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n° 17720Fiche technique12249 caractères12249
Temps de lecture estimé : 8 mn
03/01/17
Résumé:  Tu passas, belle inconnue, À deux doigts d'être nue...
Critères:  fh frousses inconnu froid fête amour cérébral voir exhib noculotte nopéné tutu conte merveilleu sorcelleri
Auteur : Radagast      Envoi mini-message
Zéphyr

Je dédie ce texte à Patrik et Ldcc, sans qui il n’aurait jamais vu le jour.



Si je me souviens bien, c’était par une belle journée de fin octobre, ce que l’on nomme par chez nous une journée « d’été de la Saint Martin », cette période de l’année qui s’accrochait encore à l’été alors que nous approchions de l’hiver. Faisant fi du calendrier, toute la place baignait dans une lumière digne du plus beau des tableaux des peintres de la Renaissance.

Un peu d’Italie qui descendrait l’Escaut.


Les humains retrouvaient leurs réflexes ancestraux et se chauffaient tels des lézards, se prélassaient au soleil et emmagasinaient les calories en vue d’affronter les frimas, brouillards et crachins. Les hommes portaient encore chemises à manches courtes ou des tee-shirts. Notre astre diurne s’amusait avec les jupes légères des femmes, jouant avec les transparences, réconfortant le cœur des pauvres mâles que nous étions. Je me détendais à la terrasse d’un café, accompagné d’une Kwak ; des lunettes teintées me permettaient de reluquer en toute impunité les jolies promeneuses.


C’est alors que tu m’es apparue, fière de tes trente printemps. Une courte robe soulignait tes courbes parfaites ; quelle en était la couleur ? Je ne m’en souviens plus. Je ne me souviens que de tes jambes longues à l’infini, de la façon que tu avais de toucher le sol de tes pieds délicats.

Je me souviens aussi de tes cheveux d’ambre, de ton regard améthyste qui passa sur moi, indifférent ; pour toi, je ne semblais pas exister.


Pour toi n’existait que le bellâtre qui t’accompagnait, qui se pavanait à tes côtés, fier comme un braconnier qui exhibe un trophée. Ce malotru ne te regardait pas : il observait les réactions des autres mâles, non pas heureux de se trouver près de toi, mais satisfait de rendre jaloux les autres individus de sexe masculin, mariés ou non ; jeunes, adolescents ou vieillards presque gâteux, tous te regardaient et l’enviaient.

Sauf moi. Je le haïssais.


Tu ne marchais pas : tu caressais les pavés de tes ballerines, tu flottais plus que tu ne te déplaçais, telle une déesse païenne des temps anciens, une déesse destinée à recevoir mes présents, mes prières. Je me voyais passer le reste de mes jours et de mes nuits à tes pieds et à te vénérer.


Ton postérieur se balançait sous la fine étoffe et m’hypnotisait, tel le pendule de Foucault, défiant les lois de la physique quantique et de la médecine ; mon cœur donnait des signes de faiblesse, il semblait vouloir sortir de ma poitrine, hoqueter, battre avec frénésie ou s’arrêter définitivement. Je transpirais et grelottais ; il me fallait un défibrillateur, un médecin, une assistance respiratoire, un prêtre pour les derniers sacrements !


C’est alors que le vent se mêla de cette histoire. Non pas la bise ou la traverse, pas la burle ni le mistral, mais un léger vent fripon, un zéphyr coquin et doux, presque chaud ; un vent qui caressait plus qu’il ne soufflait. Éole venait à ma rescousse ! Le dieu des vents te vénérait lui aussi et venait au secours du pauvre hère que j’étais.


Il vint jouer dans tes mèches de feu, fit flotter ta chevelure telle une bannière. Tu dégageas ton visage d’un geste gracieux ; je remarquai seulement tes bras nus et blancs, les fines bretelles qui dévoilaient tes épaules d’albâtre.


Ce vent t’horripila-t-il ? Je remarquai tes framboises qui pointaient à travers le fin tissu : le dieu taquin amignonnait tes seins, les cajolait tels des trésors, et tu réagissais à ces câlins ; j’aurais voulu y poser ma bouche, j’aurais voulu devenir ne serait-ce qu’un demi-dieu pour en faire Autan.


Non content de s’occuper de ta crinière et de ta poitrine, le vent malin vint s’amuser avec l’ourlet de ta courte robe. Tout occupée à ranger ta flamboyante chevelure, tu délaissas le bas de ta tunique ; une délicate bourrasque s’y engouffra et souleva la fine étoffe jusqu’à ta chute de reins.


Je ne pensais pas entrevoir un jour le jardin d’Éden, le paradis perdu ; je le vis ce jour-là sous ta jupe virevoltante, dès qu’un dieu égrillard et complice m’en donna l’occasion. Aucun voile, aucune culotte de soie arachnéenne ne cachait les trésors de ta robe soulevée. De mes yeux émerveillés, je découvrais ta croupe de rêve, tes fesses divinement fendues d’un sillon que j’aurais aimé pénétrer de mon soc, tes miches briochées que je désirais goûter, pétrir, cajoler, vénérer…


« Rien n’est plus beau qu’un cul de femme… » disait le poète ; il ne connaissait pas tes rotondités ! Je restais béat, statufié, figé, pétrifié ! Ce que je venais de voir semblait loin du regard de Méduse, mais pourtant les effets étaient les mêmes.


Le vent se calma ; la jupe retomba. Le sortilège semblait rompu. Je me réveillai, sortant d’un songe. Je venais de succomber au charme de Circé : ma vie ne serait jamais plus comme avant.

Je ne sus jamais si d’autres que moi furent témoins de ce miracle.


Tu continuais ta route, si belle et si inaccessible, tandis que je restais cloué sur ma chaise. Moi, simple mortel, je venais d’entrevoir l’Olympe ! Tu venais de planter dans mon cœur une épine de rose de feu ; elle réchaufferait mon âme alors que l’hiver ne tarderait pas à m’étreindre de ses frimas.


Éole n’en avait cependant pas fini avec moi ni avec toi, bien que tu en fus complice…


À peine ton vêtement retombé, subissant de nouveau les lois de la gravité, un autre cadeau des vents me prit par surprise : un nouveau souffle léger, un tourbillon facétieux vint s’amuser de ton vêtement, le souleva de plus belle. J’eus de nouveau la vision paradisiaque de tes courbes, de tes fesses parfaites.


Alors que cette délicate rafale m’emmenait aux cieux, tu tournais sur toi-même, tu dansais avec les alizés, tu riais silencieusement en te tenant les cheveux, indifférente au spectacle céleste que tu m’offrais. Tu ne rabattis pas le tissu sur tes trésors. J’enviais de déposer des baisers sur ces aires de ta peau que lui seul actuellement caressait.


J’eus ainsi non seulement l’image de tes fesses, mais aussi celle de ton brugnon doré, de cette fine toison de feu qui incendia mon esprit. Tout à sa satisfaction, le benêt qui te précédait ne vit rien de cette si belle danse païenne. Il ne s’occupait que de lui et de sa gloriole.


Tu me regardais ; ton regard me transperçait. Ton sourire canaille uniquement destiné à ma petite personne fit bondir mon cœur. Tu mis ton doigt sur tes lèvres, m’intimant un silence que je ne désirais nullement rompre. Le vent continuait de jouer avec ta vêture ; je ne voyais que tes yeux : tu me tenais dans tes rets.


Je savais que jamais je ne te reverrais ; ma vie ne serait plus jamais pareille : ton souvenir me réchaufferait le corps et le cœur, je chérirais cet instant béni qui n’avait duré que quelques secondes, mais qui pour moi durerait une éternité, durera pour l’éternité.


Comment t’y pris-tu ? Je ne le sus jamais. Peut-être es-tu vraiment la fille d’Éole, de Njörd* ou de Shu*, à moins que tu ne sois la préférée de Zeus ; mais de tes doigts délicats tu agitais une mince languette de vélin, et tu la confias aux bons soins de l’Albe. Parchemin magique écrit par une sorcière, qui le temps d’un instant abandonna son balai pour venir me jeter un charme. Le souffle fit s’envoler ce mince morceau de papier ; je le suivis du regard alors qu’il s’élevait haut dans le ciel.


Pendant ces brefs instants tu disparus dans la foule. Il me sembla entrevoir ta chevelure. Tu étais partie ; je redevenais un simple humain, triste malgré le soleil de l’été de la Saint Martin.


Un petit bout de papier retomba des nues, passa devant mes yeux éberlués et vint se coller sur la buée de mon verre de bière. Y étaient écrits à l’encre améthyste les dix chiffres d’un numéro de téléphone.


~o~



En ai-je mis du temps, à composer ces dix chiffres ! Combien de fois les ai-je caressés du regard ? Combien de fois en ai-je commencé la numérotation, m’arrêtant au beau milieu, pusillanime ? Je n’osais m’immiscer dans ton univers, venir souiller de mes gros sabots tes délicates roseraies. Mais comme chacun sait, difficile de résister à la tentation.


Tremblant, j’ai failli raccrocher lorsque j’entendis ton souffle.



Des sirènes tu possédais le chant ; je fus envoûté, à jamais. Ta voix me donna des frissons, mon pelage se hérissa.



Tu ne donnais pas un ordre : tu invitais, tu conviais. Je ne pouvais refuser.

J’allais fêter en ce début d’année mon anniversaire ; tu m’offrais mon plus beau cadeau.


~o~



La place grouillait de promeneurs et de fêtards ; les premiers flocons tombaient. Sur le beffroi, l’horloge égrenait les dernières secondes de l’année, scandées par la foule.



Je me demandais comment te retrouver… Pauvre de moi : j’oubliais tes pouvoirs divins. Alors que je tentais de repérer ta crinière de feu, les vociférations atteignirent leur paroxysme.



Je ne te voyais pas, mon estomac se contractait.



Je devinais plus que je ne sentais une présence derrière moi.



Je me retournai et me noyai dans tes yeux et ton sourire. Un bonnet blanc couvrait tes cheveux.



Tu agrippas mon cou et déposas le plus sensuel des baisers sur mes lèvres. Les tiennes portaient le goût de la noisette, de l’amande et du gingembre.



« Elle ne peut mieux débuter… » furent les premiers mots qui sortirent de ma bouche, aussitôt close par un nouveau baiser.



~o~



Tu es allongée, nue, à mes côtés, les cheveux étalés comme une corolle de flammes autour de ton visage. La tête posée sur l’oreiller, ton regard filtre entre tes paupières mi-closes ; tu me souris, énigmatique.

Je caresse la courbe de ton dos, des épaules à la chute de tes reins. Je laisse mes doigts s’égarer sur tes fesses ; tu frissonnes et ronronnes.



Peut-on refuser quelque chose à une déesse capable de maîtriser le Vent et le Temps ?


~o~



Je suis depuis lors le seul prêtre et l’unique fidèle d’une merveilleuse religion : je vénère la déesse des Airs et des Heures. Nul ne peut la retenir ; elle a cependant décidé de résider entre mes bras.



~o~




* Njörd et Shu : dieux des vents, viking et égyptien.


** On ajoute parfois une seconde à une minute pour raccorder le temps astronomique et le temps légal. Cette seconde se nomme « seconde intercalaire » : la minute dure alors 61 secondes. L’avant-dernière en juillet 2015 ; la dernière le 1er janvier 2017 à 0 h 59.