre la fraîcheur blanche et sucrée. J’en recueille un filet coulant, le lape. Un délice.


C’est un autre délice que de voir ma mangeuse de glace se débattre avec son cornet. D’abord une douce succion sur le dessus des boules. Puis un coup de langue précis, traînant tout le long du cornet, de bas en haut, pour rattraper la crème qui s’écoule. Le risque devient grand qu’une goutte atterrisse sur son jean. Prestement, elle écarte les jambes, bien largement, en redressant les genoux pour s’y accouder.


Ses lèvres s’arrondissent autour des boules glacées, les enferment, les réchauffent. Ses joues se creusent un peu pour en extraire le jus crémeux. Les boules réapparaissent, moins vaillantes. Quelques tétées encore, et le reste de la glace disparaît dans le cornet. Ma gourmande y enfonce la langue, profondément, mais c’est l’échec. La glace se dérobe et se réfugie tout au fond du cornet.


Je ferais bien de m’occuper un peu de mes boules qui se font écraser par les deux galettes que je presse. Ma langue se promène sans discontinuer sur la fente d’où s’échappe le liquide onctueux. Je me penche un peu en avant, histoire d’éviter les dégoulinades. En même temps, je relève le regard et vois deux yeux complices qui me fixent.


Elle sourit, revient vers son cornet et réfléchit à la façon de lui faire son affaire. Elle choisit de se laisser basculer en arrière et pose la tête sur la pelouse. Elle dresse le cornet au-dessus de sa bouche, la pointe vers le bas. Elle le titille de ses lèvres, le suçote, l’imprègne de sa salive sucrée. Elle se décide à l’engager entre ses dents, le tranche résolument. Je la vois pomper le liquide, le déglutir, goulûment. Une dernière goutte. Il n’y a plus qu’à grignoter le biscuit qui disparaît bientôt dans sa bouche, pour toujours. Elle inspecte ses doigts, les suce un à un pour les débarrasser de toute trace révélatrice de son régal. Quel régal !


Elle relève un peu le buste en s’appuyant sur les coudes, et m’observe à nouveau. Remarque-t-elle de l’émoi dans mon regard ? Je me dis que oui, car elle se met à bouger doucement les genoux, les rapprocher, les écarter, les rapprocher à nouveau, les écarter… Mes yeux plongent honteusement vers son entrejambe, là où la couture du jean sépare deux dunes mouvantes qui se laissent bercer par le mouvement de ses jambes.


Je goûte la sensualité du moment. Mon esprit s’envole. Des mots surgissent. Ils ne m’aideront pas à m’endormir ce soir. Ma nuit s’annonce agitée.




ooO00oo




Vendredi 16 septembre, dans l’après-midi. Entendre.



Cette fois, c’est ma chère cérébrale qui est en retard. Je dirais même ma sensuelle cérébrale, après tout ce qu’elle m’a fait adorablement endurer hier.


Léa ne veut pas quitter son petit copain qui, ne voyant pas sa maman, commence à sangloter.



Et en effet, la voilà qui surgit au bout de la rue, et au pas de course.



La maman, tout en embrassant Louis pour le consoler, entend la proposition de Léa.



Là, je me dis que je peux arranger les choses.



Et me voici parti avec un bambin dans chaque main, et leurs sacs d’école accrochés à mon épaule. On arrive en cinq minutes à la maison. Le temps d’avaler une gaufrette au miel et un verre d’eau, et les voilà devant les pièces d’un puzzle que Léa connaît par cœur. Louis se sent bien inutile devant l’habileté de sa copine qui termine le puzzle en un temps record.



Et Léa entraîne Louis, prenant au passage quelques vieux journaux. Je les vois entrer dans mon bureau pour y tenir un conciliabule, histoire de fixer les règles de la bataille. J’entends les feuilles de journaux se faire déchirer, froisser, écraser. Les préparatifs se prolongent. Les munitions ne vont certainement pas manquer.


Et puis c’est la guerre, avec ses clameurs belliqueuses à chaque tir de boulet de papier, et avec ses hurlements de victoire, ou de défaite, c’est selon. Les combats sont acharnés et se déplacent de pièce en pièce.


Un petit coup de sonnette m’annonce l’arrivée de la « ScientificWriting Expert » prénommée Julie, comme je l’ai découvert sur sa carte professionnelle.



Décidément, elle n’arrête pas de courir aujourd’hui.



Elle éclate de rire.



Pendant que je nous sers, elle jette un regard circulaire sur la salle de séjour où elle s’est assise pour reprendre son souffle.



Petit moment d’hésitation douloureuse.



On savoure une première gorgée, et je poursuis :



Trop d’émotion. Je vide mon verre. Elle fait de même, en me montrant un visage peiné de m’avoir amené à remuer ces souvenirs. Je nous ressers.



Elle reprend néanmoins une bonne lampée, comme pour s’aider à me dire quelque chose. Elle semble troublée. Elle se lance, émue, avec un timbre de voix qui devient plus ample, plus grave.



Un jour, j’ai été invitée à donner une conférence sur les résultats de mes travaux. Ce congrès de cinq jours était organisé à Saint-Louis, dans le Missouri. Je faisais partie des invités qui devaient parler le premier jour. Nous étions logés dans un même hôtel.

En fin de journée, je suis sortie sur le balcon de ma chambre pour prendre l’air. J’entendais siffloter sur le balcon voisin. Je me suis penchée pour jeter un œil par-delà la séparation entre les deux balcons. Je reconnus un des orateurs du matin. Je connaissais la qualité de sa recherche. J’avais apprécié la clarté de son exposé. Je lui ai envoyé un « hello » sonore. Il sursauta, et pouffa en voyant ma tête dépasser dans le vide. On s’est mutuellement congratulé pour le succès de nos exposés. On s’est mis à discuter de leur contenu.

Voulant nous montrer des résultats, on s’est dit que ce serait plus simple de les discuter dans ma chambre. Il rentra dans la sienne pour aller les chercher. Je me suis dirigée vers la porte du couloir pour lui ouvrir. Surprise, je l’entendis rentrer par la porte-fenêtre de ma chambre. J’ai éclaté de rire en pensant au risque qu’il avait pris pour enjamber la rambarde des balcons. On était quand même au sixième.

Les résultats étaient intéressants. Les données propres. Nos interprétations divergeaient. La discussion s’enflammait, chacun voulant imposer son point de vue. Nous restions sur nos positions, inflexibles. On s’impressionnait mutuellement, scientifiquement. On se découvrait.

Nos corps se sont découverts. On s’est aimé…

Les quatre soirs suivants, on se retrouvait, soit dans sa chambre, soit dans la mienne, mais toujours en enjambant le garde-fou de nos balcons. On était un peu fou. Fou de l’autre.

Le dernier soir, on s’est promis d’enfermer pour toujours notre aventure dans nos jardins secrets, sans plus y faire allusion en aucune façon.


Elle s’interrompt, reprend une gorgée de blanc, en apprécie la fraîcheur. Sans un mot, je la laisse décider pour la suite.



Elle laisse sa phrase suspendue à ses lèvres.



Elle guette ma réaction, le regard un peu inquiet.



Je la laisse un instant face à l’énigme. Je veux poursuivre, mais suis coupé dans mon élan par un braillement.



Et toc, dis-je en moi-même, comprenant la fine allusion.



Haussant les épaules, Julie me fait comprendre qu’on va laisser aller. M’offrant une main énergique et un regard dont elle a le secret, elle me fait à nouveau entendre sa voix pleine de chaleur :



Je l’interromps aussi vite :



Et elle reprend, goguenarde :



Lui prenant la main et l’attirant vers moi, je lui souffle :



Et je lui dépose un petit baiser sur sa joue qui me semble rosir.



Et après avoir fait quelques pas, elle tourne furtivement la tête vers le perron, voit que je la fixe encore. Louis aussi se retourne, et tous deux, sans se concerter, font un petit signe de la main, l’un à Léa, l’autre à moi.



Je me croyais observateur, mais il y en a un qui est vachement précoce. Il doit tenir de ses parents. Sans répondre, j’entame une diversion. Il est temps de partir. Mon fils doit être maintenant rentré chez lui…




ooO00oo




Samedi 17 septembre, 10 heures.


J’ai à nouveau passé une nuit agitée, pleine de rêves où je n’étais pas seul. Tous mes sens étaient en éveil.


Je me décide à inspecter les pièces qui ont servi hier de champ de bataille. Le sol est jonché de boulettes de papier. Quelques barricades de chaises renversées rappellent l’âpreté des combats. Là, dans un coin, je trouve une bouteille d’eau entamée, une boîte à tartine vide et une pochette de crayons de couleur. C’est à Louis. Je m’amuse à penser que ce sont peut-être les restes d’un bivouac.


Voilà une belle occasion pour appeler la maman et lui signaler l’oubli.





ooO00oo




Samedi 17 septembre, un très bon moment après 17 heures.



… Tous mes sens sont sens dessus dessous. Nos corps gisent alanguis au pied du canapé. On a dû en tomber durant nos ébats. Je n’ai aucun souvenir précis, si ce n’est cet abandon total au moment de la fusion de nos orgasmes. Je suis anéanti sous son corps qui m’emprisonne encore. Ses lèvres me ramènent à la vie en me taquinant le lobe de l’oreille.



Dès la rentrée des classes, je t’avais remarqué, avec ton regard scrutateur et ton sourire bienveillant. Tu devenais pour moi l’observateur observé. J’avais vu tes yeux s’attarder bien souvent sur une petite brunette qui ne manquait pas de piquant. De temps en temps, ton regard me frôlait, mais bien trop furtivement à mon goût.

Je te trouvais beau, habillé de la sagesse de ton âge.

Par bonheur, Louis et Léa semblaient bien s’entendre. Et mardi, voilà que tu t’installes à côté de moi sur le banc de la plaine de jeux. Je n’ai pas résisté à l’envie de te frôler le bras. Et même à le presser contre mes seins, avides d’être touchés.

Mais je ne décelais chez toi aucune réaction. Ou bien je n’étais pas celle qui pouvait éveiller tes sens, ou bien tu cachais bien ton jeu. Pour mon moral, j’optai pour la deuxième possibilité.

Mercredi midi, je me suis acheté un petit bouquet de fleurs, en te faisant croire que je l’avais reçu pour mon anniversaire. J’espérais une petite attention, un « bon anniversaire » accompagné d’un bisou claquant. Rien ! Je te signale tout de suite que ce n’était pas mon anniversaire et qu’il faudra encore un peu attendre pour le fêter passionnément, ajoute-t-elle en laissant tomber sa main légère sur son nouveau jouet pour l’instant engourdi dans son écrin de toison mordorée.



Elle dépose sur mon épaule un baiser furtif. Devinant le réveil imminent de la proie qu’elle enserre, sa main s’ouvre et, du bout des doigts, part à la découverte des frissons qui m’envahissent.



Elle me laisse un moment réfléchir à la question, puis poursuit :



Un coup de chaud me paralyse le corps et l’esprit. Elle le perçoit, se remet à califourchon sur moi, promène son sexe impatient sur mes abdos tendus, les enduit amoureusement de nos fluides mélangés. Elle prend mes mains, les pose délicatement sur ses seins, leur impose une juste pression, une juste palpation ondoyante. Rapprochant son visage du mien, elle me murmure :



Voir

Tes grands yeux soyeux

Plongeant dans le bleu de mes yeux,

Éclaboussant d’espoir la clarté noire d’un soir…


Toucher

De mes lèvres ta peau nue,

Caresse contenue, ingénue,

Et embrasser, et embraser ton corps effarouché…


Sentir

Le parfum trouble de ton désir,

L’intime effluve du prélude au plaisir,

M’en étourdir sans repentir…


Goûter

Au charme du fruit défendu

L’offrande onctueuse du fruit fendu,

En gober son velouté pour nous laisser envoûter…


Entendre

Ta respiration chuintante d’excitation,

Le gémissement pressant de ton invitation

À sur toi m’étendre, à en toi me tendre…


L’émotion nous enveloppe, une larme passe d’elle à moi. Puis, retrouvant toute sa fougue, elle ajoute de sa voix grave et chaude, accompagnée d’un sourire carnassier :



Et elle enfonce au plus profond d’elle mon membre à nouveau insoumis… et fécond…


Y aura-t-il une petite surprise déposée par mon jus libéré en Julie Béré ? Je me promets d’être le premier à parler après l’amour, pour lui livrer ce jeu de mots tout pourri, et lui confier un souhait amoureux, tendrement sérieux. Et ce ne sera pas une connerie…